Chapitre XLII : Un mois difficile
Je crois que je n'ai jamais vécu de mois aussi long de ma vie...
Aller au gymnase et cumuler les entraînements du soir avec Jeffrey, je commence à craquer.
D'après ce que je sais, Alexis s'entraîne aussi certains soirs, avec son père contrairement à moi, et je ne sais pas comment il fait.
Même s'il est vrai que ces notes ont bien chuté ces derniers temps par rapport au début de l'année.
D'un point de vue purement égoïste, j'espère que ça ne va pas être mon cas...
Cela fait également un mois que je vois ce cher Alexis se renfermer et dépérir, comme une fleur fanée se refusant à en finir avec sa durée de vie éphémère. Tout à l'heure, James est venu me parler. Il m'a dit :
-Amaryllis, je sais que les circonstances, si je peux me permettre de les appeler ainsi, ne sont pas appropriées en ce moment, mais tu es la seule capable de permettre à Alexis de ne plus déprimer.
Je n'avais rien dit mais pourtant, James avait continué sur sa lancée :
-Tu as bien vu, non ?
Il avait piqué à vif mon insatiable curiosité.
-Quoi donc ?
-Quand il est avec toi, il a l'air de revivre, il ressuscite ! avait alors dit James avec un enthousiaste absolument pas dissimulé. Tu peux remonter lui et son moral !
Il m'avait prise aux épaules et s'était exclamé :
-Soutiens-le, fais-le se redresser, bomber le torse ! Il en a bien besoin, surtout dans sa famille.
Je ne disais toujours rien mais James avait baissé la tête devant moi, regardant le sol, en me tenant toujours les épaules.
-S'il te plaît...Entre à nouveau dans sa vie...Pour son bien...
-Je vais voir ce que je peux faire, avais-je soufflé.
James avait eu l'air satisfait, m'avait remerciée et s'en était allé au bout du couloir.
J'ai été me réfugier quelques minutes dans les toilettes individuelles au rez-de-chaussée. J'y ai pleuré...
Mais que pouvais-je donc faire pour Alexis ? Qu'est-ce qui était en mon pouvoir actuellement pour que je puisse le rendre heureux ?
Je n'en savais trop rien et le surplus d'émotions que je contiens en moi depuis quelques temps doit bien refaire surface un beau jour. Et c'est tombé sur ce jour-là. J'ai pleuré et après ma cascade salée, je suis redevenue bien plus lucide.
Mes cours de l'après-midi commencent avec une atmosphère pesante autour de moi.
Tina et Heiling, qui me connaissent plutôt bien, passent à côté de moi mais ne font aucun commentaire à voix haute. Elles échangent un regard mais ne disent rien avec des mots clairs et explicites. James m'adresse un sourire timide alors que je m'assieds sur ma chaise noire. Samuelle pose une main sur mon épaule avant de passer à la table derrière moi, suivie de Nadejda et Lou qui ne fixent avant d'aller s'installer une table derrière James et Samuelle.
Quant à Alexis, il n'est pas en meilleure forme que moi...Depuis deux semaines, il n'est plus que le fantôme de lui-même, pire, l'ombre du fantôme de lui-même. On a l'impression qu'un petit nuage noir et orageux est constamment au-dessus de sa tête. Qui s'ajoute au mien, d'ailleurs...Je ne suis pas de meilleure humeur mais j'essaie de tout faire pour qu'on ne voie pas que mon humeur quotidienne a changé du tout au tout.
Je suis joyeuse de base alors si je deviens constamment de mauvaise humeur du jour au lendemain, ils vont tous se poser des questions. Et en général, quand j'ai un problème, je le garde pour moi et j'essaie de l'affronter seule jusqu'au seuil critique. Ce comportement obstiné et têtu m'a déjà porté préjudice dans mon enfance et ma scolarité...
Mais ne ressassons pas de mauvais souvenirs en étant déjà déprimée depuis le matin...
Ce qui m'atteint autant, c'est voir Alexis aussi abattu. Je fais de mon mieux pour paraître joyeuse à ses côtés. D'après James et ce qu'il m'a dit tout à l'heure, ça marche, mais je n'en suis pas si sûre. Moi qui connais plutôt bien Alexis et qui me trouve constamment à ses côtés en classe, je reconnais à mon avis un sourire forcé, peiné mais se cachant timidement derrière un étirement des lèvres symétrique mais factice.
À la sonnerie, avant de repartir, je passe discrètement un petit billet à Alexis qui range ses affaires dans son sac à dos bleu foncé. Il lève un sourcil intrigué avant de lire mon papier. Je suis sur le seuil de la porte et le voit lever ses deux sourcils de surprise.
Je fonce alors à toute allure dans les longs couloirs gris du gymnase, à l'opposé de sa destination.
Je lui ai demandé de me rejoindre dans les toilettes individuelles au rez-de-chaussée. Les mêmes où j'étais avant.
Pas besoin de provoquer un scandale en le faisant venir dans les toilettes des filles ou en entrant moi dans les toilettes des garçons...Alors les toilettes individuelles sont parfaites pour cela. Espérons juste qu'elles ne seront pas prises...En denrée rare dans ce gymnase, elles sont relativement souvent occupées.
Quand j'y arrive, j'ouvre la porte sans hésitation et la referme à clé derrière moi.
Alexis se tient devant moi, sac à ses pieds, debout. Il était adossé au mur mais s'est redressé quand il m'a vue entrer.
-Amaryllis...murmure-t-il. Qu'y a-t-il ?
Je ne dis rien et me précipite sur lui. Je l'étreins de toutes mes forces. Il est d'abord surpris. Sans voir son visage, je sais exactement quelle expression il a. Il hésite longuement avant de me rendre mon étreinte, encore plus passionnée.
Puis soudain, c'est comme si on avait débouché une capsule ou retirer le bouchon de liège du goulot d'une bouteille de champagne...Alexis est pris comme d'une pulsion qui lui dicte ses actes et il me dit avec une voix remplie d'émotions et tendre, aussi douce que le pelage d'un bébé animal à fourrure :
-Je t'aime...Amaryllis, je t'aime ! Je t'aime comme un fou ! Tu ne sais pas à quel point je t'aime ! Même si c'est à sens unique, je t'aime et je veux que tu le saches !
-Idiot, dis-je affectueusement en me détachant de son torse contre lequel j'étais collée, au vu de ma petite taille par rapport à la sienne. Tu croyais pouvoir réussir à cacher une passion aussi forte que celle-ci ?
Sa déclaration me fait tellement plaisir, je souris sans arrêt, ça me fait presque mal aux zygomatiques. Cela fait des jours que je n'avais plus autant souri et que je ne m'étais pas sentie aussi heureuse !
Je ne pouvais tout simplement plus me contenir, ni moi, ni mes sentiments...Et apparemment, Alexis non plus. Cela fait depuis des interminables jours que je ne l'avais pas vu aussi heureux.
Il caresse mes cheveux et me replace une mèche derrière l'oreille toujours en souriant. Je le prends alors soudainement au col pour le faire se pencher et l'embrasser furtivement. Il paraît tout étonné et me rend alors un second baiser tout aussi chaste. Je suis heureuse. Tellement heureuse...
Je l'embrasse sur le front, puis, comme une voleuse, je pars rapidement en prenant mon sac posé près de la porte avant de le saluer discrètement de la main.
Il paraissait sous le choc mais il va se remettre. Surtout après ce moment de complicité très intime que nous avons eue...Je ne me reconnais pas moi-même...Je suis tellement heureuse que mes larmes me montent aux yeux toutes seules, sans que je ne leur aie rien demandé.
Enfin, depuis quand les larmes écoutent-elles les volontés de leur propriétaire ? Je souris à cette pensée et rejoins dans la cour Jeffrey, qui m'attend, dans son coin habituel.
Il est tellement il est collé à moi que ça donne une impression de surveillance constante, sous le prétexte de l'inquiétude d'un ami. Pourtant, à part de temps en temps pendant nos entraînements, il ne montre jamais aucune affection ni ouverture avec moi. Les amis ne devraient-ils pas être ouverts aux leurs ?
-Tu étais où ?
-Aux toilettes. Pardon d'avoir tardé, dis-je sur un ton et une expression neutres qui ne traduisent aucune culpabilité, vu que je n'en ressens point en ce moment.
-Ça ira, me dit Jeffrey en se tournant pour rentrer.
Je le suis docilement. Je suis trop heureuse pour penser à me montrer sarcastique avec lui. À croire que je manquais cruellement de romantisme et d'amour dans ma petite.vie quotidienne et monotone...
-Tu as pleuré ? me dit-il avec un ton surpris mais narquois à la fois.
-Tais-toi, dis-je, ne voulant pas me justifier.
On arrive chez lui pour un entraînement quotidien mais une surprise nous attend là-bas.
-Mademoiselle Anna ? Mais que faites-vous ici ?
Je la reconnais. Cette petite fille blonde qui paraît si fragile et innocente, surtout dans une maison si grande, est Anna Minuit, je l'ai vue pour la première fois sur une photo et j'ai retenu son visage, avant de la rencontrer en vrai. Elle me salue avec un sourire amusé. Elle me tire par la manche.
-Viens, je vais te montrer ma chambre. Jeffrey va aller chercher Maman en haut et on va aller prendre le thé tous ensemble !
-D'accord, dis-je sans résister.
Au moins, je peux échapper aux coups d'épées de Jeffrey pour ce soir. Mais qu'est-ce que l'alpha des Minuit et son héritière directe font ici ? Ne devraient-elles pas être en France, leur pays, pour gérer leurs affaires ?
Quand nous arrivons dans la chambre d'Anna, elle en fait rapidement le tour malgré sa grandeur immense puis elle s'assied sur son grand lit rose à dentelles blanches et à baldaquin.
-Je suis désolée...dit-ells.
-À propos de quoi ? demandais-je, craignant de ne pas suivre la piste sur laquelle elle voulait m'emmener.
-Maman m'a dit ça toute triomphante. Je sais que tu n'es pas en pleine possession de tes capacités. Et pour ça, je suis désolée. Même si tu ne comprends pas de quoi je veux parler, ce n'est pas grave, je voulais juste te présenter mes excuses.
-Tu n'as pas besoin de t'excuser, dis-je avec un sourire. Si cela est le cas, rien n'est de ta faute.
-Mais celle de Maman.
-Mais tu n'es pas ta mère, souris-je.
Anna me sourit avec un sourire aussi pur et transparent que du cristal.
-Vous venez ? nous interpelle la voix de Jeffrey. Madame est au salon.
Anna se lève et me précède jusqu'à la grande pièce que je n'avais vue qu'une seule fois jusqu'ici malgré mes nombreuses visites ici depuis un mois.
Fabrizia Minuit.
Assise dans sa robe rouge serrée à la taille par une magnifique ceinture noire à boucle et chaussant de magnifiques escarpins de soie bordeaux, elle resplendit, mais son visage combinant trop-plein de maquillage et faciès de forme pointue donne un étrange contraste avec son corps si harmonieusement habillé.
-Bonjour. Tu es Amaryllis ?
-Exact. Bonjour.
-Tu sais qui je suis ?
-Fabrizia Minuit, alpha de la meute des Minuit. Et voici Anna, votre fille et actuelle héritière.
-Oui, c'est cela, dit-elle en levant les yeux vets Jeffrey. Et connais-tu les Primus ?
-Il y en a un dans ma classe, Alexis.
-Je veux parler de la meute Primus...susurre-t-elle, comme une menace planant sur ma tête.
Je porte ma main crispée à mon front, les sourcils froncés, les yeux à moitié clos et les dents serrées.
-Les Primus...dis-je avec une certaine difficulté d'articulation.
-N'essayez pas, intervient Jeffrey. Si on lui parle de ça, elle a une réaction de rejet et elle ne se souvient de rien en ce qui concerne leur famille.
-Je vois. C'est bon, Amaryllis, n'en fais pas plus.
Je me détends peu à peu, mais je halète toujours. Je fais un signe de tête en guise de remerciement.
Cette élégante femme se lève alors et me lance une épée fine dans les mains.
-Je veux te tester, dit-elle avec un ton autoritaire. Je veux voir si Jeffrey a bien fait son œuvre en t'entraînant.
Il s'incline et prend Anna avec lui. On retourne dans l'entrée, où il y a plus de place. Sur l'esaclier, Anna est assise et nous observe, Jeffrey debout à ses côtés, qui fait immense à côté de cette fillette qu'est Anna.
Commence alors une confrontstion entre Fabrizia et moi.
Je ne pensais pas, il y a encore six mois, me battre avec l'alpha des Minuit en duel à l'épée...Encore moins sur leur territoire...Enfin, une de leurs maisons secondaires.
Au bout d'une dizaine de minutes, je fatigue à cause de la cadence et la rapidité de Fabrizia, également à cause de mon endurance, qui n'égalera jamais celle d'une louve-garou entraînée. Elle fait voler mon épée en l'air et elle va se ficher en plein dans un tableau sur le mur du fond.
-Le beau portrait de mon arrière-grand-mère, quel dommage...soupire-t-elle avec un air absolument pas triste pour deux sous.
Elle me passe à côté sans m'aider à me relever. Anna se précipite vers moi bien que je sois déjà debout, relevée toute seule.
-Ça va ?
-Oui, très bien ! la rassurais-je avec un sourire.
-Anna ! l'appelle sa mère avec un ton sévère. Tu es la prochaine alpha des Minuit ! Tu ne dois pas te montrer aussi amicale avec des adversaires ! Sinon, cela te perdra !
-Mais Amaryllis est une amie ! proteste-t-elle.
-En effet, fait Jeffrey en lançant un regard à Fabrizia qui ne m'inspire rien de bon.
-Oui, pardon, soupire Fabrizia avec un air aussi excessif qu'excédé. Je me laisse abuser par mon rôle...
Elle se met face à moi, mais à dix mètres de distance. Elle me dit alors :
-Tu es suffisamment forte pour tenir tête un moment à un loup-garou, même si tu restes assez faible. Mais considère que tu es prête.
Puis elle prend un air solennel en disant avec un sourire machiavélique, à la limite de la folie, ne présageant rien de bon :
-Notre opération débutera samedi ! Soyez prêts ! Maintenant, je vais vous expliquer mon plan...
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