UN - Examen
Je me préparai rapidement pour me rendre à l'université tout en vérifiant que la convocation était bien encore coincée entre deux cahiers dans mon sac, que ma carte d'étudiante était bien dans mon portefeuille et je sortis de la maison sans saluer mes parents, qui faisaient actuellement la grasse matinée.
Il me restait encore un peu de temps devant moi mais je ne voulais pas tenter le diable ! Être juste à l'heure pour un examen, c'était tout comme être en retard. Je vérifiai l'heure sur le cadre de mon smartphone mais fus rassurée quand je vis qu'il n'était même pas huit heures et demi, tout en sachant que l'examen commençait à neuf heures précises. Heureusement, le trajet en bus ne durait qu'une dizaine de minutes.
A l'arrêt au coin de ma rue, j'attendais l'arrivée du véhicule en ouvrant un cahier de révision. J'observai les mots-clés en les balayant du regard mais soupirai finalement : c'était inutile de relire toutes ces définitions que je connaissais déjà par cœur. Je rangeai le carnet dans mon sac à dos lorsque j'aperçus le numéro dix inscrit sur le bus. C'était le mien !
Je secouai le bras énergiquement, de peur qu'il ne s'arrête pas. Plusieurs étudiants prenaient le même moyen de transport et nous sommes à l'étroit, tant il y a de monde. Soulagement pour les autres passagers, tous les universitaires descendaient à l'arrêt « Université », moi y compris.
— Oh, Lise ! s'écria une voix enjouée.
Je sursautai, concentrée comme je l'était, et me tournai finalement vers la personne qui m'avait hélé. Même de loin, on voyait qu'elle m'arrivait à peine aux épaules. Elle trottina jusqu'à moi en dodelinant et sa démarche me fit sourire. Elle avait déjà l'air essoufflée alors qu'elle n'habitait qu'à deux pas d'ici.
— Salut, Sarah. Alors, prête pour les exams ?
Mon amie montra une moue dubitative avant de hocher la tête avec conviction. Je ralentissais le pas pour me retrouver à côté d'elle, ajustant mon allure à la sienne.
— Oui oui, ça ira. Il faut absolument que je réussisse cette année, de toute façon.
Tandis qu'elle parle, je vis ses mains venir se poser sur sa bedaine rebondie. Elle m'offrit un beau sourire que je lui retournai aussitôt.
— Vous avez choisi un prénom, ça y est ? lui demandai-je avec amusement.
— J'hésite encore. Charline ou Charlotte, si c'est une fille. Martin ou Lucas si c'est un garçon. Ou Mathis. On a pensé à Myriam aussi. Ah ! Il y a trop de choix, je ne vais jamais pouvoir me décider, s'écria-t-elle.
— Bien sûr que si, vous allez finir par trouver. Ce n'est pas encore si urgent.
Je crus voir les yeux de Sarah rouler dans ses orbites face à mes paroles.
— Pas urgent ? Il va naître dans un mois et rien n'est encore prêt. On nous a donné plein de meubles mais on n'a même pas monté le lit à barreaux, tu te rends compte ?
— Je me rends compte que tu as du courage, oui.
Nous arrivâmes devant la porte de l'amphithéâtre mais mon amie soupire de nouveau avant de faire demi-tour.
— Tu vas où ? L'exam commence dans cinq minutes !
— Garde moi une place vers l'arrière, là où il fait bien chaud. Faut encore que j'aille aux toilettes, se plaint-elle. Ce bébé n'arrête pas d'écraser ma fichue vessie, j'en peux plus ! Même la nuit, je me lève pour aller faire pipi. Arg !
Elle s'éloigna en se dandinant légèrement, se tenant le dos. Je me demandai comment elle faisait pour porter autant de poids, son ventre paraissant immense comparé à sa petite taille et à ses jambes fines comme des brindilles.
S'il y avait une personne que je respectais à l'université, c'était bien elle. Elle n'avait pas de notes particulièrement brillantes mais travaillait avec assiduité et acharnement, tout cela pour décrocher sa licence avant d'accoucher. Si ce n'était pas du courage, je me demandais ce que cela pouvait être !
J'arrivai juste devant la porte où attendaient d'autres étudiants de ma promotion. Nous attendions que les professeurs viennent nous ouvrir avec impatience. Trois minutes avant neuf heures, je me questionnai avec énervement : mais qu'est-ce qu'ils fichaient exactement ?
J'entendis Sarah revenir au son de ses « pardon, excusez-moi » qu'elle lança à tout bout de champ aux personnes qu'elle dépassais. Je pouvais voir apparaître le sommet de son crâne blond par intermittence. La majorité des gens, juste en apercevant son ventre rond comme le monde, s'écartait de son passage. J'aimerai avoir le même pouvoir... quoi que non, je ne voulais pas tomber enceinte. Trop de responsabilités, trop de contraintes. Je préférai viser le ciel.
A travers la fenêtre, j'observai justement le grand espace bleu et j'en frémissais d'impatience. Les examens terminés, je pourrai enfin passer le CCA, qui était le Certificat de Membre d'équipage de Cabine. Avec ce certificat en poche, je pourrai enfin rejoindre une compagnie aérienne et réaliser mon rêve : devenir hôtesse de l'air. Je m'imaginais pouvoir enfin voyager et découvrir pleins de cultures différentes comme je l'avais toujours souhaité. Mais je fus vite tirée de mes rêveries par une voix pressante.
— Bonjour, vous êtes les LEA 3 pour l'examen de marketing international ? demanda un jeune homme à lunettes, qui touchait sans cesse son menton barbu.
— C'est bien ça, s'écria Sarah, enjouée comme toujours.
Elle semblait avoir enfin réussi l'exploit de me retrouver au milieu de la masse d'humains qui se pressait dans le mince corridor. Tandis qu'elle me souriait, des petites pattes d'oies apparurent autour de ses yeux bleus, signe qu'elle était souvent d'humeur joyeuse.
— On peut entrer ? grommela un garçon avec suffisance.
Il avait le menton haut, les bras croisés sur sa poitrine. Je le reconnaissais comme étant l'un des meilleurs élèves de la promotion. Ce cher David refusait toujours les invitations à sortir des étudiants et quand il n'était pas plongé le nez dans un livre, il écoutait généralement des vidéos ennuyantes dans diverses langues étrangères. C'était l'une des rares fois où je ne le voyais pas les bras supportant un ou plusieurs livres. David me lança un regard noir et quand le professeur nous permit d'entrer, il fonça se placer au premier rang, non sans me dédaigner au passage.
— T'avise pas de copier sur moi, menaça-t-il d'une voix rauque.
Je regardai sa chevelure blonde foncée s'éloigner tandis qu'il descendait les marches de l'amphithéâtre, demeurant bouche bée devant son air impétueux.
— Non mais oh, comme si j'en avais besoin !
Je songeais que le fait de n'avoir jamais réussi à me dépasser, sauf en marketing commercial, devait jouer sur son humeur. En même temps, je n'y pouvais rien si j'avais une mémoire photographique ! Il pouvait me détester autant qu'il voudra, je ne pouvais pas retirer toutes les informations que j'accumulait dans mon cerveau. Forcément, quand un professeur nous pondait un QCM, il y avait de fortes chances pour que j'obtienne cent pourcent de bonnes réponses. Il suffisait que je relise correctement le cours, puisqu'une seule lecture me permettait de graver les phrases dans mon esprit. Le plus difficile pour moi était la prise de notes. Mais comme j'enregistrais les cours avec mon dictaphone... et bien, disons que je n'avais pas de réelles difficultés.
Logiquement, j'aurai pu avoir beaucoup plus de temps libre que les autres étudiants qui trimaient à devoir tout mémoriser. Je pensais sans conteste que David devait faire partie de ceux-là et qu'il m'en voulait d'avoir tant de facilité. Mais de là à penser que je trichais, quel nigaud !
Seulement, je n'avais aucun besoin de tricher et je n'avais que faire de mon temps libre. C'était pour cette raison qu'à la place de choisir deux langues à étudier, j'avais demandé à suivre les quatre. L'italien, l'anglais, l'espagnol et le russe.
Le vocabulaire des trois premières langues était un jeu d'enfant pour moi, puisque leur alphabet était presque similaire au français. Il n'y avait bien qu'en travaux pratiques où j'étais au même niveau que les autres. Sans compter que j'avais la chance d'être bilingue depuis petite : ma mère me parlait en français, mon père en espagnol.
Comme j'avais tendance à m'ennuyer en cours, j'avais aussi pris des options facultatives, pour approfondir mon apprentissage du chinois et du japonais. Vive le polylinguisme !
— Lili, tu bouges ? Je suis trop grosse, j'arrive pas à passer entre toi et les tables, se plaignit Sarah en me tirant de mes réflexions.
— Tu n'es pas grosse, tu es enceinte, la corrigeai-je.
— Et toi tu étais dans la lune, encore. Je te signale que l'exam va commencer.
— Oh flûte !
Je me déplaçai enfin, libérant l'espace pour que mon amie puisse s'installer à la dernière rangée. Si je m'y installai également, ce fut uniquement par solidarité. Je ne supportai pas la chaleur insupportable dégagée à cette place, située juste sous les toits. Surtout qu'en début d'été, c'était une véritable fournaise. Je commençai déjà à transpirer et secouai le devant de ma robe pour faire passer un peu d'air chaud sous le tissu en coton. Résignée à finir en sueur, j'attrapai un élastique dans ma trousse et tentai de coincer mes cheveux mi-longs en petite queue de cheval. Je n'aimai pas beaucoup les attacher, mais ma survie en dépendait. J'observai Sarah, enroulée dans un gilet, me demandant si elle n'était pas folle. Comment faisait-elle pour toujours avoir si froid, cela me dépassait !
— Bien, rangez vos trousses, ne sortez que vos stylos sur les tables. Les sacs doivent être déposés à l'avant ou à l'arrière de la salle et je vous rappelle de vous espacer d'au moins une place.
Saisissant le sac de Sarah après avoir vérifié que le contenu de sa trousse avait bien été sorti, je le posai près de la porte à l'arrière de l'amphithéâtre, juste à côté du mien. J'étais tellement prise dans mes pensées que j'oubliai momentanément le thème de l'examen avant d'avoir un éclair de lucidité. Ah oui, marketing international !
Un des surveillants faisait déjà passer des feuilles, nous précisant plusieurs fois que nous ne devions pas les retourner. Nous étiez en troisième année de licence, qui ignorait encore ce que nous devions faire ? J'avais comme l'impression qu'ils aimaient se répéter. Ou alors, il y avait toujours de petits profiteurs qui pensaient que s'y prendre deux secondes en avance allait leur permettre de mieux réussir leur examen ?
— Bien, vous pouvez retourner vos feuilles. Vous avez jusqu'à onze heures cinq pour rendre votre copie. Bonne chance à tous !
Souriant en entendant ces mots, je fronçai mes sourcils. De la chance ? Comme si j'en avais besoin !
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