Chapitre 7 : La Rentrée
~ Elyana ~
Le petit-déjeuner était tendu ce matin, Delyth était d'une humeur massacrante, même Elyana pouvait le sentir. Ces temps-ci, la Nymphus était plus sensible aux émotions des autres. Les décryptant aussi facilement que si elles étaient notées à l'encre noire sur leurs fronts.
Cadeyrn, lui, n'avait jamais paru si joyeux. Il n'était pas du genre à afficher un grand sourire, toutefois on ne pouvait manquer la différence avec auparavant : son teint était beaucoup plus rosé, ses yeux avaient perdus leurs cernes, gagnant des ridules dans leurs coins, comme si seuls ses yeux avaient le pouvoir de sourire.
Elyana fixait Aeddan, à présent. Il observait fixement les ondulations dans sa tasse de thé, l'air monotone gravé sur son visage. Toutefois, cette attitude placide cachait une tempête, que le Draconis même devait ignorer.
L'ambiance n'était pas au rendez-vous mais Delyth ne remarquait rien, trop stressée par son arrivée dans sa nouvelle école. L'appréhension de se retrouver entourée d'humains, d'arriver plus d'un mois après la rentrée. Mais ce stress était naturel, Elyana l'a comprenait d'autant plus qu'elle-même était « la fille enceinte » du lycée. Les étudiants n'avaient pas mauvais fonds mais leurs pensées transparaissent dans leurs attitudes à son égard.
— N'ai pas peur pour le lycée, la rassura Elyana en lançant un sourire rassurant à la Draccubus. Au moins, je serai avec toi. Si tu as besoin de quelque chose, n'hésites pas. Enfin... je ne suis pas super bien vue là-bas mais tu auras mon soutien quoi qu'il arrive.
— Merci, Elyana, fit Delyth en se détendant un peu. C'est juste que... ça fait bizarre. C'est la première fois que je vais aller en cours sans Faël.
Elyana hocha la tête et sourit chaleureusement à son amie. Elles se hâtèrent alors de sortir de la maison : elles ne devaient plus tarder sous peine d'arriver en retard.
À peine Elyana passa le porche qu'une étrange sensation s'immisça en elle. Elle sentit un grand vide émotionnel, à peine coloré d'un sentiment de paix, trop fragile pour être de la joie mais suffisamment fort pour qu'elle ressente son écho en elle.
Ses yeux se levèrent malgré elle sur le toit en ardoise, balayant sa surface du regard. Numéro cinquante-trois était invisible, mais elle pouvait parier sur sa présence. Ces temps-ci, sa sensibilité aux émotions s'était encore accrue. Avant sa grossesse, jamais elle n'aurait été capable de pareilles capacités. Pourtant, depuis plusieurs mois, des pouvoirs semblaient se réveiller, qui n'avait rien à voir avec le charme. Ces nouveautés l'effraient autant qu'elle l'intriguaient.
Encore pleine de curiosité envers la présence de Camaël et de ses pouvoirs, elle suivie Delyth jusqu'à ce qu'elle corrige sa trajectoire.
— C'est cet arrêt de bus-ci que l'on doit prendre, fit la Nymphus en désignant le côté adjacent de la route.
— Ah.
Delyth soupira et s'appuya contre le poteau de l'arrêt, laissant l'unique place assise pour sa nouvelle amie.
— Honneur aux femmes enceintes, fit-elle en souriant paisiblement.
— Ah, j'aimerais que tout le monde soit aussi gentil que tu l'es, soupira Elyana.
— Je peux t'assurer qu'au moins la moitié des gens le sont, ria Delyth.
Le sourire de la jeune femme demeurait sur son visage. Pourtant, son amie sentie distinctement l'ombre sombre d'une blessure non refermée, qui menaçait de briser l'esprit de la Draccubus.
Le bus arriva avec deux minutes d'avance. Sur le trajet, Delyth put observer les conifères défiler avant que le véhicule ne se stoppe aux abords d'une forêt dense. Là, Elyana dut secouer son bras pour qu'elle descende à sa suite. Deux ou trois autres personnes, tous des étudiants au vu de leurs sacs à dos bien remplit, étaient descendus au même arrêt. Des rires avaient fusé, tandis que l'un d'eux observait goulûment l'innocente Delyth.
— Si elle traîne avec elle, c'est forcément une salope aussi, fit l'un des gars en parlant trop fort pour ne pas l'avoir fait sciemment.
Les deux filles les laissèrent partir dans le dédale d'une allée d'arbres avant de se lancer dans le même trajet. L'une comme l'autre préférait éviter de se mêler aux autres, pendant quelques minutes encore.
— Tu y es habituée, à ce genre de connards ? demanda Delyth en fixant ses ongles en mauvais état.
— Malheureusement oui. Demain, j'essayerai de ne pas m'asseoir à côté de toi dans le bus. Comme ça, au moins, personne ne-
Le reste de sa phrase fut happée par le rire sonore de Delyth, qui essuya une larmichette s'échappant de son œil gauche. Son expression amusée laissa la place à la contrariété, elle pouvait sentir la température grimper.
— Elyana, commença Delyth dans le plus grand des calmes, je ne vais pas faire semblant de ne pas t'apprécier simplement parce que les autres risquent de médire sur moi. Ils veulent me traiter de traînée ? Qu'ils le fassent, je n'attends que cela.
— Si tu comptes les faire renvoyer, ils ne disent jamais rien devant les profs et puis, ils ne se laisseront pas faire.
Un nouveau rire éclata comme des bulles de savon, réchauffant l'atmosphère de quelques degrés. Delyth bouillonnait.
— Ce n'est absolument pas ce que je souhaite faire. Au contraire, même, fit Delyth en souriant. Je sens que je vais pouvoir m'amuser, dans ce lycée.
— Je ne le sens pas ! Tu ne vas pas te battre, hein ?
— Ma chère, l'art de la guerre ne repose pas seulement sur la force. Vous êtes fort ? Simulez d'être faible. Vous êtes intelligent ? Jouez à l'imbécile. Je vais faire retourner ces petits cons contre leur propre jeu. Sans enfreindre une seule règle du règlement, promis ! jura Delyth, le petit doigt à l'air.
Celui d'Elyana s'agrippa au sien, dans une promesse indéfectible. Elles ne seraient plus seules. Mieux, plutôt que se contenter de survivre à ces épreuves, elles allaient triompher. Delyth en était persuadée, bien qu'Elyana restait dubitative.
— On va casser des culs ! Et ce, sans lever le petit doigt ! ria la rouquine.
Sautillant en l'air, ses boucles rousses voltigeaient en rebondissant dans son dos et sur ses épaules. Elle observa le ventre arrondi de son amie en souriant et Elyana eut une bouffée de joie. Quand la Draccubus avait posé les yeux sur la maison de sa fille, elle avait sentie très nettement les émotions qui l'avait envahit. D'abord, une immense bouffée de joie et d'enthousiasme. Puis son air réjoui avait glissé sur d'autres valeurs. Delyth s'était sentie fière et quand son visage se posa sur celui d'Elyana, elle transmit d'elle-même l'émotion qui la parcourait.
— J'ai tellement de respect pour toi, lui avoua-t-elle en un souffle.
Alors la joie et l'enthousiasme gagna le cœur de la blonde, qui sentie des nuées de papillons gonfler ses poumons. Elle se sentait fière, relaxée et digne de recevoir du respect. Elle n'était pas une salope, ni une mauvaise personne. Elle n'était pas perfide, ni sale. Elle était une jeune femme, qui serait bientôt une jeune mère. Elle était une future diplômée, qui n'abandonnerait pas ses études, conciliant les difficultés et les plaisirs. Surtout, elle ne laisserait plus jamais personne la traiter de salope.
— Wow, la vache, s'exclama Delyth en arrivant au bout du chemin terreux, c'est immense !
Elle tournait en rond, observant le jardin, enfin la cour de récréation, sous toutes ses coutures. Une immense fontaine sur la droite où buvait quelques pigeons et moineaux, une multitude de bancs et d'arbustes dans tous les recoins, et surtout un immense bâtiment, tout en longueur, qui dominait tout l'espace.
Il aurait pu être qualifié de château s'il avait été modelé de manière esthétique. Mais le bâtiment du lycée était simplement rectangulaire, droit et sans sculpture. Pourtant, il n'en demeurait pas moins imposant. Comme une vieille personne, ridée par le temps, qui était rigide d'esprit tout en demeurant droit et intimidant. A ses yeux de Draconis, ce lycée avait des allures de précieux trésor.
— Dommage que l'on ne puisse voler un aussi gros objet, murmura-t-elle.
— A peine arrivée et tu envisages déjà de voler quelque chose ? demanda une voix masculine avec un sourire dans la voix.
— Bordel de m-
Elyana et Delyth sursautèrent et cette dernière donna un coup à l'épaule du nouveau venu.
— Espèce de taré, tu m'as fait peur ! Et Elyana est enceinte, ce n'est pas bon de la faire flipper comme ça !
— Elle est enceinte, pas en sucre. Elle ne va pas se briser d'une simple phrase. Je te rappelle que je suis un Vampiris, pas un magicien !
Aron souriait de toutes ses dents en passant sa langue sur ses courtes canines, récoltant ainsi un coup de pied de Delyth, qu'il n'évita pas. Puis la jeune femme sourit, contente de sa réaction.
— T'as raison, elle n'est pas en sucre. Elle est forte et indépendante, fit Delyth en laissant un clin d'œil à Elyana qui semblait outrée.
— Ne parlez pas de votre nature ici, des humains étudient avec nous !
— Ma chère, j'ai une excellente ouïe, je le saurais si quelqu'un avait pu m'entendre. Les seuls qui pouvaient le faire n'ont rien d'humains. D'ailleurs, bonne chance pour votre vengeance Girl Power contre les mecs qui n'ont aucun amour-propre. Mais laissez-moi en dehors de ça !
Il s'enfuit en se marrant, évidemment il avait tout entendu de leur discussion sur le cassage de culs. Mais têtes hautes et bras-dessus bras-dessous, les deux Power-Girls montèrent les marches qui menaient au hall d'entrée.
Si les étudiants les dévisageaient ? Évidemment. Jugeaient-ils Elyana car Delyth portait son sac au bout de son bras ? Sûrement. Toutefois, aucun ne pouvait manquer leurs sourires éclatants, leur joie de vivre qui émanait d'elles. Et surtout, ils ne pouvaient manquer le fait qu'elles les ignoraient totalement.
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