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Le lendemain matin, je traine dans mon duvet en envoyant des messages à Liam. En fait, il m'en a envoyé un, j'ai répondu, il a répondu, j'ai répondu, et ça fait une heure que je suis là à discuter avec lui emmitouflé dans mon duvet au lieu de me lever et d'aller soulager ma vessie prête à exploser. Et c'est à peu près à ce moment, qu'il me dit un truc qui me fait lâcher mon portable sous la surprise.
Il est là.
Enfin, pas là, ici. Mais là, là, au festival.
Du coup, je lui dis que moi aussi, et je bondis hors de ma tente en m'emmêlant dans le duvet, puis je cours aux sanitaires avec ma trousse de toilettes. Un petit pipi, puis je me lave au lavabo – hors de question de faire la queue pendant une heure pour la douche, il y a déjà une file qui n'en finit pas. Je me brosse les dents, j'arrange mes cheveux, puis je cours ranger mes affaires, et je pars pour le festival. Je passe l'entrée, puis je me calme et regarde partout autour de moi. Il n'y a pas trop de monde, mais quand même trop pour repérer Liam.
Je soupire, ennuyé par ma propre connerie, d'avoir couru jusqu'ici alors qu'au final je ne sais même pas où il est. Si ça se trouve, il n'est même pas arrivé. Affamé parce que je n'ai pas encore mangé, je pars vers les stands, et, arrivé là, j'hésite entre ma faim qui me dit de prendre quelque chose de consistant, et ma gourmandise qui a très envie d'un granité. Et puis, je me dis que je serai là toute la journée, alors je pourrai prendre les deux, donc je choisis ma faim, et je prends un pain au chocolat, avec un verre de jus de fruits. Un petit-déjeuner presque équilibré.
Je m'éloigne en croquant dans mon pain au chocolat, et me tourne vers la scène, écoutant le groupe qui joue et que je ne connais pas.
Soudainement, deux mains se posent sur mes yeux. Et je me fige. Je n'ose rien dire, je n'ose pas bouger. Parce que, ça pourrait très bien être Liam. Mais ça pourrait aussi être Monsieur Nutella. Alors je crois que je ferais mieux de ne rien dire.
Sauf s'il sent le Nutella.
Je ne crois pas qu'il sente le Nutella... Je ne sais pas. J'ai cette odeur de chocolat et de viennoiserie dans les narines, c'est difficile à dire.
Mais, constatant que le temps passe et que je suis censé dire quelque chose, je tente ma chance.
- C'est toi... ?
- Bah oui, dit Liam en retirant ses mains de mes yeux. Qui tu veux que ce soit ?
- Bah...
Le mec qui m'a baisé hier dans les douches... ? Ca aurait pu être lui.
- Je ne veux même pas savoir avec qui tu m'as confondu, dit-il d'un air faussement pincé. Je suis unique, ok ?
- Bah, en fait...
- Quoi ? dit-il d'un air indigné
- C'est que parfois tu me fais grave penser à Stella.
- Ah ouais ? dit-il en souriant. Ça me va alors, c'est ta meilleure amie donc elle est forcément géniale.
Je le regarde sans rien dire, et il hausse un sourcil.
- Quoi ?
Je m'approche, et sens son parfum.
- C'est quoi ? Ca sent super bon.
- Ca sent trop fort ? demande-t-il d'un air inquiet
- Un peu fort mais j'aime bien.
J'aime vraiment bien. Je suis à deux doigts de le bouffer tout entier.
Je prends sur moi pour reculer, mais j'ai envie de m'accrocher à lui comme un petit koala à sa branche, et ne plus le lâcher jusqu'à la fin des temps... ou de cette odeur.
- Alors... J'ai raté Little Mix hier ? me dit-il pour engager une conversation
- Ouais. Mais j'ai tout filmé, si tu veux voir.
- Non, je suis trop déçu.
- Je comprends.
- Elles ont chanté Move ?
- Oui.
- Ah naaaan... dit-il d'un air vraiment déçu.
J'ai de la peine pour lui. Sans savoir quoi dire, je me mordille la lèvre.
- Arrête de me regarde comme ça... dit-il en regardant ailleurs. Bon... Si on bougeait ?
- Ouais.
On commence à marcher, et je finis de manger. Je jette les déchets dans une poubelle, et on s'assoit par terre dans l'herbe, à l'écart, tranquilles. On discute, de tout et de rien ; je crois que Liam est le seul mec au monde qui parle autant. Une vraie pipelette. Et moi j'adore ça. J'y suis habitué il faut dire, avec Stella c'est toujours comme ça. Du coup, quand je rencontre quelqu'un de nouveau, ça ne va jamais, parce que je suis dépaysé ; les gens qui ne parlent pas, ça me met mal à l'aise, parce que moi je suis trop timide pour engager les conversations.
On en vient à parler de notre séjour au festival, et quand je comprends que Liam ne reste que la journée, je ne réfléchis même pas avant de répondre.
- Pourquoi tu restes pas cette nuit ?
- Où ? Tu veux que je dorme dans ma voiture ?
- Mais non, mais si tu restais dormir, tu serais pas obligé de repartir si tôt.
- Ca c'est un fait.
- Moi j'ai réservé dans un camping.
- Et t'as eu la chance de voir Little Mix... dit-il d'un air désespéré. Arrête de me rendre jaloux.
- J'essaie de te proposer de rester dormir avec moi, je dis en levant les yeux
- Hein ? Oh ! Tu veux que je passe la nuit au camping.
- C'est ce que j'ai dit, je dis en pouffant. C'est toi qui es à la ramasse aujourd'hui.
- Désolé, tu m'as surpris, dit-il en rougissant légèrement. Merci pour l'invitation.
- C'est oui ?
- Bah oui. Comme si j'allais dire non à mon petit Zynou, dit-il avec un petit sourire comme si c'était évident
S'il me regarde comme ça, je vais le dévorer !
Je me dépêche de détourner les yeux. Et je me mets presque à regretter mon invitation. Si à cette distance j'arrive à peine à me contrôler, passer la nuit avec lui dans une tente minuscule va être une torture.
[...]
J'ai passé la journée entière avec Liam au festival. Et c'était vraiment bien. Comme à chaque fois que je passe un moment avec lui. Il n'y a pas un instant où je m'ennuie, où je ne me sens pas bien.
Mais toute bonne chose a une fin, et on a décidé de partir un peu avant la fin, parce que la fatigue se faisait ressentir, et qu'on n'aimait pas spécialement le dernier groupe. Il fait nuit noire, et nous voilà au camping, plantés devant la tente.
- Bon... Bienvenue chez moi ! je dis un peu gêné.
Dans l'après-midi, on s'est pas mal rapprochés. Il est devenu tactile au fil de la journée, comme s'il saisissait la moindre occasion de me toucher. Et j'ai adoré ça, je me suis senti exister pour quelqu'un. J'ai même senti mon cœur s'arrêter quand il a touché ma main, et qu'il l'a prise dans la sienne.
Mais ce n'est définitivement pas moi qui ferai le premier pas. Ni le deuxième, en fait... Pour être clair, je ne ferai rien. Je suis beaucoup trop timide. Je ne suis pas un homme dans mes relations, voilà, je l'avoue. C'est peut-être un peu la honte pour un mec, mais c'est comme ça.
- Merci. On entre ?
Je me sens terriblement gêné, parce que je sais ce que la proximité va créer en moi, mais j'ouvre la tente, et on entre. Je m'allonge d'un côté pour lui laisser de la place, et il s'allonge de l'autre côté. La tente est tellement petite qu'on tiendrait difficilement assis.
- Fais comme chez toi, je dis sans savoir quoi dire d'autre
- Merci.
Il s'installe dans le duvet, et se tourne vers moi.
- Tu viens ?
- Euh... Oui.
Je me mets dans le duvet moi aussi, plus tendu que jamais, et il referme la fermeture. Il s'allonge sur le dos, alors je fais la même chose, et il se met à parler. Il me parle du festival, des groupes qui sont passés, des choses qu'on a vues, des choses qu'il aimées, du fait qu'il a apprécié ma compagnie... Et au fil de ses paroles, je me détends.
J'aurais aimé que cette journée ne se termine jamais.
Petit à petit, alors que l'on parle, sa main vient caresser la mienne, lier ses doigts aux miens, et je sens mon cœur bondir dans ma poitrine, en même temps que tout mon corps frissonne de bonheur. J'ai besoin de contact, de chaleur humaine, de douceur, de me sentir aimé. Et c'est exactement ce que je ressens au moment présent.
Au fil des minutes qui s'écoulent, on se rapproche peu à peu, naturellement, et on finit par se câliner, sans s'être posé la moindre question, sans avoir cessé de discuter. Ca semble simplement naturel.
Puis, arrive le moment où on n'a plus rien à dire. Un silence s'installe, mon attention se focalise sur notre étreinte. Je ne vois plus que ça, je ne ressens plus que ça. Et indépendamment de ma volonté, je me mets à vouloir beaucoup plus. Là, comme ça, dans ses bras, j'ai envie de devenir la personne qu'il câline tous les jours, la personne de qui il tient la main, la personne avec qui il partage la partie intime de sa vie. Et même les parties moins intimes. J'ai juste envie de devenir son copain.
Sa main qui me caresse le bras tendrement remonte jusqu'à mon visage, et se met à caresser ma joue quelques instants. Je ferme les yeux à ce contact si doux, et le sens s'approcher de moi. Ce moment est le meilleur de toute ma vie, je crois. Ce moment où on attend impatiemment, où on sait que le baiser va arriver, et où on ressent toutes ces choses, les picotements dans le ventre, le cœur qui s'accélère ; ce moment où on veut accélérer le temps, et en même temps le mettre sur pause.
Ses lèvres se posent sur les miennes, et se mettent à m'embrasser doucement. Elles sont tellement douces, j'ai l'impression d'être du coton. Je suis sur un nuage tout doux. Jamais je n'ai ressenti ça. Jamais je n'ai eu autant envie que quelqu'un m'embrasse. Et il le fait divinement bien.
Je crois qu'on s'embrasse comme ça pendant une éternité, mais moi j'ai l'impression que ça n'a duré que quelques secondes. Il s'allonge contre moi en prenant ma main dans la sienne, et c'est à cet instant que je ressens à quel point j'ai besoin qu'il reste avec moi ; à quel point quelqu'un qui disparait après chaque événement n'est pas pour moi. Liam, il reste, et je crois qu'il a envie de rester. Je crois qu'il a envie que je le harcèle de sms, que je l'emmène voir ma meilleure amie, que je l'invite à passer du temps avec moi. Je crois qu'il a envie de tout ça autant que moi. Et c'est peut-être ça qui fait, que ce soir, j'ai totalement oublié Monsieur Nutella.
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