chapitre 7
Felix était nu, devant une vingtaine d'autres garçons, nus comme des vers aussi. Il se sentit observé, jugé, il osait à peine regarder ses amis, qui se moquaient gentiment de lui, surtout Hyunjin qui enchaînait les blagues obscènes, accueillies par un regard noir de la part du rouquin. Il se lava le corps, le plus vite qu'il pouvait. Il ne savait pas pourquoi il était aussi gêné, d'habitude il aimait bien son corps, mais à cet instant, il ne pouvait pas se contrôler.
Il se frotta le sang séché sur son bassin et son bras, puis une fois fini, il traça une ligne droite jusqu'au mur bas qui cachait ses parties intimes. Il prit des vêtements propres, un débardeur blanc, mais quand il prit le pantalon ample, il se rappela de son rendez-vous, il ne pouvait pas combattre en petite nuisette. Il prit donc son bas de la journée, qui n'était pas trop sale, hormis quelques traces de sang par ci par là. Une fois rhabillé, il vit ses camarades s'amuser. Il trouvait Hyunjin et Seungmin étrangement proches, il remarqua que le premier regardait beaucoup l'autre, quand il en avait l'occasion. Felix en fut troublé, mais peut-être se faisait-il des idées. Il prit le bas de son pyjama, pour quand il irait se coucher. Il allait attendre ses amis dans leur chambre.
Le parfum du savon embaumait la salle, et même les dortoirs. L'odeur désagréable qui planait commençait à s'en aller. Felix se demanda si les autres prisonniers avaient remarqué ce nettoyage, mais enfin bon, cela lui importait peu. Il se sentait assez gêné que tout le monde ait pu connaître ses exploits inutiles. Il attendit de longues minutes, à regarder le plafond, nerveux à mesure que le temps rattrapait la nuit.
Ils revinrent tous, décrassés, propres, prêts à manger, puis à dormir. Installés dans leur hamac, ils se racontèrent leur après-midi, rien de spécial n'avait animé la journée de Seungmin et de Jeongin. Quand Hyunjin raconta sa corvée liée à celle de Felix, celui-ci remarqua que Seungmin avait le regard soudainement renfrogné, comme s'il en voulait à l'un des deux. Était-il jaloux que Felix ait passé du temps avec son ami ?
Le repas mit fin à cette tension palpable, comme à leur habitude, ils se partagèrent le dîner, qui se passa en silence. Il avait une faim de loup, mais devait se contenter de sa part. Il n'était pas le seul à avoir le ventre à moitié vide. Ils se couchèrent, sans grand-chose à se raconter, Hyunjin avait remarqué que Seungmin l'évitait, alors que tout était normal quand ils avaient pris la douche ensemble, Felix vit qu'il n'avait plus trop le cœur à rire. Il se sentit coupable, il ne voulait créer aucun malaise ni aucune jalousie entre eux, il les trouvait vraiment gentils.
Le couvre-feu approchait à grands pas, Felix tremblota. Le pirate qui s'occupait d'assigner leurs corvées, passa dans le couloir, puis ce fut le silence total. Felix se leva de son lit, plus ou moins prêt à partir. Il ouvrit silencieusement la porte.
- Bonne chance, chuchota Jeongin, suivi des deux autres.
Felix sourit, il en avait besoin de cette chance, et de ce courage. Il marcha le plus doucement possible sur le plancher bruyant, jusqu'à la sortie des dortoirs. Le vent frais le fit trembler encore plus fort, il chercha le fils du capitaine des yeux. Il le trouva, debout, une arme dans chaque main. Le rouquin s'avança prudemment, jusqu'à distinguer les détails de ses vêtements, plus amples pour pouvoir mieux bouger pendant le combat, lui aussi portait un simple débardeur noir, dévoilant ses muscles bien développés, avec un pantacourt, plus clair. Il gardait toujours son bandana, éclairé par la lune. Lui aussi devait avoir froid, mais il ne le montra pas. Felix s'arrêta devant lui, attendant ses instructions. Le fils du capitaine le regarda de ses yeux sombres, ce qui fit encore frémir le plus jeune.
- On va s'entraîner à l'intérieur, on sera plus tranquilles.
Il se dirigea alors dans le sens contraire qu'avait effectué Felix. Celui-ci leva les yeux au ciel et le suivit en grommelant intérieurement. Ils prirent les escaliers, les menant dans une partie du bateau que le rouquin ne connaissait pas encore. Arrivés à destination, ils se trouvèrent dans la réserve, la pièce était spacieuse, et très froide. Felix se chauffa les bras en grelottant. Dans tous les coins étaient stockées tous les vivres, les réserves de canons, de cordes, de bois et de tous les matériaux indispensables pour le navire et son équipage. Le milieu était assez grand pour pouvoir organiser un combat d'épée, Felix pensa que c'était sûrement ici que s'entraînaient les autres participants au grand spectacle, les fameux prétendants au titre de pirate. Le fils du capitaine lui donna une des épées qu'il avait dans les mains et se positionna au centre de la pièce.
- On va commencer par les bases. Je vais t'enseigner les positions principales dans un combat. Je vais te montrer une certaine posture, et tu la reproduiras. C'est compris ?
Felix acquiesça. Son instituteur commença par des figures simples, il avait remarqué que son élève avait du mal à manier un objet aussi lourd, surtout avec une seule main. En effet, Felix n'avait pas autant d'énergie qu'il avait en temps normal. Le travail qu'il avait effectué depuis le début de la journée, en ajoutant sa blessure, l'avait épuisé. Tout ce qui s'était passé depuis la veille ne l'aidait pas à se concentrer, mais au contraire le submergeait de noires pensées qui empiraient avec son manque total d'énergie. Malgré sa fatigue, il s'accrocha, il essayait du mieux qu'il pouvait de reproduire le plus fidèlement possible ce que le fils du capitaine faisait. Quelquefois, le maître s'arrêtait pour corriger certains défauts.
- Positionne ta jambe plus à droite, tu dois savoir garder ton équilibre. Si ton adversaire a le dessus, tu dois trouver la bonne posture pour avoir une meilleure position d'appui et reprendre l'avantage, expliqua le maître d'une voix énergique.
Felix n'écoutait qu'à moitié, il profitait de ces courts instants de pause pour reprendre son souffle et garder sa force mentale pour ne pas s'écrouler au sol.
- Recommence, sois plus précis dans tes gestes. Il faut avoir de la force dans chacun de tes membres, prêt à te défendre pour la prochaine attaque.
Il n'en pouvait plus, ses jambes ne voulaient pas lui répondre, il ne les sentait plus. Il essuya toute la sueur de son front et plaqua ses cheveux humides en arrière. Il ne remarqua pas que le pirate s'était arrêté, et qu'il le regardait en silence. Felix se tourna vers lui, il ne put déchiffrer son expression, c'était fini. Il avait passé moins d'une journée entière sur ce bateau, et il n'a pas été à la hauteur. Il allait être puni, ou peut-être même servir d'en-cas aux requins. Son maître allait tout rapporter au capitaine, de son premier cours lamentable, alors qu'il avait pourtant vu en lui des qualités d'un combattant. Il se ressaisît, il devait montrer sa détermination, son souffle était devenu plus régulier, même s'il était très loin d'être en aptitude à se concentrer.
- On va s'arrêter là pour aujourd'hui, annonça calmement son maître.
- Non, je peux continuer, répliqua le rouquin, l'air sûr de lui.
- Tu n'es pas en état de t'entraîner, s'emporta le fils du capitaine. Tu es épuisé, mon but n'est pas de te tuer, mais de te former.
- Je vous assure que ça va, je peux encore tenir.
Son mensonge était aussi gros que le navire dans lequel il était, il ne savait pas pourquoi il insistait autant pour rester et continuer à essayer de l'impressionner. Le pirate tenta de calmer sa colère, la tension était palpable. Felix attendit dans le silence le plus total, mais il n'eut pas le temps de réfléchir que son maître partit, sans un regard. Le rouquin le suivit des yeux, dérouté par son attitude. Il se retrouva seul, l'épée à la main, complètement désorienté. Il la jeta violemment au sol, emporté par sa confusion. Le bruit résonna dans la réserve, mais il n'en fit pas attention, il essayait de démêler ses sentiments.
La peur de ce que pensait le fils du capitaine de lui le rongea. Il devait se montrer digne, fort, mais la fatigue avait détruit toutes ses chances. Il voulait prouver sa valeur, mais son premier essai l'avait rayé de la liste, son maître devait être déçu, sûrement furieux contre lui-même d'avoir accordé sa confiance à un imbécile. Le capitaine et tous ses pirates allaient le ridiculiser, le réduire à néant. Il n'était plus rien.
En silence, il ramassa son épée, et sortit de cet endroit maudit. Le calme de la nuit apaisa les vagues destructrices dans le cœur de Felix, mais pas sa peine. Il se dirigea vers l'armurerie pour poser son épée là où il l'avait rangée pour la dernière fois, et prit le chemin en direction de son lit. Ses amis dormaient à point fermé, il n'eut même pas la force de se changer, il s'écroula sur son lit et se roula en boule. Alors les larmes coulèrent abondamment, sans retenue, personne ne pouvait le voir, ni l'entendre. Il retrouva cette sensation familière, à bord de ce navire où il était terriblement seul, loin de ceux qu'il aimait, livré à lui-même et à ses angoisses les plus profondes et sinueuses. Il refoula ses sanglots du mieux qu'il pouvait, et s'endormit quand il n'eut plus de force pour pleurer.
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