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Hello :) J'ai retrouvé ça dans mon ordi, figurez-vous que j'avais oublié de le publier ;) Sûrement parce qu'il n'est pas très original... je vous laisse en juger :3 Biz
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Je me laissai tomber dans un fauteuil, dans ce fauteuil qui avait été si longtemps le mien, devant une cheminée autrefois familière ; dans un salon tiré tout droit de ma mémoire, noyé par la poussière de mes regrets.
À Baker Street.
Et à côté de moi, dans le fauteuil d'en face, il y avait lui.
L'homme impossible.
Il était là, comme un fantôme extirpé de mes souvenirs, le témoignage d'une douce folie.
Sherlock Holmes. Sherlock Holmes !
Son nom passa une nouvelle fois dans mes pensées. J'en savourai chaque sonorité.
Sherlock Holmes.
Il vivait. Il VIVAIT !
C'était un miracle. Le miracle le plus extraordinaire que la terre n'ait jamais portée.
Il avait surgi dans mon cabinet de médecine comme ça, sans prévenir, comme une apparition divine. Un instant, c'était vêtu un libraire aux pauvres fripes, et l'instant d'après, c'était lui, lui, lui ! LUI !
Sa voix, ses mains, son regard, ses lèvres, ses gestes, sa silhouette...
Il était là, et soudain, tout était comme avant, comme en ce temps-là, ce souvenir auquel je m'accrochai si fort dans ma mémoire. L'époque où il était vivant. Ou j'étais vivant.
Il m'avait entraîné sans explications dans un piège de sa confection, nous faisant attendre tous les deux, côtes à côtes, dans l'obscurité, pendant des heures. Comme avant. Nous avons capturé Sebastian Moran avec brio, Holmes avait remit sa prise à Lestrade en triomphant. Comme avant. Il m'avait pris par le bras en plaisantant et guidé jusqu'au 221b. Comme avant.
Un courant d'air passa par le carreau que le tir de Moran avait brisé, quelques heures plus tôt. Mon regard traîna dans la pièce trop rangée, trop propre, trop vide.
Personne n'habitait plus là depuis trois ans.
Quelque chose de brûlant se coinça dans ma gorge.
Ce n'était qu'un fantasme. Une illusion.
J'avais aimé y croire. Faire semblant, l'espace d'une demie journée, quelques heures à peine. Mais rien n'était plus comme avant. Rien ne le serait plus jamais.
Je me sentis soudain incroyablement fatigué.
Les énormes vagues de soulagement, de joie, de bonheur, d'adrénaline, de peine, de désir et de douleur qui m'avaient submergée s'étaient retiré, laissant derrière elles, en lieu et place de mon cœur, un paysage ravagé.
J'étais fatigué... Si fatigué. Même le désespoir avait fui. Le fourbe. Il avait pourtant été mon seul compagnon, ces trois dernières années.
À travers le voile de lassitude qui s'était mis entre le monde et moi, je reportai mon regard sur lui.
Il parlait, il expliquait, il exaltait, cet homme si cher à mon cœur. Mais mon cœur, le pauvre, était KO. Épuisé, trop tiré, trop sollicité, il s'était effondré sur lui-même.
Et lui, que ressentait-il ? La réponse me faisait mal. Son visage n'exprimait rien, rien d'autre que l'exaltation de la chasse et de la victoire. Aucune trace de cette douleur qui m'avait détruit, qui me détruisait activement, depuis près de trois ans.
Que je sois là lui paraissait naturel. Que je l'accueille, que je le suive, que je lui obéisse... Tous ça semblait faire partie du bon sens. Une évidence. La preuve : n'était-ce pas ce que j'avais fait, depuis qu'il était revenu ? Alors qu'il m'avait trahis, mentit, laissé derrière comme si je n'avais pas la moindre importance ?
J'en avais assez. Assez de l'indifférence du monde, et si las de ce deuil inutile que j'avais porté trop longtemps. La peine, en partant, avait laissé un trou. Un trou dans mon âme. Un trou dans mon cœur.
J'avais simplement envie de m'allonger, roulé en boule, quelque part. Que l'univers m'oublie. Et je voulais m'endormir. Plonger dans un sommeil sans rêves, pour l'éternité.
Mon attention se reporta soudain sur ce qu'il disait.
-Vous déménagerez demain ! s'exclama-t-il. Il ne vous faudra certainement pas beaucoup de temps pour transporter vos affaires ici... En attendant, votre chambre vous attends, Watson, bienvenu au 221b !
Revenir ? Comme ça ? Aussi simplement ? Avec trois mots d'explication et une phrase d'excuse, tout effacer, et réemménager ici ? Dans cet endroit dont j'avais mis si longtemps à me défaire ?
-Non, répondis-je doucement.
Il y eut un silence. Un silence profond, comme un poignard planté dans la chair.
-Je ne vais pas revenir, continuai-je.
Les mots sortaient touts seul de ma bouche, tirant avec eux leur poids de peine et de lassitude.
L'aventure de cette après-midi avait été la dernière. J'avais trop souffert. Trop supporté de larme, trop charrié de peine, pour m'autoriser l'espoir. Je préférai en rester là, à ce stade de demi-mort où tous mes sentiments étaient anesthésiés, que de risquer d'y croire.
Le silence s'allongea.
La mâchoire de Holmes se contracta, ses mains crispées sur les accoudoirs, comme s'il luttait contre une force invisible.
Et soudain, je vis.
Je vis une fissure fendre son masque, son masque de marbre qui se craquela avant de s'effriter, puis s'effondrer sous son propre poids.
Holmes ouvrit ses yeux en grands, comme pour supporter un coup, puis ils se plissèrent, pour retenir ce qui semblait vouloir s'en échapper.
Rien ne brisa le silence.
Pas même la larme brillante qui fleurit au coin de son œil et glissa sur ses pommettes émaciées, ni la suivante, ni celle d'après.
C'était désormais deux traînées scintillantes qui barraient les joues du détective, qui se mordait la lèvre, comme pour s'empêcher de crier.
C'était la première fois que je le voyais pleurer.
Mon corps réagit tout seul. C'était dans ma nature. C'était ainsi que j'étais, que j'existais. Il était simplement inconcevable que Holmes souffre et que je ne cherche pas à adoucir sa peine.
Je m'agenouillais devant lui, et saisit ses mains dans les miennes.
-Je savais que ça ne marcherait pas, hoqueta Holmes. Mais je me disais... Oh mon cher Watson... Je m'étais dit... Je m'étais dit que si je faisais comme si de rien n'était... Comme si tout était normal, revenus aux jours d'avant... Peut-être... Par un miracle extraordinaire... Ça deviendrait vrai.
Je serrai ses mains, boulversé de sentir, peut-être pour la première fois, que ses désirs faisaient écho aux miens.
-J'ai tellement souhaité, continua-t-il d'une voix affreusement rauque, si vous saviez, j'ai tellement voulu vous revoir en face de moi, sur ce fauteuil... Vous m'avez tellement manqué, Watson. Je sais que je n'ai droit à aucune considération, vu ce que je vous ai infligé, mais vous m'avez tellement, tellement manqué... J'ai fui votre souvenir aussi loin que j'ai pu. De toute façon, il fallait attirer Moran ailleurs, loin de vous. Il fallait que je lui fasse croire que vous n'importiez pas. J'ai visité des choses incroyables... Découvert des sites à la beauté inimaginable... Et à chaque fois, je me retournais pour vous demander ce que vous en pensiez, pour capter un sourire, un éclat dans vos yeux. Et vous n'étiez pas là.
Il y eut un silence. Non, je n'étais pas là. Lui non plus. Il semblerait que nous ayons tous les deux été absents du monde, ces derniers temps.
-Souvent, reprit-il, sa voix devenue murmure, je vous imaginais, Watson. Quelle heure était-il, à Londres ? Que faisiez-vous ? Avec qui ? Et le pire de tout, c'était cette certitude, cette horrible certitude que j'avais commis l'irréparable, que j'avais brisé tout ce qui existait entre nous, mon cher Watson. Lorsque je suis enfin revenu à Londres... Il m'a fallu tellement longtemps pour me décider à vous approcher ! J'ai voulu jouer l'esbroufe. Vous connaissez mes manières, mes vieux trucs. J'ai voulu faire comme si tout était naturel, comme si tout allait de soi ; dans l'espoir idiot que si j'y croyais assez fort, tout se réaliserait...
Ses paroles moururent dans un souffle.
-Mon cher Watson... souffla-t-il en caressant du pouce les mains que je tenais encore, mais sans oser me regarder.
Les mots étaient emplis d'une telle nostalgie, que mon cœur se serra un peu plus – ce que je n'aurai pas cru possible.
Je portais ses mains à mon visage.
-Holmes, murmurai-je en caressant ses longs doigt du bout de mes mots.
Et ce simple nom suffit à réanimer les braises de mon cœur, qui prirent feu d'un seul élan. Le vide laissé par mon deuil était comblé, comblé par la présence de Holmes, et tout ce qu'il impliquait en moi de tendresse et d'amour.
Je me relevai, et m'assis à califourchon sur ses genoux.
Jamais nous n'avions été aussi proches, physiquement. Jamais nos visages n'avaient été aussi peu éloignés l'un de l'autre.
Il me regardait fixement, le souffle court, les lèvres entrouvertes, comme s'il craignait, en respirant trop fort, de briser un rêve.
Je posai mes lèvres sur sa joue humide. Un petit baiser suffis à y faire naître un rougissement. Je réitérais l'opération de l'autre côté, avec un succès encore plus fort.
-Watson... dit la voix rauque du détective, me faisant frissonner tout entier. Que faites-vous ?
-Je vous montre à quel point vous m'avez manqué. À quel point je...
Je n'eus pas le temps d'en dire plus. Il avait saisi le col de ma chemise pour m'attirer jusqu'à lui, et ses lèvres s'étaient plaquées contre les miennes, avides, désespérées. Ses doigts se glissèrent dans mes cheveux, pour me presser plus fort contre lui, assez fort pour me faire oublier qui j'étais.
-Je... balbutia-t-il en s'écartant brusquement, un peu haletant. Je suis désolé, Watson...
-De quoi ? Répondis-je, complètement bouleversé.
-De tout.
-Pas du baiser, j'espère...
Il eut un infime sourire. Ça suffit à mon désir pour me brûler encore, plus fort, plus intensément.
Je l'embrassai. Il me répondit avec délice, et je savourai – oh oui, comme je savourai ! – la sensation de ses lèvres douces et chaudes contre les miennes, la texture de sa peau, son odeur – son odeur qui m'avait tant manqué ! – et puis son souffle mêlé au mien, et ses mains qui remontaient le long de mes joues pour se perdre dans mes cheveux.
J'étais incroyablement conscient de sa présence, de tout son être collé au mien.
-Holmes... dis-je avant d'exploser en sanglot, emporté par le charivari de mes sentiments et de mes sensations.
Il me serra contre lui. J'eus le temps de voir, avant s'enfuir ma tête dans son cou, que ses yeux aussi brillaient de larmes.
Son étreinte était la chose la plus extraordinaire de l'univers. Je ne voulais plus la quitter. Plus jamais.
-Je ne supporterais pas de vous perdre une seconde fois, dis-je enfin. J'en mourrais. Vous comprenez ? J'en mourrais. Je ne veux pas vous quitter. Je ne veux pas...
Pour ponctuer mes paroles, je m'accrochais un peu plus fort à lui.
Sa main aux longs doigts caressa ma nuque avec une tendresse infinie.
-Je ne vous mérite pas, Watson. Oh, non, je ne vous mérite pas...
-Ne dites pas des choses pareilles.
Je devinai son sourire, cette fois.
-Voudriez-vous revenir vivre avec moi, John Watson ? Murmura-t-il d'une voix défaillante, incroyablement vulnérable.
-Oui. Jusqu'à ce que vous ne vouliez plus de moi, Holmes.
-Pour toujours, alors, dit-il très sérieusement.
-Pour toujours me va très bien.
Il posa un baiser sur le dessus de ma tête et caressa mes cheveux. Je frissonnai.
-Vous savez, dit-il enfin, si bas que je faillis ne pas l'entendre, que ce que nous venons de faire est interdit ?
-J'ai failli mourir de désespoir et de solitude, vous êtes de retour, et je vous aime. La loi m'importe bien peu.
Il ouvrit grand les yeux, surprit, et me serra de nouveau contre lui.
-Allez dormir, mon merveilleux Watson, souffla-t-il.
Je raffermis ma prise autour de lui comme un enfant obstiné.
Il eut un petit rire, qui acheva de bousiller ce qui restait de mon cœur.
Puis il passa une main sous mes fesses et se leva, me soulevant comme un fétu de paille. Une excuse de plus pour le serrer fort contre moi...
Il me déposa dans son lit. Ses mains défirent mes chaussures, puis retirèrent ma veste et mon pantalon. Il fit de même avec lui et rabattit la couverture sur moi, avant de faire mine de se diriger vers un fauteuil.
Pris d'un élan de terreur, j'attrapai son poignet.
-Ne partez pas ! Criai-je.
-Je suis là, je suis là ! s'empressa-t-il de me rassurer en se mettant à genoux à mon chevet.
-Restez là, balbutiais-je. Ne me quittez pas.
-Je suis là, Watson, juste à côté. Vous pouvez dormir.
Mes yeux évaluèrent la distance entre le lit et le fauteuil. Un gouffre. Un gouffre aussi profond que les chutes de Reichenbach.
Captant la panique dans mon regard, il hésita un long instant puis finalement, lentement, souleva les couvertures et se glissa dans le lit, à côté de moi. Il n'osa pas m'approcher, d'abord, pris par la timidité, et une pudeur née de son absence habituelle de contact physique.
Je franchis l'espace qui nous séparait et me blottis contre lui. Il n'y avait qu'à l'ombre de sa présence que je pourrais garder aux loin mes autres ombres, les démons d'horreur qui hurlaient dans mes rêves depuis trois ans déjà.
Il m'entoura de ses bras.
Je m'endormis aussitôt, plus heureux que je ne l'avais jamais été de toute mon existence.
-Je vous aime, entendis-je sa voix murmurer de loin, très loin.
Mais ce n'était qu'un rêve. N'est-ce pas ?
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