CHAPITRE 2 : LA MORT EST MORTE
Simon s'alluma une cigarette. Aujourd'hui, fumer faisait plouque. Avant, le petit côté poète maudit associé à ce comportement dangereux donnait un air caïd au plus joli enfant de cœur, mais depuis que plus personne ne mourrait naturellement sur cette terre, tout avait changé.
Ça s'était installé doucement, on ne savait pas quand elle avait commencé exactement. On décela d'abord une baisse de décès en maisons de retraite, puis s'enchaînèrent les miracles dans les hôpitaux, les cancéreux en phase terminale demeuraient, les victimes aux pronostics vitaux engagés s'en sortaient. Les suicides échouaient. Les meurtres rataient. Les condamnés à mort s'en tiraient.
Après douze mois consécutifs sans aucun décès « naturel », on proclama alors la tant espérée « immortalité de l'humanité ». Louant Dieu ou la science, chacun y alla de sa petite version du miracle. On accusa les aliens, le réchauffement climatique, les mutations génétiques ou encore le gluten d'être à l'origine de cet exploit, mais rien ne fut prouvé. Une chose était sûre : les humains ne mourraient plus et ce, depuis vingt ans maintenant.
Lorsque le « miracle » fut annoncé, comme quoi sur Terre plus personne ne mourrait, les plus crétins voulurent tout de suite vérifier leur « immortalité » et des dizaines d'entre eux tentèrent de se suicider : se jetant de leurs balcons ou dans le feu, « c'était pour tester » d'après leurs dires. Bien malheureux ils furent, car le concept de la douleur lui, persistait. Ces suicidaires ratés se retrouvèrent à l'hôpital des mois durant, immobilisés pour resouder leurs os et limiter leur douleur, même si la mort n'existait plus, les séquelles et les symptômes eux, demeuraient bien.
Bien vite, le terme de « Mort physiologique » fut sur toutes les lèvres. La « Disparition de la Mort physiologique » signifiait que l'on pouvait désormais vivre sans manger, sans boire ou sans oxygène. Le sang, les organes ou encore l'oxygène n'étaient désormais plus nécessaires à la survie. On pouvait se jeter d'une falaise, les os se brisaient, les organes implosaient, le sang coulait, mais la vie, elle, s'accrochait. Les radiations, le froid ou le feu conservaient leurs douloureuses conséquences, mais l'humain y survivait malgré tout, la victime subissait alors des douleurs insupportables, mais demeurait vivante des années durant. Les hôpitaux n'avaient plus que pour seule mission que de soigner la douleur.
Outre la douleur, ou encore la désagréable sensation de la faim et de la soif, les humains ne craignaient plus de mourir. En ce jour de décès de la « Mort physiologique », l'humanité bascula.
D'abord les vieux. Ceux aux corps ou au moral très détériorés, se révulsèrent. Quand certains attendaient déjà la mort depuis des années eurent la profonde déconvenue de voir qu'elle leur avait posé un lapin éternel. Ceux-là se mirent à râler inlassablement, sans rien faire de plus. D'autres prirent cela comme un miracle et décidèrent de s'offrir une seconde vie, reprenant leurs études, se lançant dans de nouveaux hobbies et commencèrent même, portés d'une nouvelle jeunesse à se lancer dans le jeu de la séduction. « Quit à vivre éternellement, autant que cela soit agréable ! » avait lancé Yvette, cent vingt-cinq ans, au journal TV à une heure de grande audience.
Pour les séniors dont le « miracle de la mort » était plus dur à encaisser, les interviews circulaient en boucle : « Quand on n'a plus rien, qu'est-ce qu'on fait ? Je n'ai plus envie de vivre ! » avait râlé Gérard, cent quatre ans, à un journaliste venu interviewer des « immortels dépités ».
Malheureusement pour tous, le suicide ne fonctionnait pas. Depuis la fin de la mort, la presse s'était remplie d'histoires rocambolesques de suicides ratés. Le plus connu, Edmond Lithard, fit la une pendant des semaines en racontant sa loufoque histoire : ayant voulu se suicider, ce fermier s'était pendu dans sa grange. Vivant seul et isolé, il racontait alors le calvaire pour lui d'être resté pendu pendant quatre mois au bout de sa corde, sans personne pour le détacher. Celui-ci avait alors eu bien le temps de murir sa réflexion et de réfléchir à ce qui l'avait amené à cet état de détresse. Lorsque qu'un voisin était venu le détacher après tant de semaines de solitude, Edmond s'était promis de refaire sa vie et donna l'une des plus mémorable conférence Ted de sa génération.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro