Chapitre un.
( MARIGOLD ✶ Quelque part dans Londres. )
L'écho d'une plainte grave pèse dans l'appartement ; sa poussière remuée et des morceaux de plâtre tombant des murs tandis que le pendule dans le coin accompagne la mélodie de l'horloge.
ㅡ J'aurais dû la laisser... éteinte. Cassée ? J'en sais rien, en fait.
La silhouette sur le canapé sale est teintée de gris et parle seule ; personne ne lui répond. Pas même la jeune femme qui vient de franchir la porte d'entrée, suivie d'un corps comme son ombre.
ㅡ T'en penses quoi, toi ? Je devrais la casser de nouveau, cette horloge de merde ?
ㅡ On s'en fout de l'horloge, Benjy.
ㅡ Vance, t'es là toi aussi ? Depuis quand ? Putain, pourquoi est-ce que je t'ai pas vu ? Benjy braille dans le salon et Marigold et Emmeline quittent la pièce.
( C'est une scène sur laquelle les personnages défilent et se succèdent. Les planches connaissent chacun de leurs pas mais n'ont aucune idée de leurs noms ; ceux-là changent en fonction des saisons. Prenez Marigold, par exemple. Est-elle seulement Marigold ? Pourquoi Benjy s'évertue-t-il alors à la traiter de Mangemort depuis qu'il a ouvert la première bouteille, dont le cadavre jonche le parquet sale ? Ça pue le rhum, dans la pièce, et les macchabées sont légion ).
ㅡ T'as filé une de tes clefs à Benjy ?
ㅡ Non.
ㅡ Putain.
Marigold veut vomir à nouveau, mais la faïence de l'évier la dévisage et la défie de le faire.
Elle sait que son appartement sera bientôt vide, que Benjy Fenwick et sa meilleure amie franchiront la porte et la laisseront seule avec le pendule et la poussière du parquet. Il ne resterait alors que les murs pour l'avaler.
ㅡ Goldie, tu veux manger ? Tu dois manger.
Emmeline ne sait pas encore que les placards sont vides. Elle le découvrira en même temps que Marigold, qui s'en doutait déjà : la moisissure qui jonche les étagères a le même reflet argenté que le masque à côté duquel Silas était allongé.
Sa chambre est au bout du couloir ㅡ et quand Marigold sera seule, qu'elle aura l'occasion d'en explorer chaque recoin, y trouvera-t-elle la culpabilité de son frère ?
ㅡ Pas besoin de ça, ma belle! C'est Benjy qui crie, puisqu'il sait. Marigold se dit qu'il a dû lire dans ses pensées. On a examiné sa baguette, ton taré de frère les a tué!
ㅡ Benjy, tu te tais!
ㅡ Son frère, Emmeline! C'est son frère qui a tué la famille de Marlene! Sa mère, son cousin, ils sont morts, et son père aussi. Marlene aussi. Dis-moi, Marigold, comment tu vas expliquer ça à Sirius ? À Camille ?
ㅡ Elle n'a rien à leur expliquer, tu m'entends ? Tu n'as à te justifier de rien du tout, Goldie.
Mais bien sûr que si.
ㅡ Bien sûr que si! Et c'est pour ça que Maugrey l'a envoyé sur la scène. Il voulait qu'elle voit ce que son frère avait fait. Et toi, Marigold, qu'est-ce que tu as fait ? T'es partie, t'es même pas resté deux minutes.
Le hurlement précède le silence parce que personne ne remarque le fracas. Seulement les conséquences.
Les mains d'Emmeline sont plaquées sur sa bouche pour éviter de nouveaux débordements, et Benjy sur le canapé laisse le sang et les gouttes de rhum perler sur sa joue ㅡ la bouteille qui s'est fracassée contre le mur y a laissé une marque, et Marigold le toise du regard. Elle avait saisi le goulot et l'avait lancé sur le sorcier, comme un sort.
Benjy poursuit néanmoins ( personnage principal auto-attribué de cette Scène, il ne peut s'empêcher de déclamer son monologue ).
ㅡ Moi, j'ai dû reconnaitre les cadavres de mon amie et de sa famille. Puis j'ai appelé ma femme pour lui annoncer que sa meilleure amie était morte. Ça te fais quoi, de savoir que Marlene est morte ?
ㅡ Qu'est-ce que tu veux que je te dises, Benjy ? Vraiment, qu'est-ce que je dois dire ?
Benjy Fenwick hausse les épaules, réprime un hoquet lourd du parfum de l'alcool en partie digéré. Marigold est coupable, puisqu'elle est vivante.
ㅡ Ils auraient raison de t'éloigner de l'Ordre. C'est p't-être toi, l'espion qu'on cherchait depuis des semaines ? Faudra dire à Lupin d'arrêter de se cacher. D'ailleurs, il est où, lui, putain ?
ㅡ Ça t'intéresse enfin de savoir, depuis que vous l'avez foutu à la porte ?
ㅡ Mh, on sait jamais qui peut être utile. Et si jamais tu trouves quoi que ce soit sur ton frère, n'hésite pas à me le filer. Le Ministère serait ravi de l'examiner.
La porte ne claque pas vraiment. Elle se ferme simplement sur la première scène d'un nouvel acte, d'une pièce qui a déjà commencé, et englouti Benjy Fenwick au passage.
Emmeline est toujours au milieu du salon, Marigold à quelques pas d'elle ; et la première ne peut s'empêcher de douter. Elle ne doute pas, elle a confiance en sa meilleure amie. Devrait-elle ? Elle lui tourne le dos, elle sent Marigold et le poids de son regard entre ses clavicules. Emmeline a confiance, mais le temps d'un instant, elle ne sait juste pas si c'est judicieux.
ㅡ Em', tu peux t'en aller si tu veux. Je vais m'en sortir, rentre.
ㅡ T'es sûre que tu ne veux pas que je reste ? Emmeline est tendre avec Marigold. Elle avait raison de lui faire confiance, là, dans le salon.
ㅡ T'as pas vraiment envie de rester. Je te connais, tu sais ?
ㅡ Désolée, Emmeline s'excuse.
ㅡ Il faut pas, Marigold répond.
Les deux ne sont pas très loquaces, et qui va les blâmer ? Faudrait peut-être rappeler Benjy pour combler le silence, le sortir du caniveau dans lequel il s'est sûrement vautré pour l'inciter à hurler d'autres conneries ( et s'il avait raison ? ).
ㅡ Rentre tranquille, et appelle moi lorsque que tu seras en sécurité.
Emmeline hoche la tête, se dirige vers l'entrée / sortie. Les coulisses l'attendent, l'ombre lui tend les bras.
Elle appelera moins d'une heure plus tard, et Marigold n'aura pas bougé. Elle l'imaginera déambuler dans les couloirs tapissés du petit manoir de l'Ordre du Phénix, ceux qu'elle avait l'habitude de traverser.
Sa chambre est encore pleine de ses souvenirs, Marigold n'a pas eu le temps de les embarquer dans sa valise. Que deviendront les posters aux murs, les photos qui y sont accrochées ?
L'horreur vient de jeter son châle sombre sur Marigold Mevant tandis que ses amis sont berçés par le deuil ; et bientôt son nom de famille se trouvera sur une pierre tombale. Pourrira-t-elle alors ? La mousse et les vers recouvriront son corps, personne ne la pleurera vraiment puisque c'est un sort qu'elle s'est elle-même infligée.
( On tape à la porte ).
ㅡ Remus ?
ㅡ J'ai appris ce qui s'est passé. Comment tu vas ?
Marigold pleure, pleure entre le paillasson et l'appartement qu'elle partageait autrefois avec Silas, entre les bras de Remus et les pans de son manteau usé ; la peine quitte son cœur et se blottit dans sa gorge tandis que Lupin lui caresse les cheveux.
Ils sont deux fantômes qui se partagent le hall abîmé par les années ( c'est à ce moment-là que la pièce débute réellement ). Le reste n'était rien, rien d'autre que des flocons de neige carmins se posant silencieusement sur les bords d'une fenêtre sale ou sur les pavés.
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