« Ils pourront frapper cent fois, seul le cent unième coup sera douloureux. »

« Cher Monsieur Journal, aujourd'hui nous sommes le jour de Noël. Tout le monde est heureux, souriant devant leurs cadeaux.

Personnellement le seul cadeau dont j'ai bénéficié est le déferlement de haine propre à mes géniteurs. Ma génitrice, la femme qui ne fait que passer son temps avec des hommes pour attirer leur faveur, n'a pas cessé de m'insulter. Quel paradoxe de me faire traiter de pute étant vierge, quel paradoxe de me faire traiter d'inutile par la personne que je nourris. Néanmoins cela la réjouirait bien trop de lui montrer que ces paroles me touchent, elle est déjà contente du traitement de mon géniteur à mon égard. Lui aussi ne m'a pas épargné, il a prétendu que c'était un jour de fête et qu'il ne devait pas se priver, comme s'il s'empêchait de me toucher habituellement...

Des poings s'abattant sur mon enveloppe corporelle, une lampe de chevet éclatée violemment, des entailles provoquées par une lame aiguisée, des coups de pied lorsque je m'écroule de façon lasse au sol, le sourire satisfait de celle qui n'aurait jamais dû me mettre au monde, le rictus pervers de mon ennemi le plus présent.

Voici l'image d'une fête par moi-même, et dire qu'à l'école on m'a enseigné qu'une fête est une réjouissance...

Malheureusement, à ce jour, plusieurs heures après mon agression, je pleure dans ce froid douloureux sur le même banc où je dors quand je n'ai d'autre choix. Même si je sais par expérience que les larmes ne résolvent rien, je pleure, et continue de pleurer des souffrances qui s'approfondissent alors qu'elles devraient cicatriser.

Cependant, je n'ai pas à me plaindre, un homme honorable travaillant dans la seule boulangerie ouverte ce jour de l'année m'a interpellée pendant que je déambulais avec peine, à cause de mon corps extrêmement fatigué. Autant que cela puisse m'étonner, il m'a remarquée et offert une baguette de pain chaudement sortit de son four. Sous mon regard cerné et perplexe, il s'est justifié en disant que c'était Noël et qu'il ne fallait pas trahir ce merveilleux esprit. Je pense surtout qu'il a eu pitié de mon état lamentable, mais cela n'enlève rien à son adorable générosité. Des années que je n'avais pas privilégié d'un don, ce brave monsieur a raison, l'esprit de Noël est un merveilleux esprit pour ceux qui ont la chance de l'apprécier.

Joyeux Noël Monsieur J. »

De Mademoiselle Robin, le 25 décembre 2015 à 10 heures 53.