Chapitre XXXIX : Découverte accidentelle
Pour la première fois depuis longtemps, j'ai pleuré.
J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps.
Des larmes chaudes et salées...Des larmes qui dégoulinaient sur mes joues et qui gouttaient le long de mon nez.
La perte indirecte d'Amaryllis me fait plus que souffrir, c'est me torturer vivant que de m'infliger un tel châtiment...Qu'ai-je donc fait pour mériter ça ?
En ce moment, j'avais juste envie de revenir à ma petite vie peinarde et ennuyeuse d'avant ma première transformation...Pour la simple et bonne raison que je n'aurais pas perdu Amaryllis. Du moins, pas de cette manière...
Aujourd'hui, avant de me rendre au gymnase, je vais voir Gary. Il est au sous-sol chez mon grand-père. À croire que les éléments perturbateurs pour les Primus sont tous enfermés, voire séquestrés, là-bas en bas...
Le pauvre...Il a l'air triste, vraiment triste, peiné et apeuré. Je ne peux rien faire pour lui. Il a les pieds attachés ensemble mais c'est tout. Simple sécurité, à mon humble avis. Il a l'air tellement innoffensif. Il est recroquevillé sur lui-même, en boule dans le coin de la pièce, les bras couvrant son visage et bredouillant alors d'une voix emplie de terreur :
-Non...Non...À minuit...À minuit...Non...
Je soupire. Je ne peux rien faire pour lui, ni pour Amaryllis et ça me désole. Vraiment. Pire, ça me déprime ! J'essaie de l'approcher mais l'odeur de sa peur remplit alors encore plus la pièce. Je soupire d'impuissance en constatant qu'il a l'air atteint de folie au sens pathologique du terme. Je quitte la pièce sombre, tout en respirant l'air frais de l'extérieur n'ayant pas cette odeur pestilentielle de peur.
Je vais au gymnase avec un air abattu. Je vais retrouver Amaryllis qui, à mon avis, me considère comme un simple ami. Je pourrais me dire qu'il me suffit de la reconquérir, et mon désir de la posséder n'est que plus grand à cause de sa perte...Mais je ne peux pas.
Je ne suis pas Amaryllis, je ne vois pas la vie positivement comparé à elle. Je suis un gros pessimiste. Je ne sais pas ce qu'elle fait avec moi, d'ailleurs...J'envahis son esprit pur avec mes pensées néfastes et négatives, comme des miasmes s'infiltrant dans un corps encore sain de la tête aux pieds.
Cette fois, elle m'attend pile devant la classe avec un livre à la main. Je ne sais pas pourquoi mais je suis assez content. De toute façon, par rapport à hier, je peux difficilement être plus déprimé et dévasté...Mon humeur massacrante est aussitôt atténuée par le doux sourire qu'Amaryllis m'adresse quand j'apparais à elle. Elle me dit, en guise de salutation :
-Tu arrives aussi tôt que hier, Alexis.
-Et bien...je bredouille un peu. Disons que c'est une habitude que j'ai prise...
-Je vois. Pour une raison spéciale ?
J'ai l'impression qu'elle s'amuse un peu à me cuisiner, à feu doux pour conserver les meilleures saveurs. Ça me déroute un peu. Pourtant, je suis habitué au fait que ma petite amie me taquine sans arrêt. Peut-être que le contexte me trouble plus qu'autre chose, je ne sais pas.
-Tu ne vas pas me croire si je t'explique pourquoi, lui dis-je en mauvais joueur.
-Allez, dis-moi ! me sourit-elle.
Je ne peux quand même pas résister à son petit sourire si mignon et si innocent ! Surtout pas au sien !
-C'est pour toi que je viens toujours tôt. Depuis le début de l'année.
Amaryllis rit alors de son caractéristique rire cristallin et innocent, limite féérique, que j'aime tant. Je ne peux tout simplement pas lui résister. Dans tous les sens du terme.
-C'est vrai ? C'est tellement gentil ! me dit-elle en riant avec une réelle joie.
-Sûrement, lui dis-je avec mon ton le plus sérieux possible. Je ne plaisante pas, c'est la stricte vérité. Libre à toi de me croire ou pas.
Elle me sourit et m'affirme avec un sourire angélique :
-Si, si, je te crois !
Je ne sais pas exactement si elle se fiche de moi ou si elle est touchée malgré tout mais je ne dis rien.
Nos éternels cours commencent. Mais je ne les suis pas vraiment. Mes notes vont bien ressentir cette inattention, elles sont en tête de liste pour cela mais je ne peux cesser de m'empêcher de penser au fait que Gary et Amaryllis ne soient plus en pleine possession de leurs capacités.
Et ça m'énerve !
Clairement, ça m'énerve !
Surtout pour Amaryllis. Ça m'atteint vraiment...
Si, comme je l'imagine, le but des Minuit était de me faire déprimer, ils ont déjà bien réussi. Hier, je n'ai pas eu le courage de faire mes exercices quotidiens, ce que je n'avais jamais, pas une fois, manqué de faire depuis trois mois. J'étais trop occupé à m'apitoyer sur mon sort, ma tristesse, la perte d'Amaryllis et surtout, à pleurer.
Je me déprime aussi moi-même, tout seul.
Je suis vraiment atteint par la perte indirecte d'une seule personne. Et je suis destiné à devenir alpha ? La bonne blague !
J'essaie alors de penser rationnellement et avec raison. Amaryllis est mon amour, il est normal que ce qui la touche m'affecte d'une quelconque manière que ça soit. Et je me dis aussi que si quelque chose arrivait à ma grand-mère, mon grand-père, tout alpha qu'il est, et honorable acec ça, en serait aussi affecté, ou en tout cas touché. Je soupire.
-Monsieur ?
-Oui, Alexis ?
-Je peux aller aux toilettes ?
-Oui, allez-y.
Amaryllis me regarde avec un drôle d'air puis continue ses exercices avec son habitude studieuse.
Quand j'arrive devant les lavabos, j'allume le robinet et laisse l'eau devenir froide. Je mets mes mains dessous pour recueillir un peu de ces molécules mouillées avant de me les passer sur le visage.
J'ai toujours le corps chaud, comme un séraphin, ces anges à six ailes représentant le feu ardent, mais en ce moment, je cuis presque. Jamais je ne me suis senti si chaud...Mon corps fume, je ne serais même pas étonné d'en voir s'échapper de la fumée. J'ai l'impression qu'on m'a mis dans un four, ou tout proche d'une fournaise infernale, quelque chose comme cinq centimètres.
Je me repasse de l'eau froide sur la figure une bonne demi-douzaine de fois avant de retourner en classe.
Mes manches sont un peu mouillées mais tant pis. Au moins, j'ai l'esprit plus clair, maintenant, je suis plus apte à réfléchir. Amaryllis me fixe à mon retour en classe. Je lui souris et vais m'asseoir comme avant à côté d'elle.
Je regarde sa prise de notes. Elle est complètement folle ? Avant que je m'en aille il y a cinq minutes elle avait écrit à peine une page et à présent, elle en a trois de plus ! Et recto verso ! Je m'assieds, scié. Elle m'impressionne, des fois, cette fille...
À la pause de midi, quand je sens le vibreur de mon natel et voit que c'est un appel de mon père, je me lève en faisant un signe de tête entendu avec James et m'excuse envers mes amis du fait de les quitter temporairement. Amaryllis me regarde me lever et m'éloigner rapidement, natel à la main, comme si elle comprenait ce qui se passait. Mais elle a probablement oublié jusqu'au nom de mon père donc elle ne peut guère se souvenir du fait que mon père m'appelle sans cesse et de tout le reste...Ça m'attriste beaucoup d'ailleurs mais je n'y peux rien et je ne peux rien y faire. C'est ainsi et c'est tout. Même si je suis triste jusqu'à en avoir envie de mourir...Mais sa seule présence me rattache à la vie. Tant qu'elle n'est pas morte littéralement, il reste au fond de mon cœur un espoir pour qu'elle me revienne, la mémoire intacte et ses habitudes inchangées...Je ne suis sûr de rien mais je ne peux pas m'empêcher d'espérer !
On ne peut pas vivre sans espérer.
Une fois isolé, je décroche.
-Oui, Papa ?
-Tu en as mis, du temps ! me dit-il avant même de me saluer avec un ton cherchant à la fois à me réprimander et à me faire rire. J'ai des nouvelles à te communiquer.
-Les...Lesquelles ? je bredouille, un peu hésitant quant à connaître ces données.
-Ce que tu avais dit nous a aidés à avancer. Gary se souvient de sa famille, même du fait qu'il est un loup-garou mais il a juste tout oublié ce qui concerne les Primus, de son rôle de doublure à sa fidélité pour notre meute.
Je déglutis.
-Je vois...murmurais-je. Comme Amaryllis. Si ce n'est qu'elle a aussi oublié qu'elle sortait avec moi...Si elle avait seulement oublié le sujet des Primus sous leur jour de loups-garous, elle se souviendrait au moins qu'elle est prise.
-Possible. Ce que Gary et Amaryllis ont subi est similaire mais je peut-être que ça n'a pas le même effet sur les humains que sur les loups-garous. Sauf si on leur a fait quelque chose de différent.
-Je sais...Mais ça m'énerve !
Je serre un poing, celui au bout de mon bras laissé le long de mon corps.
-Je sais que tu es plus que frustré, mon fils...dit mon père avec un ton compatissant. Mais tiens le coup ! On va trouver ce qu'ils ont subi !
-D'accord...soupirais-je avec regret.
-À tout à l'heure.
-Oui, je répondis avant de crocher et terminer l'appel.
-C'était qui ? me demande Amaryllis quand je reviens.
-Mon père, dis-je sobrement.
Elle ne rajoute rien de plus et je suis content. Je n'avais pas envie de lui mentir si elle me demandait de quoi nous avions parlé. Que lui aurais-je dit ? Qu'on parlait de loups-garous, d'une meute malfaisante et de leurs potentiels plans machiavéliques ? Ridicule, un humain ne me croirait pas...
Même si, à vrai dire, Amaryllis ne m'a jamais accusé de mentir sur ma seconde nature en la découvrant. Est-ce là une preuve de son incommensurable confiance ? Je l'espère.
Je sens toujours mon cœur me faire mal dans ma poitrine.
Juste avant les cours, je résume ce que m'a dit mon père à James pour le tenir au courant, et je lui fais aussi part de nos hypothèses. Il acquiesce lentement et me dit que si certaines théories lui viennent à l'esprit, il m'en fera part aussi.
J'ai quand même un peu de chance d'avoir un complice lupin de confiance avec moi ici, au gymnase, sinon je deviendrais quasiment fou...
Quand je termine mes cours, Amaryllis repart directement chez elle, comme hier...Je me sens seul, triste, abandonné...Mais je prends sur moi. Je décide de courir jusqu'à chez moi pour palier au manque d'exercice que j'ai cumulé depuis hier.
Lorsque j'arrive chez moi à peine après dix minutes de course alors que le trajet en bus doit durer le triple au moins, je transpire à peine. Ça va, je n'ai pas trop perdu de mes entraînements. Ce soir, j'en ai un avec mon père, comme chaque fois que je vais chez lui...
La joie des parents séparés...Cumulée avec de la lycanthropie d'un côté, bien sûr ! Sinon, ce ne serait pas drôle...
Quand j'arrive, je vois mon père assis à table, jambes croisées et mains jointes avec un air solennel et extrêmement sérieux. Je déglutis, ferme la porte derrière moi avec lenteur, pose mon sac avec hésitation et vais m'asseoir en face de mon paternel. Je croise mes doigts aussi. J'ai l'impression d'être à un réunion dans une banque pour discuter de la crise économique internationale, avec cette atmosphère lourde et autant de formalités.
-Alexis...On a eu un petit accident avec Gary...
J'ouvre des yeux ronds sous le choc.
-Comment ça ?
Mon père ferme ses paupières.
-On ne sait pas pourquoi, mais quand mon frère, Eric, lui a apporté son repas, comme depuis hier pour tout de même éviter qu'il ne meure, Gary a totalement perdu la tête. C'est comme s'il avait eu d'un coup un comportement bipolaire. Il a délaissé sa peur panique de nous et sa folie pour sauvagement attaquer ton oncle. Comme un loup au naturel suivant ses pulsions premières. Eric et lui se sont battus, frappés, transformés, griffés, mordus, jusqu'à ce que Valentino et moi entendions le raffût et allions les séparer.
Mon père déboutonne deux boutons de sa chemise blanche et retire le tissu de son torse.
-Ça n'a pas été facile, crois-moi...
Une longue trace de griffes descend de l'épaule jusqu'au ventre de mon père. La marque est encore un peu rouge rosé, signe qu'elle est déjà en train de cicatriser. Il n'a apparemment pas pris la peine de se faire un bandage, car cette blessure a l'air particulièrement superficielle pour un loup-garou. Mon père reboutonne sa chemise et me dit :
-Moi, ça va. Mais Eric est vraiment mal en point. Cependant, il se régénère lentement mais sûrement, et Valentino récupère petit à petit de ses quelques blessures un peu plus prodondes que les miennes. Gary, lui, n'a rien.
Je fronce imperceptiblement un sourcil.
-Je vois. Mais pourquoi me raconter tout cela ? Je sens qu'il y a quelque chose que tu veux me dire, non ?
Mon père lève alors ses yeux vers moi, le regard grave et assez sombre.
-Après cette confrontation, Gary a retrouvé la mémoire...
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