Chapitre VI
" Inspecteur, vous n'avez jamais été marié ?, demanda un jour le curieux Moreau à son irascible collègue.
- Non," répondit Javert, sans y prêter plus d'attention que cela.
Le policier lisait avec application un rapport transmis par la gendarmerie de Digne concernant une bande de voleurs sévissant dans les montagnes environnantes. Elle s'en prenait aux malheureux voyageurs pour les détrousser voire les tuer.
S'ensuivait une liste de noms de victimes retrouvées avec leurs identités, leurs âges, leurs professions. Commerçants, colporteurs, ramoneurs, livreurs...
" Pourquoi cela ?, persista le bavard impénitent.
- Pourquoi quoi ?," grogna Javert, occupé à relire la liste, persuadé que quelque chose n'allait pas.
Cette affaire remontait déjà à cinq ans et plus. 1815 était une année faste pour cette mauvaise engeance et les victimes étaient très nombreuses. Hommes, femmes, même des enfants !
M. Madeleine lui avait parlé de l'année 1815. La seule information personnelle que le policier avait réussi à lui soutirer.
Javert songea qu'un courrier au ministère de l'Armée pouvait peut-être lui donner le nom du régiment de M. Madeleine. L'industriel devait avoir une quarantaine d'années à ce moment-là.
1815...
" Pourquoi ne vous êtes-vous pas marié ?"
Abandonnant avec dépit son examen et foudroyant du regard Moreau et son sourire moqueur, l'inspecteur souffla :
" Bien, que dit-on encore de moi en ville ? Que les gitans enlèvent les femmes ? Que je cherche à séduire une malheureuse en lui jetant un mauvais sort ?
- Que vous traînez un peu trop devant la sortie de l'usine de M. Madeleine. Surtout à l'heure de la sortie des femmes !"
Javert accusa le coup et plaça ses deux mains croisées sous son menton.
" En vérité ?! On me croit intéressé par les ouvrières ?
- On ne sait pas quoi croire, monsieur, fit plus sérieusement Moreau. Il serait plus sain de déplacer vos heures de patrouille ou de vous faire connaître auprès de la jeune femme qui vous intéresse sinon vous...
- Moreau !, le coupa Javert.
- Oui monsieur ?
- Est-ce que ce petit gamin fourni par M. Madeleine est toujours chez Declercq ?
- Guy ? Le petit Savoyard ?"
Cela fit sourire Javert.
Voilà ce qui l'attirait dans la liste. La mention de ramoneur. L'inspecteur se promit d'écrire une lettre à ses collègues de Digne afin de demander des précisions sur cette affaire de voleurs.
Il y avait quelque chose de louche dans cette affaire et cela avait attiré l'inspecteur. Comme un aimant attire le fer ou un os attire le chien.
" Oui, je crois qu'il y est toujours. Pourquoi, inspecteur ?
- Après les femmes, vous allez voir qu'on va m'attribuer des pensées illicites envers les enfants."
Ce fut prononcé avec un tel sérieux que Moreau ne sut pas comment réagir. Javert, lui, poussa un éclat de rire qui ressembla au feulement d'un tigre.
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L'enfant était surpris de la demande du policier mais ravi de retrouver ses outils de ramoneur.
Il se chargea avec soin de nettoyer le poêle du poste de police, tout en bavardant gentiment avec l'inspecteur en chef. Guy ne comprenait pas d'ailleurs d'où venait la mauvaise réputation du policier.
L'inspecteur était grand, c'était vrai, il avait le teint sombre et les manières brusques, mais il avait offert une tasse de café et du pain frais au jeune Savoyard sans sourciller. Et, il discutait aimablement avec lui.
" Oui, M. Madeleine s'intéresse aux ramoneurs. Surtout venus de Savoie.
- Il a tellement de cheminées à ramoner ?, s'amusa l'inspecteur.
- Non, même pas, monsieur, mais c'est un gentil monsieur. Il aime beaucoup les enfants et il est toujours triste quand il m'interroge sur ma vie.
- Triste ?
- Oui. On dirait que M. Madeleine a perdu un enfant. Vous voyez ? La façon qu'il a de me parler, toujours gentil. Et toujours à me..."
Ce fut l'instant une fois de plus où on s'interrogeait sur les motivations du policier. Guy leva son fin visage noirci de suie et regarda Javert.
Mais l'homme souriait, sirotant tranquillement son café, assis contre son bureau et les jambes croisées devant lui.
Il avait même adouci son regard, on voyait bien ses yeux clairs sans le chapeau.
Guy l'examinait sans savoir quoi penser.
" Alors ?, demanda doucement Javert. Que fait M. Madeleine avec les petits ramoneurs ?"
Guy murmura simplement en se redressant :
" Mais rien. Rien du tout, monsieur. Il m'offre de l'argent, il pose des questions sur ma vie et cherche à m'aider.
- Que veut-il en échange ?"
Javert souffla sur son café, une brume de vapeur s'en échappa et son regard se fit plus dur.
" Il cherche à aider les jeunes Savoyards, monsieur l'inspecteur.
- Un brave homme !, conclut Javert en souriant à nouveau. Et je comprends cela. Un bon travail mérite une bonne récompense."
Javert sortit quelques pièces de sa poche et les tendit au jeune garçon.
" Merci Guy. Si jamais tu as envie de bavarder, sache que ma porte t'est toujours ouverte. Je sais aussi aider les jeunes garçons en difficulté.
- Merci, monsieur," fit l'enfant, sonné.
La porte du commissariat se referma et laissa un goût amer à l'inspecteur.
Soit M. Madeleine était un fin renard. Il manipulait son monde et les entortillait si bien que personne ne trouvait à le critiquer.
Soit c'était réellement un homme bien et Javert risquait son poste à enquêter ainsi sur lui.
Mais quelque chose poussait le policier à chercher, encore et toujours, la piste.
Javert finit son café en le vidant d'une gorgée au mépris de la brûlure.
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Une petite ville ne se gérait pas comme une grande ville.
L'inspecteur Javert le comprenait maintenant. Il ne traînait plus du côté de l'usine à l'heure de la sortie des femmes, il ne se risquait plus à parler avec les prostituées, il ne se permettait plus un verre au café de la place.
Il était probe, austère, impassible.
Et il apprenait la dureté.
La moindre arrestation se terminait par une admonestation devant le chef de la gendarmerie.
N'importe quelle affaire prenait des proportions énormes avec lui et chacun comprenait que la loi n'était pas une plaisanterie.
Plus de cambriolages nocturnes, plus de prostitution dans les rues, plus de bagarres.
Javert l'avait compris lorsqu'un des hommes de la ville, arrêté pour avoir frappé une femme au point de l'envoyer à l'hôpital, osa proposer de l'argent au policier afin de conserver sa liberté.
Un sourire tentateur et une bourse posée sur la table devant Javert furent suivis d'une proposition jugée intéressante :
" Allons, inspecteur. Nous savons que les mois sont difficiles dans la police. N'est-ce pas ainsi dans les grandes villes ? Voyons, vous étiez en poste à Paris, c'est cela ?"
Un instant d'ébahissement puis Javert eut un sourire réjoui :
" C'est cela. Je vous remercie de votre intérêt.
- N'est-ce-pas ?"
L'homme se leva, sans crainte et posa négligemment une main sur l'épaule du policier.
" Bien, je vous salue Javert et vous souhaite une bonne fin de journée."
Une fraction de seconde et l'homme se retrouva à genoux, plié de douleur. Sa main était tordue selon un angle impossible et Javert le tenait sous sa dextre.
" C'est inspecteur, salopard et c'est le cachot pour toi. La corruption de fonctionnaire, tu connais ?
- Mais...mais on m'a dit...
- Écoute-moi bien ! Écoute ! Un seul mot de plus et tu perds l'usage de ta main. Ferme ta gueule !"
L'homme acquiesça, les larmes aux yeux et Javert le relâcha.
" Moreau !, hurla Javert. Cesse de te cacher derrière la porte et viens !"
Le jeune homme entra, livide de peur.
Il vit M. Warnault se frotter la main avec vigueur et Javert compléter un rapport.
" Monsieur m'a fait une jolie proposition. Il serait intéressant que quelqu'un en soit le témoin. Allez vous pouvez parler, monsieur !"
Moreau n'en revint pas.
Il écouta avec horreur le récit de la tentative de corruption, il soupesa la bourse et regarda Javert.
Le policier n'était pas seulement en colère.
Il était amer.
Une petite ville n'était pas une grande cité. Il n'était pas possible d'y agir et d'y vivre en sécurité et en toute intimité.
Javert avait un passé douteux et seule la protection de M. Chabouillet lui avait permis d'obtenir ce poste minable.
" M. Magnier va prendre en charge monsieur. Je vais patrouiller."
Moreau le regarda partir, saisissant les mains tremblantes et les mâchoires serrées.
" Très bien, monsieur."
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Deux jours plus tard, l'inspecteur de police trouvait sur son bureau un courrier étrange.
Lorsqu'il ouvrit l'enveloppe, il devint livide et dut se retenir à son bureau.
C'était le rapport émis contre lui, signé de la main du commissaire Gallemand, paraphé par le sergent Tollard.
Un rapport dans lequel l'inspecteur Javert était accusé de corruption et de privauté envers un établissement spécialisé de la rue des Blancs-Manteaux.
Javert claqua le dossier sur le meuble et baissa la tête, fou de rage et de douleur.
Une enquête interne avait eu lieu, on avait blanchi son nom, les deux policiers avaient été condamnés pour ce faux-témoignage.
La seule faute de l'inspecteur Javert ?
Avoir été assez stupide et aveugle pour ne pas avoir compris que les messages dont on le chargeait étaient des demandes d'argent. Du chantage, de la corruption...
Une des victimes de ce petit trafic avait osé s'en plaindre à la préfecture et Javert était tombé de haut.
On l'avait dénoncé, accusé, enfoncé.
M. Chabouillet, seul, avait appelé à une enquête et une vérification des faits plus approfondie.
Javert avait été mis au secret, le garde-chiourme se retrouva prisonnier.
Et les faits ont vite prouvé son innocence.
Mais le mal était fait.
L'inspecteur avait vu sa réputation salie, sa carrière brisée et il échappa de peu au renvoi.
En réalité, au regard des faits passés, Javert pouvait se féliciter d'être encore inspecteur de police, même dans une commune de province.
Recevoir un tel courrier prouvait que le mépris se transformait en haine. Javert hésita à brûler le dossier...puis, avec un beau courage, il le plaça bien en évidence sur son bureau.
Ces malheureux faits n'étaient pas secrets, on en connaissait la teneur, seuls quelques détails avaient été soigneusement protégés par M. Chabouillet, comme ses quelques nuits passées derrière les barreaux.
Javert garda la tête baissée sur son bureau, il sentait qu'il tremblait de rage.
C'était juste l'état d'esprit qu'il lui fallait pour patrouiller dans la Ville-Basse, et pourquoi pas ? Passer le plus de temps possible debout à errer dans les rues, les champs, à suivre la Canche...
Combien d'heures de marche jusqu'à Etaples ? Trois heures à tout prendre ?
Le policier vit le ciel lourd de neige, le froid si vif et en prit son parti.
Il marcherait !
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La nuit, le froid, les étoiles...
Le policier était épuisé. La route jusqu'à Etaples était longue et il avait lamentablement abandonné à mi-chemin.
À Toulon, les étoiles brillaient au-dessus de la mer et scintillaient dans le firmament et dans les flots. Magnifique miroir que le garde ne se lassait pas d'observer...
À Toulon, les vagues et le ressac berçaient la nuit, l'odeur de la mer parvenait jusqu'au bagne les soirs de grand vent.
À Toulon...
À Paris, c'était dans la Seine que se reflétaient les étoiles et c'était un merveilleux écrin pour y mirer les astres...
À Montreuil-sur-Mer, le ciel était beau. Surtout dans ce froid hivernal. La voie lactée s'étalait, flamboyante au-dessus de l'ombre et la ville était noyée dans la nuit environnante. Seules quelques lumières apparaissaient aux pieds des remparts.
Mais il manquait le souffle de la mer, les lumières de la ville et les senteurs de mille feux de cheminées...
Javert leva le nez et examina le ciel.
Et soudain, malgré sa fatigue, le policier perçut des mouvements dans la nuit.
Des hommes parlaient et marchaient, non loin de la Canche, des voitures étaient présentes, des barques avaient été amarrées.
Un nouveau transport nocturne pour l'usine ?
Dépité, le policier allait poursuivre sa marche...mais une exclamation l'arrêta dans son élan.
" Gaffe au cogne ! Il est parti cet après-midi !
- Où ?
- Aucune idée. Mais il est pas rentré !
- Putain !"
Javert se cacha et écouta. Il était attentif et cherchait à voir dans la nuit. Une lampe-sourde fut éclairée et le policier sursauta.
Il reconnut la silhouette imposante de M. Madeleine.
" Tout est prêt, monsieur.
- Parfait, annonça l'industriel. Du bon travail.
- La livraison arrivera dans la semaine en Allemagne, monsieur.
- Bien, bien. Je suis satisfait."
Un silence suivit cette affirmation. M. Madeleine disparut de la lumière, Javert en conçut un terrible désarroi. Il aurait voulu filer l'homme et le prendre en flagrant délit et le frapper de sa canne pour lui arracher son sourire suffisant et le menotter pour faire bonne mesure et...
" Que fait-on pour l'inspecteur, monsieur ?
- Rien, répondit simplement Madeleine. Il ne peut rien contre nous.
- Bien, monsieur."
La lampe fut soufflée et tout retomba dans l'obscurité.
Javert resta longtemps à respirer l'air nocturne. Il essayait de prendre de longues respirations, longues, longues, longues...pour apaiser son coeur.
Il ne pouvait rien contre eux ?!
Il aurait tellement voulu prouver le contraire. Mais peut-être Madeleine avait-il raison ?
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Quelque chose changea après cette nuit.
Entre le rapport qu'on lui avait envoyé anonymement et l'air supérieur de M. Madeleine, Javert bouillait de colère.
Il attendit quelques jours avant d'avancer ses pions. Il se fit discret et prudent. Il avait appris à la dure.
Il vint enquêter sur les bords de la Canche, transformant cela en simple promenade au bord de l'eau. Il interrogea tout naturellement les pêcheurs présents aux bords de la rivière.
C'était l'hiver.
On lui expliqua la vie aux abords d'une petite rivière comme la Canche. Peu de poissons mais si l'inspecteur aimait la pêche, il lui fallait revenir au printemps...
La Canche était une rivière à truites. Les moulins ne fonctionnaient plus aussi bien que par le passé. Le quartier de la Canche s'appauvrissait.
On lui montra l'ensablement qui provoquait la ruine du port de Montreuil depuis la fin du Moyen Age.
Quelle pitié !
Un port royal médiéval, une forteresse de Philippe-Auguste, des remparts de Vauban... Cela fut exposé avec nostalgie.
" Imaginez, inspecteur ! Si la Canche ne s'ensablait pas ? Nous serions un port capable de rivaliser avec Étaples ! Imaginez !
- J'imagine bien, assurait le policier, compréhensif. Le trafic fluvial doit être réduit à néant aujourd'hui.
- Pas complètement, inspecteur, répondait un pêcheur, fièrement. Il y a encore des transporteurs.
- Vraiment ? Impossible !"
On riait, on se moquait gentiment de ce policier venu de la ville et totalement ignorant. On lui montrait les traces des bateaux déposés sur les bords de la rivière, les endroits où on les amarrait. Content de démontrer à cet imposant personnage toute l'étendue de son incompétence. Javert, humblement, s'agenouillait et examinait les traces.
" Qui amarre les bateaux à cet endroit ?"
On se tut mais un des pêcheurs vivant dans le quartier des moulins tira une bouffée de sa pipe et répondit posément au policier :
" On ne sait pas. Des hommes venus de loin."
Javert se releva et s'approcha du pêcheur. L'homme était vieux et avait beaucoup vécu.
" De loin ?, répéta Javert en fixant les yeux clairs du pêcheur.
- Un accent du Nord.
- Flamant ?
- Arras.
- Ce n'est pas si loin.
- Arras est loin."
Javert se tut et attendit posément la suite de la conversation. Le pêcheur chassa les autres et proposa du cidre à l'inspecteur.
On s'assit, malgré le froid et l'humidité devant la Canche, un verre de cidre brut dans une main et les yeux perdus sur les méandres de la rivière ensablée.
" La Canche est une jolie rivière, constata le pêcheur. On y voyage de jour et de nuit.
- Seule la nuit m'intéresse, admit le policier.
- Des transports ont lieu la nuit. Des produits de l'usine."
Un frisson parcourut le dos de Javert à cette mention mais il sut rester silencieux.
" Rien d'illicite, lança amèrement l'inspecteur en buvant une longue gorgée de cidre ; il le trouva trop brut, trop acide.
- Le Père Madeleine est un homme naïf.
- Il n'en a pas l'air," sourit Javert.
Vu comme il le jouait, non M. Madeleine n'était pas naïf.
" Il accorde sa confiance trop facilement, affirma le pêcheur.
- Qui profite de lui ?
- On transporte des produits de l'usine... De nuit ? L'Empereur est toujours cloîtré dans son île...
- Le blocus continental est fini, c'est juste, asséna Javert, essayant de suivre la logique de son comparse.
- Pourquoi transporter de nuit ?
- Éviter les taxes ! Un petit délit que je ne pourrai jamais prouver, rétorqua le policier.
- Éviter les taxes ou éviter les questions ?"
Javert regarda le pêcheur en face et en eut assez de cette conversation alambiquée.
" Soyez clair !
- On transporte de jour et de nuit. On arrive à naviguer de petites barques dans les bancs de sable, il faut juste connaître le chemin à suivre.
- Qui aide M. Madeleine ?
- Voilà une bonne question, inspecteur !"
Le vieux pêcheur sourit, approbateur et se leva, son verre de cidre terminé. Javert, plus vif, se dressa et saisit le bras de l'homme.
" Qui aide Madeleine ?
- Madeleine est un imbécile ! Il a viré ma fille de sa merde d'usine.
- Pourquoi ?, demanda Javert, surpris de cette confidence.
- Elle a eu un enfant en dehors de son mariage.
- Où est votre fille maintenant ?
- La Canche est une jolie rivière, inspecteur..."
Le pêcheur s'en alla, il avait vieilli en quelques minutes et ses pas se firent plus lourds.
" Et l'enfant ?, hurla Javert.
- Adieu inspecteur."
Javert resta silencieux.
La Canche resplendissait sous le soleil hivernal, d'une magnifique couleur d'émeraude.
Javert était glacé.
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Le succès commercial de Madeleine reposait, dans une large mesure, sur un agent commercial de la ville d'Arras.
C'était un homme encore jeune qui, doté d'une fine compréhension des affaires, avait réussi à s'entourer de correspondants prestigieux capables de représenter avantageusement les intérêts de ses clients sur les plus grands marchés d'Europe.
L'extraordinaire réussite de cet agent ne reposait pas seulement sur sa connaissance approfondie des réglementations en vigueur, mais aussi sur les nombreuses astuces qu'il tenait de son père.
Ainsi, il était fréquent que les industriels de la région le consultent avant de se mettre en affaires avec des clients ou des intermédiaires qu'ils ne connaissaient que de nom, car un mauvais payeur ou un grossiste enclin à manipuler la marchandise à son avantage aurait rapidement mis en difficulté même la plus solvable des boîtes.
Les moyens d'obtenir les informations nécessaires pour maintenir l'équilibre de tout ce fragile tissu d'intérêts n'étaient pas toujours élégants. Bien au contraire, ils s'appuyaient souvent sur les efforts d'hommes qui se faisaient payer pour fouiller dans les affaires d'autrui.
C'était un service souvent sollicité par la clientèle de l'agent de commerce.
Et Monsieur Madeleine était le genre d'homme qui se permettait rarement de gaspiller les ressources mises à sa disposition.
Peut-être qu'à cette occasion, il aurait préféré s'abstenir de demander l'assistance de son agent.
Mais il ne le fit point.
Intrigué par ce qui semblait être une innocente indiscrétion et poussé par un instinct qu'il reconnaîtrait plus tard comme étant le simple besoin de survivre, Madeleine avait commandé une enquête par courrier.
La réflexion et la prudence lui avaient conseillé de se rendre sur place pour recueillir le résultat qui, bien qu'encore partiel, avait mis très peu de temps à arriver.
" Bonsoir, monsieur Madeleine, avez-vous fait un bon voyage de retour ?
- Non, Duhamel. J'ai perdu le compte du nombre de fois où l'on a dû descendre pour pousser la voiture.
- C'est tout à fait normal avec la neige... J'espère que le voyage a été pour le moins profitable..."
L'industriel jeta un coup d'œil au visage expectant de son caissier. Toujours avide de nouvelles, le petit homme n'envisagerait pas de le laisser tranquille tant qu'il n'aurait pas assouvi sa curiosité.
" Autant qu'on pouvait s'y attendre.
- C'est-à-dire... ?"
Madeleine posa sa serviette sur le bureau en poussant un long soupir puis remit son chapeau.
" Je monte me coucher.
- Le livre de comptes est prêt pour...
- Demain il fera jour, Duhamel."
À en juger par l'odeur d'oignons qui flottait dans le palier, la portière devait préparer la soupe. Madeleine décrocha la clé de sa chambre, se saisit d'une veilleuse puis monta les escaliers à pas de loup.
À mi-chemin, il sentit contre sa jambe le poids de la lettre rangée dans sa poche ; il dut faire une halte pour essuyer la sueur qui lui coulait dans les yeux.
Il faisait froid dans sa petite chambre.
Il y avait, surtout, du calme.
Madeleine se laissa tomber sur une chaise et regarda, le visage fermé, la lettre qu'il venait de sortir de sa poche.
Il avait entre ses mains la vie d'un homme.
Il reposa son front sur une paume et étudia l'unique mot écrit en calligraphie élégante : Javert.
L'horreur grandissait.
Madeleine s'érigeait en juge, et ce juge hésitait.
Qui se croyait-il pour priver un homme de sa réputation et, avec elle, de ses espoirs ? De quel droit pouvait-il traiter son prochain de la même manière qu'on l'avait traité lorsqu'il avait quitté les galères ?
Montrer cet homme du doigt ; jeter sur lui l'opprobre général, qu'il soit innocent ou coupable, afin de le forcer à quitter son poste.
Quel genre de Judas était-il, Madeleine, prêt à devenir afin de retrouver son calme et de continuer à jouir de ses privilèges ? Quel genre d'égoïsme justifierait la destruction morale d'un homme qui, aux yeux de Madeleine, ne faisait que son travail ?
Mais, d'un autre côté...
Madeleine devait-il souffrir qu'on lui confisque tout ce qu'il avait construit sous prétexte que, dans une autre vie, il avait été condamné aux galères ? Quelle loi du ciel ou de la terre allait-il enfreindre s'il décidait de se défendre ? La prospérité d'une ville entière ne valait-elle pas le sacrifice de cet unique homme ?
Des hommes heureux d'avoir du travail, des femmes confiantes, des enfants pleins d'avenir... Voilà l'héritage que Madeleine avait espéré laisser à son départ.
Et voilà précisément ce que Javert allait dérober à la ville si jamais Madeleine avait le malheur de faire un faux pas.
Était-ce juste ?
Ayant pris sa décision, il se saisit de la lettre pour la décacheter puis se rendit compte que la petite flamme de la veilleuse vacillait, sur le point de s'éteindre.
A grandes enjambées impatientes, Madeleine atteignit la cheminée et s'empara des deux chandeliers qui reposaient sur le linteau.
Il lui parut que le contact du vieil argent, froid et lisse dans sa paume, accomplissait le miracle de le tirer d'un mauvais rêve.
Il aurait pu, presque, sentir à ses côtés la présence bienveillante de l'évêque Myriel.
Un acte de foi !
C'est ce que le bon évêque avait eu le courage d'offrir, avec les chandeliers, au galérien qui avait failli lui ôter la vie. Madeleine sentit, impuissant, que de grosses larmes commençaient à couler sur ses joues.
" Je ne suis pas digne, monseigneur, de la confiance que vous m'avez accordée," souffla Madeleine entre deux sanglots.
" Cet homme ne mérite-t-il pas d'être le dépositaire de ma foi ? Pourquoi chercherait-il à me nuire alors que je ne fais de mal à personne ?"
Fort de sa foi et d'une toute nouvelle résolution, Madeleine approcha la lettre des flammes puis la regarda prendre feu.
Mais une douleur aiguë dans la poitrine lui arrêta la main ; désemparé, il regarda en direction de son armoire.
Derrière cet affreux meuble, caché dans un trou qu'il avait fait lui-même, Madeleine gardait ses plus sombres secrets.
Les quelques vestiges de son passé.
Les espoirs et les regrets qu'il avait osé laisser par écrit.
Le bâton ferré qui lui avait permis de croire qu'il arriverait à se défendre le jour où, la peur au ventre, il s'était lancé dans le monde.
" Devrai-je me résigner, mon Dieu, à vivre toujours dans la peur," dit-il en sanglotant.
Il appuya le front sur ses bras croisés et ferma les yeux, guettant une réponse qui n'arrivait point.
Il avait la vie d'un homme entre ses mains...
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Javert rongeait son frein.
Et l'année se finissait.
Il était présent à Montreuil depuis une saison maintenant et c'était comme s'il était là depuis dix ans.
Le rapport quotidien avec monsieur le maire, les échanges avec la gendarmerie, les accidents de voirie... Le Père Fauchelevent qui lui parlait encore et encore de M. Madeleine. Les transporteurs nocturnes et les demis aveux du pêcheur.
Il se sentait devenir fou.
Il n'arrivait pas à avancer. Il avait interrogé le maire en personne sur les transports et les livraisons dans la ville et, bien obligeamment, le maire lui avait fourni la liste des livreurs agréés par ses propres services.
Parmi les noms des employeurs se trouvait celui de M. Madeleine et chaque livraison était notée. Horaires, dates... Rien n'était laissé au hasard et tout était légal.
" Des transports ont lieu de nuit ?, s'étonna le policier.
- Pour éviter d'engorger la ville. Venant de vous, la remarque est cocasse, inspecteur ! Vous êtes le premier à lutter contre les mauvais conducteurs. Imaginez si tous les livreurs passaient de jour ?
- Oui, monsieur le maire.
- M. Madeleine est gentil de vous faciliter la tâche. Il organise ses propres transports pour éviter de déranger au maximum le repos de nos administrés."
Un rire amusé fit suite à ce propos.
Oui, tout était légal, vérifié, noté, approuvé.
Mais alors ? Pourquoi le pêcheur en parlait-il comme de quelque chose d'illicite ?
Etait-ce seulement la haine qui parlait ?
" Il fait froid, monsieur, constata un matin Moreau en entrant dans le poste gelé, du givre se formait sur les vitres. Voulez-vous du feu ?
- Non, merci Moreau.
- Un café ? Vous devez avoir froid !?
- Non, merci.
- Mais...
- Des nouvelles de la campagne municipale ?"
Moreau se lança dans un discours endiablé sur la mairie et les luttes pour l'écharpe de maire.
Javert s'en désintéressait. Il regardait la place devant l'abbatiale Saint-Saulve, il allait encore neiger sans nul doute. Et l'ongle de son pouce grattait le givre, créant des arabesques sans fin.
Il aperçut M. Madeleine traverser la place mais Javert n'avait pas envie de jouer. Il y avait encore quelques mois, il était en poste à Paris. Le souvenir de son arrivée dans cette ville de province méritait peut-être une gueule de bois...
Les notables le méprisaient et il ne pouvait rien contre eux.
Le rapport des collègues de Digne ne lui avait rien appris.
Les cambriolages nocturnes n'apportaient rien.
Les transporteurs ne faisaient rien d'interdit.
Les divers mouchards qu'il s'était créés ne savaient rien ou ne voulaient rien dire.
Même la femme Fantine s'était révélée inutile.
Javert l'avait enfin coincée, un soir où elle rentrait ivre de fatigue de l'usine et le visage douloureux.
" Vous avez besoin d'argent, mademoiselle ?, demanda simplement le policier lorsqu'elle le vit devant sa porte.
- Je... Je ne suis pas... Je travaille à l'usine.
- Je sais. Et je sais aussi que vous recevez du courrier et que vous avez un joli secret à cacher.
- Mais..."
La femme devenait blanche de peur.
" Que me voulez-vous, inspecteur ?
- De l'argent contre des renseignements. J'ai besoin d'un mouchard dans l'usine de Madeleine.
- Jamais !"
Et elle repoussa courageusement le policier pour entrer chez elle.
Javert se dit que c'était dommage.
La plus belle fille de l'usine ! S'il avait pu avoir un moyen de pression sur elle, il l'aurait glissée dans le lit du patron et ainsi obtenu ce qu'il souhaitait.
Mais cela n'était pas possible dans une petite ville de province.
Javert abandonna donc cette possibilité. Pour le moment.
Il en avait soupé de cette année.
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" Les Étrennes ? Qu'est-ce encore que cette absurdité Moreau ?
- On s'offre des cadeaux lors des Étrennes, monsieur. Vous ne faisiez pas cela dans votre ancien poste ?"
A part travailler d'arrache-pied à assurer le rôle de policier, Javert n'avait jamais rien fait d'autre.
" Non.
- Hé bien... Je me suis dit..."
Javert regarda son secrétaire et eut un sourire amical.
" Merci Moreau. Vous êtes gentil."
Et ce fut tout. Javert reprit sa tâche d'écriture et continua à maculer ses doigts d'encre.
Lentement, Moreau déposa devant l'inspecteur une assiette joliment ouvragée et sur laquelle quelques biscuits étaient disposés.
" C'est ma mère. Elle m'en a donné pour vous."
Javert regarda l'assiette puis le jeune homme.
" Merci à votre mère, Moreau.
- Avec plaisir, inspecteur."
Un léger sourire apparut sur les lèvres de l'inspecteur Javert et Moreau prit cela comme une victoire.
" Je vous trouverai quelque chose, annonça sombrement le policier tandis que le sourire disparaissait à la profonde tristesse du jeune homme.
- Ce n'est pas la peine, monsieur. J'ai déjà eu mon cadeau !
- Plaît-il ?, demanda Javert, surpris.
- Je vous ai fait sourire."
Ce qui provoqua l'apparition d'un nouveau sourire amical.
" Rentrez chez vous, Moreau, il va neiger et votre mère va s'inquiéter.
- Bonne année, monsieur.
- Bonne année, Moreau."
Les cloches de l'abbatiale se mirent à sonner l'heure du dîner.
" Et vous monsieur ?
- Une ultime patrouille et une bonne nuit de sommeil me suffiront.
- Vous n'avez pas de famille monsieur ?"
Le sourire amical s'effaça, vite remplacé par l'expression habituelle du policier, impassible avec une légère pointe d'agacement.
" A demain !"
Moreau disparut enfin.
Javert entendit la porte se refermer et il se retrouva seul dans le petit poste de police.
Il se promit de faire une patrouille aussi courte que possible puis de rentrer chez lui pour retrouver son lit et une bouteille de vin.
Paris lui manquait ce soir.
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La neige avait gelé et les rues étaient désertes.
Madeleine marchait lentement, solitaire et heureux de l'être, car il moissonnait les blés d'une excellente année.
La récolte prenait la forme de ces rues désertes dont plus personne ne se servait pour dormir ; des colonnes de fumée qui s'élevaient des toits et des rires qui traversaient les fenêtres fermées.
Madeleine était ravi d'être seul, et aussi d'être le seul à le rester.
La ville était morte ce soir. Javert était fatigué, amer et imprudent. Il marcha, tête baissée sur le sol et ne voyant rien au-dehors.
Il se retrouva à bousculer quelqu'un.
Machinalement, il se recula et marmonna une excuse.
" Pardonnez-moi, je..."
Et l'excuse mourut sur ses lèvres en voyant M. Madeleine l'observer avec attention.
"Ho joie !," pensa Javert. Cela ne pouvait pas être pire !
" Bonsoir, monsieur, fit poliment le policier.
- Inspecteur ! Je vous souhaite bien le bonsoir !
- Je vous remercie," répondit Javert et même lui devait grimacer au son de sa voix.
Il devait apprendre l'impassibilité.
Ce soir était un mauvais soir.
Pour une fois, il n'avait pas envie de discuter avec monsieur Madeleine ou de lui soutirer des informations.
" Vous allez bien, Javert ? Je sais que le climat de la ville vous déplait, mais là vous avez la mine hâve..."
Cela fit rire Javert, si amèrement.
" Je vais bien. Pas de problème, monsieur. Je sais bien que TOUTE la ville connaît mes soucis de santé. Et vous-même ? Comment vous portez-vous ?
- On ne peut mieux, Javert.
- Bien, bien. Vous m'en voyez réjoui. Bonne nuit, monsieur et une joyeuse année... Avec toutes ces sortes de choses qu'on se doit de dire."
Ce fut au tour de Madeleine de rire. Cela lui fit du bien. Vraiment. Mais, en regardant l'homme qui fronçait les sourcils avec étonnement, qui ne savait pas et ne pouvait pas savoir le mal que Madeleine avait été sur le point de lui faire, le sentiment de culpabilité ne tarda pas à poindre.
Une vie entre ses mains...
" Je vous trouve bien amer ce soir, inspecteur. Et je me trouve moi-même bien désœuvré. Connaissez-vous un moyen quelconque de faire passer le temps et qui puisse nous changer les idées ?"
Javert secoua la tête, il ne comprendrait jamais cet homme.
Puis, comme par magie, l'éclat brillait de nouveau dans ses yeux clairs.
" Une promenade nocturne ? Avez-vous déjà regardé la campagne depuis les remparts ?
- Pas depuis longtemps.
- Alors en route, monsieur. Je suis sûr que vous n'avez jamais vu la Citadelle de nuit. Malgré votre usine et votre pouvoir sur cette ville, vous ne la connaissez pas."
Javert souriait mais la question était là.
" C'est fort possible... Mais qu'est-ce qui vous fait dire une pareille chose ?"
Le policier ne répondit que par un éclat de rire.
Monsieur Madeleine et ses petites affaires, vite étouffées, vite pardonnées...et peut-être quelque secret encore plus gros à cacher...
" Venez, monsieur. Il vaut mieux marcher pendant que nous tenons encore debout. Vous êtes fatigué et je suis épuisé. Cette année a été... bref... "
Madeleine partit à la poursuite de l'inspecteur. Bien que se déclarant fatigué, l'homme avançait à une vitesse qu'il lui était difficile de suivre. L'industriel se retrouva bientôt à économiser son souffle en essayant de garder le dos du policier à vue.
Le ciel était clair, il n'y avait pas de nuage et la neige était verglacée. La Citadelle de Philippe-Auguste se détachait et les remparts dominaient la campagne. Des étoiles brillaient dans le firmament.
Javert glissa ses mains dans le dos et avança prudemment.
Il écoutait le silence. M. Madeleine marchait lentement et avec soin. Il l'attendit et se força à marcher à sa hauteur.
" La Citadelle est belle à voir de jour. Si les soldats vous laissent y accéder, bien entendu, expliqua Javert. Je désespère de pouvoir un jour accéder à la tour de la reine Berthe. Ils m'en refusent l'accès !
- En avez-vous touché un mot au capitaine Magnier ? C'est un brave homme qui n'hésitera pas à faire de son mieux pour appuyer la demande d'un collègue."
Javert sourit en entendant ces mots. Monsieur Madeleine avait beau nier les choses, il avait du pouvoir sur la ville et il ne s'en rendait même pas compte...ou ne voulait pas l'admettre...
" Oui, monsieur. Bien entendu. Il accèderait à ma demande sans aucun problème."
Il compta mentalement jusqu'à ce que M. Madeleine s'en rende compte tout seul.
" Ah ! Ou alors je pourrais lui parler. Mais...Qu'est-ce qui rend cette tour si intéressante ? Il va bien falloir que je lui donne une raison de mon intérêt."
Javert se permit un geste rare, il posa sa main sur l'épaule de M. Madeleine et le força à se rapprocher du bord des remparts.
" Une reine de France a été enfermée dans cette tour et elle en est morte ! On raconte que dans sa tour, elle a gravé sur les murs les souvenirs de sa vie perdue. Mais je ne sais pas la vérité, monsieur.
- Il faudra bien l'apprendre alors, n'est-ce pas ? Et vous dites qu'elle a passé des années à graver ? Comment avez-vous appris cela ? On n'en parle pas au village...
- La tour du Cachot est un secret bien gardé ! Je l'ai appris d'un vieux pêcheur, monsieur."
Javert se pencha et sa main disparut de l'épaule de monsieur Madeleine. Il regardait la nuit et les étoiles.
Il ne vit pas le regard qui fouillait son visage, ni le sourire que Madeleine cachait.
Il ne vit pas Madeleine relever doucement l'épaule où Javert avait posé sa main un instant auparavant.
" Je vois que vous appréciez le calme, inspecteur. Qui l'aurait cru ! À vous voir, on pourrait croire que vous ne vous lassez pas de regarder le ciel.
- J'ai appris à lire les étoiles, monsieur. C'est tout. C'est un point positif de cette ville, on voit bien le ciel."
In petto, Javert poursuivit : "ce doit être le seul point positif."
" Et maintenant, je voudrais vous emmener voir la Dame Blanche en personne !, annonça en souriant Javert.
- Ne risquons-nous pas d'attirer le garde ? Je veux dire, je ne voudrais pas causer un incident...
- Allons, monsieur Madeleine ! Qui oserait vous chercher des ennuis ? Mais vous n'avez pas tort. Je ne suis pas capable d'escalader la tour."
Le policier secoua la tête et annonça :
" Il est plus prudent d'aller se coucher gentiment, monsieur Madeleine. Minuit n'est pas loin et..."
Et pour répondre à ces propos, les cloches des églises de Montreuil retentirent dans la nuit.
" Joyeuse année, inspecteur. Ce fut une fin d'année intéressante, croyez-moi : une soirée inattendue et fort enrichissante. Ce qui me fait penser... Accepteriez-vous de m'expliquer comment lire les étoiles ? Cela fait des années que je m'évertue en vain à déchiffrer une carte du ciel que l'on m'a offerte. En retour, je vous obtiendrai un sauf-conduit pour rendre visite à la Dame Blanche. C'est un marché équitable !
- Équitable, peut-être. Mais ne vous attendez pas à un cours magistral ! Je connais un peu les étoiles."
Cette fois, ce fut l'inspecteur qui tendit la main.
On se serra la main et M. Madeleine remarqua à quel point les yeux de l'inspecteur brillaient dans la nuit.
Comme des étoiles...
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