Je ne peux croire ni mes oreilles ni ce qu'Alexis vient de me dire !

Moi ? Le quitter ? Pour ça ?
Allons donc !
Je sais que ça nous a fait beaucoup d'informations à avaler et digérer en même temps, mais je l'aime toujours autant ! Les événements n'ont ni changé ni altéré mes sentiments que je ressens pour lui. Il poursuit alors sur sa lancée :
-J'ai découvert en à peine deux mois que je suis un loup-garou et que devrai endosser la lourde responsabilité d'être l'alpha d'une meute surpuissante qui dirige une grande partie des meutes d'Europe...J'avoue que je suis encore un peu perdu, je cherche mes repères. Mais pour toi, ça va être encore plus dur que pour moi. Ma famille ne te laisse pas le choix, elle n'envisage même pas que tu puisses choisir autre chose pour ta vie, pour ton avenir...Alors moi, je te laisse décider. Que veux-tu faire ? Si tu veux me quitter, je te laisserai partir. Je ne veux pas t'imposer de futur tracé, comme on me l'impose à moi...

Je ne dis rien. Je ne fais que regarder ce nouvel Alexis, que je ne connaissais pas jusqu'à maintenant.
Il ne pense qu'à mon bien-être, il pense à moi avec une telle affection que je m'en retrouve subjuguée de joie et bonheur mêlés.
Mais il tremble, les épaules remontées, et tient un de ses bras de son autre main comme pour contenir ses émotions qui risquent de déborder, et il a peur. Je ne suis pas une louve mais je la ressens, émanant de chaque pore de sa peau. Elle est presque palpable dans l'air à mains nues tant il en a.
Je m'approche de lui à pas de loup, avant de m'arrêter pile sous son nez. Alexis me regarde alors de ses yeux dont la couleur jaune n'a d'égale que la peur et l'appréhension qu'il ressent en ce moment quant à ce que je vais lui dire, je les vois dans ses iris vivement colorés. Il déglutit, je le vois à sa pomme d'Adam qui bouge une fois de haut en bas légèrement.
J'ouvre alors la bouche et commence alors à lui parler d'un ton calme et posé :
-Alexis...Pour le moment, tout est encore un peu confus et précipité dans ma tête, je te l'avoue. Mais sache que les sentiments que je ressens pour toi n'ont pas du tout changé. Alors dis-moi ce que toi, tu veux. Ce que tu veux vraiment. Que je reste ? Que je parte ? Dis-le-moi.
-Je ne peux pas...murmure-t-il entre ses dents si serrées qu'il pourrait briser sa mâchoire en même temps.
Je vois alors sa main se resserrer autour de son épaule.
-Si, tu as parfaitement le droit de me dire ce que tu veux. Allez, fais taire ta raison et dis-moi ce qui se cache dans ta poitrine.

Je vois alors Alexis reculer d'un pas, je suppose de surprise. Il laisse alors tomber ses bras le long de son corps fin.
-Je ne peux et ne veux pas décider à ta place. Il faut que tu choisisses par toi-même la voie que tu veux suivre. Je n'ai pas à te dire quoi faire. Je ne suis pas en position de te dicter ta conduite, je n'en ai pas le pouvoir et je ne veux pas abuser de ta gentillesse...
-Me dire ce que tu souhaites n'est pas me dicter ma conduite ni abuser de ma gentillesse, lui dis-je doucement. Je te le demande encore une fois. Qu'est-ce que toi tu souhaites ?
Alexis se mure alors dans un silence indéfinissable. Je ne sais pas vraiment s'il est vexé, en colère, attristé ou simplement apeuré.
J'avance alors ma petite main vers son visage, que je ne vois que faiblement éclairé, et touche sa joue avec douceur. Il s'appuie alors un peu sur ma paume, savourant ce moment qui pourrait être le dernier.
-Dis-moi ce que tu ressens là...
Je touche alors de ma main libre le milieu de son torse, où se trouve son cœur battant. Il serre les dents.
-Je ne dirai rien qui puisse faire pencher d'un côté la balance de ta décision.
Je vois alors les yeux de mon cher Alexis devenir plus brillants et il se crispe légèrement sous ma main. Je lui souris alors tendrement :
-Tu m'as dit une fois il y a longtemps, avant même que notre belle histoire ne commence, que parfois, se montrer un peu égoïste n'est pas toujours une mauvaise chose. Vu que tu ne veux rien me dire, je te retourne la remarque. Je profite pour te rappeler que, quand tu es revenu à toi cinq semaines après ta première transformation, tu m'as demandé de ne pas te laisser et j'ai répondu sans hésiter que je resterai avec toi. Que veux-tu donc au final ?

C'est alors que se passe une chose incroyable !
Alexis se met alors à pleurer. De chaudes larmes coulent lentement le long de ses joues teintées de rosé. Il renifle un coup et agrippe mes deux poignets de ses grandes mains chaudes et frémissantes.
-Amaryllis...murmure-t-il entre deux sanglots.
Je ne l'avais jamais vu ainsi. Aussi touché, aussi sensible, aussi vulnérable...Il tient fort mes deux poignets et se penche alors jusqu'à ce que sa tête touche mon épaule. Je sens, grâce à ma peau, mon haut s'humidifier légèrement au contact de ses larmes salées qui s'écrasent sur le tissu.

Alexis renifle et sanglote, le front sur mon épaule. Quand il se met à parler, c'est de manière saccadée et sanglotante :
-Amaryllis...Ne me laisse pas ! Tu es la seule pour moi. Tu es mon seul soutien, mon seul espoir ! Je me montre plus qu'égoïste, je le sais et je ne devrais vraiment pas...Mais je t'en prie, ne me laisse pas...Avec toi, je suis complet et mon bonheur me fait parfois peur tant il est à son comble mais je t'en prie...Ne m'en prive pas...Ne me prive pas de toi ! Je ne le supporterai pas...Tu es la seule à qui je peux me confier pour tout, tu es si importante à mes yeux...Je t'en prie, je t'en supplie, je t'en conjure, ne m'abandonne pas ! Ne me laisse pas seul...
C'est la première fois que j'entends Alexis dire autant de choses pareilles en si peu de temps, des choses à la fois belles mais en même temps si tristes...Il tient vraiment à moi, il tient vraiment à me garder, pour lui comme près de lui.
Mon cher Alexis lâche alors mes poignets pour venir placer ses bras autour de mes épaules, qu'il serre jusqu'à presque m'en étouffer. Je lui rends alors tout doucement sa forte étreinte et je lui murmure des mots tout doux, rassurants, au creux de l'oreille :
-Alexis...Je n'ai jamais, ne serait-ce qu'imaginé et ne serait-ce qu'une seule seconde, te laisser. Moi aussi, mon bonheur et ma joie sont tant à leur paroxysme que je crois parfois rêver. Je n'ai jamais voulu ni te laisser seul, ni t'abandonner ! Au contraire...C'est surtout ce moment, tu as plus que jamais besoin d'un soutien moral, n'est-ce pas ? Alors sache que je suis là. Je suis là pour toi, rien que pour toi ! Alors ne te soucie de rien, je resterai à tes côtés quoi qu'il arrive !
Alexis semble un peu se calmer entre mes bras. Moi aussi, j'ai rarement dit autant de choses pareilles à la suite. Sa respiration se fait plus calme et se cale sur la mienne. On reste un moment enlacés ainsi jusqu'à ce qu'on décide de se séparer, quand Alexis se sent un peu mieux.
Il a les yeux rouges d'avoir versé tant de larmes et il a encore de temps en temps un hoquet ou un spasme, représentant le reste et la fin de ses pleurs.
Il me regarde avec amour et tendresse mêlés. Il tient mes mains entre les siennes. Apparemment, cela le rassure. Je reste dans cette position jusqu'à ce qu'il décide que nous devons nous mettre au travail. Ou plutôt, à l'apprentissage.

Nous nous asseyons alors sur les chaises devant la table avec un gros dossier, classé parmi les plus anciens, d'après ce que nous avons compris de l'ordre de la classification dans la bibliothèque. Alexis ouvre alors le dossier. Nous étudions alors attentivement les pages remplies de textes, d'annotations, de caractères de diverses polices...Nous feuilletons plusieurs dossiers à la suite puis en même temps pour comparer.
Les premières pages concernent toujours la hiérarchie de la meute dont il est question, avec le nom de l'alpha actuel. Juste après, on parle de tous les membres de la meute concernée, à commencer par l'alpha, ou le couple alpha quand il y en a un, puis leurs enfants s'il y en a, puis le reste de la meute. Les pages de la fin mettent sur papier les actes réalisés, tout ce que la meute a accompli, de bien ou de mauvais, et quels succès et réputation cette meute a, dans le monde des loups-garous en général et parmi les autres meutes.

Je suis assez surprise.
Ces dossiers sont très complets, on dirait une agence de renseignements professionnelle.
Comme j'ai de la facilité à retenir des informations sur les personnes à qui je suis attachée émotionnellement parlant, mes amis me surnomment parfois pour rire l'agent de renseignements, mais là, c'est le niveau au-dessus. Je retiens facilement les informations, je ne vais pas les chercher pas aussi loin, elles viennent à moi toutes seules ! C'est très différent
Je ris et Alexis devine à quoi je pense.
On essaie de retenir alors plusieurs noms de meutes, leur alpha et leurs caractéristiques principales. C'est dur. Je ne suis pas attachée émotionnellement à ces meutes alors il m'est déjà plus compliqué de retenir des choses à leur sujet.

Alors que nous tentons de retenir les différents noms des meutes les plus influentes en Europe sous l'autorité des Primus, mes yeux sont attirés par plusieurs dossiers intéressants.
-Lupus...je murmure, mon intérêt piqué à vif.
On apprend alors avec Alexis qu'un des neveux de sa grand-mère est devenu le nouvel alpha depuis presque un an maintenant. On se regarde en souriant, on ne sait même pas pourquoi.

En voulant se lever pour aller reposer un document dans une étagère, Alexis fait tomber de son coude la pile de dossiers que nous avions faite au bord de la table. C'est toujours une mauvaise idée de mettre des choses liquides ou en équilibre au bord d'une table, quelle qu'elle soit, surtout quand on est accompagnée d'une personne un peu maladroite, ce qui correspond un peu à Alexis, je l'avoue...Il soupire, exaspéré :
-Foutue maladresse ! Attends, je reviens pour ramasser...

Il va ranger le dossier qu'il avait prévu de remettre dans son étagère respective quand mon regard est alors happé par un nom...Un nom de meute.
Une des feuilles d'une des fourres de carton sort d'un des dossiers qui viennent de tomber au sol.
Je me lève de ma chaise et m'accroupis au pied de la table. J'ouvre alors la couverture unie qui a l'air comme neuve.
J'avais raison, car dedans, se trouvaient les informations d'une nouvelle meute qui vient apparemment d'accepter l'autorité des Primus. Comme l'avait dit le grand-père d'Alexis, il n'y a pas encore de photos de qui que ce soit car c'est un dossier trop récent, qui date d'il y a à peine trois mois.
Mais ce nom...Si c'est bien ce à quoi je pense, je ne peux pas y croire, mon esprit ne peut pas même le concevoir...

Alexis revient alors et me voit presque agenouillée sur le sol en train de lire quelques fines feuilles d'un dossier qu'on pourrait croire pris aléatoirement.
-Amaryllis ? Tu as trouvé quelque chose de spécial ?
Je me tourne vers lui. Je suis sûre qu'il voit dans mes yeux, de là où il est, la surprise qui m'a traversée il y a voilà quelques secondes à peine.
-Regarde le nom tout en haut de la première feuille du dossier...
Alexis prend alors avec soin ce que je lui tends et il lit à voix haute le début d'une lettre manuscrite :
-La meute jure fidélité à partir de juillet de cette année à la grande famille Primus.
Puis son regard s'arrête alors sur le nom que je voulais lui montrer. Il chuchote alors avec surprise :
-La famille et meute Maurin...

Il me regarde avec ses yeux soudainement devenus jaunes sous l'effet d'étonnement subit.
-C'est...
-Oui, je complète. C'est le même nom de famille de James.
Alexis fronce les sourcils. Il a l'air mécontent. Il marmonne alors dans sa barbe, qu'il ne possède pas parce qu'il la rase, l'air renfrogné :
-Reste à savoir si c'est bien de la famille de James dont il est question dans ce dossier...
J'acquiesce d'un mouvement discret de la tête.

Nous remontons enfin dans le salon, après une durée tellement longue que je ne saurais dire combien de temps nous sommes restés dans cette cave sombre, mais à en juger par la pénombre qui commence à recouvrir le ciel que je vois par la fenêtre, je dirais que nous sommes restés en tout cas trois ou quatre bonnes heures là en bas, dans la nuit.
Alexis rend alors la lanterne à son grand-père qui lui fait un signe de tête avant de s'adresser à nous deux avec une sorte de clin d'œil complice, difficilement visible au vu de ses paupières souvent closes ou à moitié :
-Vous vous êtes bien instruits ? Vous avez appris des choses intéressantes ?
-Tu ne crois pas si bien dire, dit Alexis entre ses dents serrées qui grandissent petit à petit en crocs depuis tout à l'heure.
Dans le salon, il y a les deux oncles d'Alexis, ainsi que deux de ses cousins, Greg et Maurice, ainsi que la plus âgée des cousines, la belle Maria. Alexis se tourne alors vers son alpha et demande avec vigueur dans la voix :
-Sais-tu si l'alpha de la meute Maurin, Christopher, a un enfant ?

-Tu veux savoir qui prendra la suite au vu de son âge déjà avancé ? sourit Yegram, en formant des rides sympathiques autour de sa bouche. Je sais qu'il a deux fils et une fille. Ce n'est pas possible que l'un d'eux prenne la suite. En revanche, il a bien deux neveux, tous deux enfants uniques, qui sont en bonne voie pour prendre sa suite.
-Connais-tu leur prénom ? demande Alexis, que je vois serrer les poings. Cela ne figure nulle part dans le dossier et il veut, encore plus que moi, savoir si notre supposition est correcte.

Le grand-père d'Alexis touche son menton rasé en signe de réflexion. Il finit par dire lentement :
-Je crois me souvenir que le plus âgé s'appelle Johnny et le deuxième, plus jeune, James.