[TW: seringue ; alcool]

Les jours étaient passés, les ecchymoses avaient jauni ma peau et mes cotes se ressoudaient lentement. Comme je m'y attendais les gendarmes n'avaient pas avancé sur l'enquête et allaient sûrement la placer sans suite faute de témoins et de preuves. J'avais déposé une plainte contre X, retournant à la fac avec la boule au ventre. J'avais l'impression que mon visage encore tuméfié attirait tous les regards à lui comme une lumière clignotante.

Quelques connaissances de ma promotions vinrent spontanément à ma rencontre pour me saluer et me donner les cours que j'avais manqués, conscient qu'ils ne pouvaient rien faire de plus pour moi.

Trois jours avant Chloé, plus a l'aise que moi au téléphone m'avait aidé à prendre rendez vous chez un endocrinologue en instant sur l'urgence d'une consultation. D'abord réticente à donner une date avant 6 mois au vu de mon dossier ne comportant aucune recommandation psychiatrique mon amie offrit à la secrétaire un petit rappel à la loi, lui précisant bien que refuser un rendez vous dans un délai respectable pour non présentation de lettre psy dans le cas d'un parcours médical transgenre était une discrimination et qu'elle (je) n'hésiterait pas à porter plainte. Pris au dépourvu et sans moyens immédiats de contacter sa hiérarchie la secrétaire accepta de dégager un créneau horaire pour le mercredi après midi, soit dans 3 jours.

J'étais complètement chamboulé.

Pour dans 3 jours ?

Chloé donna mon adresse mail à la secrétaire qui prit soin de m'envoyer une liste d'examens à faire avant le rendez vous.

Le jour J, analyse de sang en mains je quittai la fac pour me rendre de l'autre bout de la ville où se trouvait l'hôpital où officiait l'endocrinologue. J'avais une impression omniprésente d'avoir vu trop de médecin ces derniers temps... Mon portable vibra :

De Will

Je viens te chercher après ton rendez vous et on va se promener sur les hauteurs de la ville ?

De moi

Je t'avoue que si le résultat se passe mal je serais plutôt pour une soirée en PLS sous la couette avec des sorbets de fruits...

De Will

Ne t'en fais pas, je t'envoie tout mon courage.

Et oui, ce sera un bon programme au cas où...

Sur le papier annonçant l'heure et la date de mon rendez vous il y avait noté les indications pour trouver le secrétariat dans l'hôpital. Suivre la ligne verte. Très drôle. Vraiment.

Arrivé au bout de cette fameuse ligne verte je me présentai à une dame dans la force de l'age qui me désigna une salle d'attente vide.

Le médecin ne mit pas longtemps à m'appeler. Il semblait gentil et accueillant. Sa voix était rassurante et les mots qu'il employa dans ses questions me permirent de ne pas bégayer. A questions claires, réponses claires. Je lui expliquai mon envie urgente de commencer l'hormonothérapie, de commencer ma transition médicale au plus vite. Pendant que je parlais, lui prenait des notes en acquiesçant à intervalle réguliers. Puis il me fit un check-up complet : poids, taille, tension, palpation de la glande thyroïde avant de regarder mes résultats sanguins. Pour lui rien ne s'opposait au commencement du traitement mais ils me posa énormément de questions sur mon refus de passer par un psychiatre et sur les contusions encore visibles sur mon visage. Malgré toutes ses questions qui firent monter une pression des plus inconfortables en moi il me délivra le précieux sésame que j'étais venu chercher : une ordonnance de 3 mois pour des injections régulières de testostérone et une prise de sang à faire une semaine avant de le revoir à la fin de cette période.

Je me retins avec une force immense de pleurer et de lui sauter dans les bras. Ce médecin venait de changer ma vie sans vraiment s'en rendre compte.

Il me fit aussi une demande d'ALD, pour me permettre de ne rien débourser lors de mes injections et des prochains rendez vous. Il allait falloir un peu de temps avant sa mise en place, donc les premières injections allaient être à mes frais mais la joie qui m'envahissait effaçait ce point quelque peut négatif.

Will m'attendait dehors près de sa vieille Seat. Je lui sautai dans les bras si bien qu'il ne lui fallut pas plus de mots pour comprendre que tout s'était bien passé. C'est les larmes aux yeux que l'on se rendit ensemble à la pharmacie pour se procurer de l'androtardyl en solution injectable ainsi qu'un kit complet d'injection en intramusculaire. Heureusement mon budget ne saignera pas trop de cette vingtaine d'euros déboursés.

La nuit commençait déjà à tomber quand on récupéra Chloé pour fêter ce grand moment.

Des bouteilles claquaient bruyamment à l'arrière, la musique était à fond sur des classiques des années 80, Will et Chloé fumaient en crachant leur fumé par les vitres ouvertes. Enfin on se stoppa près d'un vieux cimetière à flanc de colline qui offrait l'un des plus beaux panoramas sur la ville. On enjamba le muret non sans mal, évitant de peu de laisser le pacs de bière s'écraser au sol.

Là posés sur un tombeau surélevé nous observâmes la ville aux éclats de lumière, insaisissable instant qui resterait gravé dans nos mémoires.

Une bière à la main l'on trinqua à la fin du règne des œstrogènes dans mon petit corps et au début de ma nouvelle vie.

Will attrapa dans son sac le kit d'injection.

- Bon, c'est avec ça que je vais te piquouser ? Demanda-t-il sa clope à la bouche. Je crois que je suis un peu sadique ahah ! Bon alors je te la fais soit dans le cul soit dans l'épaule tu préfères quoi ? Moi je choisirais le cul à ta place... je dis ça je dis rien. Aller baisse ton fut et allonges toi sur la demeure de fusse Pierre Jacques de la Haute-Combes !

L'adrénaline montait, Chloé et Will étaient au taquet. Il alluma son téléphone et regarda un tuto YouTube sur les injections en intramusculaire... rassurant. Pendant ce temps Chloé, munit de sa lampe torche éclairait ma fesse et désinfectant la zone qu'elle avait identifiée comme le quart supero-externe. Elle sortit un marqueur de son sac pour dessiner une cible puis remis une dose de désinfectant, fière de son œuvre.

Will commença à prendre le liquide dans la petite ampoule.

- On est vraiment pas fait pour être médecin ! Même pas infirmier d'ailleurs. Pourquoi c'est aussi épais ce truc ?! Bon aller c'est bon je suis à 0.5 ml. Pfff....

- Ahhh tu pus la clope et la bière !

- Me déconcentre pas toi ! Détends ta fesse ! Allez j'y vais ! Yeaaaah !

- Aie ! C'est fini ? Allez Chlo, désinfecte ! Mais arrête de rire merde !

Chloé en pleurait, de rire et d'émotion.

- Attends ça saigne un peu... marmonna Chloé en compressant un coton.

- Vous avez pas un pansement ? Je suis un mec mais je suis quand même une chochotte hein. Ce premier shoot de testo c'était vraiment n'importe quoi !

- Tu veux un bisou magique sur ta fesse ?

- Will ! On est dans un cimetière bordel !

- Oh ça va Chlo, je te rappelle qu'on boit, qu'on fume et qu'on drogue quelqu'un dans un cimetière on est plus à un blasphème près.

- Vous me fatiguez, dis je les larmes aux yeux. Allez file moi une bière grand benêt !

La soirée s'éternisa et le froid de décembre commença à percer nos manteaux. C'est d'un commun accord que l'on décida de redescendre en ville, William au volant. Avant de démarrer il souffla dans le petit éthylotest, juste au cas où. C'était limite mais correct pour rentrer sans redouter un contrôle ni se mettre en danger.

Après avoir raccompagné Chloé William me proposa de venir dormir chez lui. Serrés dans le même lit, les vapeurs d'alcool mêlées à la retombée d'adrénaline m'emportèrent dans les bras de Morphée.

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Le plus beau jour de la vie de Julien certainement.

William et Chloé étaient les deux seules personnes capable de faire de ce moment quelque chose de magique. Ce sont des bons <3

Voili voilou !