Noyé dans un flot d’autres étudiants, un jeune homme passa les grilles de l’Université. Huit ans auparavant, il y était entré. À présent, il faisait le chemin inverse pour conclure une partie de sa vie, la plus importante de son point de vue. Un dernier regard en arrière, vers l’allée principale, vers l’obélisque en son centre, vers le passé et ses regrets… Son meilleur ami sauta soudain vers lui.

— On y est arrivés ! s'écria Fenix, en passant son bras autour de la nuque de Maewon.

Le semi-elfe se sentit rassuré par ce geste familier. Ses parents, qui marchaient à quelques pas devant, s'arrêtèrent pour l'attendre.

— Maewon, tes amis veulent-ils se joindre à nous pour le repas ? demanda son père avec sa diction trop distinguée.

— Oui, merci ! répondit Fenix, très spontané.

Près de lui, quatre autres jeunes humains, accompagnés de leurs propres parents, se tortillèrent d'embarras. Avec plus de tact que son époux, madame Innsprucke précisa que les parents étaient bien entendu invités avec les amis de son fils.

— Ce serait un honneur pour nous de fêter ce grand jour avec vous, ajouta-t-elle.

Il fut impossible de refuser une invitation présentée ainsi. Sous les rayons estivaux des deux soleils, une petite file de véhicules se mit en route vers la même destination. Parmi eux, une seule limousine. Sur la banquette arrière, assis entre ses parents, Maewon serra le rouleau de parchemin obtenu après tant d'efforts.

Dans un établissement renommé pour son ambiance compétitive, il avait passé son adolescence avec des élèves surdoués… et fréquenté plus intimement deux d'entre eux – surtout le dernier, tellement brillant qu'il en éclipsait les étoiles ! Entouré d'astres, accablé de travail et de soucis, aveugle à toutes choses hormis le but ultime, il avait enfin obtenu son diplôme tant convoité. Si vain. Hors de son école, ce monde était devenu étranger.

Quelques semaines plus tard, il refusa les postes remarquables de haute direction que lui proposaient plusieurs entreprises de pointe. En regardant les dernières feuilles rousses tomber dans le jardin de ses parents, Maewon prit une décision : partir pour mieux se retrouver.

Pendant cette année sabbatique, alternativement à pieds, en train ou en bateau suivant l’environnement, le jeune homme privilégia la ligne droite, ou presque, pour son voyage tout autour du globe. Conscient des recommandations du gouvernement centralien, il évita de traverser la Terra Monstrum. Cependant, il ne prit aucune précaution particulière en passant dans les régions à proximité, qui étaient aussi classées à risque. Pour se sortir des situations hasardeuses dans lesquelles son innocence le précipitait, il dut mettre en pratique toutes ses compétences en magie et le peu de connaissance en combat dont il était doté. Face aux monstres dérangés dans leurs repaires, le voyageur put, par chance, se défendre assez longtemps pour prendre la poudre d'escampette.

Son pèlerinage accompli, Maewon rentra avec la conviction de pouvoir améliorer la société, afin de préserver l'équilibre de son monde magnifique, redécouvert pendant son périple. Un vaste programme qui lui redonnait enfin un objectif dans la vie.