Je n'ai plus qu'une seule chose en tête !
Protéger Amaryllis !
L'incident de l'autre jour me trotte dans la tête sans arrêt, je ne peux pas m'empêcher de penser que ma chère et tendre petite amie a été attaquée, s'est faite agresser par un loup-garou.
Fichue nature ! Si je ne l'étais pas, je ne l'aurais pas mise ainsi en danger. Mais je n'aurais pas pu la protéger non plus...En ce moment, dans ma tête, tout est contradictoire.
Je ne peux pas cesser de m'en vouloir dans un coin de mon cerveau.
Pourquoi je n'étais pas avec elle ?
Pourquoi je ne l'ai pas accompagnée ?
Pendant que je riais comme un demeuré avec James et les autres, Amaryllis avait été confrontée à un horrible être sans aucun scrupule.
Je m'en veux. Je m'en veux atrocement.

Je reviens au moment présent. Je me suis immobilisé, j'ai cessé mes actions et j'ai du coup attiré l'attention d'une certaine personne...
-Alexis, ça va ? me demande Amaryllis, qui me fixe des ses prunelles noires.
-Oui, oui...Ça va...je réponds.
Je reprends alors mon exercice.
En fait, nous sommes dans la cave chez mes grands-parents, comme d'habitude quand on travaille sur les archives de notre meute.
Tout à l'heure, après avoir demandé la permission à mon grand-père, nous sommes allés dans la pièce secrète où se trouvait feu Edward Gargow. Elle est toujours équipée mais les grandes et éblouissantes lumières sont toujours éteintes et il n'y a plus rien au centre de cette chambre carrelée de blanc.
En ce moment, Amaryllis analyse les archives concernant les Minuit. Leur dossier est parmi les plus gros de tous et dans ces derniers, le plus épais par rapport à sa date de commencement. Il est récent mais vraiment gros...Moi, je suis par terre, sur un tapis en mousse et je fais quelques exercices de musculation. Je suis torse nu à travailler mes abdominaux et à faire des pompes sur mon tapis bleu.
Oui, normalement, on ne fait pas ça devant sa petite amie. Mais je veux devenir plus fort pour elle.

-Alexis, tu vas te tuer à la tâche ! Tu es en nage !
Je m'en fiche, de transpirer. Si c'est pour elle, je m'en fiche. Si ce n'est pas pour elle, cela me dérange, en effet. Mais là, non.
-Ça va, je peux encore aller plus loin...
-Alexis !
Le ton qu'a pris Amaryllis m'interpelle. Je m'arrête et la regarde.
-Oui ?
-Je...Je suis heureuse que tu fasses autant d'efforts pour moi mais je ne veux pas non plus que tu te fasses du mal pour moi...
Je vois son visage faiblement éclairé par la flamme tremblante de la bougie de la lanterne que nous a donnée mon grand-père. Elle a les yeux baissés et les lèvres serrées. Sans doute à cause de l'émotion. Et je sais à quel point il est parfois compliqué de dire ce qu'on ressent. Elle poursuit avec une petite voix :
-Et je voulais aussi te dire...Je suis désolée de te créer des ennuis. Je ne suis qu'une humaine, je ne suis pas aussi forte qu'une louve-garou...Je n'ai pas su me défendre. Tu as été obligé de voler à mon secours. Pardon de te créer des problèmes...Je suis un poids, un fardeau pour toi...
Je vois ses yeux briller. C'est probablement à peine si elle arrive à se retenir de pleurer. Je me lève et me place face à elle. Je suis bien plus grand vu que je suis debout et elle, assise, mais je prends ses mains dans les miennes avec douceur.
-Je ne t'ai jamais considérée comme un poids ni comme un fardeau. Tu es celle qui me permet d'avancer. Tu n'es pas une source de problèmes, de soucis ou d'ennuis mais d'agréabilité, de bonheur et de joie. Tu n'es pas une louve-garou, certes, et tu ne sais pas te battre, soit, mais je suis là ! Je suis là pour toi et je suis là pour te défendre et te protéger ! Tu m'apportes tellement que moi aussi, j'ai le droit de te donner quelque chose en retour !
Je m'agenouille devant sa chaise pour me retrouver plus ou moins à sa hauteur. Je lâche une de ses mains et pose la mienne sur sa cuisse. Elle a un frisson avant de poser sa paume froide sur le dos de ma main chaude. Elle me sourit timidement et me réplique :
-Mais ce n'est pas équivalent...
Je souris aussi, complice.
-Non, en effet. Tu me donnes beaucoup trop, si bien que je ne pourrai jamais tout te rendre !
-Banane ! me dit-elle en riant. Je ne disais pas ça dans ce sens ! Entre le petit bonheur que je t'apporte et la grande protection que tu me donnes, ce n'est pas pareil !
Je la serre dans mes bras.
Le moment m'a fait oublier que je suis tout poisseux et dégoulinant de sueur mais Amaryllis ne dit rien et me serre plus fort contre elle. Alors je ne dis rien et nous restons ainsi pendant deux, cinq, dix minutes comme ça sans rien nous dire, nos gestes et leur douceur suffisant à communiquer et nous comprendre.

Quand je quitte les bras d'Amaryllis, j'allais me rasseoir pour reprendre mes exercices mais elle me retient par la main.
-Fais une pause. S'il te plaît. Sinon, tu vas t'écrouler de fatigue...
Je vois bien qu'elle s'inquiète pour moi. Elle est très soucieuse vis-à-vis de moi. Je songe alors au fait que mon père a dit qu'il voulait encore me donner un entraînement ce soir et j'accepte alors sans broncher. Je m'assieds sur la chaise à côté d'Amaryllis.
On reprend alors à deux l'affaire des Minuit qui nous préoccupe de plus en plus...Le dossier ne mentionne que des rumeurs et des bruits qui courent, rien de bien certain. Malgré leur très mauvaise réputation, absolument rien n'indique qu'ils sont mêlés à de sombres affaires...Je suis pourtant sûr que les Primus ont déjà enquêté là-dessus, au moins une fois. C'est impossible qu'on ait si peu d'éléments sur eux alors qu'ils sont au centre de beaucoup de polémiques, de débats, e rumeurs, de discussions...Surtout avec la découverte des Primus d'Edward Gargow ! C'est comme si on avait volontairement omis des informations...
-Bon, le discours hors sujet de l'autre jour pendant le cours m'a fait réaliser une chose. À mon avis, il n'est pas possible, comme dans les mythes et légendes divers, de transformer un humain en loup-garou simplement en le mordant. Sinon, d'après ce que nous a dit ton grand-père, les Minuit qui sont des loups-garous n'auraient pas pris la peine d'injecter du sang lupin et de lycanthrope à feu Edward Gargow.
Une lumière s'allume dans ma tête ! Je sais où chercher, si ce n'est dans les archives où nous sommes actuellement avec Amaryllis. Grâce à son simple discours, je sais où me diriger ainsi que nos recherches.

Je me lève d'un coup, surprenant alors celle qui est assise à mes côtés. Je la fixe en disant :
-Je crois que, suite à ce que tu viens de déclarer et sur une illumination un peu farfelue de ma part et celle de mon esprit, toujours aussi bizarre, j'ai peut-être une idée quant au fait de trouver d'autres éléments sur les Minuit !
Amaryllis me sourit, contente de moi et sincère dans son expression.
-Je reviens !
Je m'apprête à m'en aller quand je sens une petite main s'agripper à mon poignet, pile sur l'os de mon articulation, qui est assez apparent.
-Alexis...
Je me retourne et Amaryllis pose alors ses deux mains sur le haut de mon torse, toujours nu. Quel idiot, je ne me suis pas rhabillé après mon arrêt d'efforts physiques...La froideur de ses doigts donne un petit frisson à ma peau nue et elle le remarque avant de me sourire.
-Tu devrais te mettre en maillot de bain plus souvent. Tu es beau, comme ça...
Je souris et pose mes mains sur celles de ma petite amie, si douce et si tendre. Finalement, je ne vais peut-être pas remettre de haut tant que nous serons dans cette cave...
-Je t'accompagne, me dit-elle alors doucement. J'aimerais savoir moi aussi.
Je souris.
-C'est normal. Viens !

Je l'emmène alors face à la porte dissimulée qui mène à la pièce qui ressemble à un laboratoire presque futuriste où se trouvait Edward Gargow. Nous savons que la pièce est vide en son centre mais il reste toujours les appareils électroniques sophistiqués tout autour et probablement, allant de pair avec, ce que je recherche et espère qu'il y a toujours.
Nous sommes devant l'ordinateur central et je commence à regarder dans les tiroirs des meubles divers ainsi que ceux sur les machines blanches aux boutons lumineux et clignotants de différentes couleurs. Amaryllis m'observe, ne sachant pas exactement ce que je cherche avec tant d'ardeur et ne pouvant pas m'aider concrètement vu que je ne lui dis rien.

Quand je pousse un petit cri de joie, elle se précipite vers moi. Je viens de fouiller mon douzième tiroir et je suis content d'avoir trouvé ce que je cherchais. J'avais tellement d'espoir dans cette idée que si je n'avais pas mis le grapin sur quelque chose, je me serais senti déprimé et inutile.
Amaryllis regarde alors ce que je tiens dans les mains. Elle lit à voix haute le titre :
-Rapport concernant Edward Gargow, loup-garou créé artificiellement et apparemment, à moitié réussi.
Amaryllis descend alors le regard et lit les lignes, écrites plus petites, se trouvant au-dessous :
-Humain d'origine changé en loup-garou de manière non-naturelle, avec diverses manipulations artificielles dans son corps. Hybride humain et loup, formant grossièrement un loup-garou. Seul spécimen officiellement connu des Primus.
-Ça fait un paquet d'informations en même temps...dis-je en regardant Amaryllis.
J'ai peur de ce qu'on peut découvrir en ouvrant ce dossier. Mais en même temps, j'ai les yeux qui pétillent d'excitation. Est-ce que mon côté lupin ne me donnerait-il pas plus d'adrénaline qu'il ne m'en faut au quotidien ? Je japperais de contentement si j'étais sous ma forme de loup...

Ma petite amie et moi retournons nous asseoir dans la pièce voisine, bien plus sombre, plus intime mais aussi, équipée de chaises, non sans avoir eu un commentaire de la part d'Amaryllis sur la luisance de ma peau nue sur tout mon torse sous la lumière blanche de la grande salle de type laboratoire...
Je commence à me sentir, non plus poisseux, mais carrément collant. Il faudra vraiment que j'aille prendre une bonne douche bien chaude, après...
Une fois nos postérieurs bien vissés sur nos sièges, on commence alors, avec appréhension et excitation mêlées, à lire le dossier concernant Edward Gargow.

On en apprend un peu plus sur la nature de la transformation des loups-garous. Comme nous l'avait dit mon grand-père quand il nous avait montré ce faux loup-garou, il faut posséder naturellement dans son corps des gènes de lycanthrope pour pouvoir effectuer sa première transformation puis pouvoir se métamorphoser simplement au quotidien, comme ma famille et moi, par exemple. Un seul gène suffit mais Edward Gargow, originellement un humain, n'en avait aucun...À supposer que les Minuit soient derrière cette sombre affaire, ils lui avaient injecté du sang de loup et de loup-garou directement dans les veines. Le résultat n'était pas celui escompté vu que les réactions du pauvre cobaye étaient devenues violentes, tout comme le spécimen, qui avait aussi perdu toute faculté de parole, se rapprochant beaucoup du loup sur ce point. Il pouvait rugir, ce que ma petite amie et moi avions entendu une fois avant de le voir, et son degré d'intelligence n'a jamais pu être mesuré avec précision au vu de son comportement violent et quasiment primitif, relié à un puissant instinct de survie. À part encore que certaines de ses capacités physiques étaient plus développées, comme sa résistance et sa rapidité par exemple, et avec quoi et en quelle quantité on le nourrissait chaque semaine, la première partie du dossier était finie. Tout ceci était écrit noir sur blanc dans ce rapport qui ressemble un peu à un journal de laboratoire d'un élève en première année de biologie.
Ensuite venait la partie moins sûre, celle des suppositions. Dans le dossier, on mentionne en grand que la suite n'est que pures hypothèses. Nous commençons donc notre lecture avec Amaryllis. Je reconnais les écritures de mon grand-père et mon père dans les rédactions faites suite aux analyses sur Edward Gargow. Ils supposent que les Minuit ont non seulement touché au sang de leur cobaye, mais encore probablement après la simple voie du sang, aux gènes et à l'ADN des cobayes humains en leur injectant ceux de loups ou de lycanthropes...Ils estiment que sur le territoire des Minuit, des centaines de tests et d'examens ont été réalisés sur des centaines voire des milliers de cobayes humains mais à part feu Edward Gargow, aucun autre loup-garou artificiel n'a jamais été connu des Primus.
Les suppositions du dossier, bien que très pertinantes et parfaitement plausibles, étaient fondées sur des doutes, des incertitudes et de pures spéculations. On n'avait rien de concret, à part un spécimen, mais avec un seul loup artificel, il est peu aisé de faire des moyennes...On n'a aucune preuve sûre et concrète contre les Minuit alors qu'on est presque certains qu'ils ne sont pas étrangers à tout cela, et c'est ce qui énerve mon grand-père. Comme moi. Je le comprends. Moi aussi, ça m'énerve.
Je vais vite faire des cheveux blancs avant de les perdre, moi, à force de m'énerver...Je vais mettre ceci sur le compte de l'activité corporelle de mon loup et son impulsivité.
En plus se pose une question absolument ultime...

Si on admet que la meute des Minuit crée bel et bien, ou du moins essaie de créer, des loups-garous artificiels, quel est leur but ?
Pourquoi créer des loups-garous artificiellement à partir d'humains ?