Moon Children
Namjoon n'était pas un homme violent. Il ne l'était ni dans son comportement, ni dans sa manière de penser le monde. On ne pouvait pas non plus dire de lui : « Quel self-control ! » car, en réalité, aucune pulsion de brutalité ne s'emparait de lui. Non qu'il s'agissait d'un homme passif, c'était un pacifiste, un vrai.
Alors, quand son poing s'écrasa sur la joue de Nicolas, Jin resta interdit. Surtout lorsqu'il put lire le soulagement et le plaisir sur son visage...
— Mais puisqu'on te dit que c'est ELLE qui ne veut pas te voir ! s'était emporté l'ex de Camille qui lui faisait barrage. Elle t'a appelé depuis son départ en catastrophe ? Elle a répondu à un seul de tes appels ?
Effectivement, Camille ne faisait pas que la morte. Elle agissait en conséquence. Ou, plutôt, elle n'agissait plus. Elle n'avait appelé personne et n'avait répondu à qui que ce soit sitôt le sol français regagné. A peine, parlait-elle... Elle n'était plus que son propre fantôme. Tout ce qui faisait la Camille enjouée, tendre, drôle et maladroite était restée quelque part entre la parution de l'article de Dispatch et sa fuite en pleine nuit.
Nicolas n'avait pas hésité une seconde à tenter de la sortir de ses limbes. Il le lui avait dit, au téléphone, il y a plusieurs mois déjà. Il l'avait vraiment aimée. Il en resterait toujours quelque chose. Et ce quelque chose c'était traduit par un énorme instinct de protection.
Sans l'écouter plus, Namjoon bouscula le jeune homme aux yeux bleu arctique et le dépassa. Elle était là, assise sur le ponton, dans sa longue robe de coton blanc, les cheveux flottant au vent. Le soleil déjà bas avait perdu de sa chaleur mais enveloppait Camille d'une lumière douce. Il n'y avait rien à admirer sur cette retenue d'eau morte qui servait de lieu de baignade aux gosses du hameau. Elle avait juste les yeux perdus dans le vide. Namjoon s'arrêta devant cette scène belle mais cruelle.
— On l'a traînée ici plus ou moins de force. Son père a cru que ça lui ferait du bien... on s'est tellement amusé dans cet endroit, entre potes... fit Augustin.
— Comment avez-vous su qu'elle ne voulait pas me voir, alors ?
— A moi et Léa, elle parle un peu... on a longtemps été meilleurs potes, tu sais, avant mon départ pour le Brésil... Mais ce n'est pas des conversations. On parle. Elle répond. Un mot ou deux... je dois la tirer du lit... la pousser dans la salle de bain... Léa doit parfois l'y accompagner...
Jin comprenait un peu l'anglais. Suffisamment pour que ce que racontait ce jeune homme affable lui parle et lui rappelle quelqu'un...
— Joon... souviens-toi... vas-y doucement...
— Je sais, hyung.
— Ton pote aurait dû débarquer plus tôt! Qu'il ne joue pas au con comme j'ai pu le faire ! marmonna Nicolas regardant tristement Camille.
*
Jin avait appris le projet des parents de Namjoon l'avant-veille de la conférence de presse. Il ne savait pas trop dire si c'était une bonne chose ou non. Toutefois, il était certain qu'un interprète serait nécessaire entre son ami et ses géniteurs. Si la communication avait été rétablie entre eux, cela restait tout de même extrêmement tendu. Et, le voyant sombrer de nouveau, il ne pouvait rester les bras ballants. Il avait confié le peu de responsabilités professionnelles qu'il restait à Hobi. Il aurait quand même fort à faire avec l'agence, le couple de tourtereaux ne pouvant revenir et le leader s'évaporant à son tour.
HYBE avait annoncé des vacances « prolongées » pour BTS, mais personne n'était dupe ! Pas plus les ARMY que les investisseurs qui commençaient à menacer de se retirer de leurs engagements.
La conférence de presse avait mis un bon coup de pied dans la fourmilière ! Jhope et Suga avait pris les rênes, Namjoon n'étant pas vraiment présent.
Suga avait d'abord critiqué sévèrement, sans la nommer, l'agence de presse qui faisait travailler des stalkers plus que des journalistes comparant son fonctionnement à celui de la mafia. Le tollé, parmi les correspondants de presse, mit un temps fou à se calmer.
Les garçons retirèrent leurs oreillettes. La direction, dans les coulisses, se faisait menaçante. Yoongi avait rompu l'accord dès les premières minutes !
Puis Jhope avait répondu à son tour de manière plus tempérée mais non moins franche. Il mettait en lumière le système oppressant autour des idoles. Ce qui pouvait être supportable quatre ou cinq ans, quoiqu'il faudrait en débattre également selon lui, n'était plus tenable après plus de douze ans dans le métier.
Taehyung renchérit en rappelant qu'ils étaient des hommes adultes avec des amis, une famille et la volonté de se construire une vie affective en parallèle de leur carrière.
On laissa à Jin les plus terribles des questions :« Que devient BTS ? Jimin et Jungkook vont-ils revenir ? ».
On ne pouvait demander à ce grand gaillard, qui avait la main sur le cœur, de mentir, il s'y refusait. Alors, même s'il avait vu du coin de l'œil les grands gestes qui lui faisaient signe de se taire, il répondit en toute franchise :
— BTS existe toujours... sur le papier... mais les événements de ces dernières semaines ont fait beaucoup de mal aux membres. Actuellement, nous sommes incapables de travailler. Jungkook et Jimin, pour le moment, ne nous ont pas indiqué qu'ils souhaitaient revenir... le pays les accueillerait-il bien ? Alors, oui, il y a peut-être un avenir pour BTS. Mais peut-être pas ici ou, du moins, pas dans le contexte actuel.
Les journalistes voulurent absolument entendre le leader, RM. Mais c'est Namjoon qui parla :
— Camus a écrit : « Rien au monde ne vaut qu'on se détourne de ce qu'on aime. Et pourtant je m'en détourne, moi aussi, sans que je puisse savoir pourquoi. » Pour ma part, je sais pourquoi je me détourne du métier qui fait ma vie depuis mes quinze ans ! On m'a retiré de force celle qui donnait un sens à toutes les absurdités du quotidien ; sans elle, tout m'est insupportable. Je ne peux ni lire, ni écrire... je ne suis plus que le rebut de RM... elle est ma priorité !
— Vous parlez de Camille ?
— Je parle effectivement de la femme de ma vie.
Les flashs crépitèrent ; les journalistes s'agitèrent à nouveau et tentaient des questions qui se noyèrent dans le vacarme. Les membres saluèrent poliment et quittèrent la table mettant fin à cette conférence de presse qui tournerait dans les médias durant des semaines et remettrait en question bon nombre d'institutions.
Et maintenant que Jin était là, à la Brimballe, petit bled paumé du Poitou, il savait qu'il avait fait le bon choix. Son ami au bord du gouffre venait chercher celle qu'il aimait, mais la situation se présentait mal. Très mal.
— Oh ! C'est qui avec Camille ? C'est lui ?demanda Léa surprise qui revenait des courses avec Thomas.
— Yep ! Et le gus, là, c'est son meilleur pote ou un truc du genre, Jin... répondit Nicolas peu aimable. On leur a dit, pourtant, de lui fiche la paix !
Léa s'empressa de saluer le jeune homme mal à l'aise et inquiet, fit les présentations et demanda des explications. Jin fit du mieux qu'il put pour raconter comment ils étaient arrivés jusqu'ici.
*
Il s'assit près d'elle, les jambes dans le vide, avec beaucoup de précaution, comme lorsqu'on s'approche d'un petit animal craintif. Elle fixait obstinément les reflets du soleil couchant à la surface de l'eau. Rien en elle ne disait si elle avait conscience ou non de sa présence.
Jusqu'à ce qu'il ose lui parler.
Alors, sans qu'elle ne bouge d'un cheveu, de grosses larmes silencieuses dévalèrent ses joues.
— Jagiya... regarde moi... je suis venu te chercher... j'ai beaucoup réfléchi... la vie sans toi m'est insupportable ... mes parents sont venus aussi... ils nous attendent en Touraine...
— ...
— Pourquoi ne veux-tu pas me voir ? Il va falloir t'y faire ! Je ne repartirai pas sans toi !
— Partir où ? dit-elle enfin d'une voix si ténue et brisée qu'il ne la reconnut pas.
— Chez nous...
— Je ne peux pas rentrer chez nous.
Il y eut alors un silence très bruyant. Elle poursuivit :
Te revoir et te parler sachant que tu vas m'être encore retiré, est-ce que ce n'est pas la chose la plus cruelle possible ? Voilà pourquoi je ne veux pas te regarder... si mes jambes pouvaient me porter, j'aurais couru loin de toi.
— Je t'aurais rattraper... écoute... par pitié, regarde-moi... je me suis imaginé cet instant tant de fois... c'était toujours romantique... un beau lieu, des fleurs, de la musique... ou même, plus solennel... en présence de nos parents... Camille... Jagiya... regarde moi.
Il voulut forcer les choses. Il prit son petit visage entre ses grandes mains pour le tourner vers lui. Mais elle se laissa tomber contre lui. Le nez enfoui dans son cou. La nuit tombée, il faisait frais au bord de l'eau, elle frissonna dans ses bras.
— S'il te plaît, ne dis rien...
— « Chez nous », ce sera là où nous pourrons être ensemble. Je ne retournerai à Séoul qu'avec toi. Et, si ce n'est pas là-bas, ce sera à Paris ou New-York... ou au fin fond de la Norvège... peu importe... J'ai suffisamment gagné ma vie pour ne plus jamais travailler... souviens-toi de notre week-end dans les bois... souviens-toi de ce qui nous a rendu heureux... rappelle-toi ce que tu m'as écrit... « Let's keep it simple, imperfect and atypical »... Camille, épouse-moi.
Elle leva enfin ses yeux pour croiser son regard. Elle sut que plus jamais elle n'aimerait quelqu'un autant et si bien que lui.
— Tu finirais par m'en vouloir. Tu n'es pas fait pour vivre en retrait du monde. Écrire, créer, partager, c'est tout toi. Je ne veux pas être celle qui te conduira vers d'aussi grands regrets.
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