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3 - Trente-cinq ans avant les funérailles

Vêtue de haillons, les pieds en sang, une toute jeune fille s’écroula dans un champ de fleurs dont elle ignorait le nom. Elle avait parcouru une si longue distance ! Pourtant elle n’était pas certaine que l’éloignement suffirait. Sa tête lui hurlait de continuer. Son corps exténué refusa d’obéir. Les deux se mirent d’accord : la mort n’était peut-être pas une mauvaise solution. Il n'y avait pas de fuite plus parfaite qu'en abandonnant la vie. Ses yeux mi-clos firent le point sur une fragile fleur devant elle ; des pétales aussi dorés que ses propres cheveux… Voir la beauté avant de s’éteindre, quel bonheur ! Sur un faible sourire, l’adolescente expira. Ses paupières recouvrirent des iris d'un vert délavé par les larmes.

Lorsqu’elle revint à la vie, sa douleur avait disparu. Seule persistait une légère fatigue. Allongée dans un petit lit confortable, sa tête installée sur un oreiller moelleux, la malheureuse crut à un miracle ou une hallucination. Au lieu de ses pauvres guenilles, elle était à présent habillée d'une douce robe de nuit, bleu foncé, ornée d'un col claudine. Elle le tâta du bout des doigts. Incrustée autour des poignets des manches longues : de la fine dentelle blanche que la jeune fille put admirer en levant les mains devant elle.

Elle resta immobile un instant, à profiter de la belle illusion. Une chambre modeste et propre ; du mobilier tout simple, solide et fonctionnel ; une fenêtre à la vitre parfaitement nettoyée, qui laissait passer la lumière d'une belle journée de printemps… Ah, non. Cette portion du continent ne connaissait pas les mi-saisons... Un grondement s’éleva de l’estomac de la jeune fille. Elle avait faim, elle ne se trouvait peut-être pas dans un rêve ! Elle entendit des bruits assourdis à travers la porte fermée, visible au bout de la pièce. Des voix.

Avec hésitation, elle se leva. Sur la pointe de ses pieds nus, elle avança sans bruit afin de poser son oreille contre le bois. La porte s'ouvrit tandis qu'elle était penchée à tenter d’écouter la conversation d'autrui. Malgré la bassesse de son extraction sociale, la jeune fille possédait assez d’éducation et de moralité pour rougir de sa propre attitude. Face à elle : une femme entre deux âges. De ses grandes mains, posées sur ses larges hanches, s'exhalait une odeur alléchante de pain frais et d'ail. La cuisinière poussa un soupir de soulagement, avant de sourire au petit être perdu.

— Bonjour, ma belle ! lança-t-elle d'une voix forte qui fit tressaillir la jeune fille. On venait justement vérifier si tu étais réveillée. Tu nous as fait une peur bleue ! Tu sembles remise, ça fait plaisir à voir. Le duc de Reden est vraiment un grand guérisseur ! Il s’inquiétait de ton état… Allez le rassurer.

Pendant une seconde, l’adolescente se demanda pour quelle raison cette femme l'avait vouvoyée après l'avoir tutoyée. Puis elle avisa l'autre personne, debout légèrement en retrait, à côté de la dame : un garçon aux beaux yeux dorés et aux cheveux noirs mi-longs, un peu plus jeune que la rescapée. Il avança vers elle. Il lui tendit la main. La jeune fille la serra et la secoua timidement deux fois, en vue des présentations. Il rit.

— C’était pour te conduire à Sa Grâce, expliqua-t-il d'une voix plus assurée que ne le présageait son jeune âge. Je suis Kertasníkir, tu peux m’appeler Kerry. Ravi de te rencontrer !

— Moi aussi, répondit-elle d'une toute petite voix. Je m'appelle Béfinn.

— C’est original ! Et très joli, intervint la femme avec un autre sourire accueillant. Bon, je vous laisse, les enfants. Retrouvez-moi à la cuisine après ça. Tu dois avoir faim, Béfinn. Tu as dormi presque deux jours !

Kertasníkir attrapa la main de l'invitée et l'entraina. Le duo descendit des escaliers en bois, d’autres de marbre. Ils longèrent des couloirs éclairés par de larges fenêtres. Ils traversèrent un hall somptueux décoré de bleu et d'or. Parfois, des riches vitraux illuminaient le chemin des deux adolescents. Pour de courts instants, ils baignaient alors dans des flaques colorées. Le garçon restait silencieux, mais tenir sa main rassurait Béfinn.

Ils arrivèrent face à une porte à la boiserie sculptée de feuilles diverses et de courbes entrelacées. Kerry frappa trois fois. Une voix grave répondit :

— Oui ?

— Votre Grâce, l'invitée est réveillée. Elle va entrer.

Le garçon avait lâché la main de Béfinn pour pousser la lourde porte. Elle sentit ses jambes flageoler. Kerry l’encouragea à avancer. Elle s’engagea dans la pièce. Il referma doucement.

Intimidée mais reconnaissante, la jeune fille se retint de sursauter ou de se tourner vers la sortie. Assis à un grand bureau, se trouvait un vieil homme aux cheveux plus sel que poivre, aux habits distingués et au visage bienveillant. La lumière en provenance de la fenêtre, située juste derrière lui, le nimbait d'une lueur irréelle. L’invitée exécuta une révérence maladroite devant le duc de Reden.

— Merci de m'avoir sauvée, votre Grâce. Je suis Béfinn Tordenvejr.

— Béfinn, quel âge as-tu ? demanda-t-il de but en blanc.

— Quarante-neuf ans, bégaya-t-elle.

— Pourquoi mens-tu ? fit-il d'une voix douce.

— Pa-Pardonnez-moi ! Je… J’ai quarante-deux ans, votre Grâce, rectifia-t-elle, tremblante, la tête baissée. Je suis presque majeure…

— Y-a-t-il une raison pour laquelle une adolescente, enceinte depuis un an, s’est écroulée à moitié morte sur mes terres, à je ne sais quelle distance de sa région et de sa famille ?

La question rhétorique rendit la jeune fille muette. Elle vacilla, ses yeux fixés sur le parquet en bois sombre ciré. Il lui renvoya une silhouette déformée et pathétique.

— Béfinn, si tu n'as rien fait de mal, tu dois me le dire. Et si tu as quelque chose à te reprocher, tu dois me le dire aussi.

Elle tomba à genoux et s’écria, les larmes aux yeux :

— Jamais ! Je n’ai jamais rien fait de mal ! Jamais !

Avec lenteur, le duc se leva. Il contourna son bureau pour s'approcher de la petite forme tremblante. À un mètre d’elle, il s’arrêta. Il s'accroupit pour lui parler :

— Quelqu’un te recherche ?

L’adolescente approuva doucement, d’un hochement silencieux.

— Tu ne veux pas que cette personne te retrouve ?

Elle secoua vivement la tête. Il affirma plus qu'il ne demanda :

— Ton ennemi est puissant.

— Oui, répondit la voix fluette dans un murmure.

— Ton vrai nom n’est pas Béfinn Tordenvejr.

— Non, votre Grâce, c’est…

— Je n’ai pas besoin de le savoir, Béfinn, coupa-t-il. Si tu veux bien répondre à la question suivante. J’ai senti des ascendances humaines dans ton corps quand je t'ai soignée… mais es-tu une fée, comme nous ?

— Oui.

— Comment as-tu perdu toute ta magie ? Pourquoi ne possèdes-tu plus tes ailes ?

La fugitive fut obligée de raconter toute son histoire au vieux fey. Le maître de ces terres semblait respectable, sage, et doté de grands pouvoirs ésotériques. Béfinn  espérait que la haute condition sociale de son protecteur suffirait à lui donner un peu de temps, pour mettre son bébé au monde. Puis elle s'échapperait avec son enfant. Partir, encore plus loin... mais jusqu’où ?

Entourée de gentillesse, la fée déchue fut perturbée dans ses projets de fuite. La magie de son sauveur ainsi que l’éloignement de son domaine dissimula la jeune fille aux recherches de son poursuivant. Peu à peu, la maisonnée du duc devint sa nouvelle famille. Seule, apeurée, en fuite pendant des mois, Béfinn avait espéré un miracle. Il s'était produit. Elle n'allait pas lui tourner le dos maintenant !

Un peu plus d’un an après son arrivée à Reden, Béfinn avait commencé une nouvelle vie merveilleuse. Rester avait été une de ses meilleures décisions ! En souriant, la jeune fille caressa son ventre. Il s’était bien arrondi lors du dernier trimestre de grossesse. Avec le titre d'assistante aux cuisines, Béfinn suivait les ordres de Hilda Morgonstjärna, la femme dynamique rencontrée juste après son réveil au manoir.

Hilda était responsable des offices ducaux. Mariée au majordome, elle était également la mère de Kerry, le camarade préféré de Béfinn. Depuis le mois précédent, la cuisinière avait interdit à sa protégée les travaux trop pénibles. La jeune fille était auparavant chargée de la plonge, du récurage des fourneaux et de la corvée d’épluchage. À présent, sa tâche principale consistait à rédiger les listes de courses. De temps à autre, elle avait négocié de pouvoir couper quelques légumes pour la soupe. Hilda l’avait alors installée dans l’antichambre confortable située entre les cuisines et la salle à manger des domestiques. Sur un banc, d’innombrables coussins moelleux attendaient Béfinn.

Depuis une dizaine de jours, elle ne travaillait plus. Pourtant, l’adolescente se sentait vigoureuse ! Elle aurait pu continuer à arpenter les cuisines, en portant des marmites en fonte remplies de victuailles… s’il n'y avait pas eu le fait qu'elle ressemblait à un pachyderme, dont la vitesse de pointe dépassait à peine celle d'un escargot asthmatique. Cette énergie et ce ventre énorme avaient la même origine. Ils constituaient également un indicateur précieux sur le taux de magie de sa progéniture.

Même privée de ses pouvoirs, Béfinn sentait les flux thaumaturgiques, provenant de la nature, parcourir son corps tout entier. Ils tourbillonnaient autour de son nombril, puis se concentraient dans l’enfant.

Le duc maîtrisait la magie médicale à son plus haut niveau possible. Il avait pu confirmer à la future mère le sexe du bébé. Il prédit également à Béfinn que sa fille serait dotée d'une puissance extraordinaire. Cependant, pour déterminer son niveau exact, il faudrait attendre quelques années après la naissance.

Partagée entre fierté et crainte, Béfinn attendait la délivrance avec anxiété et sérénité. Cet étrange mélange d’émotions la plongeait dans de courtes périodes de transe où elle perdait la notion du temps, avant d'en sortir comme au matin après un doux rêve. Dans ces conditions, impossible d’exécuter correctement les tâches ménagères ! Elle restait de longs moments à la fenêtre de sa chambre, perdue dans des pensées brumeuses. À intervalles régulières, Hilda venait lui apporter des gâteaux à peine sortis du four. Elle l’invitait également à prendre l’air dans les jardins. Obéissante, Béfinn se retrouvait souvent dans les allées parfumées, assise les yeux dans le vague.

Pendant l'une de ces occasions, elle sentit des contractions plus fortes que d’habitude. La jeune fille s’arracha aux souvenirs qui la hantaient. Une main sous son ventre, en haletant, elle revint à petits pas vers le manoir.

Quelques heures après la naissance de sa fille, Béfinn reçut Hilda à son chevet. Le duc s’y rendit en même temps que sa cuisinière en chef. La jeune mère fut surprise, gênée, et enchantée de cette marque de considération de la part de son protecteur. Avec un sourire attendri vers le bébé dans les bras de Hilda, le vieil homme demanda :

— Quel est le prénom de cette belle enfant ?

— Domhilda, Votre Grâce. Pour remercier les deux personnes qui nous ont sauvées.

Hilda sentit des larmes monter aux coins de ses yeux. Le duc éclata de rire. Les deux connaissaient le netun, un dialecte parlé par les farfadets, race cousine des fées. Ce jeu de mots que Béfinn avait concocté avec le titre de noblesse « duc » signifiait tout en même temps « sous la protection de Hilda ».

Sous le patronage d’un haut aristocrate et d’une grande dame des cuisines, Domhilda ouvrit de jolis yeux clairs, dont la couleur n’était pas encore déterminable. La petite fée essaya vainement de faire le point sur ce nouveau monde. Elle referma les paupières, bailla, et se rendormit bien vite.

Le duc ne s’était pas trompé : doté de grands pouvoirs, ce bébé découvrirait bientôt son destin exceptionnel.


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