Le merveilleux Noël de Sherlock Holmes
-Pour l'amour de Dieu, Watson, mais qu'est-ce que c'est que ça ?
Watson releva la tête de son journal. Holmes venait de sortir de sa chambre, enveloppé dans son éternelle robe de chambre gris souris, et pointait un doigt accusateur vers l'objet de sa surprise.
-C'est un sapin de noël, répondit le docteur en souriant malgré lui. Ils en vendaient un peu partout, et Madame Hudson était d'accord pour que j'en achète un. Il ne vous plaît pas ?
-Watson, je ne vois pas le moindre rapport logique entre Noël et un stupide arbre à épines, sinon l'inconfort et la gêne occasionnée pour tout le monde.
-Holmes !
-Enfin, soupira le détective en se saisissant du courrier qui traînait sur la table, je suppose que l'humanité a inventé bien pire...
Il examina rapidement les missives et les rejeta une par une avec une mimique dégoûtée.
-Rien, rien, toujours rien ! Râla-t-il. Seulement les insupportables vœux de Noël...
Il se dirigea vers la fenêtre et jeta un regard peu amène dans la rue.
-Regardez-moi ça, Watson, même les mendiants arborent des sourires imbéciles... et pas un seul crime ! Des fois, j'en viens à regretter Moriarty.
-Vous ne pouvez pas dire ça ! s'offusqua Watson en se redressant.
-Mais si, répondit le détective d'un ton légèrement hautain sans se retourner. Au moins, les problèmes, sous sa tutelle, étaient intéressants ! Au moins, lui avait du panache !
-Oui, rétorqua le docteur d'une voix acide, la partie aux chutes de Reichenbach était aussi très intéressante ! Et quel panache !
-Watson, s'irrita Holmes en se retournant, je ne voulais pas dire...
Il s'arrêta, coupé dans son élan par l'air blessé du docteur.
-Oh, Watson, soupira-t-il en s'approchant de lui.
Il posa une main sur la joue de son ami, et se maudit intérieurement en constatant que les yeux de Watson étaient humides. Il savait à quel point ces années-là étaient un sujet difficile pour lui.
-Je suis un imbécile, dit-il doucement, le cœur serré de culpabilité.
Watson laissa échapper un petit rire et se saisit de la main qui était sur sa joue pour la porter à ses lèvres. Il déposa un baiser sur chaque doigt, puis dans le creux de la paume, et finit sa course à l'intérieur du poignet. Holmes frémit et emplit son regard du visage de Watson, comme sa peau s'efforçait de garder la mémoire de ses baisers. Il aimait le docteur. Il l'aimait vraiment, de tout son être, même s'il ne l'avait jamais formulé à voix haute. Mais trois semaines d'oisiveté, sans le moindre problème à se mettre sous la dent et sans cocaïne – il avait promis à son docteur qu'il n'en prendrait plus – c'était trop. Il bouillonnait d'énergie contenue, que ni les livres, ni les expériences de chimie ne savaient épuiser. Le seul dérivatif efficace qu'il connaissait, c'était...
-Watson, souffla-t-il dans l'oreille du médecin, je me sens un peu faible. Je crois d'avoir besoin d'un examen médical.
-Vraiment ? Répondit l'autre en arborant l'air de celui qui n'a pas saisi le sous-entendu mais qui sait très bien de quoi il retourne. Eh bien, je devrais demander à un de mes confrères de venir, puisque vous ne m'écoutez jamais...
-Oh, allez, Watson ! Gémit le détective. J'ai dit que j'étais désolé !
-Vous ne l'avez pas dit.
-Je le dis maintenant !
Watson rit et happa les lèvres de son colocataire dans un long baiser, qui passa de la tendresse à la voracité avant de cesser brusquement.
-Désolé, Holmes, répondit Watson d'un ton contrit en se désengageant. J'aurais vraiment aimé vous « examiner » maintenant, mais j'ai un rendez-vous qui ne peut attendre...
Holmes protesta en l'enfermant dans la cage de ses bras.
-Vous direz que je vous ai retenu pour une enquête de la plus haute importance ! L'affaire du... détective lubrique.
Watson explosa de son habituel rire franc habituel, qui enveloppa le cœur de Holmes d'un manteau de chaleur.
-Une affaire d'intérêt national, je vois ! s'amusa-t-il. Je suis désolé, Holmes, mais je dois vraiment y aller, je suis déjà en retard...
Il se désengagea et planta un baiser sur les lèvres de son détective.
Holmes lâcha un profond soupir et se laissa retomber dans son fauteuil, la mine déprimée.
-Oh, Holmes, souffla Watson, ça me rend si triste de vous voir dans cet état-là...
-Je croyais que vous étiez en retard, répondit le détective en allumant sa pipe.
Watson ne dit répondit rien. Ce n'est que lorsque la porte se fut fermée dans son dos que Holmes se rendit compte qu'il ne lui avait pas dit quand il rentrerait.
Il remonta ses genoux sous son menton et plongea dans ses pensées.
Il avait besoin d'une enquête.
Et Watson lui manquait déjà.
~
Il avait atteint le fond, vers quatre heures de l'après-midi, et considérait de plus en plus sérieusement la possibilité de se lancer dans la création d'une nouvelle abeille génétiquement modifié, lorsque le télégramme lui parvint.
« UNE AFFAIRE QUI PEUT VOUS INTERESSER. 22BIS PARK LANE. VENEZ MAINTENANT.
- W »
Exactement deux minute et trente-sept secondes plus tard, Holmes était dehors en train de héler un cab.
~
La jeune bonne qui lui ouvrit avait l'air passablement terrifiée. Holmes déclina son identité et fut promptement introduit à l'intérieur, où il retrouva avec joie – qu'il dissimula derrière une façade de marbre – son docteur Watson. À ses côtés se tenait un très beau jeune homme blond d'une trentaine d'année qui arborait un air inquiet.
-Holmes ! l'accueillit Watson avec un sourire assez large pour éclipser le soleil. Je vous présente Douglas Stane, un vieil ami d'Afghanistan. Douglas, Sherlock Holmes.
Le détective tiqua en entendant Watson utiliser le prénom de l'individu. Pourquoi son amant ne lui en avait jamais parlé ? Enfin, il fallait avouer qu'il n'était pas des plus réceptifs sur ces sujets-là...
-Merci d'être venu aussi vite, monsieur Holmes, le salua Stane en lui serrant la main.
-Maintenant que les présentations sont faites, déclara le détective, plus à l'intention de Watson que de son hôte, si nous arrivions enfin au vif du sujet ? Que s'est-il passé ?
Watson lui envoya un regard mi-réprobateur mi-amusé qu'il ignora superbement.
-Bien sûr. Suivez-moi, dit Stane, une note de peur dans la voix.
Il les mena à travers un long couloir, jusqu'à la dernière porte du fond.
-Cette porte est toujours fermée à clef, dit-il en tournant ladite clef dans la serrure. J'en ai le seul exemplaire. Le seul autre accès est une fenêtre, mais elle possède de solide barreau. J'ai vérifié, ils n'ont pas été forcés.
Il poussa le battant et entra dans la pièce.
Sur le mur en face de la porte était planté un long poignard. Au fils de la lame, une missive était embrochée. On pouvait clairement y lire en lettre rouges – qui évoquaient irrémédiablement du sang – le message : « Celui qui a volé sera volé à son tour».
Holmes sauta sur le papier comme un fauve sur sa proie. Après avoir examiné minutieusement l'angle et le degré de pénétration du couteau, ainsi que l'orientation de la feuille et l'emplacement sur le mur, il détacha la pièce à conviction et commença à la presser soigneusement, pour en extirper toutes les informations possibles.
-C'est bien du sang humain, commenta-t-il d'un ton intéressé. La couleur est assez distincte. La lame a été planté dans le mur par un droitier d'une grande force qui s'y est repris à deux fois. La feuille est des plus communes. Toutefois, à l'odeur... (il approcha son nez du papier pour en sentir la fragrance)... Je dirais que notre homme a récemment fait un séjour à l'hôpital.
Il allait ajouter quelque chose, mais ses yeux accrochèrent la main que Watson posa sur l'épaule de son ami pour le réconforter, et la langue de feu qui lui lécha le cœur lui fit perdre le fil de ses pensées.
-Bref, grinça-t-il. Et si vous m'expliquiez comment vous avez pris connaissance de cette charmante note ?
-C'est réellement inexplicable, monsieur Holmes ! Répondit Stane. Comme je vous l'ai dit, il n'y a qu'un accès à cette pièce. Hier soir, comme chaque soir, je suis sortit et je l'ai verrouillée, vers vingt-deux heures, tout était normal. Contrairement à mes habitudes, je n'y suis pas retourné ce matin, parce qu'une de mes domestiques à fait une chute dans l'escalier et s'est méchamment tordue la cheville. J'ai fait envoyé un mot à John, qui est arrivé une demi-heure plus tard. À un moment, j'ai eu l'idée, pour soulager la malheureuse, d'aller chercher dans mon bureau une bouteille d'alcool... Et voilà ce que j'ai trouvé. John m'a dit de ne rien toucher et de vous appeler immédiatement.
-Et il a très bien fait, répondit Holmes, toujours irrité de la manière dont cet énergumène parlait de son John.
-Quant au contenu du message, vraiment, continua Stane, je n'ai aucune idée de ce dont il est question. Je ne garde rien de valeur ici...
-Vous mentez, coupa Holmes.
-Pardon ?! Comment osez-vous...
-Holmes ! s'indigna Watson en écho.
-Il y a un coffre fort derrière ce tableau, lâcha le détective en pointant un portrait de mauvais goût. Ce n'est généralement pas pour entreposer de la gelée de fraise.
-Comment savez-vous que...
-On voit distinctement les traînés plus sombres sur le papier peint, laissé par le tableau lorsqu'il coulisse, répondit l'autre en éprouvant un plaisir assez mesquin à l'écraser devant Watson.
Stane lâcha un énorme soupir et questionna le docteur du regard. Le médecin l'invita silencieusement à se confier au détective, ce qui eut pour drôle d'effet de rendre ledit détective plutôt fier de lui.
-Je vois qu'on ne peut pas vous mentir, Holmes, soupira Douglas Stane. J'espérai simplement que je n'aurais pas à en parler... Je préfère être le plus discret possible.
Sur ses paroles, il fit coulisser le tableau trompeur, et composa un code sur le coffre ainsi découvert. À l'intérieur se trouvaient des piles de dossier et une boite bleu, de la taille d'une paume de main. Douglas s'en saisit et l'ouvrit.
Watson laissa échapper un sifflement admiratif. Dans la boite se trouvait une énorme pierre précieuse verte, dont les multiples facettes renvoyaient autant d'éclats de lumière dépareillés.
-On l'appelle « l'œil aux mille facettes », expliqua Stane. Je l'ai trouvé en Inde, dans les ruines d'un vieux temple. J'ai bien cherché, personne n'habitait plus un kilomètre à la ronde, et le temple était sans propriétaire depuis plus d'un demi-siècle. Alors j'ai estimé que la pierre pouvait appartenir de plein droit, et je suis retourné en Angleterre... Mais au bout de quelles péripéties ! J'ai eu le malheur de me confier sur l'oreiller à une magnifique créature indigène... Et je le suis retrouvé avec une bonne moitié du pays sur mes talons. Maintenant, vous comprenez pourquoi je ne désire pas en parler. Tout ce que je souhaite, c'est arriver au plus vite à la vente et m'en débarrasser contre beaucoup d'argent.
-Eh bien, commenta sarcastiquement Holmes, il semble que ça ne va pas être aussi simple que vous l'espériez... Qui sait à propos de la pierre ? Les gens de la maison ?
-Personne, absolument personne. Les serviteurs sont habitués à mes lubies et ne rentrent pas dans cette pièce, sauf la femme de ménage une fois par mois. De toute façon, ils me servent depuis des années, et j'ai en eu tous une parfaite confiance.
-Vous seriez curieux de voir à quel point la perspective d'un gros paquet d'argent peut influencer la loyauté des gens, ironisa le détective.
Songeur, Douglas rangea la pierre dans sa boite, et la boite dans le coffre.
Et soudain, dans le silence qui s'ensuivit, un long cri déchirant se fit entendre, glaçant le sang des trois protagonistes.
Deux secondes plus tard, ils s'élançaient dans le couloir, Holmes en tête, traquant la source du hurlement jusqu'à la cuisine, où le garçon de course, tétanisé, fixait les restes d'un chat éventré fixé au plafond.
-Je... Je suis désolé, sir... bafouilla-t-il en voyant entrer son supérieur. Je ne m'attendais pas à... à...
-Ne vous inquiétez pas, répondit Douglas, c'est parfaitement compréhensible. Rentrez chez vous : je vous offre ma journée.
À cet instant, Holmes se retourna pour dire quelque chose... Et s'aperçut avec horreur qu'il manquait quelqu'un.
-Watson ! s'exclama-t-il en tournant les talons.
Ses pas le ramenèrent jusqu'à la porte du bureau. Fermée à clef.
-Impossible ! s'écria Stane, une note de peur dans la voix. Je possède la seule clef !
Holmes ne prit même pas la peine de lui lancer au visage que c'était évidemment faux.
-WATSON ! WATSOOOOON ! Appela-t-il en tambourinant à la porte, ses gestes gagnés peu à peu par une panique qu'il avait du mal à refouler. WATSOOON ! JOHN !... MAIS OUVREZ CETTE PORTE, BON SANG DE DIEU ! Hurla-t-il en se retournant vers Douglas Stane, qui s'empressa de lui obéir maladroitement.
Au moment précis où le déclic annonçant un déverrouillage retenti, Holmes déboula dans la pièce. Un sursaut de terreur le frappa de plein fouet lorsqu'il avisa la silhouette de Watson étendue sur le sol.
Mais il se reprit aussitôt. Le docteur était vivant. En fait, il gémissait en papillonnant des yeux.
-John ? Souffla-t-il en s'agenouillant près de lui. Vous n'êtes pas blessé ? Pour l'amour de dieu, dites-moi que vous n'avez rien...
Watson lui jeta un regard ému, sourit, et posa sa main sur le bras de son amant. À cause du public, il ne pouvait guère faire mieux.
-Je n'ai absolument rien, Holmes, ne vous inquiétez pas. J'ai cru voir un mouvement dans la pièce, au moment où j'allais sortir, mais au moment où je me suis retourné, une main s'est plaqué contre ma bouche, avec un produit... Chloroforme, je pense. Mais en très petite dose. Je n'ai perdu connaissance qu'une ou deux minutes, puisque je vous as entendu frapper à la porte. De l'assaillant, nulle trace.
-La pierre a disparu, intervint soudain Stane d'une voix blanche.
Les deux amants se retournèrent pour observer Douglas, qui se tenait devant son coffre ouvert, la boite bleue – vide – dans les mains.
-Mais c'est impossible... Bégaya-t-il. À moins que les esprits soient revenus chercher la pierre... C'est impossible...
-Les esprits n'ont besoin de droguer personne, répliqua acerbement Holmes, et n'usent pas de cadavre de chat comme distraction. Taisez-vous, et ne bougez plus.
Et, une heure durant, Holmes fouilla la pièce. Pas un centimètre carré, pas un objet, pas un gramme de poussière n'échappa à son œil perçant. Mais de pierre précieuse, nulle trace, et concernant le moyen dont avait usé le voleur pour entrer... Pas le moindre indice non plus.
Dépité, il finit par prendre le bras de Watson et prendre congé de leur hôte, encore sous le choc. Il n'y avait plus rien à faire sur place.
~
-Vous êtes sûr que vous vous sentez bien ? Demanda doucement le détective à son docteur, juste après avoir déposé un baiser sur ses lèvres.
-Parfaitement, darling. Je suis simplement fatigué, ajouta son interlocuteur en l'embrassant à son tour.
-Alors allez vous coucher, je vous en prie. Et appelez-moi si vous avez besoin de quoi que ce soit...
-Merci, Sherlock murmura le docteur en caressant sa joue. Je n'ai besoin de rien. Je vous laisse réfléchir à votre petit problème, ajouta-t-il. Plutôt un bon, hein ?
-Le coup de la pièce hermétiquement close reste un classique toujours apprécié, répondit Holmes en souriant. Et celui-là et particulièrement intéressant. Maintenant, allez vous couchez, mon cher...
-Si vous avez besoin de quoi que ce soit, répondit Watson dans un murmure lourd de sous-entendu en prenant le chemin de sa chambre.
Holmes sourit, et resta une bonne dizaine de minutes à fixer les escaliers d'un air béat avant de se reprendre. Il fallait qu'il se concentre sur le problème.
~
-'Jour, Holmes, marmonna Watson en plantant un baiser par-derrière dans le cou de son colocataire, qui frémit, assit dans son fauteuil. Vous avez veillé toute la nuit ?
-Presque, répondit le détective. Un problème à quatre pipes, au moins.
-Et... ?
-Je ne comprends pas ce qui s'est passé !
-Voyons, Holmes, vous ne devez pas tarder à résoudre ce problème, c'est la veille de Noël, ce soir !
-Ah, mais qu'en ai-je à faire, de Noël ! s'emporta le détective. Cette énigme est la plus simple et la plus compliquée qu'on ne m'ait présenté depuis l'affaire de la cabine téléphonique disparue. Un chef-d'œuvre... Et une frustration !
Watson jeta à son cher et tendre un regard boudeur qui le peina.
-Oh, Watson, soupira-t-il. J'ai l'impression de passer mon temps à m'excuser...
Watson sourit aussitôt, toute trace de rumination envolée.
-Et je ne comprends pas, ajouta le détective dans un souffle, pourquoi vous me pardonnez aussi facilement...
-Ce problème-là n'est pourtant pas très compliqué, s'amusa Watson. Il implique de très profond et très passionnés sentiments d'un certain médecin envers un certain détective. Les plus audacieux parleraient même d'amour...
Holmes rit et s'étira avant de vider sa pipe dans un cendrier. Il sentait une douce chaleur, pressée contre son cœur. En fait, il se sentait bien. Tellement bien...
Watson planta un baiser sur sa joue et sonna pour le petit déjeuner. Madame Hudson monta bientôt un breakfeast assez conséquent pour faire tenir un régiment, et leur rappela qu'elle partait aussitôt après chez sa sœur, les laissant seul pour trois jours. Elle accepta et retourna les vœux de bonne fête du docteur, puis pris congé.
Holmes, dans son coin, continuait de ressasser le problème dans sa tête, encore, et encore...
Il ne comprenait pas. C'était impossible. Personne n'avait pu entrer et sortir de cette pièce. Et pourtant, la pierre n'y était plus.
Il tenta de renverser sa pensée. Qu'avait-il tenu pour impossible jusque-là qu'il pourrait envisager de revoir ? L'intervention du surnaturel ? Non, la situation n'était pas si désespérée. Alors quoi ? Qu'est-ce qui...
L'évidence le frappa de plein fouet.
-OH ! s'exclama-t-il en sautant sur ses pieds.
-Holmes ? s'interrogea le docteur ne se levant de table pour le rejoindre. Qu'est-ce que...
Il n'eut pas le temps de finir. Holmes s'était saisi de son visage et venait de plaquer la bouche contre la sienne pour la ravir d'un baiser dévorant, brûlant de toute la passion de son être.
Lorsqu'ils se séparèrent enfin, à court d'oxygène, Watson, les cheveux ébouriffés, le visage rouge jusqu'à la pointe des oreilles et les lèvres gonflées par l'échange, bégaya :
-Holmes... que... Que me vaut ce soudain excès de passion ?
Holmes sourit.
-J'ai résolu l'enquête, mon cher Watson.
-Vous avez... déjà ?!
-Et oui, répondit le détective en riant. Vous aviez prévu combien de temps ?
-Au moins deux jours, soupira Watson. Vous avez compris, alors ?
-Mais oui, répondit tranquillement Holmes. C'est vous qui avez volé l'œil aux mille facettes, mon très cher Watson. Avec la complicité de Douglas Stane, ou quel que soit son véritable nom. Vous avez planté la lettre dans le mur – d'où l'odeur d'hôpital, vous deviez revenir de saint Barth' – puis vous m'avez appelé, en justifiant votre présence par une vague urgence médicale. Vous avez mis en place le cadavre de chat pour distraire l'attention générale, et lorsque nous nous sommes rués hors de la pièce, vous êtes simplement resté à l'intérieur, verrouillé la porte grâce à un double, volé la pierre, puis vous êtes administré vous-même assez de chloroforme pour être crédible. Le seul endroit de la pièce que je n'ai pas fouillé, c'est vous... Et jamais il ne me serait venu à l'esprit de vous suspecter !
-Vous avez raison, répondit Watson avec un petit soupir en détournant le regard. Quoi d'autre ?
-Vous avez fait exprès d'accentuer votre soi-disant relation avec Douglas Stane pour me rendre jaloux aux moments opportuns.
-Eh bien, admis Watson avec un sourire en coin, contre vous, il fallait bien que nous ayons un petit avantages...
-Je prends ça comme un compliment, s'amusa Holmes.
-Et pour...
-Le mobile, mon cher, cher, cher Watson ? Souffla Holmes avec une tendresse rare en se rapprochant assez de lui pour pouvoir poser une main en coupe sur le haut de sa joue. Ce crime parfait est de loin le plus beau cadeau de Noël que je n'ai jamais reçu...
Sa voix s'attendrit encore alors qu'il voyait Watson rougir sous ses mots et sa caresse.
-Vous n'êtes pas fâché alors ? Murmura presque le médecin. Je n'en pouvais plus de vous voir ainsi... Lorsqu'un ancien ami acteur, de passage en ville, a repris contact avec moi, je me suis dit que c'était l'occasion...
-Vous en vouloir, Watson ? Répondit Holmes d'une voix étrangement rauque en posant sa deuxième main sur l'autre joue du docteur. Comment pourrais-je accomplir une aberration pareille ?
Il contempla un instant l'homme qui lui faisait face, sa mâchoire carrée, bien dessinée, sa peau très légèrement hâlée, son nez droit, ses cheveux bruns clairs, si prompt à reprendre leur liberté, ses lèvres pleines qui semblaient faites pour sourire et désirer, cette moustache frôle... et pleines de possibilités lubrique... ces yeux d'un bleu impossible, qui illuminait l'univers tout entier d'une simple étincelle... Son propre regard se teinta d'une douce douleur. Il voulait le dévorer, maintenant, lui faire l'amour à le faire hurler de désir, le rendre heureux à le faire mourir de rire, et à tout jamais l'attacher à lui, l'avoir contre lui, rien que pour lui, jusqu'à la fin des temps, son John Watson, à lui, rien qu'à lui...
-Dieu que je vous aime... Souffla-t-il. Je vous aime... Je vous aime tant, tant, tant...
Watson se contenta de le fixer, les yeux grands ouverts, stupéfait, et si profondément touché, si renversé par la force de ses propres sentiments, qu'il ne sentit même pas la larme qui dégringola sa joue.
Holmes l'essuya avec une tendresse infinie.
-Ne me quittez jamais, Watson, murmura Holmes. J'en mourrais. Je ne peux plus vivre sans vous.
Et il l'embrassa.
~
Le lendemain les trouva tous les deux dans le même lit, leurs corps épuisés d'une merveilleuse fatigue, et pourtant toujours enlacés.
-Joyeux Noël, Sherlock, lança Watson.
-Joyeux Noël, John, répondit l'intéressé en déposant un baiser sur le haut de son front. Je suis désolé de ne pas avoir de cadeau à la hauteur du vôtre...
-Qu'est-ce que vous racontez, my darling ? Répondit Watson en l'illuminant de son regard trop profond. Vous m'avez offert le plus incroyable, le plus merveilleux, le plus cher de tous les cadeaux de Noël. Celui que j'ai toujours voulu, toute ma vie. D'ailleurs, si vous le permettez, je vais de ce pas continuer ma consommation...
Et il se jeta sur lui en riant, envoyant balader couverture et oreillers. L'étreinte de Holmes le fit aussitôt prisonnier.
Et le détective fut absolument certain qu'il n'avait jamais été aussi heureux de toute son existence.
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