Chapitre 9 ~ "Une rencontre inattendue"
Je regarde tour à tour Ezio, la folle et Marie-Louise. C'est surtout sur cette dernière que je m'arrête. Je ne parviens pas à croire qu'elle puisse me faire ça. Traîtresse ! J'avais envisagé de nombreux scénarios possibles. Mais alors ça... Et je suis sûr qu'elle était au courant. J'aurais dû le voir venir, à partir du moment où elle m'a dit qu'on était presque voisins !
Malheureusement, non, et je me retrouve comme le gros con que je suis, la mâchoire prête à se décrocher. De toute façon, c'est toujours comme ça. Je me fais toujours avoir.
Marie-Louise, à côté de moi, fait un signe aux deux timbrés, un air ravi peint sur le visage. J'ai franchement l'impression qu'elle est en train d'organiser la rencontre du siècle. La rencontre du siècle... L'arnaque du siècle, oui ! Je suis certain qu'en plus, elle pense me faire plaisir.
Alors oui, Ezio a l'air vraiment sympathique. Je ne suis pas fan de juger les gens sur leur apparence, parce que si ça se trouve, derrière ses airs angéliques, il est encore plus fourbe que Dark Vador, Freezer, Sauron, et leur maître à tous en fourberie, je veux bien sûr parler de l'inégalable monstre des camping, Killian. Mais, seulement en le voyant, il me semble plus gentil que son affreuse soeur.
Cette dernière, non contente de me regarder d'un air insupportable, s'écrie en me voyant :
— Mais qu'est-ce qu'il fout là, celui-là ?
En entendant sa mélodieuse voix de crécelle, je sens une veine palpiter sur mon front. Son frère la regarde en haussant un sourcil intrigué.
— Je pourrais te demander la même chose. Et pas besoin de sortir les griffes ! Est-ce que ça t'arrive d'être aimable ?
La folle écarquille les yeux, faisant de ces derniers de grosses billes bien rondes, l'air de dire que ce concept lui était totalement étranger.
Bah bouffe des carottes, il paraît que ça t'aidera !
— Seulement avec des gens qui ne ressemblent pas à un pékinois qui vient de prendre la pluie.
Oh, la... !
Je reste sans voix. Je vais me la faire. Tu veux la guerre ? La gué-guerre, comme dirait Miaouss ? Ne t'inquiète donc pas, va ! Je t'offrirai le plus beau champ de bataille que tu n'aies jamais connu. Tu ne sais pas sur qui t'es tombée !
— Je préfère ça plutôt que...
Mais, ô rage ! ô désespoir ! Je n'ai pas le temps de finir ma réplique que déjà, je suis interrompu. Marie-Louise et Ezio nous regardent avec un petit air désabusé. Quoi, vous voulez ma photo ?
Non. T'es trop moche.
Je ne préfère même pas répondre à ma conscience. Je n'en ai de toute façon pas le temps que Marie-Louise prend les devants :
— Bon, je vois que vous... vous connaissez déjà, apparemment.
— On... On peut dire ça comme ça.
J'ai l'impression d'être un gamin pris en faute, à marmonner dans ma petite barbe de trois jours.
— Mais nous ne sommes pas là pour une... discussion animée, à vrai dire, reprend Marie-Louise avec un petit sourire. Ezio, j'ai besoin de ton aide.
Ce dernier la regarde, attendant ses instructions. Au moins, il a l'air plus posé que l'hideuse gorgone qui se tient à ses côtés.
— J'aimerais que tu aides Melvin, si jamais il a besoin de quelque chose. Je sais que vous êtes presque voisins, donc ce sera plus facile.
— Euh... Oui, pas de soucis. Tu voulais... se tourne-t-il vers moi.
— Oh, non ! Pas pour tout de suite.
Je me débrouillerai, finalement. Je ne veux pas passer une minute de plus à côté de ces fous. Ils risquent de me contaminer. Et je ne suis pas fou !
On en parle de la fête de Marco ? T'as quand même réussi à faire des trous dans les murs avec...
Stop ! ça ne compte pas, c'était avec Marco.
— Ok, répond-il. Si tu veux, on pourra faire connaissance autour d'un verre... Oh, non, j'ai une meilleure idée ! Tu sais comment on fait connaissance ici ?
Il me montre alors dans un signe qui je pense se voulait amical, toute l'éclatante blancheur de ses dents. Qu'est-ce qu'il veut ? Il a cru que j'étais dentiste, ou quoi ? De toute évidence, il n'aurait pas besoin que je vienne lui observer le gosier.
Plus par politesse que par curiosité, je secoue la tête, attentif à ce qu'il est sur le point de me dire. Au même moment, son horrible soeur semble effrayée par ce qu'il compte me proposer... ce qui, avouons-le franchement, me donne vraiment envie de savoir.
— On fait une partie de ping-pong !
Quoi ?
Quoi ?
— Quoi ?
J'aime quand tout mon être est sur la même longueur d'onde. Pourtant, loin de se démonter face à ma question qui n'en était pas vraiment une, Ezio m'offre un deuxième sourire sorti d'une pub pour dentifrice.
— Tu ne savais pas ? C'est comme ça qu'on fait connaissance ici ! Quand on fait du ping-pong, plus rien ne compte ! Il n'y a que la balle, les raquettes et les joueurs ! Rien d'autre ! Le ping-pong, c'est rigolo, c'est du sport, c'est un sport estival : bref, le ping-pong, c'est la vie.
— Euh... Ouais, peut-être, mais...
— Tu verras, ça va être fun ! m'assure-t-il en commençant à me prendre par le bras.
Mais je n'ai pas envie ! Lâche-moi, espèce de taré !
— Tu sais jouer ? Tu veux que je t'apprenne ? C'est très simple, il faut juste...
— Ezio, je... Écoute, dis-je en essayant de me dégager le plus gentiment possible, c'est juste que je n'ai pas trop envie, là. Peut-être un autre jour.
— Pas grave ! T'es peut-être plus du genre à boire un verre ?
— Mais on peut savoir ce que tu fais ? ronchonne sa soeur.
— Oh, t'inquiète, ma petite étoile !
— Ne m'appelle pas comme ça !
Il ne l'écoute déjà plus, entièrement concentré sur notre discussion, prêt à me détailler de la tête aux pieds avec ses yeux brillant d'un bleu roi. C'est bien là la seule différence avec sa soeur, hormis la taille de ses cheveux. Ses yeux ont une teinte différente. Plus amicale. Moins... sauvage.
Mais qu'est-ce que tu racontes ? Beurk, ressaisis-toi mon vieux !
Pour une fois que ma conscience a raison...
— Euh... Bah... Ouais...
— Super ! s'exclame-t-il. On se fera une soirée au bar dans quelques temps, d'accord ? Je t'enverrai un petit message. Ou toi, comme tu veux, quand tu veux.
Quoi ? Mais je n'ai pas accepté, moi ! Pourtant, quelque chose me dit qu'il ne s'agissait pas d'une question. Le blond regarde alors sa montre... Et sa tête se décompose. Littéralement, je crois que je n'ai jamais vu quelqu'un se liquéfier aussi vite.
A part Jean-Marcel. Repose en paix, petit bonhomme de neige que j'ai fait en mars, deux jours avant le printemps. On se sera bien amusé.
— Oh merde ! Notre pause est finie ! Et je devais rejoindre Madame... Peu importe. Attends, je te laisse mon numéro de téléphone.
Aussitôt dit, aussitôt fait. J'en profite pour lui donner le mien... En espérant qu'il ne soit pas trop collant.
— Bon, ben à bientôt... Kevin, c'est ça ?
Ah bah ça commence bien, s'il n'est même pas capable de retenir mon prénom...
— Melvin, dis-je en soupirant.
— Oh, désolé...
Il se tourna vers sa jumelle qui nous regardait, complètement ahurie, l'air de se demander comment son frère pouvait être ami avec un type comme moi. Bah, le type comme moi, il l'emmerde, et voilà !
— Bon, allez, viens, petite étoile ! A plus, Melvin !
— A plus, Ezio ! A plus, petite étoile !
En se retournant, la petite étoile en question, franchement aussi moche que les étoiles que Killian dessinait quand il avait cinq ans, me salue avec toute l'élégance dont elle est capable.
En me faisant un gros doigt d'honneur.
Charmante, n'est-ce pas ?
Il n'empêche que j'ai gagné cette manche, à en croire le regard noir qu'elle m'a lancé avant de se détourner. Je finis toujours par gagner, après tout.
Sauf à pierre-feuille-papier-ciseaux. C'est pour ça qu'à la rentrée t'as dû...
Bon, ça va ! Le fait que je me sois retrouvé en chaussettes rouges et jaunes à petits pois et déguisé en soubrette pour pousser la chansonnette ne veut absolument rien dire ! J'ai laissé Gary gagner !
Mais elle, je ne compte pas la laisser remporter cette victoire. Jamais. Plutôt mourir !
— Je te l'avais bien dit, non ? Quels charmants jeunes gens !
Je me retourne vers Marie-Louise, qui me regarde, un grand sourire aux lèvres. Elle semble ravie de notre rencontre. Mais, entre nous, ce n'est certainement pas l'adjectif que j'aurais choisi pour qualifier ces... monstres ! Oui, on peut le dire. Ce sont des monstres. Je suis tombé dans un camping de monstres. Voilà pourquoi elle les apprécie tant. Elle est comme eux !
Dans quel pétrin me suis-je encore fourré ?
— Oui, on peut dire ça...
— Je suis tellement heureuse que tu t'entendes bien avec eux ! Et puis ne t'inquiète pas pour Estelle, je suis sûr que vous finirez par vous entendre !
Alors elle s'appelle Estelle ? Bon à savoir...
Et alors que je m'y attendais le moins, elle me prend dans ses bras et vient m'étreindre. Comme je suis plutôt grand, Marie-Louise s'écrase contre mon torse et presse mon dos contre elle.
Je me sens comme un citron, là.
Heureusement, j'échappe bien vite à sa prise. En guise de salut, elle me tapote la joue, avant de s'éloigner, interpellée par un client. Je me pince les lèvres, à moitié agacé, à moitié amusé. Je suis entouré de tarés.
— Les tarés attirent les tarés.
Quoi ? Quelqu'un vient vraiment de me répondre, là, hein ? Je ne m'y attends pas, alors... Je fais ce que tout le monde d'humain ferait.
Je pousse un petit cri très guerrier — si, si, c'est vrai ! — et me retourne brusquement. Je baisse les yeux pour tomber nez à nez avec mon petit monstre préféré. Killian me lance un de ses petits sourires narquois dont il a le secret et qui, franchement, me donnerait envie de le tuer.
C'est illégal de tuer des gens, c'est pour ça qu'il est toujours vivant. C'est illégal de tuer des gens, c'est pour ça qu'il est toujours vivant. C'est illégal de...
— Alors, chef ? Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ?
— On rentre.
— Quoi ? Mais tu te fous de ma gueule ? Tu m'as presque tiré par les cheveux pour sortir !
— Tu veux un micro, crétin ?
Si seulement mes parents l'avaient emmené au Portugal, j'aurais pu avoir la paix et éviter que des gens se retournent sur nos prises de bec. Je serais tranquille. La belle vie, quoi. Au lieu de me prélasser sur ma terrasse, je suis obligé de me coltiner ce mangeur de crottes de nez.
On pourrait même en faire un film, tiens. Ou un jeu vidéo.
Melvin passion vacances ratées.
Je suis sûr que ça ferait un carton. Même si pour l'instant, ce sont mes vacances qui sont en carton...
Je sais pourtant que ma décision est un peu contradictoire ; après tout, c'est moi qui l'ai forcé à venir avec moi ; mais voir cette folle m'a tellement agacé que j'ai envie de rentrer. Je suis un homme plein de paradoxes.
— Tu m'as fait chier pour bouger et tu ne veux rien faire maintenant ? C'est à cause de l'autre dingue ?
— Estelle.
— Quoi ?
— Elle s'appelle Estelle.
— Mais on s'en fout qu'elle s'appelle Estelle ou Gertrude, non ?
— Laisse-moi t'apprendre une bonne chose, mon petit frère adoré.
Avec tout le sérieux dont je peux faire preuve, je m'abaisse à son niveau et le regarde droit dans les yeux. Il faut que cette leçon rentre dans son petit crâne d'oeuf.
— Il faut toujours, toujours, tu m'entends ! Il faut toujours nommer l'ennemi. C'est important pour le combattre.
— Et alors ? Est-ce que ça change quelque chose ?
Mais il ne comprend rien à l'art de la guerre, ma parole ! Car oui, chers compatriotes, nous sommes en guerre.
Contre une petite étoile bien chiante.
— Mon fils, dis-je en prenant une voix grave, c'est important.
— Je ne suis pas ton fils.
— Ne gâche pas ma tirade !
— Ta quoi ? T'es bizarre avec tes mots compliqués...
— Fais pas chier et écoute. Je disais donc... Mon fils... C'est important, de connaître le nom de ses ennemis. Comme ça, paf !
— Le chien ?
— Mais non ! On pourra la surprendre. Elle ne connaît pas comment nous nous appelons, ça nous donne un avantage certain ! Comme Ulysse qui dit à Polyphème qu'il s'appelle Personne ! Tu comprends, Killian ? Connaître l'ennemi, c'est la base pour gagner une guerre.
— On va lui crever un oeil ?
Il a tout compris. Loué soit ce petit.
— Euh... Peut-être pas.
— Alors on va lui planter un pieu brûlant dans le coeur ?
— Non plus...
— Et si on lui plantait une flèche dans le genou ?
— Non, ça c'est dans Skyrim. Et tu sais ce que ça veut dire ? Qu'on va se marier ! Tu veux vraiment que cette folle soit ta belle soeur ?
— C'est pas possible de toute façon...
— De quoi ?
— Que j'ai une belle soeur...
— Pourquoi ?
Je sens la couille venir. Grosse comme une maison.
— Bah elle sera forcément moche, je vois pas pourquoi un mannequin se mettrait avec toi...
Bingo.
— Aïe ! T'es taré !
— Tu l'as pas volée celle-là ! dis-je en rangeant ma main qui venait de lui claquer l'arrière du crâne.
— T'es vraiment un horrible grand frère, tu le sais, ça ?
— Ouais, ouais. Bon, tu viens, ou il faut que je te traîne aussi pour que tu rentres ?
— Tu sais que t'es faible ?
Qu'est-ce qu'il vient de dire, monsieur crottes de nez ? Je me retourne, prêt à le boxer comme un kangourou à qui on aurait piqué sa feuille d'eucalyptus.
— Tu vas vraiment laisser cette cinglée te pourrir tes vacances ?
— Quoi ? Mais pas du tout ! Mais... Je... Elle... Qu'est-ce qui te fait dire une connerie pareille ? Je... Je ne perds pas contre elle ! Elle... Tu... Que... Mais t'es... T'es con, vraiment ! Penser que je puisse... Moi ? Comment peux-tu penser... ? Ah !
— Je n'ai jamais parlé de perdre, mais puisque c'est toi qui en parles...
— Ouais. T'as raison ! Je ne laisserai ni un sale gamin ni une folle ruiner mes vacances !
— Un... Quoi ? Eh mais... !
Sans attendre, j'attrape Killian par le bras et je me dirige vers le mobil home. Vous voulez jouer ? Très bien, on va jouer !
Et vous ne perdez rien pour attendre !
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