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Vous savez que le sport c'est la santé ? Enfin, il parait. C'est toujours ce que les médecins disent. « Est-ce que tu fais du sport ? Non ? Bah fais-en, tu verras que ça ira beaucoup mieux ».
Après des années de lutte acharnée contre le sport, Stella a fini par capituler et se lancer. En me suppliant de l'aider. Et moi, en tant que meilleur ami parfait, je n'ai pas pu refuser. En plus, c'était réellement pour sa santé, et je savais que personne d'autre ne l'accompagnerait, et que c'était important qu'elle fasse tout ce qui était possible pour se soigner.
Et c'est ainsi que ça a commencé. Ainsi que moi, Zayn, mec qui déteste le sport, qui déteste l'eau, qui déteste se déshabiller en public, et qui déteste être décoiffé, me suis retrouvé à aller toutes les semaines à la piscine.
Bon, avec Stella, on s'est mis d'accord tout de suite, on y va toujours quand il y a le moins de monde possible. On a commencé par aller à l'accueil et demander des conseils, et il s'est avéré que la piscine était le moins fréquenté les jours de semaine en après-midi. Sauf quand il y a des écoles évidemment, auquel cas la piscine est fermée au public.
Vous vous demandez pourquoi je vous raconte tout ça ? Pourquoi je vous parle de cette piscine et de mon dégoût pour cet endroit ? Eh bien, parce que ce n'est pas JUSTE une piscine. C'est une promesse. La promesse que j'ai faite à Stella, de l'accompagner et l'aider au mieux quelle que soit l'issue. La promesse que je lui ai faite d'être toujours là pour elle, quoi qu'il advienne. Et c'est pour ça que j'y vais, encore, toutes les semaines, à la même heure. Seul.
C'est ma façon de tenir ma promesse. Ma façon d'être là pour elle. Quoi qu'il advienne.
Et puis, je lui ai aussi promis de devenir bon à la nage, et de faire du muscle, et de devenir carrément sexy. Elle m'a appris à nager, alors je lui dois bien ça.
Je souris à cette pensée en rangeant mes vêtements dans mon sac, puis j'ouvre la porte et sors de la cabine. Je pose mon sac dans un casier et choisis un code que je ne risque pas d'oublier. Je prends toujours le même, l'anniversaire de Stella, parce que je le connais par cœur et que c'est aussi une façon de l'avoir avec moi.
Une fois le casier fermé, je marche jusqu'à la salle des douches. Je pose ma serviette et passe sous le jet d'eau rapidement, puis je récupère ma serviette et affronte la douloureuse étape du pédiluve, en faisant de mon mieux pour ne pas imaginer tous ces microbes et toutes ces saletés qui trainent là-dedans. Puis, j'arrive face à mon pire cauchemar : le grand bassin.
J'avance lentement et pose ma serviette sur le banc. Je ne sais pas pourquoi j'ai toujours aussi peur de l'eau, mais je me sens glacé jusqu'au sang. Mais je l'ai promis à Stella, alors hors de question de reculer. Je m'assois sur une bord et trempe les pieds en regardant à travers l'eau, comme elle l'aurait fait. L'eau est froide et je râle intérieurement, comme elle l'aurait fait.
Aujourd'hui, il n'y a vraiment presque personne dans la piscine, et c'est déjà un soulagement. Je déteste être à moitié nu devant les gens, j'ai toujours l'impression qu'on me regarde, et je commence rapidement à m'imaginer des tas de trucs horribles et me faire les pires scénarios, du genre j'ai du papier toilette sur les fesses ou une trace de Nutella sur la bouche, ce genre de conneries. Aujourd'hui je suis presque seul, personne ne me regarde, alors ça va, j'arrive à me détendre.
Une fois bien rassuré, je suis prêt à me jeter à l'eau. Je me laisse glisser doucement, et m'élance dans l'eau. Je nage tranquillement, et rapidement je suis dans un élément, heureux comme un poisson. Pour quelqu'un qui déteste l'eau, c'est contradictoire, mais j'ai appris ça avec Stella. Elle a tellement insisté pendant des années pour me faire aller dans l'eau, et maintenant, même si je déteste toujours ça au début, une fois que je suis habitué je me sens tellement bien que j'y reste jusqu'à être totalement fondu.
J'ai comme l'impression d'avoir des ailes et de voler, sauf que dans mon cas c'est plutôt des nageoires et je nage. J'oublie tout, tous mes soucis, tous mes problèmes, toute ma vie. Je suis juste moi ; ou plutôt je ne suis plus personne ; et tout est immergé dans l'eau.
J'y reste des heures entières, et c'est quand la piscine se remplit de monde que je m'en rends compte. Je me dépêche de sortir, de récupérer ma serviette, et je file à la douche. Je récupère mon sac avec mes produits, et m'enferme dans une cabine. Par chance, je suis totalement seul dans la salle. Les nouveaux arrivants sont déjà dans les bassins, et ceux qui étaient là en même temps que moi sont déjà partis.
Je me détends, et me glisse sous le jet d'eau après avoir retiré mon maillot de bain. Je pars vite dans mes pensées, et reviens sur terre non pas quand j'entends le bruit d'une autre douche, mais quand une odeur plus ou moins familière vient chatouiller mes narines. Je plisse le nez et renifle à plusieurs reprises, jusqu'à reconnaitre enfin cette odeur : le chocolat.
Je vois de la mousse glisser peu à peu sous la paroi de la douche jusqu'à moi, et reste immobile à la regarder, me laissant engloutir par l'odeur. Cette mousse sent le chocolat.
Mais pas le chocolat qui sent mauvais. Pas celui qui vous écoeure quand l'odeur vous arrive et que vous n'avez pas faim. Non, ça sent comme le chocolat qui a une odeur agréable, même exquise.
J'entends fredonner, et cette voix masculine m'apprend que mon voisin amateur de chocolat est un homme. Un homme avec qui j'ai deux points communs : on adore le chocolat, et on vient à la piscine quand il n'y a personne. Oh, et sa voix est un réel régal pour mes oreilles.
Je me lave lentement en écoutant et imaginant malgré moi ce voisin inconnu. Aucune pensée malsaine, je suis juste curieux, et je me demande ce qu'il fait à chaque fois qu'il s'arrête de chanter. Je l'imagine se pencher pour attraper sa bouteille de shampoing, mettre le produit dans sa main et se remettre à chanter en se moussant les cheveux. Je l'imagine avec des cheveux magnifiques, à l'image de sa voix.
Parfois j'ai l'impression que Stella a pris possession de moi ; je me mets à penser comme une fille, comme elle qui plus est.
La douche à côté s'arrête, et la porte claque. Aussi vite, mon voisin a disparu.
Je termine de me laver, et sors à mon tour, une fois sec et habillé.
[...]
Jeudi après-midi. Exactement comme lundi, je suis resté trop longtemps dans l'eau, et j'ai pris mes jambes à mon cou quand la piscine a commencé à se peupler. Je me suis enfermé dans une cabine de douche, puis une odeur de chocolat a commencé à me chatouiller les narines. Puis, à force de réfléchir, j'ai reconnu cette odeur. Et je me suis trouvé con de ne pas l'avoir reconnue plus tôt. Cette odeur, c'est une odeur non pas de chocolat, mais de chocolat-noisettes. Une odeur de Nutella. Une odeur d'un truc que je mange tous les jours ! Je suis vraiment idiot parfois.
Je suis resté dans la douche tout le temps que mon voisin était là, puis, quand il est parti, je suis parti. Et je suis allé manger une crêpe au Nutella.
Lundi après-midi. Je crois que c'est devenu une habitude. Quand j'arrive, le bassin est vide. Il n'y a que moi. Je commence à nager, j'oublie tout jusqu'au temps qui passe, et je finis par m'enfuir dans les douches traumatisé par le flot de gens qui arrivent. Et là, une fois enfermé dans une cabine, je sens cette odeur de Nutella, alors que, j'aurais pu le jurer, personne n'était dans le bassin quand je suis arrivé ! Alors, soit mon voisin est arrivé après moi et je ne l'ai pas remarqué, soit il était dans le bassin des enfants, soit il était dans la partie sauna/spa. Mais si c'était ça, il aurait pris sa douche là-bas, non ? Je crois plutôt qu'il était dans la pataugeoire, ou que je suis aveugle et qu'il était avec moi sans que je le voie. Je crois que j'ouvrirai l'œil, jeudi. Juste pour voir à quoi ressemble Monsieur Nutella.
Jeudi après-midi. Je n'ai pas vu Monsieur Nutella. Je suis un peu déçu, et à la fois non. Le mystère est bien aussi. Je peux continuer de l'imaginer, c'est sympa comme ça. Plus le temps passe, plus il m'intéresse, mais pas le vrai lui, juste celui que j'imagine, et je l'imagine de plus en plus. J'imagine un mec vraiment canon, à l'image de sa voix. Avec un peu de muscles, un peu plus que moi en tout cas. Et des cheveux magnifiques. Je suis sûr qu'il a des cheveux magnifiques. Si ce n'est pas le cas, je serai déçu. Très déçu.
J'attrape mon gel douche, le retourne au-dessus de ma main, et appuie sur la bouteille. Un bruit dégoûtant suit, m'informant que je suis à la fin de la bouteille, et rien ne tombe dans ma main.
- Merde ! je laisse échapper
J'appuie encore, mais rien à faire, la bouteille est vide. Quelle nouille, j'aurais dû en prendre une autre.
Moi qui déteste l'eau de piscine, il est hors de question que je reste comme ça souillé.
Je peste un moment intérieurement, jusqu'à ce que quelque chose me fasse stopper tout mouvement. Une bouteille de gel douche. Glissée sous la paroi. Une bouteille marron chocolat. Je bloque un moment, trop surpris, puis je la prends.
- Merci, je dis timidement
- De rien.
Je regarde la bouteille. « Gel douche et shampooing, senteur Nutella ». Une sensation étrange prend part de moi alors que l'espace d'un court instant j'imagine mon voisin se frictionner le corps ET les cheveux avec CE shampoing que je tiens dans les mains, et dont je serai bientôt moi-même recouvert.
- T'avais besoin d'un shampoing ou gel douche ? me demande mon voisin
- Euh... Un gel douche.
- T'as quoi comme shampoing ?
- L'Oréal... ? je dis hésitant
- Envoie.
Je glisse mon shampoing sous la porte, encore sous le choc d'avoir eu mon premier échange avec Monsieur Sexy Chocolat. Sexy parce que, dans ma tête, il est sexy. Et sa voix l'est.
- On va sentir tout pareil.
J'entends cette phrase, puis il glisse ma bouteille sous la paroi. Je lui rends la sienne, et la porte claque. Monsieur Sexy Nutella a disparu. Et je me sens tout bizarre. On va sentir tout pareil.
Damn.
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