51・Deal mortel
Eos Hunt.
Plus que quinze minutes et j'allai enfin savoir si Lian était vivant. Cet idiot ne répondait pas au téléphone. J'avais foi en lui, mais cette peur de le perdre était si nouvelle pour moi, que je n'avais qu'une envie : dépasser les limites de vitesse et tuer Zayn.
Qu'importe que ce bon à rien soit amnésique et traumatisé vis à vis des Wood. Je le considérais comme un inconnu, et cela ne changerait jamais. Pour la simple et bonne raison qu'il avait tenté d'approcher Rhéa par intérêt, et ce, pour servir les Wood comme un mouton.
Depuis petit, il avait grandi dans ce manoir comme nous. De ce fait, depuis petit l'agneau mangeait au creux des mains des loups.
Au fond, il avait eu le comportement que Rhéa et moi avions autrefois : obéir aveuglement, par loyauté. Mais surtout parce que nous étions redevables aux Wood de nous avoir adoptés.
Enfin, c'est ce que nous pensions. A cette époque, durant cette phase, Rhéa et moi aurions pu tout sacrifier pour eux. Nous voulions simplement leur rendre l'amour qu'ils nous avaient donné. Celui qui nous avait permis de sortir de l'orphelinat.
Aujourd'hui, nous ne savions toujours pas si leur amour envers nous était superficiel ou réel. Aucun de nous deux n'était prêt à le reconnaître. Et ce, dans les deux cas.
Soudain curieux, j'ouvris la boîte à gants et analysai rapidement son contenu avant de la refermer. Des sucettes, sûrement pour Barbara. Un briquet et des clopes pour notre chère boss. Ni plus ni moins.
Je ne leur avais pas demandé la permission, mais j'avais volé une des deux voitures de Phoenix. Je n'avais pas de temps à perdre, et pas le matériel sur moi pour en chopper une autre sur le parking de l'hôpital.
Remarque, voler la voiture d'une belle infirmière, la faire tomber sous mon charme pour avoir des médocs gratis...
Je souris à ma propre connerie. Le soleil m'aveuglant, j'attrapai les lunettes de soleil au milieu de la voiture et ouvrit la fenêtre.
En clair, je pris un air décontracté et me mentais à moi-même : je m'inquiétais pour Lian en réalité. Et pas que.
J'avais ignoré cette voix qui me hurlait de rester devant sa chambre d'hôpital. J'avais choisi de faire confiance à ses sous-fifres.
Et pourtant...
Mon téléphone vibra. Je le mis en haut-parleur et le laissa dans son support, accroché au tableau de bord. Un numéro inconnu.
— Eos, c'est Joseph.
Lorsque je compris que se tenait Phoenix à l'autre bout de l'appel, je bifurquai brusquement, faisant klaxonner la voiture de derrière, et me gara sur le côté en trombe. J'ignorai complètement le fait que l'arrière de ma voiture était entré en collision avec celle de derrière.
— Ne me dis pas ce que je crois, lâchai-je d'une voix implacable.
Courageux, Joseph enchaîna au quart de tour. Je pouvais imaginer sa mâchoire serrée à l'autre bout du fil.
— Ces connards l'ont emmenée. C'était trois médecins, ils sont entrés et ils ont dit qu'ils allaient procéder à l'imagerie. Quand Jake a voulu aller voir, il ne l'a trouvée nulle part. On a demandé à l'accueil, et aucune imagerie à son nom était en cours.
— Joseph, fit-je en inspirant lentement. Elle n'est plus là ?
— Elle n'est plus à l'hôpital.
Mon cœur lâche. Lorsque je relève lentement la tête vers un homme à ma vitre, il me fallut quelques secondes pour retrouver l'usage de tous mes sens. Je finis par comprendre, en le voyant rouge de colère, qu'il me hurlait dessus. C'était le conducteur de la voiture que j'avais heurté.
C'est comme si je revenais de sous l'eau, et que les sons se firent d'un seul coup plus net. Plus réels et plus proches. J'avais émergé.
C'était comme si ma personnalité de garde du corps refaisait surface. Je n'avais qu'un seul désir : être avec elle. Ou qu'elle soit.
C'était une dure à cuire. Je le savais. Et pourtant mon cœur tambourinait d'inquiétude pour elle. S'ils avaient réussi à la ramener au manoir, comment allait elle réagir ? Serait-elle capable d'être en pleine possession de ses moyens, elle qui avait fui cet endroit comme la peste ?
Un poing entra subitement dans la voiture par la fenêtre ouverte. Je l'esquivai tout en me détachant en quelques micro secondes. Je ne vis que son visage à elle, apparaitre dans mon esprit. Je ne vis que mon objectif. La retrouver.
— Eos ? Interpella Joseph au bout du combiné.
— Je sais où elle peut être, c'est entre nous et les Wood. Je la ramènerais. Allez chercher Lian de votre côté.
— Et puis quoi encore, autant tous y aller, tu crois que tu vas réussir à tous les mettre à terre à toi tout seul ? S'indigna Barbara aussitôt. T'es pas un héros.
Les mettre à l'écart les vexait, mais je n'en avais rien à foutre.
Ils avaient de la chance que Rhéa tienne à eux. Auquel cas je les aurais tués pour avoir ainsi manqué de vigilance. Jake était le plus clairvoyant, pourtant il avait mis du temps à saisir la situation. Ils devaient être trop chamboulés pour être prudents. Pitoyable.
Alors que le poing de l'homme était toujours devant moi, je ne lui laissai pas le temps de reculer.
Violemment, je passai mon bras à l'extérieur et l'attira à moi par le col de sa chemise. Il hurla, mais n'as pas le temps de faire plus.
— Je ne suis le héros que d'une personne chérie, répondis-je à Barbara avant de raccrocher de ma main libre.
Parce que j'étais le méchant pour tous les autres.
La pointe de la clé de la voiture se trouvait désormais à quelques millimètres de l'œil de mon assaillant, prête à le rendre aveugle d'un œil.
— Ça va être très simple, fis-je d'un ton détendu. Tu me pètes les couilles, je te pète un œil. C'est assez clair, ou tu préfères jouer à chifoumi ? Mais si je gagne, je te crève les deux.
L'homme était assez jeune, mais son apparence ne laissait pas place au doute. C'était un type qui avait visiblement réussi dans la vie, riche et pourri gâté, sûrement membre d'une grande entreprise ou je ne sais quoi.
Sa montre valait chère, tout autant que ses lunettes. Son gel était parfait, sa chemise repassée et ses sourcils épilés : Un homme minutieux. Ou alors il est gay.
Il desserra son poing rapidement et le ramena à lui.
Je prévois sans mal que son arrogance d'enfant pourri gâté allait prendre le dessus, et malheureusement pour lui, ma colère se transformait vite en quelque chose de plus... Diabolique. C'était presque comme si j'espérais qu'il me tienne tête, ce qu'il fit pour mon plus grand bonheur.
— Bon sang, lâchez-moi je ne le répéterais...
La portière que j'ouvris brusquement lui coupa le souffle. Je la refermai aussi vite et attira de nouveau l'homme à moi, de sorte à ce que sa tête entre dans la voiture par la vitre ouverte. Je remis les clés dans le contact et fit rugir le moteur.
Il est en train de se remettre de ses émotions et de la douleur du coup lorsqu'il croise mon regard. Et je lui offris mon sourire le plus joyeux avant de rire en appuyant sur un bouton.
Celui qui relevait la vitre.
Il se mit à paniquer et tenta maladroitement de se retirer en comprenant qu'il allait bientôt se faire découper par la vitre, qui n'avait aucun détecteur de sécurité pour s'arrêter. Mais j'étais beaucoup plus musclé que lui, et il le comprit lorsque son regard se posa sur la taille de mon bras, actuellement contracté pour ne pas laisser ma proie s'enfuir. J'étais en chemise noire, les manches relevées.
— VOUS ETES TARÉ ?!
La vitre remontait lentement, s'approchant dangereusement de son cou.
— Oh, t'es en train d'alimenter l'ego de mon cœur de taré.
— JE SUIS AVOCAT, VOUS NE VOUS EN SORTIREZ PAS JE VOUS LE JURE.
— Dommage, les avocats sont inutiles lorsqu'ils sont...
Je me rapprochai de sa tête en sueur, et souffla sur son visage muni d'un sourire dû à mon excitation.
— ...morts.
Il écarquilla les yeux. Enfin. La vitre vint enfin appuyer sur sa trachée, ce qui le fit tousser.
— Eh, dégueu, tu ne veux pas tousser ailleurs ? Fis-je d'une mine dégoutée.
— VOUS AVEZ GAGNÉ, ARRETEZ MAINTENANT.
Je soupirai, déçu.
— Je te croyais prêt à mourir.
J'enclenchai une nouvelle fois le bouton, ce qui rabaissa lentement la vitre. Toutefois, je gardai la main serrée sur son col, l'empêchant de s'extirper de mon emprise.
— Putain.
— ça, tu l'as dit. Je croyais que tu allais me divertir davantage, rétorquai-je la mine désabusée.
Je ne contrôlais plus rien. Si les artistes peignaient leurs émotions, les miennes m'obligeaient à malmener quiconque m'enmerdait. Simplement pour ne pas être le seul dans le mal. M'en rendant compte, je lâchai soudain ma proie, le regard sanguinaire. L'avocat tituba en arrière, si bien qu'il tomba sur le béton, toussant et se massant la gorge.
Son regard me suffisait. Je savais reconnaitre le moment ou les types les plus confiants devenaient terrifiés par ma présence. Et ce, rien qu'à leur regard. J'enviais Rhéane pour ça. Si personne ne connaissait les visages de Phoenix, ça n'empêchait pas qu'elle dominait les autres par sa simple présence.
Personne ne connaissait leurs véritables identités, mais dans les bas quartiers et les habitués de bars, tout le monde avait deviné que c'était elle, la boss de Phoenix. Généralement, c'était soit à cause des rumeurs, soit parce qu'elle avait fait une démonstration de force. Mais la plupart du temps, c'était simplement car les gens qui la connaissaient déjà la traitaient avec un respect immense et se faisaient petits quand elle apparaissait. Ce qui mettait la puce à l'oreille des autres.
Peut-être que moi aussi, un jour, je terrifierais les gens autant qu'elle. L'avis de recherche en cours allait être une première étape pour un espion invisible comme moi, de sortir de l'ombre. Être recherché pour meurtre à la place de Rhéa...n'étais-ce pas excitant ? Même si l'avis de recherche n'était qu'un dessin d'un homme encapuchonné munis d'un masque noir, on pouvait reconnaitre la couleur de mes yeux.
— Evite de te prendre la tête avec le beau jeune homme taré que t'as rencontré aujourd'hui. T'as eu du bol de voir un beau visage d'aussi près. Et ce, sans être mort par la suite. Bisous, prends soin de toi bichon, terminai-je avec ironie en le saluant de la main, un énorme sourire aux lèvres. La prochaine fois, achètes une montre encore plus chère, qui sait, ça pourrait te protéger contre tes futurs agresseurs.
Je démarrai aussitôt. Je n'avais pas besoin de GPS pour connaitre le chemin menant à mon pire cauchemar. Chemin qui allait me mener aujourd'hui à la personne à qui je tenais le plus. J'allais plonger dans les abysses de nos traumas pour l'en sortir. Le règne des Wood allait cesser aujourd'hui, tout autant que le pouvoir qu'ils exerçaient sur nous.
Je posais les yeux sur le katana noir luisant, posé sur le siège passager. J'avais eu le temps d'aller le chercher chez moi en vitesse. Et sans surprise, les Wood avaient mis ma maison sans dessus dessous. Par chance, Minette s'était planquée sous un lit. Elle avait été tellement effrayée qu'elle n'avait pas voulu toucher aux croquettes que je lui avais servies.
Lorsque je suis entré, Dan et Chris se soignaient avec la trousse de secours. Joe les avait bien amochés, mais apparemment Marlon était arrivé juste à temps. Sans lui, ils seraient passé sur la chaise électrique. Quel connard. Question torture, il avait toujours été imaginatif.
A ce moment-là, je ne savais pas encore que Rhéa avait été enlevée, mais je leur avais interdit d'aller la voir à l'hôpital dans cet état. Ça allait l'inquiéter à tel point qu'elle allait oublier ses propres blessures.
Rhéa, t'es morte ?
Elle : Toujours pas, désolée de te décevoir.
J'arrive. Ils t'ont touchée ?
Elle : J'étais enfermée dans ma chambre. Mais maintenant je prends l'air.
Son ton détaché m'étonnait. S'être retrouvée enfermée dans son ancienne chambre semblait la laisser de marbre. L'avaient-ils tellement saccagée qu'elle avait atteint sa limite de douleur ?
Tu prends l'air ?
Elle : Je suis sur le toit. Je peux m'en sortir seule, mais ça ne me dérangerait pas si tu te dépêchais.
La vitesse monta soudain, et je grillai mon premier feu rouge. Je n'avais jamais été aussi concentré sur la route.
Elle était sur le toit ? Cette fille... Cela faisait peu de temps qu'elle avait été kidnappée, et elle n'avait pas perdu de temps.
Le manoir était très ancien. Et maintenir l'entretien n'était pas la préoccupation première des Wood. S'ils s'occupaient du jardin pour le rendre le plus beau possible et éviter d'attirer les soupçons, en revanche, les tuiles étaient vieilles et sales. Le pire dans tout ça, c'est qu'un manoir sale mais avec un jardin parfait ne donnait pas l'impression d'un manoir terrifiant et abandonné, ils avaient réussi leur coup. Mais si elle tombait de cette hauteur à cause des vieilles tuiles...
Ouais, en clair, t'as besoin de moi. Comme toujours.
Elle : Je n'aurais pas été aussi loin, mais voile toi la face si tu veux, ricana-t-elle dans ma tête. Tu es seul ?
Oui.Tiens le coup, et on les détruits dès que j'arrive.
Elle : ils sous-estiment la bombe à retardement qu'ils ont kidnappé.
J'aime quand tu parles comme ça.
Elle : La ferme. T'es à combien ?
Cent-vingt.
Elle : C'est tout ce que je mérite ?
Je soufflai du nez, optant pour une meilleure position. Finit la rigolade : la voiture se mit à rugir d'autant plus, et vrombit sauvagement. Petit à petit, je me rapprochais du deux-cents. Mes mains serraient fermement le volant, et je fixais la route avec une attention nouvelle : je mettais ma vie en jeu pour elle, et elle le savait. Elle avait foi en moi.
J'esquivais des voitures de justesse et me mit à sourire, l'excitation prenait du terrain. Et dans cet état, rien ne pouvait m'arrêter. Pas même les hurlements d'un conducteur mécontent à qui j'offris aimablement mon majeur dans le rétroviseur en tirant la langue.
Les vitres étant toujours ouvertes, le vent me fouettait violemment le visage de grandes rafales. Mes yeux étaient protégés par les lunettes de soleil.
Elle : On fait un Deal ?
Je t'écoute.
Elle : Ne meures pas sur la route et moi je ne tomberais pas.
Je souris de plus belle, me sentant plus vivant que jamais. Peut-être que nous nous croyions invincibles. J'avais beau chercher, je ne voyais le mal nulle part. Parce que le mal, c'était nous.
Deal.
Elle : Deal.
Je grillai un nouveau feu rouge. L'instant d'après, ma voiture frôla celle d'une autre mais je n'en pris pas compte. Je parcourais la distance en si peu de temps, que ça me rassurait. Le manoir des Wood était loin. Après tout, jamais Rhéa n'allait se risquer à ouvrir son bar à seulement dix minutes de la maison de son enfance.
Maintenant, il devait bien me rester deux heures de route. J'avais gagné toute une heure grâce à la vitesse à laquelle je roulais. Il fallait en tout six heures de route pour arriver au manoir.
Jusqu'ici, nous étions concentrés chacun de notre côté. Elle ne voulait pas l'admettre, mais pour une fois c'était elle qui relançait la conversation : elle avait besoin de me parler pour tenir le coup. Finalement, elle cachait simplement le fait que toute cette situation la terrifiait.
Cela faisait trois heures que je roulais à une vitesse incommensurable. A chaque radar que je pouvais rencontrer, je me calais sur la vitesse d'une autre voiture, me cachant derrière elle.
Rhéa n'avait pas trouvé le moyen de descendre, c'était trop haut et elle risquait de se faire prendre. Alors elle avait décidé de se cacher derrière une des tours du manoir, là où personne ne pouvait la voir, ni de l'extérieur, ni de l'intérieur.
Alors tu as appris la pôle dance seule ?
Elle : Archi seule.
Je soufflai du nez. Seule, comme toujours.
Elle : J'entends des voix. Ils sortent dehors.
Fais attention, cache-toi.
Elle : Ils ne me voient pas de là où ils sont. Je suis accroupie entre la tour et le toit.
Silence.
Qu'est-ce qu'ils disent ? Rhéa ?
Elle : Ça fait deux heures qu'ils me cherchent. Ils parlent de la fenêtre de ma chambre brisée. Ils débattent sur le fait que j'aurais pu sauter. Certains patrouillaient dehors mais n'ont vu aucun Phoenix qui pourrait m'aider. Ils...disent que le toit est trop en piteux état et trop raide pour que j'y grimpe. Mais...
Quoi ? Rhéa ? Dis-moi ce qu'il y a.
Elle : Je reconnais la voix de mère. Enfin, Mélia. Elle s'énerve contre eux en leur disant de ne pas sous-estimer sa fille...
Même par la télépathie, je peux détecter par sa manière de penser qu'entendre Mélia l'appeler encore sa fille l'ébranlait. Même moi, je ne m'y attendais pas. Alors que je m'apprête à la mettre en garde, à lui dire que c'est un piège et que Mélia souhaite l'attirer par les sentiments, elle me devance :
Elle : Ça me dégoute.
Nous savons tous les deux que si nous mettons fin aux Wood, il faudrait forcément mettre fin aux jours de Darren et Mélia. Et même si aujourd'hui nous les considérions comme des inconnus, au fond de nous, notre nous enfant ne pouvait rien oublier. Notre cerveau s'accrochait aux souvenirs agréables que nous avions partagés avec eux.
Simplement parce que nous avions grandis avec eux et les avions considérés comme nos parents. Nous étions peu d'enfants au manoir, contrairement à ce que nous pouvions penser. Quelques couples avaient un enfant, mais jamais deux. Le reste avaient été recueillis avec Rhéa et moi. Nous devions bien être sept adoptés, au départ, en comptant Zayn.
Nous n'avions jamais compris pourquoi Fiora avait fait une crise cardiaque, alors qu'elle n'avait que dix ans. Et les parents nous avaient assurés ne pas comprendre non plus.
Maintenant nous savions. Elle avait vu quelque chose.
En clair, enfants, Rhéa et moi ne parlions quasiment qu'à Darrel et Mélia. Rhéa passait plus de temps avec Mélia, tandis que je passais mon temps à m'entrainer avec Darrel. Si ces deux-là adoptaient en orphelinat, c'était dans le but premier d'assurer l'héritage de la secte, et de trouver un garde du corps au futur successeur. Au tout début, ils n'avaient adopté que moi, Rhéa, Fiora et Zayn.
Rhéa avait fait débat. Je m'en souvenais, maintenant. Ils n'étaient pas sûrs qu'une fille puisse être la prochaine héritière. Ils avaient hésité jusqu'à nos dix ans, nous faisant toucher à tous types de sports et testé notre endurance. Tous les quatre avions fini immunisés contre les tasers. C'est justement à cette période que Zayn à découvert son don de résistance envers les poisons. Quant à moi, j'étais celui qui supportait le mieux la douleur physique. Rhéa la douleur mentale, et Fiora se montrait plus calculatrice que jamais.
A partir de là, les avis ont divergé. Certains ont hésité entre moi et Zayn pour le garde du corps. Mais Zayn était trop faible. Anorexique. J'étais le candidat parfait. Ensuite, tout se jouait entre Fiora et Rhéa. Je ne me souviens plus de ce qu'il s'est passé, tout est assez flou. Mais Rhéa l'a emporté. Les Wood ont vu en elle un coté sauvage qui leur avait plu. Quelques semaines après, Fiora était morte de sa crise cardiaque, juste après la tenue d'un débat des Wood. Son intelligence et son coté calculateur faisait d'elle une menace.
Les Wood ont ensuite adopté trois autres enfants. Je ne me souviens plus de leurs noms. Ni ce qu'ils étaient devenus. Mon esprit d'enfant avait surement effacé ces souvenirs traumatisants. Tout ce que je savais, c'était qu'en étant choisis comme garde du corps et successeur, les autres enfants n'osaient pas nous parler. Et nous étions privilégiés.
Lorsque Rhéane venait me voir m'entrainer, Zayn n'était jamais loin, à m'observer lui aussi. Je ne me souvenais plus de lui simplement parce que nous ne nous parlions jamais, et que j'avais oublié son prénom. Sûrement devait-il me détester, pour avoir été choisi à sa place.
Les Wood adoptaient pour former leurs pions. Nous ne pouvions pas être amis entre nous, car tout le monde voulait être le meilleur pour que les parents soient fiers de nous. Ce lien qui nous unissait n'était pas fraternel. Mais compétitif et loin d'être sain. Rhéa et moi ne faisions confiance à personne d'autre, et nous nous protégions mutuellement lorsque les autres enfants devenaient trop jaloux.
« C'est votre destinée. Ils ne peuvent pas comprendre. » Avait dit Darrel.
« Pourquoi devrions-nous avoir un traitement de faveur ? Ils me détestent ! Je ne veux pas... » Avait fait une petite Rhéane naïve et triste.
« Ne vous préoccupez pas d'eux. Vous avez beaucoup à faire. Répétez ce que je vous dis tout le temps. »
« Nous ne sommes pas comme eux. La différence fait notre force. »
« Bien. Allez dans la grande salle avec tout le monde. La prononciation sacrée va commencer. »
Par mon manque d'attention, je déviai de la route, et mis un coup de volant brusque afin de revenir dans la voie. Je soupirai de soulagement en reprenant le contrôle de la voiture, accélérant de nouveau.
Elle : Eos. Ils vont monter.
C'était comme si mon cœur faisait un tour sur lui-même.
Comment ça, ils vont monter ? répétai-je comme un imbécile.
Elle : Ils vont monter, ils vont monter. Réfléchis Rhéa.
Non, non, non, tu ne sautes pas, me précipitai-je en entendant toute ses réflexions.
Elle : dans le pire des cas, j'aurais une cheville cassée ?
Ou bien plus. C'est non. On doit être deux, et en forme, pour les terrasser après. Hé, Rhéane, écoute-moi, insistai-je en étant accablé de toute ses réflexions paniquées. J'arrive dans une moins de deux heures...
Elle : Je les laisse me chopper ? me coupe-t-elle en entendant mes pensées.
Oui. Ils ne peuvent rien te faire, tu es leur successeur, ils ne vont pas toucher à un seul de tes cheveux. Ecoute moi, tu es celle qui résiste au mieux mentalement, ne les laisse pas t'affaiblir. J'arrive, tu m'entends ?
Comme tout le monde qui aurait vécu ce que nous avons vécu, Rhéa gardait des traces mentales de ce qu'ils nous avaient infligés. Mais contrairement à moi, elle avait avancé. Elle possédait un mental d'acier qui lui créait un bouclier contre tout et tout le monde. Sa seule peur était d'être contrôlée et de perdre ses proches. Elle avait une mentalité de fer qui lui permettait de toujours dépasser ses limites.
Même si elle ne parlait pas à proprement parler dans son esprit, je recevais toutes ses réflexions subites dues à la panique. Le simple fait d'être entre leurs mains était ce qui la terrifiait le plus. Être sur le toit lui avait donné un semblant de liberté vis-à-vis d'eux. Et voilà que sa seule solution était de se faire attraper. De les laisser la dompter, encore.
Elle était en train de peser le pour et le contre, de trouver d'autres solutions imaginables. Mais elle revenait au même point : impossible de leur échapper sans leur faire face.
Pour la première fois, Rhéane Kei était mise au pied du mur. Mais ses pensées et son mental étaient fascinants. En quelques secondes, sa mentalité avait changé.
Elle voulait évoluer, encore. Et elle voulait faire face au lieu de fuir.
Très bien. Qu'ils m'attrapent, pensa-t-elle avec force et courage.
Je souris. Un sourire triste. Mais fier d'elle.
Avec nos esprits liés, nous ne pouvions rien nous cacher. Si bien qu'elle devait ressentir cette fierté que je lui portais. Mais elle ne dit rien.
Elle : Ils sont là.
C'était tout bonnement abominable. Je ne voyais rien, je n'entendais rien. Je percevais simplement ses pensées face à ce qui lui arrivait. Elle était anxieuse autant que déterminée à en finir. Elle espérait que j'arrive bientôt.
Je ne savais même pas s'ils étaient armés face à elle, ce qu'ils allaient lui faire. Ce qu'ils lui disaient.
Désormais à une heure du manoir, je roulais entre les montagnes, passant à coté de plusieurs villages. C'était un paysage qui m'était familier. Et qui me donnait la gerbe.
Elle : J'ai respecté mon deal. Continue à respecter le tien.
Je te le promets, gamine.
Je ne toucherais pas au frein tant que je ne serais pas arrivé.
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Heyy, sry pour le retard !
Alors, ce chapitre, riche en émotions ou pas ?
Bien tendu en tout cas, mais la suite promets ommgg.
J'espère que vous avez aimé !
S'il vous plait, n'oubliez pas de voter pour tous les chapitres !
Kiss. 💋
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