Hypothèse
Holmes et Watson entrèrent dans le salon, bras dessus bras dessous, les joues rosies par le vent d'hiver qui sifflait dans les rues.
-Allons, Holmes ! Dit Watson sur le ton de la plaisanterie. Vous devez admettre qu'elle était jolie !
Holmes se laissa tomber dans son fauteuil en souriant, et attendit que Watson fasse de même, en face de lui.
-Vous savez bien, mon cher, que je n'y connais rien, en beauté féminine ! Répondit-il enfin, sur le même ton de plaisanterie.
Le docteur leva les bras au ciel d'un air exagéré.
Ils venaient de résoudre avec succès une enquête particulièrement compliquée, qu'ils avaient fêté dans leur restaurant favori, et avaient peut-être bu un peu plus que de raison.
-Je crains de devoir m'en remettre à votre expertise ! Ajouta Holmes avec un petit rire.
C'était rare de voir le détective d'aussi bonne humeur. Watson imita son sourire, en deux fois plus grand. Holmes en fut tout éblouit.
-À défaut d'être un écrivain potable, s'amusa Watson, je serais donc maître es beauté féminine !
-Professeur, se moqua Holmes en faisant une parodie de révérence. Je vous en prie, dispensez votre savoir. À quoi ressemble la plus belle femme du monde ?
Il avait dit ça pour rire, mais Watson prit la question sérieusement, et ferma à demi les yeux pour réfléchir.
-J'aimerais qu'elle soit fine, dit-il enfin. Et grande. La démarche féline... Le profil bien découpé... Avec des cheveux noirs, je pense. La peau pâle... Les lèvres pleines. Les mains... longues, fines... Fascinantes. Que ses yeux brillent d'intelligence, d'intérêt, de passion. Et de courage, aussi. Avec un cœur bon. Bien caché, mais fondamentalement bon.
Holmes avait perdu toute envie de s'amuser.
-En sommes, dit-il avec amertume, si on enlève les derniers points...
Il soupira à s'en fendre l'âme.
-Si j'étais une femme, Watson, vous envisageriez de tomber amoureux de moi ?
Il regretta ses paroles aussitôt prononcées.
-Certainement pas ! s'exclama Watson en riant.
Holmes en fut profondément blessé. Certes, il l'avait cherché. Mais Watson n'avait pas hésité un seul instant avant de répondre. Comme si c'était l'évidence même.
Watson vit la peine passer sur le visage de son cher ami, et s'en voulut aussitôt d'en être la cause.
-Holmes...
-C'est bon, Watson, répondit le détective. Je suis simplement fatigué. Je vais me coucher.
-Mais...
Holmes se leva et se dirigea vers sa chambre. D'instinct, Watson sauta sur ses pieds et lui attrapa le bras.
-Holmes...
Le détective ne tourna pas la tête vers lui.
Watson inspira un grand coup. Ce qu'il allait dire maintenant... S'il se décidait à le dire... Ça allait tout changer. Tout. Ses sentiments valaient-ils la peine de risquer une amitié qui lui était si précieuse ? Sans parler du danger de la loi... Et du désintérêt de Holmes pour les choses de l'amour... Non, il ne pouvait pas...
Mais les mots lui brûlait les lèvres.
Tant pis. Il regretterait après.
-Je ne tomberais pas amoureux de vous si vous étiez une femme, dit-il tout doucement. Parce que je suis déjà profondément amoureux de vous tel que vous êtes.
Il y eut un silence.
Watson s'aperçut que le détective tremblait.
-Je suis désolé, s'excusa-t-il aussitôt en lâchant son bras. Si vous voulez...
Deux larmes perlèrent à ses paupières.
-Si vous voulez que je m'en aille...
Holmes se retourna brusquement, lui saisit le visage, et plaqua sa bouche contre la sienne.
Watson entrouvrit les lèvres pour approfondir le baiser, submergé par une vague de chaleur presque douloureuse.
Holmes se sépara enfin, à bout de souffle.
-Ça, mon cher Watson, je vous l'interdit. Formellement.
La larme qui avait fleurit au coin de l'œil du docteur tomba sur sa joue. Holmes la chassa doucement du bout de son pouce, sa paume en coupe sur le haut de sa mâchoire.
-Eh bien, mon cher écrivain, s'amusa Holmes, vous ne dites plus rien ?
Watson sourit.
Et l'embrassa de nouveau.
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