Chapitre XIX : Pleine Lune diurne
La semaine avec Gary a débuté. Je crains beaucoup qu'il me retire la réputation que j'ai ou qu'il fasse un faux pas mais je suis obligé de passer par là dans mon apprentissage d'alpha. Je dois aussi être capable de pouvoir faire des critiques constructives à ma doublure pour qu'elle évite de refaire des erreurs.
Et je peux aussi compter sur ma tendre Amaryllis pour rattraper, ou du moins tenter de rattraper, ses éventuels dérapages.
Il est midi. Rien que ce matin, nous avons échangé notre place quatre fois ! Entre chaque cours. Je commence à ne plus en pouvoir...Je vois alors tout mon groupe manger à la cafétéria.
Sauf bien évidemment James, inscrit aux abonnés absents depuis sa mise en couple avec cet affreux beau parleur de Ricardo. Je serais même tenté de l'appeler Richard juste pour l'embêter. Pour cela, je peux être mauvais, très mauvais...Comment cela se peut-il qu'Amaryllis aime aussi mon côté mauvais ? Malgré tout l'amour que je lui porte et toute la conplicité que nous partageons au quotidien, il reste quelques mystères en elle.
En parlant de ma compagne, voilà que je me mets à parler loup-garou, elle a l'air de plutôt bien intégrer le fait de ne pas changer de comportement avec Gary, de faire comme si c'était moi. Le rôle d'une doublure, quoi...
À un moment vers la fin de notre pause de midi, Nadejda et Lou me font très peur en s'adressant à Gary et ma petite amie :
-Amaryllis, on sait que tu es aux petits soins avec Alexis ces temps, surtout vu ses notes mais...
-Toi, Alexis, tu es...Différent. Tu n'agis pas toujours comme d'habitude.
-Je ne suis...
Il se prend alors un coup de coude dans les côtes de la part de sa complice. Il est crétin, ma parole ? Heureusement qu'Amaryllis est une personne lucide et maligne ! Il tousse, regarde en coin ma copine, et reprend la parole :
-Je suis probablement stressé à cause des tests de cette semaine.
Il a très mal articulé contrairement à moi qui ne mâche jamais mes mots dans le sens littéral du terme mais au moins, il a pu se rattraper un peu. Je pose deux doigts sur mes tempes, un peu au-dessus de mon arcade sourcilière.
-Il me fatigue alors que c'est à Amaryllis de se le coltiner le plus...
Je vois soudain James arriver de loin avec Ricardo, main dans la main.
Oui, comme je n'aime pas les surnoms quels qu'ils soient, je ne dirai jamais Rick. Ni Ama, comme Samuelle ou Heiling disent de temps en temps pour appeler Amaryllis.
Je m'empresse de me cacher derrière un livre volumineux ouvert devant ma figure et je vois par-dessous les pages que le couple se dirige vers notre table.
James parle alors un moment avec Amaryllis. Je ne distingue pas ce qu'ils disent doucement dans le brouhaha constant autour de nous dans la cafétéria. Je ne perçois, grâce à mon ouïe surdéveloppée de lycanthrope, que des bribes de phrases ou même de mots et comme ils ne sont pas importants, je peine alors à saisir le sens de cette conversation, qui a l'air sérieuse au vu de la tête de James.
Finalement, mon Amaryllis se lève de sa chaise à contrecœur, laissant alors ma doublure seule. Ricardo prend tout de suite la place d'Amaryllis qui vient de partir avec James pour s'isoler.
Il sourit alors aux filles de notre groupe comme un bon vieux dragueur typique et la jauge d'aversion que j'ai pour lui ne fait que se remplir encore plus, petit à petit, avant qu'elles ne se mettant à totalement déborder.
Je vois alors James et Amaryllis s'isoler vers les casiers gris que nous avons au gymnase. L'endroit est plus calme que la cafétéria même si je n'entends pas grand-chose à cause en partie de la distance. Mais si je me risque à approcher plus, James risquerait de me voir et donc, soit ne rien comprendre, soit se demander s'il n'est pas en train de voir double ou soit se rendre compte de la supercherie.
Des quelques bribes et bouts de converations dont je me souviens, il y a ces mots :
-Juste...Avant...Changer...
Ces mots m'intepellent. Ils font tous plus ou mons partie du champ lexical de mon échange de place temporaire avec Gary.
Quand un mot prononcé par James me surprend terriblement et me fait le même effet qu'un boulet de canon dans le ventre :
-Doublure...
Je retiens mon souffle pour aucune raison. Comment cet être aussi volage peut connaître ce terme exact ? Ou bien mon esprit se joue de moi, soit en me faisant entendre ce qui n'est pas ou bien en me faisant imaginer que le mot doublure est forcément relié au monde des loups-garous. Les doublures existent au cinéma ou au théâtre, en ce qui concerne les acteurs. Je ne peux donc ni confirmer ou infirmer la théorie qui se forme toute seule dans ma tête alors que je ne lui ai rien demandé, à cette saleté d'imagination débordante !
Les cours de l'après-midi vont alors commencer quand je sens alors une douleur aiguë dans mon ventre. Elle va jusque dans ma poitrine. Je ne connais que trop bien cette sensation, qui n'est plus aussi désagréable qu'avant...Je vois alors Gary tourner légèrement le regard vers l'endroit où je me trouve. Amaryllis revient à ce moment-là sans James, reparti recouler avec son pigeon qui lui sert actuellement de petit ami, et en voyant Gary se tenir l'estomac à deux mains, elle comprend.
Gary fait semblant d'avoir mal au ventre et se lève en compagnie d'Anaryllis qui fait semblant de beaucoup s'inquiéter pour Gary. Elle dit qu'elle l'accompagne à l'infirmerie et que nous reviendrons au cours dès que nous pourrons.
Quand ma doublure et mon amour me rejoignent à mon angle de mur, on se précipite tous les trois dans une salle de musique, une de ces salles spéciales qui sont insonorisées et dans lesquelles il y a très peu de cours. Grâce à notre gymnase plutôt moderne, nous avons la chance d'avoir ceci à disposition.
Quand Amaryllis ferme le verrou sur la porte, elle nous jette un coup d'œil avant que nous laissions nos pulsions incontrôlables s'emparer de nous...
On se transforme alors sans crier gare en des bêtes immondes, couvertes de poils rances et durs, des sortes d'hybrides entre le loup et l'homme, comme si un scientifique fou avait tenté il y a longtemps de mixer les deux sans pour autant réussir comme il le voulait.
Je pousse alors un long hurlement digne d'un alpha qui glacerait le sang de n'importe qui dans ses veines, sauf Amaryllis qui est une humaine pour le moins étrange à ce niveau-là.
Je perds peu à peu ma conscience intelligente, réfléchie...
Voilà l'effet de la pleine Lune sur nous, loups-garous.
Une fois par mois, il est alors totalement impossible de retenir la moindre pulsion sauvage et nous devenons sans pouvoir choisir des loups bipèdes moches, comme le dit si bien Amaryllis.
À la dernière pleine Lune, je suis redevenu, tout comme lors de ma première transformation, un loup. D'après les écrits des légendes, ce sont les loups surpuissants qui sont inconsciemment capables de cette prouesse mais moi, je ne vois là qu'une manière un peu singulière pour se démarquer un peu...
En parlant de la dernière pleine Lune, elle était en pleine nuit...C'était mieux. Et plus discret surtout, vu que j'étais chez mes grands-parents ce soir-là en compagnie du reste complet de la famille Primus. Mais la Lune est aussi sadique que machiavélique ! Ses cycles sont irréguliers et il arrive qu'elle soit pleine au beau milieu de la journée.
Comme aujourd'hui, par exemple !
Simple contretemps, le temps qu'elle quitte sa forme de Lune vraiment pleine, on pourra retourner en cours mais cela prendra tout de même plus que cinq minutes...
Amaryllis n'avait encore jamais assisté à une transformation de lycanthrope à la pleine Lune. Elle affiche un air plutôt neutre, mais ses yeux trahissent sa fascination et sa confiance en moi pour ne pas la blesser malgré toutes les pertes de contrôle de mes pulsions que je pourrais avoir.
Comment se fait-il qu'elle soit autant fascinée et pas, pour le moindre pet du monde, un tout petit peu apeurée ? Ou du moins, si elle l'est, on ne le devine vraiment pas au premier abord...Mais connaissant sa fascination pour tout et n'importe quoi, comme par exemple mes genoux cagneux ou les veines pouvant apparaître sur le dos de mes mains ou mes bras quand il fait trop chaud, je ne suis pas vraiment étonné de savoir que cette transformation la fascine aussi.
Sous cette forme de loup bipède hybride, je suis aussi un peu plus massif que les autres loups-garous. Pas forcément plus grand mais d'après mon père se dégagerait de tout mon corps, de tout mon être une aura de domination qui serait apparemment propre aux Primus. Surtout aux alphas qui se sont succédés à leur tête.
Tu m'étonnes...
Gary se met à grogner d'un coup.
Je perds encore plus mes capacités cognitives et de réflexion claire, mais je conserve mon instinct primaire et sauvage de loup indompté, encore libre dans la nature.
Je grogne alors en retour.
Il est commun que deux loups-garous voire plus se battent lors des phases de la Lune où elle est pleine, car, perdant nos capacités intellectuelles humaines plutôt poussées, il ne nous reste plus qu'une chose à faire. Se battre ! Je distingue Anarayllis du coin de mon œil jaune. Ça va, elle devrait être en sécurité. Ma doublure est concentrée sur moi, pas sur elle, et tant mieux.
Gary commence alors à faire des petits pas sur le côté. Je fais de même. On tourne plusieurs fois autour de l'autre, à la manière de deux animaux dans la nature qui vont s'affronter et qui se jaugent du regard avant de s'engager dans un sanglant combat. Je grogne alors en montrant sous mon museau pointu couvert de poils courts et rêches mes crocs pointus en retroussant mes babines. Ils luisent à la lueur du jour qui brille et que la fenêtre filtre un peu.
Vous pensiez que la nuit était nécessaire pour faire perdre la boule et le contrôle pour un loup-garou ?
Tout faux !
On se transforme pile à la pleine Lune, qui peut tomber à n'importe quelle minute de la journée. On perd donc le contrôle de nos pulsions sauvages, les mêmes qui sont à l'origine de notre première transformation, mais qu'elle soit pendant la nuit ou pendant la journée, peu importe.
Par contre, les nuits suivant la pleine Lune, nous voyons notre puissance de loup-garou s'éveiller. Nos sens sont au moins dix fois plus sensibles que d'ordinaire, ce qui n'est pas forcément toujours un point positif, mais notre vitesse est telle que nous pourrions rattraper n'importe quelle proie sans encombre et notre force et notre puissance se retrouvent elles aussi décuplées.
Lors de ces deux moments, malgré notre forme bipède lors de la pleine Lune, il nous est quasiment impossible de parler. Je pourrais à peine articuler quelques mots.
Je continue mes cercles avec Gary, ce qui me paraît durer une éternité, et comme je ne montre aucun signe externe d'agressivité, il se jette sur moi avec une rapidité et une violence quasiment inégalée.
J'esquive sans mouvement inutile mais mon instinct et mes pulsions de loup-garou enragé reprennent alors le dessus sur le peu de raison et de lucidité qu'il me reste. Je mords alors à pleines dents l'épaule de mon adversaire temporaire qui pousse alors un bruit de douleur entre le hurlement et le gémissement.
Quand je lâche prise à cause de ses gesticulations de plus en plus virulentes, il saigne beaucoup. La vue et l'odeur de ce sang réveille encore plus mes sens primaires de loup-garou carnassier et je me jette alors sur lui sans pouvoir contrôler la moindre de mes actions. La gueule pleine de crocs ouverte, j'arrive sur Gary qui m'évite comme il peut mais je griffe alors tout son torse de mes longues griffes sortant du bout de mes doigts, ayant remplacé dans leur transformation mes ongles constamment écourtés. Gary pousse alors un jappement qui exprime sa douleur.
Il ne peut rien contre moi. Les entraînements avec mon père m'ont rendu vif, agile, puissant et très rapide. Je suis plus fort que Gary en quasiment tous points, et de surcroît, son alpha.
Pourtant, il me mord le bras avec une vigueur qu'il cachait jusque-là. Je me dégage en lui donnant un coup dans la mâchoire qui le fait gémir.
Dans mon instinct sauvage de loup-garou, je me surprends à aimer entendre un autre gémir de douleur. Cela montre les prémices de la soumission.
Ça ne manque pas. Après encore quelques échanges, l'inconscient lupin de Gary comprend qu'il ne me vaincra pas. Sa queue battante s'immobilise bientôt et se retrouve entre ses deux jambes, premier signe de sa soumission. Il s'incline et se met alors à laper l'air de sa langue rose de loup bipède puis après un grognement presque agressif que je laisse passer entre mes crocs blancs, il se couche à même le sol, m'exposant sa gorge et son ventre.
Voilà la phase ultime de la soumission. Un loup vaincu, que ce soit un loup-garou ou un loup dans la nature, est obligé de se soumettre et expose alors à celui qui vient de le battre ses parties les plus sensibles pour lui montrer clairement son infériorité et ainsi dire implicitement qu'il ne tentera plus rien.
On pourrait croire à une technique fourbe mais seuls les humains trompent et mentent. Pas les loups.
C'est après quelques minutes restés dans cette configuration de positions que le cycle de la pleine Lune s'estompe enfin.
Gary et moi reprenons alors petit à petit, au fur et à mesure que la Lune quitte sa forme ronde, notre apparence humaine, sans poils ni griffes acérées ni crocs aiguisés. Nos poils sont comme retractés et notre peau brûle un peu sous le contrecoup de la métamorphose forcée.
Gary s'assied et moi, je tombe à genoux, épuisé malgré le fait que je sois très entraîné. Je me lève en même temps que Gary, qui a toujours l'épaule en sang et le torse bien amoché. Ma doublure s'incline alors devant moi comme on devrait le faire pour l'alpha des Primus, les yeux clos et l'air neutre, mais je sens son sourire rien qu'à sa voix :
-Merci pour ce combat, mon cher alpha !
Je ris amicalement.
-Je ne le suis pas encore, tu sais...
-Mais tu es sur la bonne voie ! me dit-il.
-Merci, dis-je, sincère. Maintenant, va, tu peux disposer. Il faut que tu soignes tes blessures.
-Merci, me sourit-il en sortant de la pièce puis en s'éloignant, sans rien pour couvrir son torse, le reste de ses habits tachés à divers endroits de son sang.
Dans notre transformation précipitée, nous n'avons pas eu le temps de retirer nos hauts. Du coup, je me retrouve alors torse nu devant Amaryllis qui a un petit sourire en coin que je ne connais que trop bien mais qui souvent, ne présage rien de bon pour moi...Je croise les bras pour tenter de cacher un peu mon torse toujours aussi blanc.
-Qu'y a-t-il ?
-C'était fascinant à voir...murmure-t-elle en s'approchant de moi.
Je le savais. Je l'aurais parié ! Je suis perdu dans mes pensées pour savoir si, pour parier, j'aurais mis une somme d'argent ou ma main au feu, quand Amaryllis me sort brusquement de mes pensées en posant sa main au milieu de mon torse. Je sursaute.
-Je suppose que ce sont tes entraînements ? me dit-elle avec un petit sourire.
-Quoi donc ? demandais-je en fixant alors sa petite main posée avec sérénité sur ma poitrine.
-Tes pectoraux...On commence à voir leur ligne, leur démarcation. Ils s'accentuent.
Je soupire. Je sens déjà des rougeurs me monter aux joues.
-Tu es obligée de faire des commentaires pareils ? Je suis à peine gêné...
Amaryllis a un petit rire et, prévenante et mystérieuse comme elle est, sort alors de nulle part un pull bleu à manches longues.
-Tiens, très cher. Retournons en cours !
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