
Date day
Le soleil est quand même sacrément chiant comme astre.
Quand tu veux être tranquille dans ta chambre en été il vient te dire bonjour par l'entremise des vitres et transforme ton havre en sauna, quand tu veux rentrer tard le soir y'a plus personne, mais par contre pour te réveiller dès le matin et t'imposer le supplice du mari qui s'est approprié le bon côté du lit et le privilège de ronfler fort très tôt dans la journée, ça il est présent!
Autant dire qu'il était tout à fait normal que Lina, par un beau matin d'été, soit énervée à la fois par son mari et par le soleil. Et si on y rajoute la masse de travail qui l'attendait aujourd'hui, en plus de la réclusion forcée de Mairù et de la "visite amicale" d'Akira, y'avait de quoi faire rager le métamorphe moyen...
S'essuyant les yeux, la jeune femme se releva dans son lit sur un énorme bâillement. Elle avait trois missions de prévues aujourd'hui dont deux atomisations d'univers ratés, devait chaperonner un scientifique privé de laboratoire et accueillir un professeur en sadisme reconnu et craint partout où il passe, en plus d'être l'alter ego de la personne qui partageait sa vie. Bref, que du bonheur, et mieux valait en finir vite, et accompagnée.
Se penchant sur la source de l'intense ronflement qui animait la chambre et forçait la pauvre Kaena, qui avait choisi pour dormir un confortable coussin dans un coin de la pièce, à presser ses pattes sur ses oreilles, la brunette se craqua les doigts. Baku, lorsqu'il n'était pas en proie à ses cauchemars, avait le sommeil de plomb. Pas facile de le réveiller sans user de la manière forte.
Elle commença par lui tapoter la joue en marmonnant, puis, l'appela en douceur, en guise de dernière chance. Aucune réaction, tout juste un petit soubresaut et une infime crispation du visage. Lina grinça des dents. Tu veux la guerre, cheveux blancs, bah tu vas l'avoir, quel que soit le degré de mignonnerie de ton adorable visage endormi!
Il était temps de déchaîner les forces de la Nature. Lina sortit du lit, réajustant le T-shirt trop large qu'elle portait en guise de pyjama, prit appui du côté de son mari qui avait eu la bonne idée de se tourner face au mur, leva la main, prit de l'élan et PAF! La formidable claque accompagna un cri de guerre très évocateur de l'état dans lequel elle se trouvait à présent : Le "Debout, enculé de marchand de sable!" reflétait parfaitement son énervement face au sommeil inébranlable du maître des cauchemars.
Ce dernier eut cependant l'affront de ne même pas sursauter lors de son émergence des bras de Morphée. Il grogna juste un peu, et il fallut attendre quinze laborieuses secondes pour qu'il ouvre les yeux, pose une main sur la marque rouge causée par le réveil improvisé sur sa joue, et marmonne :
"J'ai connu meilleures manières de me réveiller le matin."
Sa femme soupira.
"Tu m'excuseras de n'avoir pas pensé à autre chose alors que j'étais crevée, éblouie par cet enculé de soleil et que je devais supporter tes incroyables ronflements, chéri. J'espère que ce n'est pas un trait commun de la famille Claro, sinon j'ose pas imaginer ce que devront endurer les futurs partenaires de Korrin et Lamia."
Se secouant un peu, le jeune homme bailla avant de se tourner vers sa bien-aimée, une lueur endormie mais agacée dans ses yeux bleu pâle.
"Ah ah, très drôle. Bon, je vais prendre une douche, tu m'accompagnes?
-Uniquement si on en reste à la phase "discussions existentielles et débats philosophiques". Pas d'humeur pour un câlin."
Baku rigola et se leva, l'entraînant vers la salle de bain en douceur.
"-Promis."
Chose promise, chose due. Au grand désespoir de beaucoup d'entre vous, j'ose supposer, il ne se passa absolument rien dans la cabine de douche, mis à part ce qu'il est censé s'y passer. À savoir se laver.
Au sortir de la salle de bain, Lina, déjà plus détendue, s'étira longuement et se dirigea vers son placard en s'essorant sans ménagement pour le sol de la chambre ses longs cheveux noirs. Aujourd'hui, ce serait short en jean et T-shirt à manches courtes en coton avec baskets noires. Il faisait beaucoup trop chaud pour penser à un risque de croiser une bande de puceaux en chaleur. De toute façon, l'atomisation d'univers impliquerait forcément des meurtres.
Baku, plus rapide à s'habiller, portait déjà un bermuda et T-shirt lorsque sa femme acheva d'enfiler le sien et de lacer ses chaussures. Le choix de la tenue surprit cette dernière : Contrairement à elle qui avait conservé un minimum de praticité dans sa tenue, avec notamment des poches cachées dans le T-shirt et de quoi marcher convenablement, lui était habillé comme pour aller à la plage. Plutôt bizarre. Elle espérait que ce n'était pas parce qu'il comptait se défiler aujourd'hui, parce que sinon il savait à quoi s'attendre...
Lina prit une profonde inspiration. Bon. Il était temps d'affronter l'inévitable.
"Chérie?"
Au son de la voix de son mari, la jeune femme se retourna vers ce dernier, qui arborait un étrange sourire aux lèvres.
"Si c'est pour me dire que ce short me va à merveille et que tu adores me voir dedans...
-J'ose supposer que tu le sais déjà. Nan, je voulais te proposer un truc. On sèche la journée?"
Ébahie par la proposition, Lina ne répondit rien pendant un long moment et se contenta de fixer du regard le visage espiègle de son crétin de mari. Sécher? La journée? Abandonner ses devoirs? Non mais what the fuck?
Le jeune homme, l'air très emballé par son idée, sourit encore plus.
"Je suppose que t'es pas plus emballée par l'idée de materner mon crétin de frère et de bosser comme une dingue pour éliminer deux-trois embryons d'univers que moi, sans compter l'autre déchet qui vient nous imposer sa présence. Donc je te propose d'êtres aux abonnés absents aujourd'hui. T'en dis quoi?"
La perspective était... Quelque peu alléchante, Lina devait le reconnaître. L'idée de couper à toutes ses corvées et de passer une journée agréable avec son mari libre de toutes contrariétés la réjouissait plus que ce qu'elle ne voulait bien l'admettre. Mais, manquer à ses devoirs... Les univers devaient être anéantis le plus tôt possible. Mairù risquait d'être insupportable si elle n'était pas dans le coin. Et ne parlons pas d'Akira... Un frisson l'envahit à la pensée de ce qu'il pourrait faire si elle ne répondait pas présente.
Baku parut sentir son trouble, et s'avança vers elle pour prendre son visage en coupe dans ses mains.
"Je te connais trop bien pour ne pas savoir à quoi tu penses, mais tu n'es pas obligée de tout encaisser, Lina. Tu veux que je te rappelles la dernière fois que tu as cru pouvoir tout prendre sur tes épaules?"
Il caressa doucement son bras gauche, couturé de cicatrices. Il paraissait tout à fait normal vu comme ça, mais ils savaient très bien, tous les deux, que les trois quarts de la chair, des muscles et des os de ce bras n'avaient rien de vivant. Les implants avaient coûté à la jeune femme la sensation dans son membre et une habileté aux travaux de précision. Tout ça parce qu'elle avait voulu se battre, seule. Tout ça parce qu'elle avait voulu le protéger.
À l'exposé de ces (très censés) arguments, Lina sentit sa résistance faiblir. Tout, sauf se retrouver encore une fois devant Mairù et Akira en même temps. Un, c'était gérable, mais pas deux. Et puis, après tout, pourquoi pas? Elle ne s'était pas amusée depuis des lustres...
"Okay, je rends les armes. Maintenant, explique moi comment on sort du bâtiment sans se faire repérer."
Un immense sourire envahit le visage du jeune homme.
"-Je me suis dit qu'un oiseau géant pourrait nous donner un petit coup de main?"
Ayant parfaitement saisi le sous-entendu, Lina se dirigea vers la fenêtre et l'ouvrit en grand, faisant sursauter Kaena et s'envoler une bande de merles bleus posés sur le rebord.
"OK, coco, j'ai compris. Attention au décollage!"
Elle prit son élan et s'élança sur la fenêtre, prit appui sur le rebord et se jeta dans le vide. C'est un immense aigle royal aux plumes dressées qui remonta devant la fenêtre, ses yeux vairons fixés sur son mari toujours autant admiratif devant l'élégance de ses métamorphoses.
Un criaillement de l'oiseau dont Lina avait pris la forme distrait le médecin de sa contemplation, et il monta rapidement sur son immense dos plumé. L'aigle vacilla un peu, mais put malgré tout étendre ses ailes et commencer à s'éloigner de la fenêtre, de plus en plus vite, sous les rires d'un jeune garçon aux cheveux blancs ébouriffés par le vent.
Lorsque Asura, lassée d'attendre que le couple veuille bien se réveiller, ouvrit la porte de la chambre conjugale en coup de vent, tout ce qu'elle trouva fut une Kaena cachée sous les couvertures et quelques merles bleus, passés par la fenêtre grande ouverte, qui picoraient la réserve d'amandes de Lina.
Mais nous nous étendrons sur sa colère plus tard. Revenons-en plutôt au jeune couple, qui ne comptait pas revenir de la journée à la confrérie...
Une fois posés en ville, Lina s'empressa de se retransformer avant d'épousseter ses vêtements recouverts de feuilles et d'autres trucs. Il faut dire que les vols d'oiseau, ce n'est pas sans risque. Vous seriez étonnés de tout ce que peut transporter le vent. La laissant s'étirer, Baku commença à réfléchir à ce qu'ils pourraient bien faire durant cette journée. Bon, le shopping, c'était exclu. Le cinéma aussi, Lina n'étant pas une grande fan de salles bondées et de blockbusters. Les sorties culturelles... Bah, il détestait les musées, et Lina voyait suffisamment son temple les dimanches soirs, lors de la traditionnelle récitation du conte d'Abdias Ier.
Ne restait donc pas grand chose. Il réfléchissait à se balader dans le quartier d'amusement lorsqu'une feuille volante (décidément, y'a des porcs partout...) lui atterit sur le visage. Il l'attrapa avec un grognement, lut ce qui était écrit et sourit.
"Eh, Lina! Ça te dit une partie de paintball?"
Les yeux de sa femme s'illuminèrent. Aucun doute, il avait fait le bon choix.
Une fois devant la porte de l'immense bâtiment qui abritait la zone de guerre, Lina se craqua les doigts. Baku grinça des dents. Il détestait ce petit bruit, ça le stressait, c'était horrible. Mais bon, il n'était plus temps de se préoccuper de son ouïe ultradéveloppée. Un défi était lancé.
"Le score est toujours de 12 à 8 pour ce mois-ci, chaton. T'es sûr que gagner cette partie t'aidera à remonter suffisamment tes points?
-12 à 9, chérie, tu oublies la partie de Nerf dans les salons de la confrérie hier."
Lina pouffa.
"-Ah oui, celle où c'est Asura qui t'avait arraché ton arme avant de me tirer dessus... On avait dit match nul."
Levant les yeux au ciel, le jeune homme se contenta de tirer sur son T-shirt. Ça paraissait peut-être stupide, mais il adorait ce genre de défis. Et c'était une autre manière de pimenter la vie de couple que de se contenter du plaisir charnel. Surtout sachant que le gagnant final pouvait ordonner tout ce qu'il voulait au perdant pendant une journée...
Il ricana doucement. Ça faisait trop longtemps qu'il n'avait pas gagné, son cerveau fourmillait d'idées de supplices de toutes sortes.
En proie à son imagination tordue, le jeune homme se laissa doucement entraîner par sa femme et peut-être? Sa future victime dans les couloirs de la zone de guerre. Il lui fut très difficile de se concentrer suffisamment pour se sangler et écouter les instructions des chefs d'équipe.
Lorsqu'enfin, il fut lâché dans la nature, les autres avaient déjà établi un plan sans lui. Qu'à cela ne tienne, il était voyageur et l'équipe était constituée, en majorité, d'humains et d'elfes qui à leur physique étaient plus basés sur l'offensive bourrine. Des combatifs, vus leurs teintes de cheveux. Si ils ne voulaient pas de son expertise de défenseur, il s'occuperait du drapeau lui-même.
Le plan était justement de le laisser en défense, lui, l'étrange gars aux cheveux blancs, avec deux ou trois humains et un elfe au corps robuste et aux yeux sombres. Les humains partiraient en diversion pendant que les elfes tomberaient sur l'autre équipe. Le chef, qui était lui même un typé combat, ricanait en pensant que "ces pauvres voyageurs ne peuvent pas se servir de leurs pouvoirs dans la zone de guerre, ils ne vont rien comprendre à ce qui va leur tomber dessus!" et autres idioties. Les humains se sentaient un peu délaissés, et ne parlons pas du seul autre confrère voyageur de Baku, un gars d'une confrérie rivale, qui quand il n'était pas occupé à le reluquer d'un œil noir se demandait qu'est-ce qui pouvait bien passer dans la tête des elfes combatifs. Il faut dire que ce n'était pas ceux doués de la plus grande subtilité, loin de là.
La zone de guerre aujourd'hui était une forêt. Les drapeaux de chaque équipe étaient perdus dans les bois, le but étant de s'emparer du drapeau adverse ou d'asperger toute l'équipe de peinture. Simple, n'est-il pas? Surtout lorsqu'on dispose de l'ouïe surnaturelle de Baku, bien plus utile dans une forêt que la vue ou l'odorat.
Lorsque le top fut donné, ce dernier se mit aussitôt aux aguets. Connaissant Lina, son agilité et sa vitesse, il était évident qu'elle attaquerait. Peut-être même en solo, vu qu'elle n'était pas très "équipe".
Il faudrait donc guetter plusieurs offensives. Celle de groupe, et celle de Lina. Hors de question de relâcher son attention : Si elle n'est pas avec l'équipe, une deuxième offensive est prévue...
"-Eh! Arrête ton marmonnement, tu commences à me soûler."
L'invective venait du collègue voyageur qui était resté sur place, en bon inutile au bourrinisme qu'il était. Ce dernier fixait son confrère avec des yeux noirs et plissés, chargés d'agacement, et d'autre chose... Sans doute la haine, se dit Baku. Bah. Il était habitué. On ne devient pas meurtrier à dix ans sans s'attirer quelques regards noirs. Encore une autre raison pour détester Akira.
Le jeune homme tourna un regard lassé vers son rival crispé et le détailla de la tête aux pieds sans aucune gêne. Le type était un grand gars aux cheveux blonds et aux yeux sombres, baraqué comme un elfe druide, autant dire pas du tout. Pas franchement le genre à se battre tout le temps. Baku soupira et retendit l'oreille, en silence cette fois.
"Oh! Je te cause! Ou alors les psychopathes ça a pas d'oreilles?!?"
Bon, clairement, cet homme cherchait la bagarre. Voilà qui compromettrait clairement ses chances de victoire, il pouvait déjà voir Lina se moquer de lui. Autant régler ça vite.
"-Premièrement, tu m'as demandé, non sans agressivité d'arrêter de marmonner. Ce que j'ai fait, donc ta gueule. Deuxièmement, j'ai des oreilles, et sans doute bien plus que toi. Pourquoi j'essaie de garder le silence, tu crois? Troisièmement, si tu tiens à me traiter de psychopathe, fais ça à un moment où tu ne dépends pas de moi pour protéger ce drapeau..."
Loin de le calmer, la tirade ne fit que l'énerver davantage, et l'importun attrapa le T-shirt du manipulateur de sommeil pour coller son front au sien.
"-Écoute moi bien, saloperie. Si on était pas sur un terrain sans arme et sans pouvoirs, je t'aurais trucidé sur-le-champ comme t'as trucidé tous ces pauvres gens. Des familles brisées, des enfants orphelins, et tout ça pour quoi? Parce qu'un vulgaire gamin de dix ans avait envie de sang! Alors compte pas, sur moi pour obéir à tes putains d'ordres comme le vulgaire chien-chien d'un tueur en série, okay crevard?"
Sans doute était-il énervé, mais il ne savait pas qu'il agitait en Baku les restes d'une vieille rage que même Lina ne parvenait pas tout à fait à éteindre. Ce n'était pas la première fois qu'on le mettait face à ses crimes. Même avec l'extraction d'Akira, il avait continué à tuer, tuer et encore tuer, sous l'emprise de sa colère. Mais se retrouver face à un pseudo-justicier qui lui attribuait la série de meurtres de son alter ego l'emplissait de ressentiment. Ressentiment vers Akira qui l'avait forcé, vers Mairù qui l'avait libéré, vers ce reste de sadisme que même Lina n'avait pas pu sceller. Ressentiment envers ce type, qui osait parler comme si tout ça, il l'avait désiré.
Sans doute, si cette tension avait continué, il aurait basculé et aurait senti ses propres doigts rompre le cou de l'importun, guidé par une envie de sang qu'il était incapable de contrôler. Mais un brusque frémissement de feuilles et une soudaine livrée d'informations arrivée à ses oreilles le firent se calmer. Inutile de verser le sang. Il était là pour s'amuser.
"-Tu tiens peut-être à me tuer, mais en attendant tu me protèges d'un double assaut venu de derrière toi par deux groupes de trois.
-Quoi? Que... "
Trop tard. Il n'eut pas le temps de lâcher Baku, et encore moins de changer de position, avant d'être recouvert de peinture colorée et de hurler comme un possédé que le colorant était froid sur sa nuque. Imbécile. Les trois autres gardes humains pouvaient se vanter, eux, d'avoir été plus réactifs qu'un voyageur, puisqu'à peine le tir ouvert ils avaient armé leurs fusils et éliminé la moitié de l'escouade, tandis que l'autre était tenue en respect par leur tir continu. Cela laissa tout le temps à Baku de récupérer son arme et d'achever les derniers, tandis que l'elfe se précipitait pour les retenir ici, en tant que prisonniers, et, peut-être, boucliers vivants.
Le voyageur encore en course se dirigea vers les six prisonniers. Ils étaient tous bien aspergés, et trois d'entre eux portaient une montre spatio-temporelle. Des confrères. Les trois autres étaient des Daviens probablement en exil, et un humain, qui fut d'ailleurs abondamment moqué par ses congénères. Mais de Lina, pas de trace. Son mari fronça les sourcils.
"On les a eus!" Jubila un des humains. Baku sourit et se tourna vers lui. Il n'entendait rien d'autre, autant se détendre un peu pour l'instant.
"-Jolis réflexes.
-J'étais dans l'armée lorsque j'habitais encore sur ma Terre, sourit l'homme, solide gaillard. On apprend quelques trucs."
Son sourire était un vrai rafraîchissement après l'agressivité sèche du confrère. Le jeune homme se surprit à élargir encore davantage son sourire, et en profita pour discuter un peu avec l'autre, qui révéla s'appeler Chris et avoir emménagé ici récemment.
"-J'étais sur le point de crever dans mon trou, en pleine guerre, et puis un mec en gris m'a trouvé et m'a traîné ici. Depuis, je découvre plein de trucs, la magie, la religion, c'est super chouette!"
Il était extrêmement rare de rencontrer une personne qui avait aperçu Kage Blackheart plus de cinq secondes et c'est peut-être cet aveu qui précipita les hostilités. À peine sa phrase terminée, Chris se retrouva aspergé de peinture depuis le côté gauche, suivi aussitôt par les autres gardes. Baku eut tout juste le temps de se mettre en couverture avant de se retrouver atteint, lui aussi, par l'ire de la fille du voyageur le plus puissant de l'histoire.
Juste à temps, cependant. Il était tout juste derrière son rocher avant que l'intense craquement des branches à l'orée de la clairière du drapeau signale l'atterrissage d'une Lina passablement énervée. Elle même n'avait entrevu son père, en tout et pour tout, que dix minutes sur tout le courant de sa vie depuis son abandon. Alors voir que certaines personnes totalement étrangères aux Blackheart disposaient des mêmes chances qu'elle de voir son propre géniteur avait de quoi la foutre en rogne...
Baku ne bougeait pas. Son arme était vide, il avait épuisé les billes sur la première offensive. Les munitions se trouvaient plus loin, mais il ne pouvait pas bouger. Tout juste bluffer. Si seulement il parvenait à distraire Lina... Le plus longtemps possible. À l'heure qu'il est, les escouades devaient avoir atteint le camp adverse. Lui, il fallait qu'il tienne. Si il bluffait, elle se centrerait sur lui, et pas le drapeau.
Il leva son arme, prêt à la pointer sur sa femme au moindre geste brusque. Du moins il aurait aimé. Parce qu'il avait oublié le talent de Lina pour faire des approches furtives. Et que la mèche qui lui effleurait le visage venait, assurément, de s'échapper de la longue queue de cheval qu'elle se faisait habituellement pour le combat.
Il leva les yeux. Oui. Elle se trouvait bel et bien au dessus de son visage, un air espiègle sur la figure démenti par le reste de colère dans ses yeux.
"Salut chérie... "
Elle rigola.
"Je t'ai bien eu."
Et elle dépassa le rocher pour lui attraper le visage à pleines mains avant de l'embrasser.
Totalement pris au dépourvu, Baku se laissa faire. Surtout que ce n'était franchement pas désagréable. Le baiser avait un petit goût de fraise, sans doute un en-cas ramassé dans la forêt par sa survivante d'épouse. Et pour une attaque surprise, il était vraiment fougueux. Le jeune homme se surprit à enrouler ses bras autour de la petite brune, l'attirant au plus près de lui, savourant la sensation de ses mains dans ses longs cheveux. Il ne tarda pas à faire abstraction de tout ce qui l'entourait, le jeu, les armes, le drapeau, tout, ne laissant dans son champ de perception que la femme qu'il aimait plus que tout au monde. Il avait tout oublié du défi lorsqu'il approfondit le baiser, souriant intérieurement devant le pouvoir qu'elle exerçait sur lui.
Il ne croyait pas si bien penser, le bougre. Quelques temps après l'initiation du contact, il sentit les lèvres de Lina s'étendre en sourire, pendant qu'elle gloussait doucement. Ce ne fut que lorsqu'il perçut la sensation d'un liquide coulant sur son torse qu'il comprit et interrompit brutalement le baiser, encore un peu dans les vapes, pour porter ses doigts imprégnés du produit à ses yeux.
De la peinture.
Cette fourbe l'avait piégé.
Le gloussement de Lina se transforma en ricanement, tandis qu'elle se passait la langue sur les lèvres. Il espérait les avoir mordues tiens, ça lui apprendrait!
"Alors Baku, on en est à combien, treize à huit non? Tu es résigné à te voir te balader en cosplay genderbent?"
Tout sauf ça. Le mois se terminait bientôt et la victoire de Lina s'assurait de plus en plus. Il devait trouver le moyen de remporter six défis en sept jours, sinon sa dignité était bonne pour créer à Garm une armée de défunts! Il soupira.
"Allez, c'est bon, on a compris, t'as gagné. Prends le drapeau qu'on en finisse."
Lina se leva, forte de son triomphe, et se dirigea vers le drapeau. Mais juste avant de l'attraper, un bruit de trompette retentit dans la zone et une voix de stentor s'exclama dans tout le parc:
"Félicitations à l'équipe rouge qui remporte la victoire par obtention du drapeau!"
La jeune femme se figea. De son côté, Baku regarda ses doigts couverts de peinture. De la peinture bleue.
Intérieurement, il jubilait.
"Est-ce que ça me rajouterait pas un petit point ça, chérie?
-Pardon?!?
-Je ne suis pas sûr, mais je pense t'avoir distraite par mes fantastiques compétences à embrasser..."
Il esquiva en rigolant le sachet de munitions qu'elle venait de lui jeter à la figure.
"Ok, OK, j'ai compris, je me résigne!"
La partie s'acheva malgré tout sur la victimisation du médecin devant les autres prisonniers éberlué et l'individu désagréable qui plissait le nez, parce que comment la plus jeune archevêque de la Création pouvait être mariée à un meurtrier multirécidiviste?!? C'était incompréhensible.
Plus tard, et une fois toute trace du comflit effacée des vêtements de Baku, nos deux tourteraux décidèrent de se balader dans l'allée des restaurants. Sans doute dans le but de s'ouvrir l'appétit. Il faut dire qu'il commençait à faire faim, on se rapprochait de midi tout de même!
Lina, toujours dégoûtée par la victoire qui venait de lui échapper, conservait une mine boudeuse malgré toutes les tentatives de son mari pour la dérider. Ce dernier commençait à désespérer : Avec Lina qui boude, il faut souvent se préparer à vivre un enfer... Il cherchait donc une idée pour échapper à l'ire de son épouse adorée lorsque le salut se présenta, sous la forme d'une alléchante odeur de viande grillée.
Le jeune homme sourit. Parfait.
Il se tourna vers la brunette et ricana intérieurement en voyant que cette dernière avait beaucoup de mal à conserver un visage boudeur. Son odorat étant bien plus sensible que celui de son mari, elle avait sûrement senti depuis longtemps cette odeur di alléchante, qui émanait d'un de ses plats favoris... Sans compter toutes les nuances qui échappaient aux narines du soigneur. De quoi la dérider à coup sûr.
"Chérie?
-M'appelle pas chérie. Je boude encore.
-Mais bien sûr. Ça te dit un barbecue?"
Avec l'air confiant de celui qui sait que la victoire lui est acquise, le jeune homme lui montra la façade du restaurant d'où émanait l'alléchant fumet propre à émoustiller tous les carnivores. Lina grogna, mais rendit presque instantanément les armes. Vive le pouvoir de la viande grillée!
Ils se rendirent à l'intérieur du restaurant, dont l'ambiance rustique et animée arracha un simulacre de sourire à Lina. Elle avait en horreur les restaurants collet monté, alors un plat de viande plus une ambiance agréable, il y avait de quoi être contente! Son mari pouffa intérieurement, puis la guida vers une des tables munies de banquettes en souriant. Des serveurs ne tardèrent pas à venir les voir pour leur confier le menu et prendre leur commande de boissons.
Le repas se déroula dans le calme et la bonne humeur. Rien de tel qu'une bonne grosse entrecôte pour dérider Lina. Et un verre de mojito aussi. Baku n'a pas trop apprécié, étant donné qu'il désapprouve fermement la tendance à l'alcoolisme de sa femme, mais en mari de longue date qui sait lorsqu'il faut fermer sa gueule, il n'a rien dit.
Une Lina au ventre plein est beaucoup plus facile à convaincre que d'habitude. Baku décida donc de tenter un coup qu'il n'avait jamais osé de toutes ses années de relations : Aller au quartier d'attractions.
Pour savoir pourquoi c'était habituellement suicidaire de proposer ça à Lina, disons qu'il faut se dire que c'est un gros cliché de la romance d'y traîner sa petite amie, où, dans le cas précis, sa femme. Sans compter que Lina n'était pas une fan des quartiers bruyants et encombrés de gosses, elle préférait les forêts ou les lieux saints. Autant dire que les parcs d'amusement s'en retrouvaient honnis et détestés à égalité avec les fruits de mer et les grenouilles de bénitier.
Sauf que Baku, lui, adorait ça. Ça lui donnait l'impression de rattraper son enfance perdue, ses premières années telles qu'elles auraient dû être. Et si il partageait ce moment avec la personne qu'il aimait le plus, autant dire que c'était l'extase...
Alors, profitant que l'humeur de Lina s'était assouplie en même temps que son estomac s'était rempli, il osa la proposition taboue.
"Lina?
-Si c'est pour me demander d'aller dans les magasins, c'est non."
Baku soupira.
"-Essaye encore.
-La flemme de deviner. Balance ta proposition que je juge."
Le regard perçant de Lina posé sur lui, le médecin commença à douter fortement du bien-fondé de son soudain élan de courage. Il pouvait presque sentir la sueur ruisseler dans son dos.
"Eh bien... Il y a le quartier d'attraction à deux rues d'ici..."
La jeune femme leva les yeux au ciel. Elle détestait ce genre de manière.
"-Et donc tu espères avoir l'intense privilège de passer l'après-midi avec moi dans un lieu bourdonnant de monde et de gosses, puant le sucre et l'artificiel et propre à rendre sourd un morceau de métal vivant?"
Sans doute plus loin, Al avait-il éternué de manière totalement aléatoire, causant une certaine surprise à Eale, vu qu'il ne tombait jamais malade. Mais nous ne sommes pas plus loin, nous sommes avec un Baku tellement embarrassé, anxieux et en attente de réponse qu'il avait rentré la tête dans les épaules et jouait avec sa chaîne, une surprenante couleur rouge sur son visage enfantin. Ça faisait d'ailleurs ressortir ses yeux à merveille.
"Allez, j'ai compris, j'accepte, crétin. Dépêchons-nous avant de se faire piquer la place aux montagnes russes par une bande de gnomes."
Je crois qu'on avait jamais vu sourire si éclatant et enfantin sur le visage du médecin. Il était tellement content qu'il alla même jusqu'à attraper Lina et la poser sur son épaule tel un sac à patates plein d'os et de cheveux avant de courir vers le parc, faisant fi de ses râles indignés. Et il ne la lâcha pas avant d'être confortablement installés dans l'une des montagnes russes du parc, au grand dam de la jeune femme qui espérait garder un peu de dignité.
Faire le tour d'un parc d'attractions à Necrima est une expérience que je recommande à tous ceux de passage. Il est très facile pour les constructeurs du parc de faire surgir une nouvelle montagne russe, un nouveau stand, un nouveau wagon et de quoi les remplir en un claquement de doigts, grâce au miracle de la magie créationniste. Cette même magie qui semblait imprégner l'air de toute la zone, créant des hologrammes, des paillettes et autres joyeusetés enfantines, grâce, assez étonnamment, au génie scientifique et magique de Mairù.
Je précise que ce n'était pas du tout le but de départ de notre maître de la magie, mais passons.
Le quartier s'étendait sur plusieurs dizaines de milliers de mètres carrés et se retrouvait donc impossible à visiter en entier en une seule journée. Même les touristes fous n'y arrivaient pas, très souvent parce qu'ils s'arrêtaient sans cesse aux stands de nourriture et faisaient des indigestions à la barbe à papa. Pourtant, chaque attraction était bondée, y compris celles qui, plus dangereuses, étaient réservées aux espèces dotées d'une plus grande résistance, telles les nains, les hezuriens, et bien sûr, les voyageurs. Il y avait même des montagnes russes tailles enfant pour les nains et des mini parcs d'attractions pour les fées de petite taille, très nombreuses à Necrima depuis l'anéantissement de Davar.
Il n'était donc pas difficile de deviner que Baku et Lina (surtout Baku) n'allaient cesser de faire les fous. Après les montagnes russes, ils s'attaquèrent aux tours de la Terreur, puis aux trains fantômes. Vous pouvez d'ailleurs retenir que Baku ne supporte pas les jumpscare et a fini l'attraction dans les bras de Lina, plus agrippé qu'une sangsue à son cou, blanc comme un linge. Ironique pour celui surnommé dans le milieu des manipulateurs de sommeil "le roi de la terreur", n'est-il pas?
Bref, les trains fantômes précédèrent les jeux d'eau (ils eurent d'ailleurs la surprise d'y voir Selky en train de massacrer tout le monde à grands coups de geysers surprises, avec Raiju à côté qui s'efforçait de ne pas envoyer le moindre éclair dans les flaques), et Lina eut même le cran de faire un tour de saut à l'élastique sous l'air admiratif de son mari.
Au final, les deux s'amusèrent énormément, et ressortirent du parc trempés comme des soupes et plus ébouriffés que jamais, étouffés par leurs rires et leurs crêpes et le visage rougi par l'excitation.
Lina avait sans doute en tête de finir la soirée dans les bars et Baku de rester dans un hôtel en ville, pour la simple raison qu'aucun des deux ne voulait que cette journée se termine, sauf qu'aucun d'entre eux n'eut l'occasion de proposer leurs idées.
Leurs rires, qui duraient tout de même depuis quinze bonnes minutes alors qu'ils marchaient dans la rue, ressassant leurs meilleurs souvenirs du parc, furent brutalement interrompus par un picotement de magie. Picotement qui s'intensifiait d'ailleurs drôlement et qui hérissait tous les poils de Lina. Cette dernière n'eut que le temps d'attraper Baku et de se jeter sur le côté en criant "À couvert!" avant qu'un rayon bleuté ne parcoure la rue, provoquant les cris des passants.
Et ce fut la débandade. Les voyageurs eurent juste le temps de mettre les créatures non magiques à couvert derrière l'antimag des maisons avant qu'un deuxième rayon ne soit tiré. Lina grogna agacée, et releva la tête vers la source de ce fantastique déploiement de magie. La tranquillité ne pouvait pas durer, et l'appel du devoir se présentait sous la forme de la silhouette rachitique d'un Mairù visiblement fou de rage et prêt à tirer une troisième fois.
La brunette croisa les jambes par terre et s'assit en tailleur, atteinte de l'immense flemme de se lever pour cet abruti. Est-ce qu'il s'était échappé du bâtiment ou est-ce qu'Asura l'avait envoyé à leurs trousses? La première hypothèse paraissait plus logique. Il était rare que Mairù prenne ses ordres de quelqu'un.
Ils se fixèrent en chien de faïence avant qu'un bruque frisson de terreur et un soudain cri de rage de Baku fasse brutalement tourner la tête à Lina.
Merde.
Il manquait plus que ça.
En effet, quand on voit Akira se tenir entouré d'une aura noire pas rassurante, un couteau sur la gorge de son alter ego avec les pupilles étrécies, les yeux plissés et un rictus sanguinaire sur le visage, on sait qu'il y a 99% de chances que ça se passe mal.
Lina n'avait plus qu'à tabler sur le 1%.
"Qu'est-ce que vous foutez là?"
La voix de velours d'Akira répondit à l'injonction de la jeune femme, Mairù semblant trop occupé à se retenir de tirer pour parler.
"Ce n'est pas très poli de la part des hôtes de se faire la malle le jour où il y a des invités voyons..."
Baku grogna.
"-Tiens donc. Dis plutôt que l'accueil d'Asura ne t'a pas satisfait et que tu as décidé de nous gâcher la journée à la place?"
La tension montait dangereusement. Les voyageurs de la rue tremblaient de peur, et la main de Lina s'ouvrit, prête à accueillir son katana. Cependant, aussi incroyable que ça puisse paraître, Akira relâcha sa prise, laissant Baku respirer et se décaler de lui.
"Peu importe. On vous ramène. Et vous feriez mieux de vous dépêcher si vous ne voulez pas que d'autres morts soient le prix de votre retard... "
Attends, attends, attends. D'autres morts?!?
Effarée, Lina s'exclama :
"T'es pas sérieux là?!? D'autres morts? Mais t'as foutu quoi, bordel?"
C'est Mairù qui répondit, une expression à la fois crispée et dédaigneuse sur le visage:
"On vous cherche depuis ce matin, ça porte sur les nerfs! Fallait bien qu'on se calme un coup!"
Le hoquet étranglé de Baku emplit le soudain silence de la rue. Tout le monde s'était figé, abasourdi par la désinvolture avec laquelle le maître de la magie avait décrit sa série de meurtres. Lina n'arrivait même plus à parler, pétrifiée par le choc et une once de culpabilité. Baku, à peu près dans le même état, baissa la tête, vaincu, faisant sourire son alter ego.
"Voilà qui est raisonnable. Il ne nous reste plus qu'à vous ramenez au bâtiment... "
La voix douce et la main subrepticement portée au dos de Lina par le jeune professeur n'admettait aucun refus. Malgré tout, Lina eut le courage de se dégager avant de regarder Mairù ouvrir un portail, abattue et énervée. Son mari s'avança vers elle et lui prit la main, sans rien dire, avant de l'entraîner doucement vers le retour à son quotidien.
On échappe pas bien longtemps à sa vie.
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Fiouuuu... Presque 6000 mots, c'est mon OS le plus long si on excepte le mariage de Seiji et Angel!
J'avais envie d'écrire une journée Baku-Lina depuis très longtemps (un fort besoin de fluff) et j'y ai mis deux jours, mais voilà la chose!
(Vous pouvez rager sur Mairù et Akira. Allez-y, je les ai attachés exprès.)
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