Chapitre XLIII : Regain d'amour
Je me sens toute chose...
Amaryllis m'a fait un câlin. Mais pas un câlin amical comme elle m'en offrait ces derniers temps...Une étreinte amoureuse...Et elle m'a embrassé.
Je me sens regagner le petit nuage que j'avais malencontreusement quitté quand je m'étais rendu compte de la perte de sa mémoire.
Serait-elle tombée amoureuse deux fois de la même personne ? Bon, ça ne devrait pas être trop dur ni très étonnant vu qu'on passe beaucoup de temps ensemble au gymnase...
Je finis par ressortir des toilettes du rez-de-chaussée, avec mon sac sur une épaule, encore tout étourdi par ce qui vient de se passer.
Dans mon esprit se rejouent sans cesse les dernières paroles d'Amaryllis. Alors comme ça, ma passion pour elle se voyait ? Aussi évidemnent que ça ?
Bon après tout, je n'ai jamais vraiment cherché à la masquer. J'étais bien trop occupé à tenter d'étouffer mes pulsions sauvages de loup-garou...Et puis, c'est Amaryllis. N'oublions pas que nous parlons de l'agent de renseignements de notre groupe observateur, avec Tina, celle qui recherche...Elle a perdu la mémoire, pas sa personnalité. Elle a certainement dû voir. En m'observant quand je ne la remarquais pas...
Je suis tellement habitué à sa présence à mes côtés qu'elle pourrait tenter de m'assassiner en toute quiétude, que je ne remarquerais ni son arme si elle en avait une, ni ses pulsions meurtrières ni les pulsations de son cœur à travers sa poitrine.
Mais restons dans le domaine de la métaphore, je ne tiens pas vraiment à ce qu'elle m'assassine...Surtout après m'avoir rendu un espoir immense et un bonheur intense et indescriptible.
Soudain, alors que ses paroles recommencent à réconner une énième fois dans mon cerveau, une idée horriblement arrogante et terrifiante me traverse soudainement l'esprit...
Et si...
Non, pas d'hypothèses futiles et ridiculement déconnectées de la réalité qui vont servir uniquement à me voiler la face ! Je préfère rentrer chez moi, faire mes exercices de mathémetiques avant de passer à d'autres, plus physiques.
Maintenant qu'Amaryllis m'aime, ou devrais-je peut-être dire m'aime de nouveau, je sens en moins un regain d'énergie et de bonheur monter et ne demander qu'à être dépensé.
Le premier jour de ce week-end arrive et nous allons chez mes grands-parents, comme chaque fois que je passe le week-end avec mon père.
Le bonheur des parents séparés...
Quand on arrive, mon grand-père assis sur une chaise de la cuisine et ma grand-mère, debout derrière lui, solennelle, ont une mine grave. Je m'avance. En tant que futur alpha, un peu de courage, bon sang !
-Que se passe-t-il ?
-On a reçu ça ce matin...
Mon grand-père me tend un papier dont l'encre brune se voit à travers. Soudain, mon corps entier se fige d'un seul coup au moment d'une de mes inspirations.
Cette odeur...
C'est l'odeur du sang d'Amaryllis !
J'ouvre le papier et je manque de m'évanouir quand je vois que l'écriture est faite du sang de ma tendre...Mais je me reprends bien vite quand je lis le contenu du message. Mes yeux s'exorbitent et s'injectent de sang, de colère, de rage et de haine. Tel un automatisme, mes poings se serrent tout seul et je sens mes griffes naissantes m'ouvrir la peau des paumes.
Ma cousine Maria me prend le papier jauni aux taches de sang séché brunes et lit à voix haute pour tout le monde :
-Aux Primus. Amaryllis est avec nous, en sécurité ne vous faites pas de souci. Nous passerons vous faire un petit coucou dans l'après-midi. Bien à vous, Fabrizia Minuit.
Je retiens un juron des plus vulgaires au fond de ma trachée avant de hurler avec toute ma rage possible :
-Ces...Ces raclures de fonds ! Comment osent-ils ?
-Calme-toi, Alexis, me dit calmement mon grand-père.
Je sais qu'il a raison et que rien ne sert de s'énerver mais sur le coup, c'est son absence de réaction qui m'échappe et m'agace au plus haut point, augmentant ma rage envers les Minuit déjà grandissante de seconde en seconde.
Ils ont osé. Ils ont osé s'en prendre à Amaryllis depuis le début ! Ils vont le payer tellement cher qu'ils n'auront même plus assez pour se payer une dignité !
-Qu'est-ce que cela signifie ? je demande à mon grand-père en me tournant vers lui, modérant alors ma colère.
-Cela signifie ce que ça signifie, me dit-il avec calme et sagesse.
Il se lève, va boire un verre d'eau et revient vers moi. Il pose une main sur mon épaule et me dit avec tendresse et sévérité mêlées :
-Alexis, sois fort. Et quand ils arriveront, ne saute à la gorge de personne !
Puis il se tourne vers le salon :
-À toute la famille, pas de gestes inconsidérés, me suis-je bien fait comprendre ?
Mes cousins et cousines, mon père et mes oncles s'inclinent. Seuls ma grand-mère, la femelle de l'alpha actuel, et moi, le petit-fils et futur alpha, avont le privilège de ne pas devoir faire le salut à l'alpha actuel. Ou du moins, pas aussi souvent.
Je regarde mes paumes sanglantes. Je me suis bien ouvert, je ne me suis pas raté...Mais mes capacités de loup-garou me permettent de me régénérer plutôt rapidement, et mes plaies ici sont presque déjà cicatrisées.
Quand l'après-midi débute, on entend alors plus un bruit dans la maison, sauf mes deux plus jeunes cousines qui jouent ensemble à l'étage supérieur, relativement inconscientes de cette situation délicate. Nous voyons l'entrée depuis la table de la salle à manger qui est plus dans le salon que dans une salle à manger à proprement parler.
Lorsque la porte s'ouvre, nous retenons notre souffle.
C'est alors qu'apparaît sur le seuil, dans l'encadrement de bois qui borde la porte, Fabrizia Minuit, dans sa rougeur flanboyante, couleur chaude contrastant avec le ciel bleu, couleur froide, sans nuage derrière elle.
-Bien le bonjour, mes chers Primus !
Elle est suivie de près par sa fille Anna, qui paraît toujours aussi gênée et timide que la dernière fois que je l'ai vue, puis entre également Jeffrey.
À leur suite apparaît une silhouette que je ne connais que trop bien, pour l'avoir tant de fois observée...
Amaryllis !
Elle est là ! En chair et en os.
Elle ne paraît pas plus surprise que ça de me trouver ici, dans une meute qu'elle a oubliée...Fabrizia a sans doute dû la prévenir avant de venir. Cette femme ne doit, à mon avis, rien laisser au hasard dans ses sordides affaires...
Fabrizia s'approche de mon grand-père, qui s'est levé à leur entrée dans la pièce.
-Bonjour, cher alpha ! dit-elle en lui adressant avec affront le salut des alphas, et non pas le salut des alphas des Primus.
Je vois du coin de l'œil Greg et Georges montrer leurs crocs en direction de cette arrogante femme. Mais je n'y prends pas trop garde, mon regard est rivé sur une seule chose qui accapare toute mon attention. Amaryllis. J'observe sa tenue. Elle a des habits normaux mais elle a en prime une ceinture de cuir autour de la taille avec un fourreau et une épée fine dedans. Était-ce la source de sa fatigue apparente récente ?
La discussion entre les deux alphas de nos meutes respectives est en train de dégénérer...
-Maintenant qu'Amaryllis a bien été dressée par Jeffrey, elle nous sera d'une grande utilité.
-Et laquelle, si je puis me permettre ? demanda mon grand-père, les yeux entièrement ouverts, c'est-à-dire très en colère.
-Utiliser sa grande intelligence pour nos recherches ou encore nos stratégies, de guerre comme financières, fait Fabrizia avec un petit air suffisant qui me tape sur le système. Ou encore nous servir d'elle à des fins moins nobles...
-Comme ? fait mon grand-père avec un air de défi comme pour l'inciter à lui répondre.
Je vois du coin de l'œil mon père se crisper aussi. Il aime bien Amaryllis aussi, je le sais, alors si nous la perdons, ça risque de donner un fort, un trop grand avantage aux Minuit. Malheureusement, ma seule tentative de lui rendre la mémoire a échoué, je ne sais pas pourquoi et cela me frustre. Je suis sûr que je pourrais faire quelque chose pour elle ! Mais quoi ? Telle est la question...
-Vous faire chanter, vous manipuler ! minaude Fabrizia comme une adolescente devant ses amies qui se pavanerait avec son nouveau sac à main à la mode.
Mon grand-père a un regard sombre mais qui ne semble pas troubler Fabrizia pour le moins du monde, et elle continue sur sa lancée :
-Amaryllis est maintenant fidèle aux Minuit ! Elle ne reviendra pas chez vous !
-Balivernes, Fabrizia ! renchérit mon grand-père. Elle aime mon petit-fils Alexis et pour rien au monde en pleine possession de ses moyens elle ne le quitterait, au sens littéral comme figuré.
Je décide donc de m'en mêler, détachant à regret mon regard de ma douce, et parle avec un ton calme et posé qui me surprend moi-même tant je bous de rage à l'intérieur de mon corps :
-C'est exact, Fabrizia. Notre amour est réciproque et je ne crois pas qu'Amaryllis soit en position de faire subjectivement un choix bon pour elle.
Fabrizia regarde alors Amaryllis, impassible, dans son dos. Elle a un sourire soudainement diabolique sur son faciès débordant de couleurs de maquillage et elle dit avec défi :
-Alors je propose une chose. Faisons-les combattre l'un contre l'autre en duel. Si Alexis est capable de la battre, je vous la rendrai. Mais dans le cas contraire, elle reste avec nous et vous, alpha actuel des Primus, abdiquez. Et pas d'entourloupe d'aucun des camps.
Mon grand-père me regarde, ne sachant que faire. Cela offre un grand avantage à cette charogne de Fabrizia, car un alpha supérieur à soi mais moins expérimenté de la vie et surtout des loups-garous est bien moins dangereux qu'un vieux lycanthrope qui a déjà vécu un bon paquet d'années de plus.
Mais je ne dis rien. Moi, je suis paralysé et tétanisé...
Comment ça, me battre contre ma tendre Amaryllis ? Je lui ferais du mal...Si je ne maîtrise pas assez ma force surhumaine, elle pourrait mourir à cause d'un accident...Que j'aurais provoqué moi ! Je ne peux pas...Je ne peux pas me battre contre Amaryllis.
Mon grand-père, sous pression et hésitant, décide alors que c'est la seule solution possible pour le moment de récupérer ma bien-aimée et il accepte. Fabrizia me sourit alors, malveillante dans ses yeux et son expression. Je ne sais que faire.
On nous met dans le jardin. Face l'un à l'autre.
J'ai le dos voûté, preuve de mon incapacité à faire quoi que ce soit en ce moment.
Amaryllis, impassible jusqu'alors, me sourit tristement sous le ciel ensoleillé et dénué de nuages en me disant :
-Bizarre de retrouver son voisin de table dans une telle situation, non ?
Je ne sais que dire. Je regarde mes mains. Je tremble. Je ne saurai jamais me battre contre Amaryllis...J'ai bien trop peur de lui faire du mal, peu importe sous quelle forme je me trouve...
-À vous l'honneur ! dit Fabrizia avec un faux sourire en nous désignant tour à tour avec Amaryllis
Mon grand-père la foudroie du regard avant de déclarer en nous regardant nous, au milieu de sa pelouse bien tondue :
-Commencez !
Je suis toujours paralysé. Je ne peux pas faire de mal à Amaryllis. C'est purement psychologique et beaucoup plus fort que moi. Cette peur m'entrave et me bloque dans mes mouvements...Je ne peux pas...Je ne peux pas !
Je vois alors Amaryllis dégainer son épée, fine comme je l'imaginais. Ça lui correspond bien de combattre avec une arme ressemblant à un fleuret, fin comme elle. Je ne la vois pas vraiment se mattre avec une massue, arme rudimentaire, ou une claymore, bien trop démesurée par rapport à son petit corps...
Soudain, elle est près de moi ! Elle m'attaque avec sa lame affûtée. Je serre les crocs. Mes instincts reprennent le dessus et je sens mon corps prendre ma forme semi-lupine. Mes yeux jaunes brillent de tout leur éclat, le reflet de celui de mon cœur qui se consumme d'amour pour celle qui est mon adversaire en ce moment-même...
Depuis la terrasse, Fabrizia jubile à chaque offense d'Amaryllis sur moi. Elle rit à gorge déployée, sûre de sa victoire :
-Regardez-moi ça ! Il est pitoyable ! Il n'ose pas attaquer sa chérie ! Il est ridicule ! Il ne fait qu'esquiver alors qu'il pourrait largement gagner !
Fabrizia sait qu'une victoire n'est pas seulement le résultat d'un combat uniquement physique, mais aussi très psychologique. En ce moment, ce n'est pas la force de mon adversaire qui m'écrase, mais son identité même. Le fait que mon adversaire soit Amaryllis me bloque dans mes mouvements. Elle savait d'avance que cela me troublerait. Et je n'arrive pas à rassembler plus mes forces que pour esquiver. Je ne fais qu'esquiver avec facilité les coups d'Amaryllis. Elle va se fatiguer et se solder par ma victoire mais elle ne semble pas s'essouffler pour le moment. J'oubliais qu'en classe, elle est une des meilleures coureuses d'endurance...Combiné à un entraînement intensif d'un mois, d'après les paroles de Fabrizia, cela a dû considérablement augmenter ses capacités physiques...
Je vois alors Maurice, excédé par les rires agaçants et incessants de Fabrizia, s'avancer vers elle dans son dos. Je hurle alors :
-Maurice, n'oublie pas ce qu'a dit Grand-Papa ! Pas de geste inconsidéré !
Mon cousin s'arrête, serrant les crocs mais les muscles du corps lâchés. Il a abandonné son idée de s'en prendre à Fabrizia. Le temps que je réalise que je suis toujours en plein combat, je sens une lame s'enfoncer dans la chair de ma jambe au niveau de mon mollet...
Je pousse un hurlement bestial et tombe à la renverse. Je me tiens la jambe. Ça fait mal...Très mal...Mais c'est...
-Tu aimes ? lance Fabrizia du haut de son piédestal. C'est une lame en argent massif.
Je grogne. L'argent ne tue pas les loups-garous à cent pourcents contrairement à l'idée reçue présente dans l'esprit des gens mais il augmente notre temps de régénération rapide. Sauf si on nous atteint au cœur, mais dans ce cas, quelque chose qui n'est pas en argent fait parfaitement l'affaire pour toucher et endommager gravement un de nos organes vitaux. Je me mets sous ma forme de loup pour récupérer plus vite de cette blessure, car la forme humaine n'est pas des plus avantageuses pour guérir plus vite, mais grave erreur, je ne peux plus marcher...Un loup est quadripède, il a besoin de ses pattes postérieures...
Je m'effondre dans l'herbe avec un gémissement lupin et plaintif. Une brise légère m'apporte l'odeur d'Amaryllis qui s'approche pas à pas de moi. Si elle a pleinement conscience de mon amour pour elle et mon attachement à elle, elle sait que je ne tenterai rien pour échapper à son prochain coup, fatal ou non, m'y soustraire ou le retarder.
Elle lève son épée au-dessus de sa tête et moi, je ferme mes paupières, attendant mon sort sans résister. Je sens des larmes monter à mes yeux de loup. Étrange...J'entends la voix de mon père sur la terrasse :
-Alexis ! Bon sang, Alexis, réagis !
Je n'en fais rien, attendant le coup fatidique d'Amaryllis qui va bientôt s'abattre sur mon corps...
Mais je ne sens aucune lame arriver. Je rouvre un œil. Je vois Amaryllis, agenouillée vers moi, l'épée toujours levée au-dessus de sa tête, ses yeux en pleurs, des larmes dégoulinant sur ses joues et tombant sur ma fourrure beige.
Je ne peux pas parler, alors je pousse un petit aboiement grave et interrogatif.
Elle lâche alors soudainement son épée qui tombe, avec un bruit étouffé, dans l'herbe. Elle se penche vers moi et prend mon large cou de loup dans ses bras avant d'y enfouir son visage, le perdant dans mes poils.
Ce contact me fait presque perdre la notion de la réalité mais la voix suraiguë et désagréable de Fabrizia m'y force :
-Comment ? Pourquoi ? Comment est-ce possible ? Amaryllis, achève-le ! Il est en position de faiblesse !
Mon grand-père la retient. Il a un tel regard, autoritaire et meurtrier à la fois, que Fabrizia se tait à contrecœur et ne bouge pas. Malgré toute sa haine, il reste son alpha. Et elle ne tient pas à agraver son cas déjà bien bas.
J'entends alors la douce voix d'Amaryllis qui chuchote à mes oreilles :
-Pardon...Pardon, Alexis, mon petit loup, je suis tellement désolée...Tu as le droit de m'en vouloir autant que tu veux, mais je veux que tu saches que je t'aime et que je n'ai jamais cessé de t'aimer ! N'oublie jamais que je t'aime !
Elle m'a appelée par mon surnom. Celui, tellement affectueux, qu'elle me donnait il y a bien longtemps, juste après ma transformation. Elle ne peut pas le ressortir ainsi, aussi banalement, par pur hasard...Elle s'en souvenait ?
-J'ai été odieuse avec toi. Nous aurons tout le temps de discuter après, mais sache que je suis terriblement désolée de t'avoir blessé, aussi physiquement que psychologiquement...Pardon...Pardon...
Je sens ses larmes mouiller ma fourrure presque noire dans mon cou. Je sens aussi son souffle chaud et saccadé contre mes poils.
Elle dit soudain à voix haute pour que tout le monde sur la terrasse l'entende :
-Alexis, mon amour de loup, je t'aime !
******
Ce chapitre est sensiblement plus long que les autres (il fait une fois et demi la longueur moyenne d'un autre chapitre 😅), mais je ne voulais pas remplir des chapitres pour rien en changeant de point de vue alors qu'il fallait que ça se termine sur un point de vue d'Alexis.
Merci d'avoir lu et j'espère que vous avez aimé !
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro