Last night
/Ne lisez ça que si vous ne craignez pas les spoils monstrueux et/ou que vous êtes, tout comme moi, de gros shippeurs./
Sur le perron de la petite maison de pierre blanche, une femme aux longs cheveux rouges fixe le ciel noir d'encre avec une expression résignée.
Elle avait tout calculé, chaque probabilité, chaque hypothèse. Avait ourdi, l'un après l'autre, des plans de toute sorte pour ramener ses amis en vie, tous, quitte à se sacrifier elle-même.
Rien ne tenait debout.
Et aujourd'hui, alors qu'elle avait en charge la vie de leur sauveur à tous, des enfants nés des derniers de ses amis à vivre encore et de deux personnes qu'elle aimait profondément, Asura Morito, sous-chef de l'ex n°2 des confréries de voyageurs désormais détruite, fixait le ciel noirci, jusqu'à guetter le miracle d'une quelconque étoile filante.
Faire un vœu devant une quelconque comète ou un astéroïde baladeur, vraiment, soupirait-elle souvent, quelle idée stupide. Mais elle n'avait presque pas le choix. C'était la dernière source de miracle en sa possession.
Derrière elle, la porte s'ouvrit. Des pas retentirent sur le perron, et le doux bruit de l'assise d'une personne à sa droite suivi de la sensation d'un bras autour de son épaule lui firent à peine tourner la tête. C'était inutile. Ses poils qui se hérissaient sous le coup de la magie ambiante et l'aura qu'elle ressentait lui avaient déjà fait savoir qu'il s'agissait de Mairù.
Le maître de la magie avait visiblement eu envie, lui aussi, de contempler le ciel vide et noir de cette nuit pleine d'angoisse. Son frère devait être dans sa chambre, poing serré sur les derniers vestiges qu'il avait de sa femme, un ruban noir teinté de blanc et une alliance faite d'argent. Comme souvent, les cauchemars le tenaient éveillé, et il s'enfermait alors dans sa tristesse.
Un silence s'établit, laissant largement à Asura le temps de savourer le contact qui se voulait apaisant de la main de son compagnon. Bien malgré elle, après vingt ans, alors qu'elle en avait quarante-et-un, elle l'aimait encore. Même après la mort de Lina, sa déchéance, tout ce qu'il avait fait de mal, elle ne pouvait s'en empêcher.
De son côté, Mairù ne semblait pas avoir envie d'interrompre le moment d'apaisement. Mais il se mordait les lèvres sur une question, une question dont il cherchait une façon d'exposer sans rendre son amie et partenaire en colère. Une question très importante pour lui.
"Tu comptes vraiment y aller?"
La nuit ne sembla d'un seul coup plus si calme. Asura s'était retournée vers lui dans un grand bruit de froufroutements de vêtements et de cheveux pour le fixer avec colère, les dents serrées.
"Bien sûr que je compte y aller. Je ne resterai pas planquée là jusqu'à ce que vous ayez repris le palais royal."
Mairù soupira. Sa compagne détailla son expression, résignée, toujours sans aucune ride, qui se dessinait sous ses mèches ébouriffées. Et malgré le coup de colère de cette dernière, il ne détourna pas le regard et se contenta de planter ses yeux turquoise dans les siens, sans faillir.
"Tu sais très bien qui on va trouver là-bas. Et ce qu'ils peuvent faire. Que je n'ai toujours pas réussi à retirer cette marque."
Sa main droite se leva pour effleurer, du bout du doigt, une rune noire sur sa clavicule. Délicatement, il en profita pour en dégager une mèche. Asura frissonna.
"Je ne veux pas que tu ailles là-bas, Asura. Tu t'attaques à plus puissant que toi.
-Et toi? Tu sais que tu cours vers la mort! Il peut te contrer aussi facilement que toi me retirer cette marque. C'est juste que tu refuses de le faire pour te donner une raison de m'écarter de la bataille, mais c'est non!"
La démoniste criait désormais, folle de rage à l'encontre de son ami, la personne qu'elle aimait, une des seules personnes qu'il lui restait dans tout ce bordel. Et lui, il l'écoutait, le regard toujours droit, une lueur de tristesse dans les yeux.
Elle n'en pouvait plus. Depuis le début de cette histoire, elle n'avait fait que ça, fuir, et se cacher. Apprendre la mort de tous ceux qu'elle aimait. Cali. Cyno. Hydra. Garm. Lina. Tous.
Elle refusait de voir celle de Mairù.
Les larmes lui montaient aux yeux au fur et à mesure qu'elle se remémorait chaque mort. Cyno, retrouvé éventré dans une grotte du Territoire des Garous. Cali, qui s'était suicidée, incapable de supporter la mort de sa fiancée et les souvenirs des violences qu'elle avait subies. Lina, la meilleure amie qu'elle n'aurait jamais pu avoir, morte empoisonnée par cette salope de Snake.
Elle ne voulait pas en voir un de plus.
Mairù avait toujours son bras autour de ses épaules. Il la rapprocha de lui pour la serrer doucement sur son torse, le temps qu'elle se tranquillise. Mais cela semblait impossible. À chaque mort qui revenait dans les souvenirs de la démoniste se rajoutait une souffrance, qui dérivait aussitôt sur un nouveau souvenir, d'une nouvelle mort, d'une nouvelle souffrance. Les supplications de Cali ne tardèrent pas à se coupler au hurlement désespéré de Baku, puis aux larmes dans les yeux de la tante de Cyno lorsqu'elle avait montré l'horrible photo. Et Asura parvenait avec peine à retenir les siennes.
Mairù finir par marmonner, assez maladroitement, des paroles de réconfort. C'était peu, mais ça suffit à distraire sa camarade, qui darda avec une détermination furieuse ses yeux sur le visage fin de ce dernier. Qui soutint de nouveau son regard.
"Ne comptez surtout pas sur une quelconque envie de me cacher de ma part. Je viendrai, que tu le veuilles où non."
Le maître de la magie soupira rudement. Ce n'est qu'à ce moment, lorsque le souffle de l'air déplacé effleura son visage, qu'elle se rendit compte de leur proximité. Elle tenta de se décaler. Mais Mairù ne comptait pas la laisser filer comme ça.
"Asura."
Il prit son visage dans sa paume droite, causant un petit grésillement sur la peau de cette dernière, figée sur place telle la dernière des adolescentes.
"Je ne plaisante pas."
Et il se pencha vers elle.
Le contact fit s'embraser les joues de la démoniste à une allure telle qu'elle crut qu'elle allait finir en combustion spontanée. Dans le même temps, ses yeux s'écarquillèrent sous le coup de la surprise et son corps entier se crispa, paralysée par la stupéfaction. Stupéfaction qui était de mise. Parce que même si elle avait vécu un million d'années, même après la mort de celle qui était, bien malgré elle, sa plus grande rivale, jamais elle n'aurait seulement pu imaginer Mairù Claro l'embrasser.
Ce dernier avait resserré le contact sur son épaule et avait fermé les yeux, la main droite toujours sur sa joue, le pouce imprimant un mouvement caressant sur sa peau. Et ne semblait pas vouloir se décoller d'elle de sitôt. Au contraire, il se rapprochait.
De plus en plus distraite, prête à échapper des larmes de joie telle une adolescente, incapable d'y croire, elle laissait son corps réagir seul, ses bras entourer le torse de son cadet de deux ans, ses yeux se fermer doucement, profitant de ce moment qu'elle n'aurait jamais cru avoir.
Elle était tellement distraite qu'elle ne sentit pas le contact raffermi de sa main droite sur sa joue, ni la profonde fatigue qui l'envahissait, avant qu'elle ne tombe dans les pommes entre les bras d'un Mairù à l'expression partagée entre l'affection et le regret.
Lorsque Baku sortit de sa chambre, son ruban d'union enroulé autour du poignet, il eut la surprise de tomber sur son frère qui remontait vers la sienne, Asura dans les bras profondément endormie. Il sourit. Un petit sourire ironique.
"Qu'est-ce que t'as bien pu fabriquer pour qu'elle ait cet air béat en dormant?"
Son interlocuteur lui répondit d'une voix atone, l'air plongé dans ses pensées.
"-Elle tenait à venir, alors je l'ai vampirisée... Elle ne devrait pas se réveiller d'ici demain."
Ce disant, il ne put empêcher son regard de dévier vers les lèvres de sa protégée. Ce qui n'échappa pas à l'œil perçant de son petit frère qui s'appuya avec nonchalance sur le mur.
"-C'est ça. Il n'y avait pas d'autre moyen que de l'embrasser?
-Non. Elle l'aurait senti sinon. Je m'excuserai demain. Au retour."
L'œil de Mairù était froid. Baku n'insista pas, et leva les mains en l'air en soupirant, un sourire encore plus ironique collé au visage.
"-C'est toi le chef. Mes affaires sont prêtes. Lamia nous attend au sanctuaire. Va la poser dans son lit, et pas de bêtises, hein."
Un grognement et un rayon d'énergie dégagé du sol fut son unique réponse. Le soigneur sauta pour l'esquiver, et de fait loupa l'entrée de son frère dans la chambre de la démoniste.
Le frère en question s'avança vers le lit, et allongea Asura avec délicatesse sur son matelas avant de la border et de détacher sa montre spatio-temporelle de son poignet d'un simple effleurement des doigts. Il emballa cette dernière dans une épaisse protection de magie, impénétrable, sauf pour lui, avant de la poser sur le meuble avec un petit mot.
Puis, il se tourna vers elle, fixant son visage endormi et tellement paisible, à peine entamé par les rides, et soupira, d'une voix brisée par la fatalité et le regret:
"Je suis désolé, Asura...."
_______________________________________
Je sais ce que vous vous demandez, vous, créatures mystérieuses non terrifiées par le spoil.
"Comment ça se fait que Mairù en soit arrivé là?!?"
Eh bien, en fait, c'est plutôt simple.
On en est une dizaine d'années après la mort de Lina. Mairù a traversé à peu près à la même cadence que Baku tous les stages du deuil et en arrive à l'acceptation vers le milieu du tome 3.
Entre temps, son addiction au contact physique s'est mis à rechercher, on va dire, un nouveau dealer. Jusqu'à tenter de se rapprocher de son frère (PAS DANS UN SENS GLAUQUE BANDE DE PERVERS!) qui était, dans un sens, la personne la plus proche de lui...
Sauf que bon. Baku n'oublie pas facilement et se rappelait parfaitement de son calvaire. Il le haïssait toujours et leur relation s'arrêtera à.... Une collaboration je dirais.
Alors Mairù s'est tourné vers Asura, ils se sont énormément rapprochés et maintenant qu'il progresse vers un état à peu près stable il se remet sérieusement en question, lui, sa manière d'aimer et ses sentiments pour les personnes encore en vie...
Et ça a mené à ceci.
Voilà voilà!
Ah, et Nru, un petit conseil, méfie-toi. Maintenant que Lina est inaccessible, il va trouver une autre raison de replonger à Wattpadia... :3
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro