Chapitre 59- Portrait-robot.
Izuku commençait à perdre patience devant la porte ouverte de la salle des professeurs. Il pouvait apercevoir de nombreux bureaux couverts de paperasses d'où émergeaient un écran d'ordinateur ou la tête d'un professeur concentré.
- Tu as besoin d'aide gamin ? l'interpella un homme grand et musclé qu'il finit par reconnaître comme étant le héros sanguinaire, Vlad King.
Sans son costume d'un rouge flashy et d'un gris métallique, il avait l'air d'une personne tout à fait ordinaire. Ses cheveux décolorés étaient soulevés par du gel et l'adolescent trouvait que cela marquait d'avantage la forme angulaire de sa mâchoire dont ses canines inférieures dépassaient.
- Euh, non, ça va, j'attend monsieur All Might. Nous nous étions donné rendez-vous ici pour...
La fin de sa phrase s'essouffla d'elle-même. A force d'attendre, Izuku avait perdu sa conviction. Il sourit innocemment à l'adulte qui reprit son travail sans s'inquiéter.
Le vert sorti son téléphone pour consulter ses messages, puis l'heur, constatant que rien n'avait changé depuis ces cinq dernière minutes. All Might devait probablement courir après le crime ou dieu-savait-quoi comme à son habitude. Il serait juste un peu en retard. Il ne l'avait pas oublié, tentait de se rassurer le gringalet planté dans le couloir.
Maintenant qu'il y songeait, Izuku n'avait jamais croisé Vlad King dans l'enceinte de l'école avant ça. Il avait simplement été présenté avec le reste du corps enseignant dans le gymnase le jour de la rentrée. Il était professeur principal de la 1-B et enseignait des matières héroïques.
Comme parcourut par un éclair, Izuku revint soudainement sur ses pas :
- En faite, monsieur, j'aurais bien une chose à vous demander.
L'homme au loin releva la tête, remettant ses lunettes rectangulaires en place.
- Hum ?
Izuku traversa la salle jusqu'à son bureau d'où fumait une tasse de café sponsorisée par un organisme de don du sang. Il présenta son carnet numéro treize sur une double page qui n'avait pas été brûlée ou mouillée :
- Est-ce qui vous pourriez me signer un autographe ?
Surprit, Vlad King se mit à bomber le torse. Ce n'était pas tous les jours que des jeunes fans venaient s'intéresser à lui. Il y en avait toujours pour All Might, Present Mic et Midnight, mais lui, finissait par passer à la trappe avec Eraser Head comme compagnon d'infortune. Sauf que ce dernier était un héros underground, et que lui, se fichait de passer inaperçu.
Il signa avec grand plaisir le carnet, le moral remonté à bloc.
- Merci ! Dîtes, je me demandais aussi... Est-ce que les gens ont déjà eu peur de votre alter, parce qu'il était lié au sang ?
Vlad King fronça farouchement les sourcils. Izuku se doutait qu'il ne comprendrait pas sa question...
- Non, du tout. C'est vrai que les vilains sont parfois surpris de me voir utiliser mon pistolet à sang, mais pour le reste... Je contrôle principalement le sang dans mon organisme, pour optimiser ma force, alors ce n'est pas vraiment visible. Pourquoi me demandes-tu cela ?
- Je... J'ai une amie qui a un alter comme le vôtre, mais elle... Euh, comment dire... Les gens ont des préjugés sur elle à cause du « sang ».
- Comme c'est fort regrettable... La diversité des alters est une véritable richesse à côté de la quelle passent tous ces jeunes gens focalisés sur la puissance brute. On ne devrait pas craindre les alters, mais plutôt la façon dont on s'en sert, parce qu'au fond, ce ne sont que des outils. Avoir un alter de sang, ça ne veut rien dire : je connais beaucoup de médecins respectables qui ont sauvé des vies grâce à leur alter de sang. Dis à ton amie qu'elle devrait être fière de son alter, parce que je suis la preuve vivante que l'on peut devenir un héros avec ce type de pouvoir !
Malgré-lui, le professeur n'arrivait plus à s'arrêter de parler. Il avait tellement de fois gardé son avis pour lui sur des centaines de sujets controversés, que tout était sorti d'une traite. Izuku pouvait ressentir la frustration être remplacée par le plaisir de partager son expérience personnelle.
Si seulement Toga était là pour l'entendre...!
- Je le lui dirais ! Merci beaucoup de m'avoir accordé votre temps, monsieur ! s'inclina-t-il respectueusement
- Oh oui, c'est vrai qu'il me reste toutes ces fiches informations à numériser... N'hésite pas si tu as d'autres questions à me poser, gamin, je passe bien trop de soirées à ce bureau. Un peu de compagnie ne serait pas de trop, ha ha !
Le rire du héros était fort et sincère, alors que celui d'Izuku se faisait plus nerveux. Il revint timidement à l'entrée de la salle, hésitant sérieusement à appeler le numéro d'All Might. N'était-il pas déplacé de le contacter si directement, sur son numéro personnel en plus ?!
Le vert n'eut pas le temps de se poser plus de question qu'une bourrasque impressionnante d'air traversa le couloir :
- La cavalerie est là !
Izuku sursauta, puis découvrit un All Might rayonnant et grandiose en face de lui.
- J'espère que je ne t'ai pas fait trop attendre, jeune Midoriya. J'ai été retenu par cette dame au comptoir du pressing et, holy godness, qu'il était dur de lui faire comprendre que je ne voulais pas qu'elle me lave la veste, mais qu'elle me raccommode le col !
- Vous faites raccommoder vos costumes dans des pressings ? répéta le garçon qui ne s'était jamais imaginé son idole réaliser cette action pourtant si banale.
- Oui, c'est ma mère qui préférait réparer plutôt que jeter des affaires récupérables parce qu'elle... enfin, peu importe. J'aurais aimé pouvoir le faire moi-même, mais le temps me manque cruellement. D'ailleurs, en parlant de ça... continuons notre conversation dans un endroit à l'abris des regard.
All Might embarqua le gringalet d'un bras chaleureux . Ils entrèrent dans une petite salle semblable à un salon avec un canapé kaki et un coin cuisine. La pancarte à l'entrée disait : « salle de pause n°3 ».
- Installe-toi, mon garçon, l'incita vivement le héros.
Izuku prit place sur un tabouret rangé au fond de la salle qu'il déplaça dans un terrible crissement. Quand il se recentra sur son interlocuteur, il avait face à lui non pas le symbole inébranlable de la paix, mais un homme rachitique qui se préparait du thé au dessus du lavabo.
Cette vision fit de la peine au fanboy. Ses épaules recourbées, ses gestes si relâchés et désinvoltes... Le corps d'All Might croulait sous la pression. Il ne demandait qu'une longue retraite bien méritée.
- Vous avez l'air épuisé monsieur All Might. Etes-vous sûr d'avoir récupéré de votre intervention au USJ ?
- Don't worry, j'ai l'habitude de repousser mes limites. Et puis notre chère Recovery Girl fait toujours du très bon travail, il n'y a pas à dire !
- J'ai entendu dire que vous aviez affronté un monstre avec de multiples alters : comment est-ce possible ? N'étiez-vous pas le seul à posséder un alter « spécial » ?
A cette seule mention de l'incident du USJ, l'homme souffla péniblement.
- Je l'espérais... Ahh, I can't help it ! Je n'y comprends plus rien à ces vilains... Quoi qu'il en soit, la police s'occupe d'étudier le cas de cet étrange individu. Je ne laisserai plus personne faire du mal à mes élèves.
La théière traditionnelle se mit rapidement à siffler de la vapeur. L'obersateur n'osait pas dire un mot de plus, parce qu'All Might était loin de plaisanter à ce sujet et que le ton qu'il venait d'employer était terrifiant.
Le professeur en costume bleu rapporta de quoi se servir un verre sur la table basse où attendait sagement Izuku.
- Enfin, ça devient de plus en plus compliqué de tenir mes promesses... Avec cinquante minutes par jour, je suis très embêt-
- CUINQUANTE MINUTES ?!
- Ouais... confirma All Might, peu fier de lui. C'est ma limite actuelle, et elle diminue en permanence. Vendredi, j'ai pu maintenir ma forme musclée bien plus longtemps parce que des vies en dépendaient et que je débordais d'adrénaline... Mais à cause de et excès, mon temps se consume plus vite que prévu maintenant. Mon maximum, c'est une heure et demi si je me pousse à bout.
- Wow, je suis désolé, j'aurais pu- commença le sans alter par réflexe.
- No, no, no, qu'est-ce que tu racontes mon garçon ? Tu n'as pas à t'excuser, enfin !
Izuku regarda avec compassion l'homme tousser du sang à cause à sa cicatrice au ventre. C'était pourtant vrai, il aurait pu voir le danger arriver. Les journalistes, l'alarme à la cantine... Et pourtant, il avait ignoré tous ces signes avant-coureurs. C'était idiot, mais Izuku avait le sentiment qu'il aurait pu faire plus ce jour-là. Quoi ? Il n'en avait pas la moindre idée.
- Mais parlons du plus important : pourquoi voulais-tu me voir en urgence ?
- Je me suis rendu compte que je ne pouvais pas vous chercher un successeur si je ne sais pas quelles sont vos attentes, vos critères de sélection... Le One for All est une grande force et une grande responsabilité, il pourrait rendre une personne avec un alter déjà très puissant, quasiment invincible. Le seul inconvénient, c'est qu'il faut que son profil psychologique soit adapté parce que sinon il ne tiendra jamais le coup...
Les murmures d'une réflexion profonde se déversèrent dans un flux inarrêtable. All Might faillit recracher sa gorgée de thé quand il entendit que le jeune Midoriya utilisait des termes très professionnels comme la notion de « profil psychologique ». Quel adolescent pensait à cela en premier ?!
All Might s'éclaircît la gorge, avant de répondre :
- Mes critères de sélection... Il me faudrait quelqu'un... Comme toi, ah ah ! Tu as véritablement l'âme, non, la fougue d'un héros ! Tu es parvenu à me secouer au plus profond de moi-même quand je pensais ne plus avoir la force de maintenir mon autre forme à la galerie marchande. Et là, je me suis dit : « on se ressemble beaucoup, lui et moi ! ». Je ne sais pas vraiment comment, mais j'ai su que tu rendrais le monde meilleur si tu possédais mon alter.
- Alors vous cherchez quelqu'un de confiance, avec de bonnes intentions ? Et pour l'alter ? Il y a tellement de possibilités, le One for All pourrait compléter un alter plus passif. Imaginez que l'on donne votre alter à votre ancien acolyte, Sir Night Eye, il pourrait dépasser de loin vos performances au long terme !
Izuku lu du regret sur le visage d'All Might. Quelque chose le tourmentait, et cela avait à voir avec son ancien et unique partenaire. Ses yeux se perdirent une seconde dans sa tasse de thé, avant de répondre :
- Humm, tu n'as pas tord, mais je pense qu'on devrais d'abord se concentrer sur son « profil psychologique », as you said. Je ne peux pas me permettre d'imposer un tel fardeau à un jeune, surtout s'il décide d'arrêter l'héroïsme au bout de seulement quelques années d'exercice. Être un symbole de la paix, c'est un engagement à vie. Et regarde, tu as beau être le candidat idéal, tu as préféré de préserver de ce poids. The truth is : la détermination est un facteur essentiel.
- Bien sûr, je vois. Dans ce cas, je dois faire une première liste des personnes déterminées à s'investir dans le rôle de héros sans me préoccuper de leur alter. Ensuite, je ne garde que ceux qui ont un alter avec du potentiel et puis je regarde ceux qui seraient les plus intéressants à combiner avec votre super-force. Oh, et il va sans dire, que l'élève doit avoir « l'âme d'un héros ».
- Ne te prend pas trop la tête avec cette sélection, mon garçon. Tu as le temps, tu vas rencontrer de nombreux autres élèves dans les autres classes... Je suis persuadé que le bon choix t'apparaîtra comme une évidence, tel que ça a été le cas pour moi. Mais pour le reste, tu fais bien : propose-moi une liste d'élèves quand tu seras prêt et je m'informerai sur eux à partir des dossiers de l'école.
- Mais on ne peut pas prendre notre temps : vous n'en avez plus beaucoup ! Sans parler de cette « Ligue des Vilains », elle vous visait personnellement, il ont dû remarqué un changement en vous, c'est vraiment mauvais signe...
- Oh si tu savais, jeune Midoriya. J'ai arrêté de compter les gens qui voulaient ma tête. Ça ne m'impressionne plus depuis le temps...
Le visage d'All Might s'assombrit progressivement, croisant les mains comme si cela pouvait réunir ses maigres forces.
- Pour parler très franchement, je ne vais plus rester très longtemps le symbole de la paix, quoi qu'il se passe. Et ceux qui attendent dans l'ombre parmi les vilains l'on sans doute déjà remarqué, en effet.
- Mais, mais... balbutia Izuku, s'imaginant de terribles scénarios.
- Mais, s'il y a une erreur que l'on ne doit pas commettre, c'est de se précipiter pour choisir et préparer mon successeur. So, chill out, my boy. Ça m'a pris des années à moi, et se sera sûrement le cas pour lui aussi. L'équilibre que j'ai instauré dans la société actuelle est suffisant pour maintenir la paix en attendant l'arrivée d'un nouveau symbole.
- C'est impossible...! Il est scientifiquement prouvé que votre retraite lancera une nouvelle vague de vilanisme d'une ampleur qui n'a jamais été vue depuis l'arrivé des héros dans la société ! Je veux dire- tout va s'écrouler si personne ne vous remplace immédiatement, en terme de puissance. Même les meilleurs héros du classement héroïque réunis ne seraient pas suffisants pour égaler votre influence !
All Might, bomba à la renverse de son canapé matelassé, vaincu par tant d'arguments d'une logique incontestable.
- What is certain, c'est que personne ne t'égale dans le classement du non-sens, jeune Midoriya !
- Le non-sens ?
- Tout ne repose pas sur des statistiques scientifiques dans la vie ! se plaignit-il en se relevant. Je n'ai jamais été le symbole de la paix à moi tout seul : ce sont les citoyens qui font vivre le symbole et pas l'inverse. C'est bien plus que simplement arrêter le crime, c'est une idéologie qui repose sur des valeurs bénéfiques, comme l'entraide et la liberté... Alors tant que les japonais croiront au symbole de la paix, la société surmontera les épreuves et les menaces, même sans lumière pour les guider. Parce qu'ils sauront trouver la lumière en chacun d'entre eux. Nous avons tous le pouvoir de faire les bons choix pour défendre ce qui nous est cher. J'ai confiance en eux, just as they trust me everyday.
- Ce que vous dites, c'est si... inspirant...
Le fanboy était ému par ce discours digne d'un prix nobel. L'envie de retranscrire ce qu'il venait d'entendre sur son blog le démangeait sérieusement.
- Ah ah ! J'espère que tu as saisi l'idée au moins, minimisa l'adulte en se frottant les cheveux. Y a-t-il d'autre points que tu souhaiterais éclaircir ?
Izuku attendit qu'il termine de redresser le canapé pour répondre à sa question.
- Est-ce que vous m'accorderiez une interview, monsieur All Might ?
- Pour ton blog ?
Izuku hocha plusieurs fois la tête. Les mains rhumatisées du numéro un s'accolèrent à son thé pour se réchauffer. Il but une nouvelle gorgée sans demander son dû, faisant patienter son élève :
- Kha, soupira-t-il. Je ne suis pas contre, mais si tu révèles des informations à mon sujet, celles qui sont sensées être secrètes, alors tu ne pourras pas la publier où que ce soit.
- Oui, je comprends, je ne publierai jamais ces informations-cis en ligne. Auriez-vous un créneau pour cet interview ? Un face-à-face serait super, si vous m'autorisez à enregistrer nos voix, parce que sinon, personne ne croira que c'est vraiment vous.
- It would be a pleasure, my boy. En considérant tout ce que tu fais déjà pour m'aider... c'est la moindre des choses. Humm, je dois vérifier mon emplois du temps, mais j'aurais peut-être une heure entière de disponible d'ici deux semaines. A la fin des cours, de préférence.
Izuku fut étonné de constater que le héro-professeur avait si peu de temps libre à consacrer à ses élèves alors qu'il était souvent sur le campus. Finalement, ce n'était pas si étonnant que ça, venant d'All Might, l'homme le plus occupé de la planète.
- Comme maintenant, dans cette salle ?
- Tout à fait. Oh, my bad, j'ai oublié mon agenda dans mon appartement...
- Vous avez un appartement à Musutafu ?
- J'en loue un pour pouvoir limiter les aller-retours entre Tokyo et Yuei. C'est plus pratique pour poser mes affaires aussi, lorsque je passe plusieurs jours d'affilé ici.
- Vous avez l'une des plus grandes fortunes du pays, vous pourriez avoir tellement mieux... Comme une seconde All Might Tower !
All Might réfuta immédiatement cette idée d'un air gêné :
- Non, je suis très loin d'être comme ça ! Je vis comme tout le monde, tu sais. Mon argent passe plutôt dans des investissements au travail et les œuvres de charité.. La All Might Tower, c'était une idée d'une de mes assistantes en cheffe, pour mon image publique, tout ça tout ça... En général, je préfère rester discret, surtout quand je ne suis plus All Might.
- Oh, c'est vrai qu'All Might n'est que vôtre pseudonyme de héros... se souvint le fanboy.
En faite, personne ne connaissait le véritable nom d'All Might. Le gens se sentaient proche de lui, croyaient tout savoir de ses exploits... Mais tout cela, tout ce que le lycéen avait ressentit durant toute son enfance, ce n'était qu'une ridicule illusion. Qu'une stratégie markéting, « une image publique »...
Depuis qu'Izuku s'était rapproché de lui, il pouvait facilement distinguer l'énorme part d'ombre et de secrets que gardait son idole derrière sa façade rayonnante. All Might n'était pas un dieu ou ni rien d'extraordinaire, All Might était un homme, comme il en croisait tous les jours dans le train.
Il était aussi vulnérable que n'importe qui.
Qu'un sans-alter.
Alors, qu'avait-il idolâtré avec tant d'énergie toutes ces années ? Un mensonge ? L'illusion d'un symbole ? Une image publique ?
- Mon vrai nom est Yagi Toshinori. Je pense que tu mérites de le savoir, depuis le temps. Les personnes sur cette planète qui le connaissent se comptent sur les doigts de la main, et je tiens à ce que ça reste ainsi.
Le vert ne se senti étrangement pas gratifié de faire partie de ces privilégiés. Alors qu'il avait passé des heures à parcourir l'internet à la recherche du moindre indice sur la véritable identité du héros, qu'il avait visionné des centaines de fois chacune de ses interview, examiné chaque mot qui était sorti de sa bouche, ses trajets... Maintenant qu'il n'avait plus d'intérêt à devenir un héros, toutes ses informations croustillantes n'avaient plus aucune valeur à ses yeux. Ce qui l'intéressait, c'était de découvrir l'étendue de sa souffrance.
C'était égoïste, mais le sans-alter se sentirait mieux s'il avait la confirmation que son idole avait connu une souffrance similaire à la sienne. Un Deku à des années lumière du parfait All Might... Ces surnoms n'étaient que des images sociales façonnées de toutes pièces. Déformées.
Toshinori-sensei avait raison, ils n'étaient pas si différant que ça, au fond des choses.
- Avez-vous de la famille, monsieur ?
Une question indiscrète, soudaine. Pour le héros, c'était un coup de pied qui venait d'ébranler à lui seul l'entièreté de sa vie personnelle.
Toshinori-sensei resta bouche-bée. Il ne savait pas quoi répondre à ça, en toute franchise.
Il n'avait jamais pris le temps d'y songer. Fonder une famille. Prendre soin de la sienne.
Les seules personnes à qui il avait tenu n'étaient plus de ce monde. Ses parents avaient péris dans un attenta terroriste alors qu'il était au primaire. Son unique grand-père l'avait élevé comme son propre fils dès lors.
Yagi n'avait pas gardé beaucoup de souvenirs de son grand-père. Il avait été si focalisé sur son objectif d'apporter la paix dans le monde, de devenir un héros pour ne plus jamais qu'il sévissent des attentats... qu'il n'avait pas correctement profité de sa présence.
Il avait entre-temps rencontré sa mentor qui avait rendu ses rêves possibles et avait filé à Yuei sans voir le temps passer. Alors qu'il n'avait pas encore finit sa formation, All for One les avait attaqué et Shimoura-sensei avait été assassinée. Il n'avait pas été capable de la sauver. Après cet épisode tragique, il avait si bouleversé, enragé, menacé, que l'acolyte de son mentor, Gran Torino, l'avait forcé à changer ses plans de vie.
Il devait encore s'entraîner, s'entraîner, s'entraîner, toujours plus... Mais il ne pouvait pas faire cela au Japon à cause de son némésis.
Il avait donc demandé à faire ses stages d'alternance aux États-Unis. Une nouvelle vie, une bonne dose de déni, et le voilà qu'il essayait de se faire un nom dans le monde héroïque. Un an plus tard, il apprit pour la crise cardiaque de son grand-père. Mais il ne pouvait pas revenir. Pas tant qu'il ne serait pas plus fort. Infiniment plus fort.
All Might était né au prix de nombreux sacrifices. Depuis qu'il était devenu All Might plus de temps qu'il n'incarnait Toshinori Yagi, il n'était jamais parvenu à tisser des relations intimes. Il avait certes de très proches amis comme le scientifique David Shield ou le policier Naomasa qui savaient la plupart de ses secrets, Toshinori n'avait jamais pu les impliquer réellement dans sa vie.
Sa vie était un combat, une lutte qui le dépassait contre le symbole du mal sur Terre.
Sa vie était dangereuse. Ce qu'il s'était passé avec Sir Night Eye en était la preuve. C'était exactement pour cela qu'il tenait tout le monde à distance. Que ce ne restaient que des connaissances. Qu'ils ne partageait pas sa vie avec eux.
A ce moment, Toshinori vit sa vie défiler devant lui. Ces flash-backs laissèrent place à un vide terrifiant. Le thé avait un goût amère.
Depuis toutes ces années à jouer les héros avec le sourire, il avait été seul. Incroyablement seul.
Comment n'avait-il pas pu s'en rendre compte ?
- Monsieur ? le rappela le jeune Midoriya à la réalité.
L'homme eu un sursaut de confusion, puis se remémora la question à laquelle il était censé répondre. Il s'efforça de garder un sourire tiré, même si sa chirurgie facile n'en laissait rien paraître.
- Unfortunately, mes activités professionnelles ne me le permettent pas.
- En êtes-vous sûr ?
Toshinori trouva très étrange que le garçon insiste sur ce point, comme s'il avait décelé qu'il y avait plus que ça derrière cette piètre excuse.
- Oui, j'ai réalisé avec le temps qu'être un symbole de la paix n'était pas compatible avec la vie de famille... Je voyage beaucoup, je fais des heures sup' malgré-moi. Si j'avais une femme, elle serait morte d'inquiétude depuis longtemps !
Izuku fronça les sourcils, se figea durant une seconde, avant de se décider à sortir un carnet de son sac comme celui dans lequel le héros avait signé son autographe.
- Je devrais aussi prendre ça en compte : votre successeur doit être dédié à cent pour cent à sa carrière de héros... griffonnait le consciencieux.
- Maintenant que tu en parles, puisque ma retraite est proche, je devrais pourvoir l'envisager sérieusement. D'avoir une famille...
- Bien sûr, il n'est jamais trop tard monsieur !
Le regard mélancolique de Toshinori s'adoucit. Le jeune Midoriya était vraiment un garçon adorable. Il s'inquiétait pour lui, l'encourageait chaleureusement... Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas été touché par une sincérité innocente.
Cela lui rappelait ses débuts de héros, quand les gens le remerciaient de les avoir sauvé sans savoir qui il pouvait bien être. Un simple « merci » suffisait à égailler ses journées et il se sentait alors parfaitement à sa place dans l'univers.
Si seulement je pouvais remonter le temps... songeait-il, alors qu'il essayait d'ériger un portrait-robot du successeur idéal avec son « stagiaire » dans une conversation animée.
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A la lumière de sa lampe All Might, Izuku terminait de mettre ses notes à jour. Il parcourait les pages qui présentaient le profil de tous les élèves de la 1-A avec un regard neuf. Grâce à son entretient avec All Might, tout lui semblait plus clair.
Son crayon fit de nombreuses croix à côté de certains noms. La liste des potentiels candidats à recevoir l'héritage du numéro un se réduisait considérablement. Néanmoins, il y avait ajouté aussi un nouveau nom : Hitoshi Shinsou.
La découverte de la nature de son alter avait fait naître un feu d'artifice de possibilités dans la tête du vert. Un tel alter se mariait naturellement au One for All, ce qui permettrait de limiter encore plus le nombre de victimes, et peut-être même de prévenir les attaques de vilains avant qu'elles n'arrivent !
Izuku ne savait pas encore comment le « brainwashing » de Shinsou fonctionnait exactement, ses limites ou ses conditions d'activations... Mais même sans ces informations, son ami présentait déjà tellement de potentiel ! Il avait définitivement besoin d'en savoir plus à son sujet, de le faire intégrer la filière héroïque... Qu'il avait hâte de débuter son entraînement au gymnase de l'école !
Enfin, il ne devait pas négliger pour autant les autres candidats. Comme l'avait dit Toshinori-sensei, il aurait l'embarra du choix, et un fois devant le tableau complet, la solution lui apparaîtrait comme une évidence. Il ne lui restait plus qu'à apprendre à connaître tout ce beau monde, ce qui ne serait pas une mince affaire, d'après ses estimations.
Les yeux irrités par la lumière éblouissante, l'adolescent décida de se glisser dans son lit. Il rangea ses affaires dans son sac, ferma ses volets, et pu enfin se détendre en position allongée.
Mercredi, il s'attaquerait à la 1-B, se rappela-t-il. Cette idée lui faisait très envie, qu'importe si cela augmentait un peu plus sa charge de travail. Quand il s'agissait d'analyses et d'alters, rien n'était pénible pour IZUK09.
...A part peut-être, essayer de trouver le sommeil.
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