Elle avait grandi parmi eux, dans ce climat de piété et de sainteté dont elle était si fière.

Elle croyait en leurs dires, voulait voir apparaître le monde meilleur qu'ils lui décrivaient, faisait tout pour sembler meilleure aux yeux de son dieu, elle, pauvre pêcheuse née sur cette terre ingrate et imparfaite.

Si bien qu'elle n'en crut pas ses oreilles lorsque le Sage lui annonça avec respect et humilité qu'elle avait été choisie pour leur grand projet.

Et alors qu'elle s'avançait au centre de l'église, entourée par ses camarades prêtres, prêts à appeler en elle leur Dieu, elle n'en croyait toujours pas sa chance.

Les bougies étaient allumées. Le livre ouvert. Les prêtres entamaient leur douce et rassurante litanie. Le rituel pouvait commencer.

Des années. Des années qu'elle et tous les vrais saints attendaient ce moment, le moment de prouver aux traîtres quelle était la vraie nature de leur idiome. Maintes fois, ils avaient essayé. Ils avaient montré à l'usurpateur les textes sacrés, avaient prêché la bonne parole, avaient suivi les enseignements divins pour convaincre les hérétiques. Et avaient échoué. On leur avait ri au nez. On les avait chassés. On leur avait expliqué avec condescendance pourquoi leurs principes universels étaient faux.

Il était temps de leur prouver le contraire. De leur démontrer qui croyait vraiment. Leur stupide rituel de l'Image n'était rien comparé à l'ancestrale pratique tirée tous droits des Enseignements. La vraie incarnation du Créateur allait fouler la terre et la sanctifier, en effacer tous les péchés. Et elle avait été choisie pour cette tâche.

Les prêtres accélérèrent leur douce litanie, et le Sage leva les mains. Elle l'écouta avec extase et vénération.

"Oh, mon Seigneur, Créateur de tout ce qui fut, de tout ce qui est, de tout ce qui sera! Nous, tes humbles serviteurs, te demandons de rejoindre cette terre, de sanctifier le sol, de punir les pêcheurs! Nous te demandons... "

Une intense lumière émana d'elle, provoquant les "oh" et les "ah" des spectateurs captivés. Il était temps. Le Créateur allait revenir, enfin.

Et puis, plus rien.

Elle était sur le sol, tremblante, les mains sur son ventre d'où s'était évanouie la lumière. Le Sage la fixa avec circonspection.

"..... Seigneur?"

Elle ne répondit pas. Comment aurait-elle pu? Ce n'était pas à elle qu'on s'adressait. C'était au Seigneur. Et le Seigneur n'était pas là.

Elle avait échoué. Elle était indigne.

Le Sage la fixa avec colère, et fit un signe négligent vers les prêtres qui l'entouraient.

"Mettez cette indignité au cachot. Assurément elle s'est souillée avec quelconque pratique païenne avant d'accomplir la tâche sainte qui lui a été conférée."

Les prêtres l'attrapèrent. Elle ne se défendit même pas.

Elle était indigne. Elle avait échoué.

Au cachot, elle pleurait toutes les larmes de son corps. Jamais donc Wattpadia ne reverrait le vrai divin? L'idée des usurpateurs qui continuaient à guider le peuple dans la mauvaise direction la fit davantage fondre en larmes.

Entre ses sanglots, elle ne repéra pas l'homme qui venait d'apparaître devant elle, avant qu'il ne lui touche son épaule. Elle releva la tête. À travers les larmes, elle pouvait presque distinguer une expression inquiète sur ses traits fins et une lueur agacée dans ses yeux bleu-gris.

Elle tenta d'hurler. Un hérétique, dans sa cellule. Que comptait-il faire? La souiller davantage? Seulement, à peine avait elle ouvert la bouche que sa mâchoire avait cessé de lui obéir. Ses cordes vocales ne vibraient pas. L'homme avait levé la main, une expression concentrée sur le visage, et ses larmes quittèrent ses joues sur un mouvement de doigts pour venir léviter en l'air.

"Je ne suis pas venu pour te laisser entre les mains de ces salopards."

Il avait dit ses paroles pour accompagner un mouvement de doigts qui fit danser les gouttes d'eau salée désormais en suspension qui étaient autrefois ses pleurs. Et elle le reconnut pour ce qu'il était. Une des créations du divin, dénaturée par les alliances avec d'autres espèces. Quoique celui-ci dégageait quelque chose... De pur?

Elle n'eut pas le temps d'y réfléchir. Il lui avait attrapé la main et deux secondes plus tard ils étaient dans une plaine, à proximité d'un petit village. Et il la tenait toujours fortement serrée.

"Ou... Où sommes-nous?"

C'était ses premières paroles depuis qu'elle avait reçu en pleine figure la preuve de son indignité. Sa voix éraillée et le paysage inconnu la firent frémir. Allait-elle devoir vivre une vie d'hérétique ?

L'homme lui répondit, succinctement, sans la regarder.

"Au village Cocorico. Loin de ta secte. Et ne parle pas. Je n'ai pas le temps d'écouter des protestations."

Son autorité naturelle ravala les paroles amères qu'elle avait préparé et elle regarda l'homme de plus près.

À bien y regarder, il était plutôt séduisant. Outre son autorité naturelle et l'aura étrangement pure qu'il dégageait, il avait un certain style avec ses mèches noires rebelles et deux marques sur les joues. Sa barbe était rêche et indisciplinée, mais très courte, comme si il ne s'en occupait que lorsqu'il avait le temps. Une paire de lunettes noires cachaient deux iris d'un bleu-gris, probablement la partie la plus expressive de son corps entier. Et un costume très négligé complétait l'image de l'homme, qui la fixait désormais avec lassitude.

Il lui montra le village.

"Va t'installer là. Et vis ta vie."

Avant de disparaître.

Elle soupira. Eh bien. Cela ne devrait pas être si pénible de vivre une vie de païen.

Du moins elle l'espérait.

De retour à Wattpadia, les textes de la secte encore en main, Kage Blackheart soupira. Il ne pouvait rien faire de plus. Mais il plaignait cet enfant, cet enfant implanté par cette grossière imitation de rituel, rejeté par tout et par tous.

Il espérait qu'il n'aurait pas à vivre dans une ligne temporelle ou ce futur être vivant d'une puissance absolue aurait tout détruit.

Ça lui ferait mal de tuer un être qui aurait vécu les mêmes choses que lui.

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Mesdames, messieurs, mesautres, voici devant vos yeux...

L'implantation du fœtus qui deviendra Jean-Kevin, alias Kikoolol ou Kikol!

Pour vous situer le contexte, nous sommes à Wattpadia. Les fanatiques s'étaient transmis de génération en génération un rituel tordu construit à partir de celui de l'Image et d'incantations d'incarnations démonistes pour tenter d'incarner le Créateur à Wattpadia...

Sauf que le Créateur ne s'incarne pas. Vu qu'il n'a pas de conscience propre. Il imprègne.

Et à cause des incantations démonistes, le rituel de l'image a été transformé en l'implantation d'un Jésus 2.0 dans leur pauvre victime... Le futur Kikol!

La fille était toute jeune, seize ans tout au plus. Et l'enfant l'a terrifiée. Elle n'y a pas du tout vu l'incarnation de son dieu mais plutôt un parasite, du coup elle l'a abandonné au village et est partie... Sans doute n'a-t'elle pas survécu d'ailleurs.

Et l'enfant a grandi, seul, découvrant qu'il pouvait voyager entre les mondes et manipuler la magie comme personne...

Et est retombé sur Wattpadia.

Voilà voilà!