Ne pars pas !
En ce dimanche matin, Camille ne fut pas réveillée par le soleil tombant joyeusement sur sa tête de lit ou les adorables menottes de Dambi.
Le mode "Ne pas déranger" de son téléphone ne faisait plus effet. Et toutes les notifications de la nuit se mirent à tintinnabuler sans discontinuer ! Il était huit heures et la vie reprenait.
Elle tenta tant bien que mal d'ouvrir les yeux. Ce fut compliqué. Ceux-ci rougis par les larmes de la veille n'appréciaient guère le flot de lumière.
Une petite boule toute chaude attrapa son teeshirt et se blottit entre ses seins. Eun-ji était là, paisible, tétant sa lèvre, les yeux adorablement clos. Et, à l'autre bout du lit, Dambi revisitait la position de l'étoile de mer, le visage à moitié écrasé contre un oreiller. Camille ressentit un éclair de chaleur se répandre dans toute sa poitrine.
"Oh les petites fripouilles ! Quand je pense que je ne devais pas m'attacher !"
Le téléphone de Camille reprit son cours infernal d'alertes. Avant même qu'elle ne réagisse et ne puisse l'éteindre, Dambi marmonna :
— T'as un message...
— Oui, je me doute. Tu peux me dire comment ton frère et toi êtes arrivés ici ?
Maintenant, tout à fait réveillée ( "Ces-gosses-je-vous-jure-ils-passent-de-je-dors-de-mon-plus-profond-sommeil-à-on-va-courir-le-marathon?"), Dambi répondit presque insolemment :
— J'ai pris Eun-ji dans mes bras. J'ai ouvert la porte. J'ai fermé la porte. Je...
— Dambiiiiii ! gronda gentiment Camille.
— Oui ? sourit la malicieuse petite gamine.
— Tu sais ce que je veux dire.
La Minipouss se fit soudain plus sérieuse et avoua :
— Quand tu es revenue hier soir, tu ne nous as pas embrassés comme tu le fais quand tu ne rentres pas tard. Eun-ji voulait son câlin du soir... enfin, on voulait notre câlin... mais Halmeoni nous a grondés et nous a dit de te laisser tranquille. Que c'était ton jour de congé. Mais moi, je t'ai entendu pleurer...
— Je ne pleurais pas. mentit Camille.
— Menteuse ! Moi aussi, je me cache sous mes draps pour pleurer ! Je sais le bruit que ça fait !
— Et donc ?
— Alors, comme je me suis réveillée tôt, je suis allée chercher Eun-ji. Comme ça, on va avoir un câlin du matin ! Et ça va te consoler ! dit la petite chipie avec un grand sourire.
Un bruit de griffes sur le carrelage se fit entendre peu de temps avant de petits gémissements derrière la porte.
— Parfait ! Voilà le reste de la cavalerie !!! Tu peux ouvrir à Chingu, Dambi.
Celle-ci dégringola du lit sans se faire prier. L'énorme boule de poils sauta sur le matelas pour saluer à sa façon les occupants. Non seulement Eun-ji avait eu son câlin, mais à présent il avait sa toilette matinale ! Le petit n'apprécia guère ces démonstrations de tendresse brutale.
Camille eut un mal fou à calmer tout ce petit monde. La vie était entrée dans sa chambre par effraction ne lui laissant guère le temps de revenir aux soucis de la veille.
*
C'est après le petit déjeuner, une fois sous la douche pour un bref instant, que tout revint avec une force accrue. Elle se félicitait d'avoir à se presser de retourner près des enfants ; elle n'aurait pas l'occasion de penser. De trop penser.
Cependant, l'attitude de Namjoon et les mots de Nicolas faisaient leur effet, sourdement mais sûrement.
Tout en enfilant ses chaussettes à la hâte, elle aperçut, sur son téléphone laissé sur le lit, une nouvelle alerte qui fit apparaître toutes les précédentes.
Des appels manqués. Jimin, puis Léa et Sae Jin, lui... son cœur se pinça douloureusement.
Et une foule de notifications Instagram ! Malgré elle, Namjoon l'avait un jour abonnée à son compte pour s'amuser. "Je veux que tu me suives !" avait-il dit tout fier.
Et là, ce n'était pas une ou deux alertes de son compte public, mais quinze ! Peut-être plus... Des partages de titres :
Coldplay / We never change, Eliott Smith / Pitseleh , Finding Hope/3:00 AM, Eaeon / Don't...
Des photos de voyage.
Et une story hallucinante (une première sur son compte !) :
"Army, j'ai fait une bêtise. Qu'est-ce que je peux faire ?"
C'est alors qu'elle reçut ses sms.
Elle s'en voulut d'avoir été aussi laconique. Mais, pour le moment, c'est tout ce dont elle était capable.
Camille apprécia ce dimanche en famille. Certes, ce n'était pas la sienne mais tous, M. Paek inclus, la traitaient avec égard et beaucoup de gentillesse.
La grand-mère, sans aucune délicatesse, au cours de la promenade dominicale au bord du fleuve Han, confia :
— On ne s'attendait pas à grand chose en faisant venir une étrangère ! Mais toi, tu es une bonne fille ! Tu es bien éduquée et tu as la tête sur les épaules !
Camille rougit et, encore fragilisée par les émotions de la veille, sentait les larmes venir. Dambi, décidément très futée, glissa sa petite main dans celle de son père et demanda :
— Alors, elle peut rester ? Maman a dit que ça l'aiderait bien à son retour ! Papa ?
— Oui, c'est vrai, on l'a évoqué. Mais Camille a un autre travail qui l'attend. répondit calmement M.Paek
Halmeoni poursuivit le fil de sa pensée.
— Un bon travail. Tes parents doivent être fiers d'avoir un professeur dans la famille !
Camille allait tempérer les allégations de la petite dame mais cette dernière ne lui en laissa pas le temps.
Mais as-tu trouvé un logement ? Je me doute que non... c'est si compliqué. Tu te vois finir dans un goshiwon ?
Camille avait effectivement envisagé cette solution. Elle avait peut-être touché une belle somme pour le shooting de Petit Bateau mais les logements partaient vite et restaient hors de portée sauf à s'éloigner énormément. Ce qui rendrait son quotidien infernal.
La petite grand-mère à la voix de stentor poursuivit.
Je fatigue vite. Ma présence, cet été, convient pour un dépannage. Ma belle-fille reprenant son poste va avoir besoin d'un soutien à la maison que je ne peux pas forcément donner dans la durée. Je vois bien une solution qui contenterait tout le monde.
— Laquelle ? demanda son fils.
— Celle à laquelle tu as déjà pensé. Je continue à conduire Dambi à ses cours de danse et ponctuellement à d'autres activités. Et Camille, en échange du gîte et du couvert assure les mercredis et trois ou quatre soirées par semaine...
Dambi, trépignant de joie à l'idée de garder sa nounou, excita Chingu qui aboya. Eun Ji, dans sa poussette, se réveilla brutalement et se mit à pleurer à plein poumons. Tout le monde s'arrêta de marcher et M. Paek prit son petit garçon dans les bras. Lui tapotant doucement le dos, l'enfant s'apaisa et posa sa petite tête sur l'épaule de son papa.
— Cela te semble-t-il envisageable, Camille ? questionna M.Paek.
Elle hésita.
— Je suis très touchée. C'est même tentant. Cependant, j'ignore si je suis capable d'assumer les deux.
— Parce que tu t'imagines que ce sera plus simple de faire plus de quarante minutes de route chaque jour ou de cumuler un job à temps partiel et ton emploi afin de pouvoir te loger ? demanda sans malice la vieille dame.
— Puis- je réfléchir encore un peu ? demanda la jeune femme timidement.
Elle reçut pour toute réponse un hochement de tête encourageant de la part du père de famille, un regard incrédule de la part de l'aïeule, et une jolie moue boudeuse venant d'un petit visage fripon mais frustré.
*
Camille ne rentra pas avec la famille Paek. Ses deux amies, Léa et Sae-jin, l'avait rappelée tour à tour. Trop occupée, elle n'avait pas pu parler avec elles autant qu'elle ne l'aurait voulu. Ainsi Sae-jin l'avait invitée à la rejoindre dans un café restaurant à dix-huit heures.
Ce restaurant, RPM, se trouvait à Gangnam-Gu près du domicile de Sae-jin. Elle y avait ses habitudes et appréciait la présence régulière de musiciens ou de DJ. On y croisait autant de jeunes gens que de touristes. L'ambiance y était particulièrement chaleureuse. Elle avait pensé que c'était l'endroit idéal pour discuter avec Camille et lui redonner le moral !
Il était encore tôt mais le lieu était déjà très animé. La musique pulsait et de nombreuses personnes circulaient dans la salle. Camille eut du mal à repérer son amie déjà attablée qui lui faisait de grands signes de la main.
Camille hésita à s'asseoir. Il y avait déjà là un bel homme assez grand d'une trentaine d'années.
« Merde ! Sae-jin! A quoi tu joues ? Je n'ai pas l'esprit à ça aujourd'hui ! » pensait Camille qui s'imaginait que son amie tentait par là de détourner son attention de Namjoon en lui présentant quelqu'un d'autre.
— Camille !!! Assieds-toi ! Je te présente mon ami Joonki Min. Il gère le restau. Et il est musicien et mannequin à ses heures perdues !
« Rien que ça ! Tu tentes de sortir l'artillerie lourde, là, Sae-jin... » pensait Camille blasée.
Camille sourit poliment au jeune homme quand une main passa juste sous son nez pour taper fraternellement l'épaule de l'homme aux multiples talents.
— Salut, bro ! Tu nous trouves une table ou on s'installe avec ces demoiselles ? dit une voix enjouée.
Camille leva les yeux par-dessus son épaule et ne put retenir son exclamation :
— HAAN ?! Vous êtes HAAN ?
Le jeune homme se gratta la tête mi embarrassé mi amusé.
— Oh ! Une fan ? rit-il sans moquerie.
« Bravo Camille ! Tu passes pour une groupie écervelée ! »
Camille, depuis son arrivée à Seoul, s'était intéressée peu à peu à l'univers musical coréen. Et elle était tombée fan de ce chanteur pop finalement peu connu.
Sae-jin invita l'artiste et son ami à la table. Le second jeune homme était un certain Vincent Park que Camille connaissait également ! Et elle aimait sa musique aussi ! La gêne des premières minutes passées, devant leurs cocktails, les jeunes gens discutèrent joyeusement de musique. Mais ils parlèrent aussi de la dureté du milieu et de la difficulté de vivre de son art. La jeune française apprécia cette conversation et mesura toute la peine que Namjoon avait dû subir avant d'avoir la chance de réussir.
Les jeunes hommes partis, faisant promettre aux deux amies de se revoir, une conversation moins joyeuse allait pouvoir commencer. Devant sa salade César, Camille raconta tout. Les faits. Ce qu'elle avait ressenti. Ses interprétations. Son amie, d'abord, ne l'interrompît pas. Elle savait écouter. Puis finit par dire :
— Mais là, à présent, que veux-tu ? Ne réfléchis pas ! Parle vite !
— « Je veux être... » pensa Camille.
— Ne réfléchis pas ! Dis-moi !
— Je veux me jeter dans ses bras !
Camille fondit en larmes au milieu de tous ces inconnus. Elle n'en avait que faire.
C'est là où je me sens le mieux. C'est avec lui que je me sens moi sans contrainte, sans trop de craintes.
— Et il t'a supplié de ne pas rompre ? Il t'a dit qu'il t'aimait ? Alors, fonce !
— Mais comment ?
— Ne réfléchis pas trop. Tu disais aimer la simplicité de vos premiers moments. Retrouve-les.
Camille trouva la simplicité bien compliquée ce soir-là !
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