CHAPITRE 14 : POLEMISTE HUMANITAIRE
Huit ans plus tard.
Encore un enterrement, mais celui-là était de bon goût, simple, sans fioriture, sans strass ni paillettes. Juste la célébration d'une vie éteinte. Une vie digne, simple, une vie heureuse.
Daria été décédée un dimanche, « parce que les lundis c'est nul ». Elle avait pris son cachet et s'était endormie paisiblement après des siens, elle était bien entourée.
Simon était là, parmi les invités, au premier rang, le tueur se rappela leur conversation « croghnut » comme l'avait baptisé Daria. Une promesse de mourir à condition qu'elle ne se presse pas et profite de la vie en attendant, car la vie, si elle est bien menée et choisie, mérite d'être vécue. Simon avait tenu sa promesse.
Pendant son « sursit » comme elle l'appelait, Daria avait rempli sa vie de joie, elle s'était mariée et avait voyagé aux quatre coins du monde, gravit des montagnes à pied, fait du vélo sur la muraille de Chine, prier au Boutan, des vacances plutôt sportives. C'était compréhensible quand on sait que bientôt votre corps vous lâche.
Ses dernières années furent moins actives, la maladie avait commencé par lui affaiblir les jambes, l'empêchant de marcher, mais elle avait compensé son manque d'activité physique par de grandes explorations intellectuelles, reprenant ses études, écrivant un livre et apprenant l'italien.
Ses derniers mois furent un peu plus pénibles, chaque jour de plus en plus dépendante et de plus en plus rongée par la crainte de voir son corps défaillir et ses capacités diminuer, la déprime l'envahit.
Un soir, avant de se coucher, elle décida que cette nuit serait sa dernière et en parla à son époux avec qui elle s'était fraîchement mariée. Bien que préparé, celui-ci, effondré, renonça à lui faire changer d'avis. Il avait su très tôt dans leur relation ce que Daria lui réservait. C'était là le plus pur geste d'amour que de laisser la partir, à défaut que de la garder pour se préserver lui.
Simon avait tout organisé, il avait négocié avec AME un décès « social médicamenteux » pour elle avec un contrat dit « long », que seule Daria pouvait choisir d'exécuter en vingt-quatre heures. Il avait négocié pour intégrer ce geste à son bonus annuel en tant que tueur privilégié chez AME, c'était son cadeau pour elle, presque de l'humanitaire à ce stade.
Simon ne l'avait pas tué, il avait négocié son départ pour elle, il ne lui avait même pas donné le cachet, légalement ça restait à elle de l'avaler, mais il l'avait tenu dans ses bras jusqu'à son dernier souffle et avait concédé à la laisser partir en paix.
Il tritura son alliance sur son doigt et le chagrin revint. Il était désormais veuf. Sa vie avec Daria, avait été merveilleuse, courte, mais pleine de rire et de joie, ensemble ils avaient goûté les meilleurs restaurants, éprouvé les meilleures fêtes, chanté et dansé sous la pluie au bout du monde. Elle lui manquait déjà et se sentait très seul, mais un maigre réconfort vint se blottir contre lui. C'était Lucas, leur fils. Simon avait été contre l'idée, Daria pour. Elle l'avait convaincu avec douceur de se laisser envahir par l'amour d'un enfant. Il craignait qu'il ressemble à sa mère et ne souffre trop d'être orphelin de mère si jeune. L'enfant pleurait, mais avait compris très tôt que sa maman ne serait pas éternelle, à l'instar de son papa qui serait toujours là.
Simon pourrait, à travers Lucas, vivre pleinement l'enfance qu'il n'avait jamais eu, cloué sur son lit d'hôpital et se réjouissait de devoir faire le même travail qu'avec Daria : profiter au maximum de la vie, avec une fin bien plus heureuse pour eux deux, car à la différence du couple qu'il formait avec Daria, la mort ne serait par leur invitée surprise.
La défunte avait prévu une playlist, qu'elle avait caché à Simon, c'était son choix.
Lorsque le début de la chanson de Daniel Balavoine résonna dans la salle, le cœur de Simon se retourna. Il n'y avait pas de meilleur clap de fin.
Heure sonne matin
Pleure chagrin
Et repasse le film humide
Du passé dans les yeux
Court bien trop court
Notre amour
Et les appels au secours
Savent qu'un sourd n'entend pas ce qu'il veut
Et pourtant il veut vivre ou survivre
Sans poème
Sans blesser tous ceux qui l'aiment
Être heureux, malheureux
Vivre seul ou même à deux
Et pourtant il faut vivre ou survivre
Sans poème
Sans blesser tous ceux qu'on aime
Être heureux, malheureux
Vivre seul ou même à deux
Et pourtant je veux vivre ou survivre
Sans poème
Sans blesser tous ceux que j'aime
Être heureux, malheureux
Vivre seul ou même à deux
Vivre ou survivre
Seul ou même à deux
Pour lui, sa vie est devant.
Pour elle, sa vie est derrière.
FIN
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