24
Juliette prit un cutter et, d'un geste agile, ouvrit le carton qui se présentait devant elle. Juliette l'ouvrit d'un coup sec. Crrrrrrrr, entendit-on dans le salon où de nombreux cartons jonchaient encore le sol. Elle posa le cutter sur la table basse à ses côtés et rabattit les bords du carton, d'un côté puis de l'autre. Elle plongea les mains dans celui-ci et en sortit plusieurs disques vinyles. Beatles, Bowie, ABBA, Queen, Led Zeppelin, Elvis Presley... petit voyage dans le temps tandis qu'elle découvrait les goûts musicaux de son meilleur ami. Elle les tint contre sa poitrine et se leva doucement. Dans la salle de bain, elle trouva Adam qui rangeait les produits de Tao.
— Tao ? demanda-t-elle.
— Dans la chambre, je crois.
Elle marcha le long du couloir, où chaque pas faisait craquer le parquet. Devant la chambre, elle frappa doucement de son poing contre la porte blanche. Un grand blond ouvrit et, de son index, replaça ses lunettes rondes sur son nez droit.
— Ah, Juliette ! Tu as besoin de quelque chose ?
Elle hocha doucement la tête et chercha Tao du regard. L'homme lui désigna un coin de la pièce. Tao était là, vidant consciencieusement ses valises une par une. Il rangeait chacun de ses vêtements avec soin dans sa nouvelle garde-robe. Dans leur garde-robe. Celle qu'il partageait désormais avec Armand. Juliette s'avança, les vinyles toujours contre sa poitrine. Tao leva les yeux, les posa sur son amie et sourit tendrement.
— Je peux les mettre où ?
Tao se rendit compte qu'il n'avait pas vraiment à ses vinyles. L'appartement d'Armand n'avait peut-être pas la place pour des vinyles et un tourne-disque. C'étaient peut-être, surement, des objets inutiles. Mais Armand s'approcha de Tao, prit son visage entre ses mains et déposa un baiser sur son front.
— Ne te prends pas trop la tête avec ça. Je passerai acheter une commode pour tes vinyles après le travail.
— T'es sûr ? J'ai pas envie d'encombrer ton appart. Si je ne trouve pas, je les vendrai.
— Mon appart ? Notre appart ! Tu as autant le droit que moi d'avoir ton espace et tes affaires.
Tao sourit. C'était vrai, finalement. C'était leur appartement. Ils habitaient enfin ensemble. Après... deux, trois ans de relation. Ils avaient leur cocon. Enfin, dans leur bulle. Tao avait annoncé la nouvelle la veille. C'était... presque tombé du ciel. Si Juliette pouvait entendre cette partie de ses pensées, elle ajouterait sans doute : « Et les nombreuses ruptures, on les compte ? Non? Toutes les fois où Armand ne t'a pas assumé ? Où il a préféré présenter des femmes à tes parents et où tu n'étais qu'un collègue de travail ? ». Mais ce n'est pas le moment pour les reproches.
— Ne t'en fais pas, je m'en charge !
— Merci, Armand, je t'aime
— Moi aussi, répondit-il finalement en embrassant Tao sur les lèvres.
Juliette leva les yeux au ciel et Tao, la voyant, fronça les sourcils. Armand, après un sourire adressé à Juliette, quittait la pièce. Sans attendre qu'il soit assez loin pour ne plus les entendre, Juliette s'exclama :
— Je peux toujours pas me le voir.
— Oh, Juliette...
— Quoi ? Je ne peux plus dire ce qui me passe par la tête?
— Il a changé.
— Jusqu'à quand ?
— Il... On habite ensemble.
— Félicitations, tu as certainement l'étiquette du bon coloc sur le front.
— Des colocs ne dorment pas dans la même chambre.
— Peut-être qu'il y a une pièce secrète. Une chambre qu'il garde pour les jours où ses parents lui rendront visite.
Tao lui jeta un coup d'œil et hocha la tête de gauche à droite. Alors qu'il faisait tomber une chemise, il se baissa pour la ramasser. Il voulut la replier, mais ses mains tremblaient doucement.
— Tu es injuste avec lui.
— Il ne l'a pas été avec toi?
Il souffla. Il ouvrit l'autre moitié de la valise, où ses pantalons étaient soigneusement rangés. Il les sortit et les plaça dans la garde-robe.
— Tu vois, tu ne réponds plus.
— Parce que je n'ai pas de salive à gâcher avec toi.
Juliette le regarda, plissa les yeux. Elle réalisa.
— Merde, Tao, je voulais pas te blesser. Je suis désolée.
— Tu m'as pas blessé. Je m'en branle.
— Menteur, Juliette dit en faisant mine de tousser.
Tao se mit à rire doucement. Il prit un de ses pantalons et le lança à Juliette. Elle l'attrapa au vol et le replia.
— Je comprends pas ce que t'as avec lui. Sérieusement, il a toujours été correcte avec toi.
— Peut-être, mais pas avec toi. Et ça me suffit. Puis, il est blond. J'ai un problème avec les blonds. J'aime pas les blonds.
— Pas les blondes...
— Hey ! s'exclaffa-t-elle en lançant un coussin à Tao.
Tao attrapa le coussin au vol, l'envoya négligemment sur le lit, puis vida une autre valise qu'il referma avant de la descendre du lit et de la faire rouler jusqu'au coin de sa (leur) chambre. Il partit dans le salon et revint quelques minutes plus tard avec la dernière valise. Il éclata de rire en voyant Juliette allongée de tout son long sur le lit.
— Sache que t'es sur le côté d'Armand.
— Oh mais beurk, s'exclama-t-elle en roulant sur l'autre côté avec un air de dégoût.
Tao rit franchement et déposa la valise sur le lit. Il l'ouvrit et reprit son tri. Juliette s'éclaircit la gorge et lui demanda de s'approcher. Ce qu'il fit.
— J'ai dis à Adam que j'étais...
— Oui ?
— Que j'étais ... Tu sais.
— Non, je sais pas, répondit-il en souriant.
— Fais pas le malin avec moi, tu sais très bien ce que je veux dire.
— Non, pas trop. Explique-moi, répondit-il avec un air faussement innocent.
— Mais... Oh Tao !
— Juju, trésor. C'est bien de vouloir le dire aux gens, mais est-ce que toi, tu le sais ?
Juliette fronça des sourcils. Elle se redressa, se tourna sur le côté et appuya sa tête contre sa main. Tao déplaça la valise avant de venir s'installer à ses côtés. Il se mit alors à lui caresser doucement la joue.
— C'est très bien de vouloir le dire à tes proches. Mais assure-toi d'être vraiment prête.
— Adam a bien réagi.
— Je ne parle pas des autres, mais de toi.
— Eh bien quoi?
— Est-ce ... Est-ce que tu es prête à t'identifier comme telle ? Parce que, crois-moi, ce n'est pas en le disant aux autres que toi-mêmes tu l'accepteras.
— Je crois que je l'accepte.
— Alors, dis-le.
— Dire quoi exactement ?
— Juju...
— Ok. Je suis... Je... Je suis lesb... J'aime les filles.
— Tu vois ?
— Mmhh, peut-être... Tu crois que j'ai bien fait de le dire à Adam ?
— T'en penses quoi, toi ?
— Je sais pas, justement. C'était peut-être trop tôt.
— Tu regrettes de lui avoir dit ?
Juliette se laissa retomber sur le dos. Ses yeux parcoururent la surface du plafond, comme si elle cherchait la réponse. Mais, elle l'avait déjà.
— Non, pas du tout. Je crois même que ça m'a fait du bien de lui dire.
— Alors, oui, tu as fait le bon choix.
Juliette tourna la tête vers Tao, celui-ci lui souriait doucement. Il déposa un baiser sur sa joue, puis recula. Il se leva du lit et reprit son tri. Juliette, elle, reprit sa contemplation du plafond. Peut-être y trouverait-elle le courage d'assumer pleinement qui elle était. Elle entendit Tao s'éclaircir la gorge.
— Armand est passé par là. Ne le déteste pas trop, il est celui qui te comprend le mieux ici.
*
— Pa... Passe-moi le coca.
— Non ! répondit Tao en passant la bouteille de coca à Adam.
Celui-ci leva les yeux au ciel en attrapant la bouteille. Le rire de Juliette résonna dans la cuisine quand elle les vit se chamailler. Le téléphone de Tao vibra sur la table. Il le prit et pianota rapidement dessus. Soudain, il fronça des sourcils.
— Tout va bien ? l'interrogea Juliette.
— Mmhh... ouais.
Tao jeta un regard discret à Adam et Juliette comprit. Il parlait avec Lila.
— Vous n'êtes pas discrets. Tao, tu peux dire clairement que tu parles à Lila.
— Clairement, je parle à Lila.
— T'es vraiment trop con.
Tao rit et lui envoya un baiser volant.
— Rien de grave ? demanda Adam après quelques minutes.
— Non, non. Daphné est revenue aujourd'hui de son shooting à Dublin. C'était pas prévu, donc c'est Lila qui va la chercher. Elle me raconte toutes les galères du trajet. Mais elle dit qu'elle sera bien là ce soir.
— Ce soir ? Elle v...vient ce soir ?
Tao leva les yeux de son téléphone. Il prit son verre et but une très longue gorgée.
— En fait... Elle était censée venir plus tôt... Pour nous aider, mais euh...
— Moi...
— Ouais... Donc, avec Armand, on s'est dit qu'on allait l'inviter ce soir. Je suis désolé de ne pas te l'avoir dit.
— T'as pas de compte à me rendre. T'en fais pas.
— Manquerait plus que ça, tiens.
Adam rit. Et, malgré ce pincement au cœur, il se sentait reconnaissant d'être entouré de son frère et sa sœur.
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