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34. Les voyageurs


Je n'aspire plus qu'à cela. Me retirer quelque part. Laisser aux autres le monde, les responsabilités.

Wos Koppeling, Journal


En arrivant sur Avalon, Morgane s'était attachée au premier être humain qu'elle avait rencontré : Fulbert d'Embert.

Elle comprenait donc pourquoi, après les événements traumatisants de Vlaardburg et Hermegen, le Paladin s'était attaché avec autant de facilité à la première personne mise sur sa route : Malvina. Mais ce n'était pas tout à fait le même type d'attachement.

Si le conteur, s'étant enfin trouvé une guitare, passait les soirées autour du feu de camp à réciter son répertoire, leurs journées consistaient principalement à regarder les chemins défiler à l'arrière d'un chariot. Morgane réfléchissait à Koppeling, Avalon, Mû, Siegfried, mais ces pensées ne la menaient nulle part. Elle avait pressé jusqu'à la dernière goutte de légende concernant le Dragon de Cristal, mais la légende elle-même était avare de détails ; Mû y était réputé si grandiose, si colossal, si puissant que les mots ne pouvaient lui rendre honneur, et on recommandait donc au public d'imaginer la chose la plus incroyable qu'il puisse imaginer, d'y ajouter des ailes et de lui faire cracher du feu.

Tous les trois ou quatre jours, ils s'arrêtaient dans un village. Les marchands itinérants vidaient les chariots de leurs caisses, déballaient vêtements, bocaux de poudres douteuses, boucles d'oreilles, armes et armures, et préparaient leurs meilleurs sourires pour les premiers clients qui viendraient loucher de leur côté.

« Nous étions tous les deux au sommet de la falaise, moi et mon collègue, quand tout à coup le Creux surgit d'entre les sapins. Je n'en avais jamais vu d'aussi grand ; il avait deux têtes et quatre bras aussi épais que des troncs d'arbre. Mon collègue s'exclame : celui-là est pour toi ! Et s'enfuit. Je me retrouve tout seul face au Creux, avec pour seule arme un cure-dents comme celui-là. »

Il désigna le fourreau attaché à sa ceinture neuve, achetée, comme tout le reste de sa tenue, aux marchands de la caravane.

« Et ensuite ? » encouragea Malvina.

Elle préparait une potion, peut-être un tonique, peut-être un somnifère. Les cahots du chariot faisaient trembler le bol en céramique qu'elle tenait d'une main, et de l'autre, elle commença à broyer les feuilles. À l'ombre, Morgane faisait semblant de dormir. Elle ne sentait pas prête à rejoindre leur discussion. Malvina et Fulbert étaient deux humains d'Avalon, deux Modèles, deux voyageurs qui connaissaient les routes de ce monde ; elle n'était qu'une intruse.

« Ensuite, hum. Le Fulbert étant combatif, mais néanmoins stratège, je décide de reculer un peu. La falaise bée derrière moi comme un coucou qui a faim. Le Creux se jette sur moi avec férocité ; tout ce qu'il a de pattes se détache du sol, et le voilà qui s'envole droit sur mon auguste personne. À ce moment, je glisse sur un caillou et je trébuche. »

Malvina versa ses ingrédients dans un petit flacon en verre, ajouta de l'eau, secoua.

« Les bras du Creux se referment donc sur ma tête, sauf que ma tête n'est plus là ; je suis en train de compter les étoiles sur le sol. Je le vois passer au-dessus de moi. Si un Creux peut éprouver le regret, celui-là en fait certainement l'amère expérience, car en une seconde, je le vois qui dépasse la falaise et tombe dans le vide. Fin du Creux.

— Une modeste victoire, constata la Praticienne.

— Il n'y a pas de petites victoires, ajouta Fulbert. Je suis sûr que tu dis cela à tes patients.

— C'est juste. »

Malvina rangea le flacon dans son sac de voyage, rejeta la tête en arrière et contempla la route. Les chariots suivaient désormais une route pavée, semblable aux anciennes voies romaines. Ils avaient longé de grands lacs, traversé un marécage, et maintenant une tourbière humide, dont montaient des exhalaisons brumeuses.

« Tu m'as l'air d'avoir rencontré beaucoup de Nattväsen, pour un honnête barde.

— C'est que c'est difficile de faire un pas sans marcher sur la queue d'un Nocturne. Si seulement les Paladins faisaient leur travail, ha, ha, ha ! »

Malvina émit un léger soupir.

« Tu pensais vraiment que je n'avais rien deviné ? »

Elle jeta un coup d'œil en direction de Morgane.

« Et toi, je sais que tu ne dors pas.

— Je n'ai pas menti, se défendit Fulbert, je n'ai jamais dit que je n'étais pas un Paladin. D'ailleurs, même si j'étais un Paladin, je serais un Paladin en, hum, congé sabbatique. »

Elle désigna le médaillon suspendu au cou de Fulbert.

« Et ça, c'est une pierre de Sysade.

— Ce caillou ? Ha, ha. Je suis sûr que c'est un faux.

— Ce n'est pas la peine, Fulbert » intervint Morgane.

L'Ase se glissa entre deux caisses de fourrures bon marché et s'assit entre eux deux.

« S'il y a quelque chose que tu veux savoir, Malvina, pose tes questions. Sinon, laisse-nous tranquilles. »

La Praticienne eut un demi-sourire. Elle regarda Morgane dans les yeux. Non, elle regardait ses yeux. Les siens étaient d'un bleu sincère, d'une pureté semblable à une écaille de Mû. Mais les yeux de Morgane étaient toujours incolores. À l'image de son âme, peut-être.

« Pour tous les gens dans cette caravane, à mesure que nous avançons, nous nous écartons du danger, quel qu'il soit, qui les menaçait à Hermegen. Je les vois qui se rassurent. Mais pas vous. Et surtout toi, Morgane. Le danger vous poursuit dans votre sommeil. »

Elle reporta son regard sur le léger brouillard qui collait au sol, et qui semblait s'accrocher aux roues des chariots.

« Vous n'êtes pas deux simples voyageurs. Je sais reconnaître un Paladin, même un original comme toi. Et tes yeux sont assez parlants, Morgane. Mais ce que j'ignore, j'ai l'impression que vous l'ignorez aussi. Le sens de votre mission.

— Sauver le monde, dit Fulbert. La routine du Paladin.

— Le sauver de quoi ?

— Des Nattväsen et des Empires un peu gloutons. »

Malvina n'eut pas l'air convaincue par cette profession de foi.

« Je vous ai entendu parler de Mû. Je sais que vous quitterez le convoi dans une semaine, quand nous prendrons la route de l'Est, et que vous irez en direction de la Forêt Changeante. Fulbert, que t'ont appris les Paladins sur le Dragon de Cristal ?

— Qu'il ne faut pas poser trop de questions. Comme les Sysades. Mû a joué un rôle dans la Guerre, mais après ce conflit fratricide, il – ou elle – s'est retirée des affaires humaines, aux confins de la Forêt Changeante. Et ne reviendra qu'au retour de Wotan. »

Elle fit une moue dubitative.

« Tu sais, Fulbert, d'après l'ordre des Praticiens, Mû est un mythe. Une divinité tutélaire inventée par les Sysades, pour se démarquer des humains normaux qui en appelaient à Wotan.

— Si tu veux nous dissuader de faire ce voyage, lança Morgane, tu perds ton temps.

— Oh, non. Je sais que vous irez jusqu'au bout. Vous braverez tous les défis de la Forêt Changeante, et vous trouverez Mû, si elle existe. Mais que comptez-vous faire... si elle refuse de vous aider ? »

Cette question, Morgane se la posait depuis sa conversation avec Koppeling. Elle voyait Mû, le Grand Dragon, ouvrir un œil fatigué, et déclarer d'une voix lasse : laissez-moi...

« Pourquoi refuserait-elle ? Protesta Fulbert, dans un accès de naïveté. Le monde est en danger !

— Je suis sûre que tous les deux, sur le chemin qui vous a mené ici, vous avez pensé à abandonner au moins une fois. Rentrer chez vous. Faire comme si rien ne s'était passé. Ni victoires, ni défaites. Comme si vos vies n'avaient jamais été menacées, jamais sauvées. Comme si personne n'était mort. Rentrer chez soi et se couper du monde, afin que le monde ne nous blesse plus jamais.

— À condition d'avoir un chez-soi, murmura Morgane.

— Quand on veut devenir ermite, dit Malvina, n'importe quel trou nous suffit. »

Elle en parlait comme si elle avait déjà goûté à cette tentation, et en cet instant, Morgane se rendit compte que si elle avait beaucoup appris sur eux, ils ignoraient tout de cette infirmière et médecin itinérante.

« Si Mû a tourné le dos au monde, et s'est réfugiée dans sa Forteresse, dans sa Forêt Changeante, pendant cinq siècles, alors elle ne voudra qu'une chose : qu'on la laisse en paix. Vous pourrez peut-être l'atteindre, mais pas la convaincre.

— C'est peut-être ainsi que réagirait une humaine, nota Morgane, mais Mû n'est pas humaine.

— Toi non plus, tu n'es pas censée être humaine, et pourtant... tant de choses réputées étrangères se révèlent semblables, quand on y regarde de plus près. »

Ce fut la dernière fois qu'ils parlèrent de Mû, des Paladins et de leur voyage.

Une semaine plus tard, la route accoucha d'un chemin minuscule qui serpentait vers l'Ouest, et au croisement, un panneau en bois vieux comme Hérode indiquait : « Kels » C'est à cet emplacement que Fulbert et Morgane firent leurs adieux à la caravane. Malvina les prit dans ses bras ; le Paladin lui promit qu'il écrirait une chanson en son honneur. En arrière-plan, sous une pluie battante, les marchands moustachus pleuraient le barde qui avait égayé leurs soirées depuis Hermegen.

Équipés, nourris, déterminés, montés sur deux beaux destriers, les voyageurs s'enfoncèrent sous les trombes ; Malvina les regarda s'éloigner.

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