Chapitre 24 : Pouvoirs Nymphiques
~ ELYANA ~
Après avoir détruit un arbre à son simple contact, la jeune femme avait été évacuée en vitesse avant qu'un passant ne vienne observer les dégâts de plus près. Elyana semblait embarrassée d'avoir été la cause de la mort prématurée de cet être vivant qui n'avait fait aucun mal pour mériter de se faire ainsi évincer.
— Qu'ai-je fait, exactement ? se questionna-t-elle, sachant pertinemment que seule une Nymphus plus expérimentée qu'elle pourrait répondre.
— Je n'en ai aucune idée mais là-bas, tu nous as... bloqué. J'avais envie de venir t'aider et de t'approcher mais la seconde d'après, j'avais la volonté de fuir cet endroit, expliqua Delyth. C'était vraiment étrange.
Aeddan lâcha le volant de sa main droite pour venir se gratter la barbe puis finit par donner ses propres connaissances. Ayant vécu durant des millénaires, il y avait nombre de choses qu'il savait à propos des êtres qui peuplaient la Terre. Certes, il ne connaissait pas tout mais il avait quelques informations utiles sur les Nymphus, causées par son expérience personnelle.
— J'ai croisé plusieurs Nymphus au cours de ma vie, répondit-il au questionnement d'Elyana. Auparavant, elles étaient limitées par leur environnement et se devaient de rester sur leur lieu de création. Elles avaient le devoir sacré de protéger l'endroit qui leur avait été attribué, que ce soit une rivière, une forêt ou même un simple arbre. A cette époque, leurs capacités étaient bien plus puissantes que de nos jours.
— Quelles étaient-elles ? voulut savoir la principale intéressée.
— Tout d'abord, elles savaient charmer les uns et les autres pour que tout intrus doive respecter le lieu où il avait pénétré. Si besoin, elles savaient même les obliger à en partir... à les repousser, leur donnant envie de fuir leur terre. Je pense que c'est cela que tu as fait à Cadeyrn et Delyth.
— Je vois... et savez-vous exactement ce qu'il est advenu des Nymphus au fil des siècles ?
Cherchant ses mots avant de parler, Aeddan laissa un silence tendu s'installer dans l'habitacle. Il n'avait encore jamais dû parler de cette espèce bien particulière qui pourtant était présente sur presque tous les territoires. Il fouilla dans sa mémoire ce qu'il avait entendu sur elles, sur leurs capacités, leurs limites mais aussi sur la manière dont elles avaient évolué dans la société. Au bout de quelques minutes inconfortables où chacun pu entendre le bruit du moteur qui vrombissait, Aeddan se décida enfin à parler.
— Depuis que les Nymphus ne sont plus rattachées précisément à un endroit ou à une tâche en particulier, elles sont devenues plus affaiblies mais surtout, elles peuvent agir en dehors de leur lieu de naissance. Par contre, je n'en sais pas beaucoup plus. Celles que j'ai rencontrées se sont montrées plutôt mystérieuses et discrètes à ce propos. Parmi les Monstres qui en parlent, j'ai pu entendre des hypothèses et des interprétations des Nymphus qui se contredisent parfois, je ne saurais démêler le vrai du faux donc je ne veux pas te donner de mauvaises informations. Je ne comprends pas non plus comment cet arbre a pu finir dans cet état, puisque je n'ai jamais cherché à contrarier l'une d'entre elles.
— Tu connais bien une Nymphus plus âgée ? fit doucement Delyth. Je suis certaine qu'elle pourra répondre à tes questions. Dans le cas contraire je me chargerai d'appeler Catherine, c'est une Goule qui travaille à l'ILIM de Londres. Elle saura forcément se renseigner en toute discrétion bien sûr.
Un peu perdue dans ses pensées, Elyana remercia son amie en hochant la tête pour donner son approbation. Auparavant, elle ne s'était jamais questionnée sur ses capacités, se contentant d'user parfois de charme pour se tirer d'un mauvais pas. Elle était également toujours restée à proximité de la forêt où son défunt père adoptif l'avait trouvée lorsqu'elle était enfant.
Cette forêt lui était proche par bien des manières. Comme une amie qui la rassurait et qui était là pour elle, sur qui elle pouvait toujours compter. Quand celle-ci avait partiellement pris feu, Elyana avait presque elle aussi sentie les flammes la consumer. Peut-être qu'elle était bien plus liée à ce lieu qu'elle ne pensait l'être, que son rôle avait bien toujours été de la protéger comme si elle faisait partie de sa famille. Mais plus encore, elle était son berceau, l'endroit où elle avait vu le jour.
En réalité, Elyana vivait sur Terre depuis treize années seulement. Quand sa Déesse la modela et la déposa sur le sol couvert de feuilles mortes et de brindilles, elle avait l'apparence alors d'une fillette de trois ou quatre ans environ. Elle avait vécue seule dans sa forêt près d'une année entière avant que le vieux Vampiris ne la découvre et ne l'emporte dans sa demeure, à l'orée des bois. Ce fut lui qui lui donna l'âge de quatre ans ainsi qu'une date de naissance, qui fut celle de leur rencontre.
Puis, elle avait rencontré sa gynécologue Cordélia par pur hasard dans une rue de Londres en se rendant à une soirée, peu de temps après le décès de son père adoptif. Elles avaient commencé à se parler uniquement parce qu'elles avaient su que leur nature était proche, presque similaire. À ceci près que si Elyana venait de la forêt, Cordélia venait de la mer. Bien qu'elle l'eût côtoyée suffisamment pour connaître son tempérament, elle ne l'avait jamais questionnée sur ses capacités ni sur son mode de vie en tant que Nymphus.
La jeune femme regretta de ne pas avoir cherché d'autres membres de son espèce pour leur poser toutes sortes de questions. Il n'était toutefois pas trop tard pour palier à son manque de connaissance. Son désarroi et ses réflexions l'avaient faites entrer dans un silence le plus total, tandis qu'elle observait par la fenêtre les paysages devenant de plus en plus boisés.
Nulle conversation ne vint plus troubler le véhicule, si bien qu'ils purent tous entendre et ressentir avec précision chaque cahotement de la route ainsi que la respiration de chacun d'entre eux. Sur la banquette arrière, les trois lycéens furent encore cramponnés les uns aux autres quand la voiture se gara devant la maison victorienne.
Rapidement, Elyana se retira dans sa chambre, réclamant un peu de solitude. Tous comprirent et la laissèrent s'isoler loin d'eux, bien qu'ils fussent tous inquiets. Ils savaient que dorénavant, Elyana serait la plus choyée du foyer étant donné que personne ne la laisserai plus faire quoi que ce soit.
Ils laissèrent les heures s'égrener, s'ennuyant tous fermement à simuler quelque distraction peu passionnante. Cadeyrn avait invité Camaël pour lui apprendre à jouer aux cartes et Aeddan s'était allié au duo pour faire une démonstration à l'Angélus.
Heureusement, ce dernier apprenait d'une rapidité quasi-surnaturelle et en deux heures à peine, il eut non seulement mémorisé les règles de plusieurs jeux de cartes mais savait également maîtriser l'art de jouer, et surtout de gagner, avec panache.
Une heure passée à jouer avec lui comme adversaire mirent Aeddan et Cadeyrn au supplice, au point où ils demandèrent grâce à l'Angélus afin de savourer un répit grandement mérité.
— Vous voulez regarder la télé avec nous ? proposa Delyth. On comptait l'allumer, on commence un peu à s'ennuyer aussi, depuis qu'on a finit tous nos devoirs.
Les adultes acquiescèrent et vinrent s'encastrer dans le petit canapé, bien trop petit pour contenir deux hommes de leur envergure, même à côté du frêle Aron, sans parler des ailes de l'Angélus, qui refusa même d'essayer de s'asseoir à l'étroit. Il se contenta de se poser au sol, ses ailes quelque peu adossées sur le canapé, ses longues jambes étendues devant lui.
Delyth revint quelques minutes plus tard et jaugea l'emplacement des garçons avec un œil outré.
— Elyana a bien voulu venir ! déclara-t-elle avant de jeter un ultime coup d'œil scrutateur sur le trio qui s'accaparait l'unique canapé. Vous allez laisser Elyana s'asseoir sur une chaise, vraiment ?
Soudain, le canapé fut vide et tous désignaient le divan moelleux à la femme enceinte avec de grands sourires embarrassés. Delyth en profita pour s'asseoir à côté d'elle et Aron saisit sa chance pour se placer tout au bout, dans l'espace restreint qui restait. De toute façon, Aeddan et Cadeyrn étaient trop larges pour y passer, étant donné que Delyth avait laissé une place immense pour la jeune Nymphus.
— Vous pouvez prendre le fauteuil dans le bureau, proposa Delyth. Mais il faudra le ramener vous-même !
En hôte, Aeddan alla chercher le fauteuil et à son retour, proposa à Cadeyrn de s'y asseoir mais celui-ci refusa car il s'était déjà installé. S'étant adosser au divan, assit par terre aux côtés de Camaël. Heureusement, le tapis du salon était épais et confortable, lui épargnant de souffrir.
— J'ai faim, lâcha Elyana, il est quelle heure au juste ?
— Presque dix-neuf heures, fit Delyth. On commande des pizzas ?
Le regard de la Nymphus s'éclaira et elle voulut une pizza Hawaïenne avec supplément d'ananas, surprenant les autres avec ses goûts étranges. Ils commandèrent trois autres pizzas aux différentes saveurs pour partager et allumèrent enfin la télévision.
— « Avec Ariel nouvelle génération, les taches disparaissent et tout semble neuf ! » s'écria une voix publicitaire enjouée.
— On vient à peine de commencer et on a déjà des pubs, se plaignit Aeddan. Mais bon, au moins, il y aura bientôt les infos.
— Les infos ? Tu rêves, là, ria Delyth. Attends un peu et je vais mettre un film sur Netflix, juste le temps que je trouve quelque chose.
Du poste de télévision s'éleva alors une musique bien reconnaissable qui fit sourire le vieux Draconis qui pouvait profiter de quelques minutes d'informations avant que sa fille ne trouve un programme du soir.
— Vous voulez regarder quoi, un film d'action, une comédie ?
Personne ne semblait être d'accord et la jeune femme perdit de précieuses minutes à farfouiller son application mobile, espérant trouver un film à la fois romantique pour Elyana, avec de l'action pour Cadeyrn et qui soit drôle pour Aron. Camaël n'avait jamais vu de films, donc il se fichait du genre. Il était focalisé, étrangement fasciné par l'écran de télévision qui annonçait déjà les premières nouvelles.
— « ...avec les soldes qui débuteront Lundi, les internautes s'expriment. Et tout de suite, nous retrouvons André pour nous parler du retour du meurtrier de Londres. » annonça la voix claire de la présentatrice.
Les derniers mots de la présentatrice firent place à un bref silence, qui se répercuta à l'intérieur de la maison. Personne ne put louper l'annonce importante qui leur firent dresser l'échine :
— « Ce matin, trois nouvelles victimes ont été retrouvées mortes en plein centre de Londres. La police présume qu'il s'agit d'un nouveau coup du meurtrier de Londres, le mode opératoire ayant été similaire. Les victimes étaient trois jeunes femmes d'une trentaine d'années et ont été retrouvées chez elles vers sept heures du matin. » s'exclama gravement ledit André.
La sonnette retentie, les faisant sursauter. Ce n'était que le livreur de pizzas qui venaient leur apporter leur commande, mais leurs estomacs étaient tous bien trop serrés pour espérer pouvoir finir une seule part.
Après autant de répit, ils pensaient en avoir eu fini avec les attaques du meurtrier, qui était très probablement un Incubus. Ils avaient oublié que cette histoire ne faisait que commencer. cette révélation eut sur Camaël une réaction inattendu, car il se releva, devenant subitement immatériel. D'une poussée d'ailes, il se projeta à travers le plafond jusqu'au toit et fila dans la nuit rejoindre l'ILIM. Son enquête n'avançait guère sur ce fameux meurtrier, car il semblait aller et venir partout, sans réel sens pour lui. Seulement avec trois nouvelles victimes, Camaël en était désormais presque sûr : il y avait plus d'un Incubus impliqué.
Cadeyrn, encore plus que les autres, pressentait qu'il s'agissait d'une bande d'Incubus. Il n'avait jamais osé en parler, car il savait trop bien de quel genre de groupe il s'agissait. Des traqueurs pire qu'une meute de Lycanthropes enragés. Malheureusement pour lui, il connaissait aussi leurs buts. D'abord, ils allaient chercher à attirer l'attention sur eux, comme ils le faisaient actuellement grâce à ces meurtres volatiles. Seulement, Cadeyrn en savait beaucoup plus qu'il ne voudrait jamais l'admettre car ce que le clan d'Incubus voulait vraiment, c'était traquer sa propre nièce, qui était ce qu'ils recherchaient avec avidité.
— Bon, souffla Aron, je crois bien qu'il nous faudrait vraiment une comédie, ce soir. Sinon on mourra tous de dépression avant demain.
La Succubus lui jeta un regard courroucé mais ses lèvres s'étirèrent en un sourire amusé. Elle attrapa la télécommande et mis un programme sur Netflix. Une comédie burlesque démarra aussitôt, emportant avec elle le sentiment d'insécurité et de peur qui les avait tous assailli. Chacun saisit une part de pizza, sa boisson en main et ce soir-là, tous rirent malgré les problèmes qui innondaient leur vie de jour en jour.
Seul Camaël était absent, protecteur de leur moment chaleureux. Tandis que ses proches retiraient le meurtrier de leurs pensées, lui était bien décidé à le traquer. Le tueur de Londres, ou plutôt à traquer chaque Incubus qu'il trouverait dans cette ville immensément grande. Sans aucun doute, il allait y parvenir. Il veillerait à ce que cela soit le cas, sinon il ne serait digne d'être un Angélus.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro