Chapitre XXXVII : Tristesse et douleur infinies
En me rendant au gymnase aujourd'hui, je suis plutôt de bonne humeur. J'ai passé ma soirée à me faire un sang d'encre inimitable pour ma tendre Amaryllis mais finalement, je me suis dit que j'allais la retrouver le lendemain, donc aujourd'hui.
Bizarrement, elle n'est pas à l'endroit habituel, dans la cour, où on s'attend tous les jours. Je hume l'air. Elle est déjà arrivée. Je la piste en inspirant l'air de temps en temps et je la trouve assise à une table en train de faire ses devoirs.
-Amaryllis ! Tu es là !
Elle relève la tête et me fait un signe de tête en souriant avant de se replonger dans son travail. Je m'approche d'elle et pose ma main sur son épaule.
-Pourquoi tu m'ignores presque ? demandais-je, ne comprenant pas.
-J'en sais rien, me répond-elle. Même si on est dans la même classe, c'est surprenant que tu veuilles me parler d'un seul coup, ainsi.
J'ai l'impression qu'on vient de me planter un couteau, un poignard, une hache, un sabre en plein cœur ! Une douleur indescriptible me traverse la poitrine.
-Mais, Amaryllis...C'est moi, Alexis ! Alexis Primus ! Ça ne te dit rien ?
-Si, tu es dans la même classe que moi.
Je déglutis. Je sens les larmes me monter aux yeux. J'articule avec difficulté :
-Rien...Pardon de t'avoir dérangée. Si jamais tu as un problème, je suis là. Même si je ne suis probablement pas la première personne à qui tu t'adresserais. Bon travail.
-Merci, ça me fait plaisir ! me dit Amaryllis avec un petit sourire. À tout à l'heure en classe !
-Oui...
J'allais partir quand Amaryllis me lance de là où elle est assise :
-Dis...Ça te dérange si je me mets à côté de toi pendant les cours ? Mes amis sont tous déjà en duos alors...Voilà...
Je me retourne et lui adresse mon plus beau sourire malgré mon âme décomposée à l'intérieur de mon enveloppe corporelle.
-Avec plaisir !
Elle me sourit. Ce sourire si beau, tellement magnifique que j'ai envie de me dire qu'il n'appartient qu'à moi...Tout comme sa propriétaire. Mais visiblement, ce n'est pas le cas...
Lors de tous les cours, Amaryllis reste avec moi. C'est comme si nous repartions sur de nouvelles bases. Elle me considère comme un simple camarade de classe, gentil et attentionné envers elle, et elle suit les cours sans jamais me regarder.
À la pause de midi, je fais venir dans une classe vide James. J'aurais voulu le rassembler avec Gary en même temps, histoire de faire d'une pierre deux coups, mais il est introuvable depuis hier soir et je sais que mes deux oncles ont dû partir à sa recherche. Quand James arrive dans la salle, il ferme la porte pour que personne ne nous entende, grâce aux murs et aux portes relativement bien insonorisés. Je le vois qui veut me taquiner mais il se ravise quand il voit mon air triste à en mourir.
-Alexis...Ça va ?
-Non...Ça ne va pas. Pas bien du tout. Vraiment pas bien du tout !
-Que...Qu'est-ce qui se passe ? me demande alors cet ami, le seul au courant de toutes les affaires de lycanthropes dans notre goupe sans compter ma petite amie.
-Tu n'as pas remarqué un comportement étrange chez Amaryllis, ce matin ? demandais-je avec un air dépité, les mains sur le front et le regard baissé, ne regardant pas mon interlocuteur.
James lève un sourcil interrogateur. Apparemment, non, il ne l'a pas spécialement observée.
-Je crois que...Amaryllis a perdu la mémoire...
-Quoi ?
Le cri de stupeur que James vient de pousser ressemblait presque à un aboiement tant il a été pris au dépourvu.
-Tu...Tu rigoles ?
Je lève des yeux en colère vers James, bien que cette dernière ne soit pas dirigée contre lui mais contre pratiquement la Terre entière.
-Tu crois vraiment que je rigolerais avec un tel sujet ?
-C'est vrai...Pardon. C'était une simple expression. Comment ?
James me parle doucement, avec prudence, comme s'il tâtait le terrain pour ne pas attiser ma colère avec encore plus de comburant.
-Je l'ignore...Je n'en sais rien et c'est ça qui me fait peur ! En arrivant ce matin, je me suis senti...Totalement brisé, compressé, écrasé, littéralement atomisé par ce qu'elle m'a dit...
James me demande alors de lui raconter cet épisode si je le veux bien, ce que je fais. J'ai besoin d'un avis concret de quelqu'un de confiance et qui connaît des choses à propos du monde des loups-garous. Plus que moi au vu de son ancienneté. Je ne connais pas encore tous les mœurs, les bonnes manières, les astuces et les petits trucs de la vie de lycanthrope. Je dois les apprendre seul, la plupart du temps. À la fin de mon monologue entrecoupé de temps à autre par lui qui faisait à chaque fois un bruit d'onomatopée, James me dit avec un air calme et serein, plein de bon sens :
-Je pense aussi qu'elle a perdu une partie de sa mémoire. Une partie te concernant toi. Bizarrement, elle n'a pas changé de comportement avec tout le monde, avec nous elle reste inchangée alors que pour toi, ce n'est pas pareil...C'est tellement étrange...
-Oui.
On discute encore un moment. Ça nous paraît bizarre. Vraiment bizarre. Pourquoi une telle situation ? Amaryllis ne jouerait pas la comédie là-dessus. Je suis prétentieux mais elle tient trop à moi pour me faire du mal. Autant de mal.
Le fait qu'elle ne se souvienne pas de moi ni de ma famille me fait mal. Tellement mal. J'en ai la poitrine serrée, j'étouffe de plus en plus en sachant qu'elle ignore tout ce que nous avons vécu ensemble, que ce soit avant ou après la révélation de ma seconde nature.
James allait reprendre la parole quand mon vibreur de natel me fait revenir à la réalité. Je regarde l'écran.
Mon père.
Je réponds alors en m'excusant du regard auprès de James :
-Oui ?
-Alexis, Valentino et Eric ont retrouvé Gary.
-Alors ? Il va bien ?
Un silence s'ensuit. Je déglutis. C'est plutôt inquiétant...
-Il a tout oublié. C'est comme s'il ne nous connaissait pas. Il n'a jamais entendu parler de nous, ni du nom des Primus.
Je reste bouche bée. Je n'arrive même pas à parler.
-Et il n'a que deux mots à la bouche...
-Les...Lesquels ? demandais-je avec de l'appréhension indissimulable dans la voix.
Mon père laisse encore un silence, théâral et solennel avant de dire avec un ton grave :
-À minuit. Il ne cesse de répéter ces mots. Il a l'air complètement perdu, presque traumatisé, comme si la folie s'était emparé de tout son être. Tu vas devoir te débrouiller quelques temps sans doublure.
-Pour le moment, c'est le dernier de mes soucis, de ne plus avoir de doublure temporairement...dis-je avec un ton soudainement déprimé que je ne cherche même pas à dissimuler.
-Comment ça ? dit mon père alors avec un ton qui sonne à mes oreilles très réactif.
-Tu vois ce qui arrive à Gary ? demandais-je à mon père, comme une sorte de question rhétorique.
-Oui ? me dit-il inquiet. Ne me dis pas que...
-Si. Amaryllis est pareille que Gary. Elle a tout oublié de nous, de la famille...Et de moi...
Je sens les larmes me monter aux yeux. Pas question que je pleure devant James avec mon père au téléphone ! Je respire un grand coup et donne les derniers détails :
-Elle n'a rien oublié de James, Heiling et les autres mais elle a tout oublié de moi, les Primus et même le fait qu'elle est ma petite amie...
-Je vois...dit mon père avec un ton compatissant.
Après un silence m'indiquant un moment de réflexion, il me dit :
-On va tester si Gary se souvient de ses proches autres que nous. Je te redirai.
-Oui...
-Au revoir.
-Au revoir...terminais-je en coupant l'appel.
James me regarde et ne sait pas quoi dire. Il balaie du regard la salle de classe vide puis revient sur moi avant de me dire :
-Je vais essayer de t'aider du mieux que je peux. Une des priorités, c'est de faire en sorte que les autres croient que vous êtes toujours ensemble. Enfin, vous l'êtes mais...Bref, tu as compris !
Je souris devant son embarras et sa difficulté à expliquer cette délicate situation.
-Merci, James, je dis simplement.
-Mais de rien ! me dit-il avec un sourire qui laisse apparaître ses crocs de sa forme semi-lupine. Tu es mon alpha, enfin, tu seras, mais tu es aussi un de mes meilleurs amis !
-Merci, répétais-je.
-Et maintenant ? me demande James après quelques secondes d'un silence pesant.
-Quoi donc ? demandais-je en retour.
-Et bien...Qu'est-ce que tu penses de tout ça ? Ta doublure et Amaryllis en même temps ? Trop suspect, non ?
-En effet...soufflais-je avec un air à la fois excédé et déprimé. Je suis presque sûr que les Minuit ont un rapport là-dedans...À moins que Gary ait vu quelque chose à minuit, ou que ça lui soit arrivé à minuit mais ça m'étonnerait...
-Je pense la même chose, me dit James en mettant ses pouces dans les poches de son pantalon. Mais pourquoi les Minuit auraient-ils fait ça ? Ça ne leur apporte rien, si Amaryllis continue sa vie ainsi. Il aurait été plus profitable pour eux à mon avis de l'enlever puis vous demander une rançon ou quelque chose d'autre en échange de sa vie sauve. Tu ne penses pas ?
Je souris avec complicité à James.
-Espèce de psychopathe ! dis-je avec amusement. Ne deviens pas kidnappeur, ce serait dangereux !
James rit et continue de m'interroger du regard.
-Disons que je pense que c'est un scénario classique...
-Comment ça ? me demande James.
-S'ils avaient fait ça, qu'est-ce qu'ils auraient demandé ? Surtout qu'Amaryllis est assez maligne pour leur fausser compagnie, ou du moins tenter, suivant ce qu'ils font. Là, comment tu me vois ?
James lève un sourcil interrogateur.
-Réponds-moi, joue le jeu ! dis-je en riant nerveusement.
-Tu es...Déprimé, triste, désespéré et un poil en colère, dit-il avec un ton hésitant.
-Oui, confirmais-je. L'affaiblissement psychologique.
Le visage de James s'éclaire.
-Ils veulent t'affaiblir psychologiquement en utilisant Amaryllis !
-C'est du moins ce que j'imagine...soupirais-je. Tous les clans à qui elle a été présentée lors de la cérémonie savent que je l'aime beaucoup. Et qu'elle aussi. Sinon, elle ne serait pas restée avec moi à m'aimer après avoir découvert ma seconde nature.
-C'est vrai...conçoit James en croisant les bras, en levant les yeux vers le plafond pour réfléchir.
Je prends une profonde inspiration et laisse mon souffle sortir par mes narines, l'air excédé. Je le suis. Je suis excédé par cette situation, alors qu'elle date de ce matin à peine. Je lève les yeux vers James.
-Es-tu d'accord de m'aider pour reconquérir la mémoire d'Amaryllis ?
Il me sourit d'une façon carnassière, tel un loup-garou digne de ce nom.
-Je ne suis...Qu'un petit alpha sous l'autorité des Primus, me sourit-il.
Je lui jette un regard amusé, l'air de lui dire de ne pas jouer avec moi. Il imite alors un salut militaire, avec la main droite et tendue sur le front en disant :
-Oui, chef ! À votre service !
Je ris. Puis il sourit gentiment et redevient sérieux. Il me fait alors le salut qu'on adresse spécialement et uniquement aux Primus et me dit :
-Bien sûr, que je t'aiderai ! Amaryllis est aussi mon amie et je tiens à ce que vous couliez des jours heureux ! Je sais à quel point vous vous aimez. Et je veux pouvoir être soumis à un couple d'alpha bon et qui s'aime !
Je souris.
-Merci de ta fidélité, dis-je sincèrement.
Puis, avec un petit rire, je lui dis avec une pointe de sadisme :
-Mais tu vois les choses un peu loin !
-Je suis prévenant, c'est très différent ! me dit-il avec un clin d'œil.
Je lève la tête vers les nuages que je vois à travers la vitre transparentes. Je murmure alors entre mes crocs, menaçant :
-Prends garde, meute des Minuit ! S'il s'avère que c'est bien vous les coupables de cette affaire, vous allez me payer de vous en être pris à ma tendre Amaryllis !
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