« Othoniel ? Celui qui nous a pondu un truc moche place Colette ? »
En rentrant de la promenade, Camille n'eut pas le temps de s'apitoyer sur sa bêtise.
Elle était trempée de la tête aux pieds. Elle courut se doucher et se changer afin d'être prête à temps pour le dîner des enfants.
Puis ce fut l'heure de l'interminable coucher d' Eun-ji. La grand-mère rassura Camille en partant ; les antibiotiques commençaient à faire effet et elle lui avait donné sa dose de Paracétamol.
Dambi avait bien tenté de reprendre la conversation abandonnée quelques heures plus tôt mais elle paraissait bien curieuse de ce qui s'était passé durant les deux heures d'absence de sa nounou ! Elle était patiente, elle attendrait demain matin ; elle voyait bien qu'elle n'obtiendrait rien ce soir !
Onze heures sonnaient quand Camille entendit M. Paek rentrer. Elle finissait de ranger le salon. Il la salua gentiment avant de lui souhaiter une bonne nuit. En quinze jours, elle l'avait à peine vu. Il avait un rythme de travail indécent ! Président de la société familiale, il dépassait très fréquemment les cinquante-deux heures légales travaillées par les cadres. Dambi semblait s'en accommoder. Du moins, elle ne se plaignait jamais de l'absence de son père. En revanche, celle de sa mère, c'était une toute autre histoire ! Elle avait beau se plaindre que sa mère était tout le temps à la gronder pour qu'elle fasse encore mieux à l'école, elle lui manquait affreusement.
Camille jeta un oeil à l'immense baie vitrée du salon. On y avait une vue plongeante sur la ville illuminée. Tout y semblait très vivant. Mais elle, elle avait besoin d'une bonne nuit de sommeil. Demain, c'était son jour de repos, et alors là, et seulement à ce moment là, elle essaierait de comprendre comment elle avait pu gâcher une promenade aussi merveilleuse !
Elle se jeta dans son lit et fut embarquée par le sommeil en un rien de temps !
*
— Eonni ?
Des petits doigts s'amusaient avec les mèches de cheveux qui pendaient devant ses yeux clos.
— Eonni ? Tu me racontes ? Vous avez fait quoi ?
— Grlmmlll... parvint à articuler Camille qui maudissait les rayons du soleil qui tombait directement sur son visage.
— Allez, raconte !
— Quelle heure est-il ? la petite ne comprit strictement rien à ce que marmonnait la jeune fille (selon elle, même Molang et Piu Piu étaient plus compréhensibles qu'une Camille au réveil). Alors, sans attendre de réponse, Camille attrapa son téléphone.
— 7h00... 7h00 !!!! DAMBI !!! Tu te moques de moi ? pestiféra Camille dans le français le plus articulé dont elle était capable. C'est mon jour de repos, Dambi !
— Alors ? Il t'a emmenée où ? Il t'a dit quoi ? insista la petite amusée et pas du tout impressionnée par la colère feinte de celle qu'elle commençait déjà à beaucoup aimer.
La maison s'animait peu à peu. On entendait Halmeoni, venue plus tôt, parler avec son étrange grosse voix à son fils. Pas de vagissements ni de cris. Le bébé commençait effectivement à guérir.
Camille réussit à se libérer de la petite crapule qui l'avait malicieusement réveillée avec quelques chatouilles et la promesse de lui en dire un peu plus ce soir (mais pas tout ! Oh non !). Pour l'heure, il était temps de filer sous la douche et de s'éclaircir les idées.
Et vite ! Car il arriverait à 10h comme promis malgré les dernières minutes gênantes qu'ils avaient passées ensemble...
« Crétine, crétine, crétine ! se répétait Camille en se savonnant. Tu ne peux pas réfléchir avant de parler ? »
*
Sortis de leur bâtiment, ils avaient commencé à déambuler entre les immeubles. Camille lui avait confier ne connaitre que très peu le quartier et lui faisait confiance quant à la promenade.
Un court silence gêné s'était installé alors qu'il s'apprêtait à quittait le complexe.
Camille osa :
— On peut vraiment se promener comme ça ? Je veux dire, personne ne va t'importuner ?
— Mmmhh... oui ! répondit-il avec un sourire sincère.
— Vraiment ?
— Vraiment ! On y va ?
En quelques minutes, toute gêne s'était envolée et elle eut le sentiment de partager un moment avec un copain de longue date. La conversation était fluide et détendue.
Namjoon revint au livre. Le livre que Camille promenait partout.
— Alors, tu aimes Kundera ?
— Tu as déjà lu Kundera ? répliqua Camille.
— Tu ne me réponds pas ! Pourquoi tu aimes tant ce livre ?
— Toi non plus tu ne réponds pas, s'entêta-t-elle.
— J'ai lu L'Insoutenable légèreté de l'être. Oui, j'ai bien aimé ! Allez, réponds maintenant, supplia-t-il avec une moue bien trop charmante.
— Non.
— Comment ça, non ?! Tu l'as lu et relu et tu le promènes partout. Je suis sûr qu'il est dans ton sac actuellement !
— Non, je ne l'aime pas ! dit simplement Camille, la mine un peu fermée.
— Ne te moque pas ! On se connaît à peine... je vais finir par croire que tu es sérieuse !
— Je ne l'aime pas, mais pas du tout ! Il me fait réfléchir, voilà. Il me parle. Il finira sur l'étagère avec les autres restés en France quand je l'aurai digéré...
— ...
Le grand jeune homme ne trouva rien à répondre mais Camille vit dans son regard qu'il comprenait, un peu trop bien même !
Les rues n'étaient pas très animées ; il était encore tôt. Les personnes qu'ils croisaient semblaient soit pressées soit accablées par la chaleur, voire les deux !
Quelques gouttes commençaient à tomber lorsqu'ils croisèrent le chemin d'un gros matou tout roux. Namjoon s'accroupît pour l'attirer à lui. Camille fut un instant subjuguée par la transformation : ce n'était plus le bel homme charmant qu'elle avait sous les yeux mais un homme avec des yeux d'enfants... adorable !
Camille secoua la tête comme pour se remettre les idées en place. Il le remarqua et attribua ce mouvement de tête au début de pluie. Il l'attrapa par la main. Son coeur se mit à battre à tout rompre. Alors qu'il l'entrainait avec lui, elle ne pouvait détacher ses yeux de cette main qui tenait fermement ses doigts.
Un an en août, un an qu'ils avaient rompu. Un an que Camille s'était enfermée dans sa coquille et n'avait plus laissé personne l'approcher !
Et lui, lui, en une fraction de seconde, il passa du voisin célèbre un peu trop beau avec qui elle faisait connaissance à celui qui, potentiellement, pourrait tout chambouler !
Il débarqua ainsi dans ce total chaos qui tenait de coeur à Camille.
La pluie redoubla, le tonnerre gronda. Les frissons de Camille la firent revenir à elle.
— Ça va ? demanda-t-il gentiment alors qu'ils s'étaient arrêtés devant un petit salon de thé presque désert.
— Oui... mentit-elle.
Attablés, là, comme si le monde n'existait plus, ils se mirent à parler d'art. Camille était impressionnée par la culture et la sensibilité de son voisin temporaire. Un peu jalouse aussi de ses voyages ! Il fallait bien se l'avouer... Elle finit par confier qu'elle avait beaucoup de mal avec l'art contemporain. Il s'élança alors dans un discours passionné sur les artistes contemporains coréens ! Il aimait aussi des artistes français ! Camille le regardait mi amusée mi impressionnée. Il parlait de plus en plus vite et s'agitait sur sa chaise. Ses mains dessinaient d'immenses courbes en l'air manquant de peu de renverser son mug. Elle était heureuse ! Elle se sentait heureuse !
"MINCE ! JE SUIS HEUREUSE !"
C'était quoi ce sentiment merveilleux qui l'avait quittée depuis longtemps ? Quoi ? C'était aussi simple qu'un grand gars passionné arraché à son vélo par un gentil toutou un peu trop fou ?
— Tu connais Othoniel ?
— Othoniel ?
— Oui, un artiste français. Il fait des sculptures avec des perles de verre géan...
— Ha ! Oui ! Othoniel ? Celui qui nous a pondu le truc moche place Colette ?
Elle n'avait pas fini sa phrase qu'elle se maudit intérieurement devant la mine déconfite de son compagnon !
Regardant son téléphone, il lui demanda s'il ne serait pas temps de rentrer ; elle ne devait pas être de retour pour vingt heures ?
Le retour fut pénible. Il commençait à pleuvoir vraiment fort et Camille peinait à suivre les grandes jambes qui la précédaient.
Dans l'ascenseur qui les reconduisaient chez eux, tout dégoulinants, il lâcha enfin :
— Je veux te montrer quelque chose demain matin. C'est possible ?
— Heu, oui, mais qu...
— Je viendrai te chercher à dix heures.
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