Elle soupira. Le réveil était éteint depuis quelques minutes déjà, mais elle n'avait aucune envie de sortir de son lit. La chaleur de la couverture était parfaite, le moelleux de son matelas aussi, et même la position de sa tête sur son oreiller lui donnait envie de retourner dormir. Pourtant, elle ne pouvait pas. Les vacances étaient finies, et c'était la rentrée. Sa rentrée au lycée, qui plus est.

─ Miho, bouge toi ! cria sa mère depuis le rez-de-chaussée.

L'adolescente grommela quelques paroles inintelligibles, et enfonça sa tête sous son oreiller. Encore cinq minutes de plus dans ce paradis, c'était tout ce qu'elle demandait. Après avoir passé les trois dernières semaines à s'endormir à pas d'heure et à se lever quand sa mère venait la sortir par la peau des fesses pour manger le midi, le réveil à six heures piquait.

─ Miho !

─ Ouais, c'est bon, j'arrive...

Tirant la tronche, ses cheveux noirs en pagaille autour de sa tête, elle sortit finalement de son lit. En quelques enjambées, elle traversa sa chambre, puis le couloir, pour partir se coiffer un minimum dans la salle de bain, avant de retourner mettre son tout nouvel uniforme. Une jupe grise banale et un cardigan bleu sombre. Elle ne garderait sûrement que sa chemise blanche, puis que les températures augmentaient déjà. Une fois prête, Miho attrapa son sac de sport, prêt de la veille, et son sac de cours, et descendit dans la cuisine, où l'attendaient ses parents adoptifs.

─ Tu détestes être en retard, mais tu trouves toujours le moyen de partir le plus tard possible, sourit son père en mangeant une cuillérée de riz fumant.

─ Tu t'es couchée à quelle heure encore ? râla sa mère en voyant les cernes qui encadraient ses yeux chocolats.

─ Je sais pas... mentit-elle en commençant à se servir.

Un peu de riz, un peu d'omelette, et du maquereau. Sa mère s'était dépassée ce matin, sûrement parce que c'était la rentrée. Fatiguée, mais pleinement réveillée, Miho avala son petit déjeuner en quelques minutes, et remonta pour finir de se laver. Visage, dent, coup de déodorant et léger maquillage : il ne fallait pas que les surveillants le voit, sinon ils étaient capables de dire aux élèves de l'enlever. Même si ceux du lycée étaient sûrement moins chiant avec ça que ceux du collège.

Miho regarda l'heure sur sa montre, il était sept heures moins le quart. Elle avait trop traîné au lit, mais elle aurait encore largement le temps de marcher tranquillement jusqu'au lycée, et de trouver sa classe. Chaussettes et chaussures mises, téléphone dans la poche dans sa veste bleue, et ses sacs sur les épaules, la jeune fille était prête à partir.

Son père était lui aussi dans le hall d'entrée, en train d'enfiler ses chaussures de sport. Il allait sûrement encore devoir beaucoup marcher dans la journée.

─ T'as pris à manger pour ce midi ? lui demanda-t-il en ouvrant la porte d'entrée.

─ Ah... Non.

Après un passage éclair dans la cuisine, elle suivit son père dehors. Elle salua sa mère qui était restée à la maison pour la journée, et son père qui partait en voiture de son côté.

Le trajet durait une vingtaine de minutes. Pendant les vacances, elle avait déjà fait l'aller retour jusqu'au lycée deux fois, pour connaître la route pour ne pas se perdre, au cas où. Mais en général, elle avait un bon sens de l'orientation. Le ciel devenait peu à peu plus clair, tandis que le soleil se levait. Les voitures roulaient déjà dans tous les sens, et Miho croisait d'autres écoliers. Ceux qui allaient dans la direction inverse à la sienne étant des collégiens, puisqu'ils portaient son ancien uniforme. Les autres possédaient le même que le sien, alors ils étaient de Nekoma.

Plus elle approchait du lycée, et plus il y avait de lycéens. Ca allait être bouché à l'entrée de l'école si ça continuait comme ça. Il y aurait tellement de monde devant les affiches qu'elle ne verrait rien. Alors elle accéléra le pas, doublant le plus de monde possible. Elle n'allait pas courir non plus, il ne fallait pas abuser.

***

Elle était enfin dans sa classe. Parmi les têtes qui s'étaient rassemblées autour d'elle, il n'y avait pas de visage qui lui était familier. Mais soudain, la silhouette d'une fille passa la porte, et le sourire de Miho s'élargit aussitôt. C'était Bashira. Amies depuis plusieurs années, elles avaient plusieurs points communs qui les avaient rapprochées. Elles étaient toutes les deux fans de basket, elles avaient été dans la même équipe au collège. Elles étaient nées le même mois, à quelques jours d'intervalles, et elles avaient toujours été dans la même classe. La tradition semblait continuer cette année encore, à en juger par la présence de son amie devant elle.

─ Salut Miho, sourit la jeune fille, plus grande de quelques centimètres.

─ Salut Bash', répondit-t-elle. Alors les vacances ?

─ J'ai... avancé sur mon roman ? Et toi ?

─ J'ai... joué au basket.

Après un silence de plusieurs secondes, elles éclatèrent de rire. Leurs réponses étaient bien trop évidentes, quand on les connaissait. Et elles se connaissaient presque par cœur, alors ça en devenait ridicule. Les deux adolescentes s'assirent à une table, en attendant qu'un professeur arrive, et elles se mirent à discuter plus en détail de leurs vacances.

Quelques minutes plus tard, le professeur entra dans la salle, et plaça les élèves. Par chance, Miho se retrouva à l'avant dernier rang, près de la fenêtre. Malheureusement pour Bashira, elle s'était retrouvée au deuxième rang. Le bon côté des choses, c'était qu'elle était près de la porte, elle pourrait fuir la fin du cours bien plus vite qu'elle.

L'heure s'écoula lentement : le professeur expliqua son programme, et le fonctionnement de l'école. Les inscriptions au club débuteraient dans l'après-midi, et pendant les trois heures qui restaient jusqu'à la pause du midi, les représentants des différents club viendraient les voir pour leur donner envie de les rejoindre. C'était ennuyant, puisque Miho savait déjà où elle voulait aller, mais ils n'avaient pas le choix. Au moins, elle pourrait somnoler pendant une partie de la matinée, et peut-être même finir sa nuit.

***

Quelque chose frappa son coude, qui dépassait de la table, et Miho se releva dans un bon. Elle s'était endormie si profondément qu'elle ne savait même pas où elle se trouvait, ni combien de temps s'était écoulé.

─ Désolé, fit le garçon avant de reprendre sa route, accompagné d'un autre au crâne rasé.

─ Miho, tu baves, fit la voix de Bashira dans son oreille.

─ Bordel, tu m'as fait peur, sursauta la jeune fille en essuyant ses lèvres, qui étaient totalement sèches. Il est quelle heure ?

─ L'heure de manger. Me dis pas que tu dors depuis le début quand même ?

Devant le silence de son amie, Bashira ne put s'empêcher de pouffer de rire. Elle attrapa la manche de Miho et la força à se lever. Elle avait envie de manger dehors. Miho s'empara de son panier repas, préparé par sa mère quelques heures plus tôt, et suivit Bashira à l'extérieur. Il faisait beau, elle avait raison d'en profiter.

Elles partirent se trouver un petit coin d'herbe au niveau des terrains de sport du lycée, et commencèrent à manger. Miho se rendit compte qu'elle n'avait pas pris à boire. Elle prévint son amie qu'elle revenait, et qu'elle savait exactement tout ce qui se trouvait dans son panier repas, alors elle n'avait pas intérêt à y toucher. Bashira lui fit signe de partir d'un geste de la main, et entama son propre repas.

Quelques piécettes en poches, Miho marcha en direction des distributeurs les plus proches. Elle ne connaissait pas encore le lycée par cœur, mais elle en avait vu sur le trajet pour aller manger. Elle devait passer entre deux gymnases, et ils seraient collés à un mur, sous un couloir couvert. Alors qu'elle s'approchait, la jeune fille entendit un bruit étrange. Comme une espèce de gémissement, comme si quelqu'un forçait sur quelque chose.

En silence, la lycéenne avança sa tête au-delà du mur, cachant son corps derrière le bâtiment. Là, à quelques mètres d'elle, au niveau des distributeurs, se trouvait un garçon. Il était plus grand qu'elle, avait d'étonnants cheveux noirs ébouriffés, et surtout, il était en train de secouer le distributeur de boisson dans tous les sens.

─ Mais qu'est-ce qu'il fait cet imbécile, marmonna-t-elle en l'observant un peu plus, un sourcil levé.

─ Mais c'est quoi cette poisse ! râla-t-il à voix haute, la faisant sursauter : il avait crié tellement fort que son corps avait été surpris contre son gré. C'est la troisième pièce que je mets pour le débloquer, et c'est encore pire qu'avant !

─ Attention ! cria Miho en s'approchant, lorsqu'elle vit que le distributeur tomber dans la direction du garçon.

Son attention se tourna vers elle, et il ne réussit pas à empêcher la machine de s'écraser au sol. Les yeux écarquillés de Miho croisèrent ceux du garçon, avant de regarder le cadavre métallique qui trainait par terre. La vitre avait complètement explosé, et des morceaux de verres couvraient le sol en béton.

─ Euh, j'ai... Je voulais-, tenta-t-il d'expliquer.

─ Pas la peine, je sais, j'ai tout vu, espèce d'abruti. Tu pouvais pas demander de l'aide à un prof au lieu de le secouer comme un prunier comme ça ? l'engueula Miho en s'approchant de lui, méprisante.

─ Bah non, quelqu'un aurait pu passer après moi et récupérer toutes mes boissons.

Miho soupira et fit volte face. Il n'était pas question qu'elle reste là, et qu'on la croie dans le coup. Il allait devoir se débrouiller tout seul. Elle n'avait pas envie d'avoir des ennuis avec les professeurs dès le premier jour. Surtout qu'elle était pratiquement sûre d'en avoir plus tard, avec son caractère.

─ Tu veux pas m'aider à soulever le distributeur ? Que je prenne au moins ce pour quoi il a fini comme ça.

─ Pourquoi je t'aiderai ?

─ T'es pas venue ici pour ça aussi ? Y'a rien ici, à part eux.

Il avait l'air d'un imbécile, mais il n'était pas si idiot que ça, remarqua Miho. Avec un soupir, elle s'avança vers lui et plia ses genoux pour agripper la machine.

─ Bon, tu t'actives oui ?

─ Ah oui.

A deux, c'était facile. Ils remirent le distributeur debout, leurs chaussures crissant sur les éclats de verres. Miho jeta ensuite un rapide coup d'œil dans la machine, et elle s'empêcha de sourire lorsqu'elle aperçut sa boisson fétiche. Au moins, grâce au garçon, dont elle ne connaissait toujours pas le nom, elle aurait le droit à une boisson gratuite. Alors, sans demander son reste, elle attrapa une brique de jus de fruit, et disparut de sa vision. Quelques instants plus tard, elle s'assit aux côtés de Bashira.

─ T'en as mis du temps, t'es partie où ?

─ Y'a eu... des complications.

─ Comment ça ?

─ Un imbécile a cassé le distributeur.