Chapitre XI : Une famille de lycanthropes
Cela fait quatre jours qu'on m'a annoncé que je devrai être alpha de la meute des Primus.
Et que c'est grâce à Amaryllis que j'ai effectué ma première transformation en loup-garou vu qu'elle a ravivé en moi des instincts sauvages et des envies oppressées jusqu'au refoulement complet.
Je suis encore sous le choc mais je tiens le coup en grande partie grâce au soutien qu'Amaryllis me donne. Elle est incroyable. Elle est toujours là pour moi, pour m'épauler, pour me rassurer, pour me consoler...Juste être là pour moi, rien que pour moi.
Je lui en suis tellement reconnaissant.
Aujourd'hui, c'est un jour plutôt important.
Amaryllis va venir, non pas chez moi, mais chez mes grands-parents avec ma famille au grand complet !
Elle les a déjà rencontrés une fois mais pas encore sous l'étiquette des loups-garous...
Cela ne va être ni aisé ni une partie de plaisir...Déjà que moi, ils ne m'aiment pas trop alors que je fais partie de leur propre famille, alors je n'ose pas imaginer pour ma tendre Amaryllis. Je retrouve alors cette dernière à l'arrêt de bus auquel nous avions convenu de nous retrouver.
Quand elle me voit arriver, elle me saute à la gorge et me serre dans ses bras.
-Bonjour, Amaryllis ! lui dis-je avec une voix soudainement plus enjouée. Ça va ?
Je l'embrasse, fugace. Elle sourit.
-Oui, ça va. Une balade de si bon matin, ça fait toujours du bien !
-Une balade ? je répète avec surprise. Ne me dis pas que tu as marché de chez toi jusqu'ici !
-Très bien, je ne le dirai pas, me dit-elle avec un sourire complice clairement révélateur.
Je soupire et porte ma main à mon front avec un air consterné. Sans passer par le gymnase et en prenant quelques raccourcis par des rues étroites et sombres, on prend bien trois bons quarts d'heure pour faire un trajet de chez elle à chez moi à pied. Pour elle qui marche très vite à m'en couper le souffle quand je l'accompagne, ou devrais-je plutôt dire quand je la suis, je veux bien descendre mon estimation à quarante minutes mais je ne peux m'empêcher de me dire qu'elle aime vraiment marcher pour faire un tel parcours et venir jusque chez moi à pied...
-Ce n'est pas ma faute si je n'ai pas d'abonnement ! Je vais à pied, au gymnase, je te rappelle ! siffle-t-elle entre ses dents comme pour se justifier, alors qu'on est en train de se diriger vers la maison de mes grands-parents, à deux pas de chez mon père.
Je soupire encore une fois.
-Tu es incorrigible...Je ne pourrai pas te changer...
-En effet ! me confirme-t-elle en me regardant avec un petit sourire en coin.
Quand on arrive chez mes grands-parents, je sonne et c'est ma grand-mère qui vient nous ouvrir.
-Alexis ! Mon cher petit-fils ! Comment te portes-tu ?
-Bien, Grand-Maman, lui dis-je en souriant. Voici Amaryllis, tu t'en souviens ?
-Bonjour ! Ravie de vous revoir ! lui sourit Amaryllis, poliment.
J'ai appris de mon père il y a deux jours que ma grand-mère faisait partie de la meute Lupus, une famille plutôt puissante qui n'aimait pas les Primus et qui refusait de se soumettre totalement à eux, mais qu'elle avait fini par succomber au charme de mon grand-père et ils avaient fini ensemble.
Et que cet amour durait encore maintenant.
J'avais un peu de mal avec ce genre de représentations à la fois romantiques et tragiques avec deux loups-garous jeunes vu que j'ai toujours connu mes deux grands-parents assez âgés...
On entre. Je salue alors mon grand-père avec respect.
Depuis que je sais qu'il est l'alpha actuel de notre meute et que mon père m'a appris comment saluer un alpha sous forme humaine, je me dis que je le ferai toute ma vie avec mon grand-père.
Je m'incline alors devant lui, les yeux clos, un air neutre sur le visage, la paume de ma main gauche à plat sur le cœur.
Oui, c'est ainsi que sous notre forme humaine, on salue l'alpha des Primus. Pour un simple alpha, ce serait juste la main gauche sur son cœur, sans se courber ni fermer les paupières.
J'ai prévenu Amaryllis juste avant d'arriver, elle ne s'étonne donc pas de mon action aussi soudaine qu'étrange aux yeux d'une personne qui n'a pas été avertie.
Mon grand-père nous fixe de ses yeux soudainement devenus jaunes, caractéristiques des lycanthropes. Il devient un peu sourd avec l'âge, sous sa forme humaine, et je dois alors élever le ton pour dire :
-Voici Amaryllis, ma petite amie. Tu t'en souviens ?
-Comment ? me dit-il en tendant l'oreille.
-Amaryllis ! je répète en haussant encore légèrement le ton.
Il hoche la tête. Je suppose qu'il mémorise pour de bon que le prochain alpha des Primus a déjà une compagne et qu'il n'est pas nécessaire d'organiser une rencontre.
Oui, apparemment, cela se fait encore quand les loups-garous les plus âgés, et surtout les futurs alphas, n'ont toujours personne. Et je crois savoir que le plus âgé de mes cousins, Georges, qui est toujours seul malgré sa beauté sous sa forme humaine et son charme de professionnel de la séduction, sera bientôt soumis à une rencontre obligée s'il ne se met avec personne.
Je le plains...Je n'aimerais pas vraiment qu'on me colle quelqu'un d'inconnu dans les pattes, encore moins après l'annonce choc que j'avais reçue, et que je n'apprécierais pas au premier abord, comme ça, sans pincette ni demander un quelconque avis.
Par contre, je me sens bien avec Amaryllis...On ne peut mieux !
Je la vois qui met son natel sous silence. Normal, c'est plus poli quand on entre dans une famille presque inconnue pour une des premières fois. Je vois alors avec ma vue accrue de loup qu'elle avait deux message. J'ai pu apercevoir le nom des contacts, James Maurin et Loubna Gonzague.
C'est une amie de longue date et comme elle vit loin, elles gardent le contact grâce aux messages.
C'est beau, la technologie moderne !
Quand tous mes cousins et mes oncles sont enfin présents, mon père vient vers moi et me demande alors d'enfiler une chemise grise et une cravate d'un bleu clair un peu grisé aussi qu'il a amenée avec lui.
Je veux alors me diriger vers les toilettes pour aller me changer mais c'est alors que mon père m'arrête et me dit d'un ton plutôt sérieux :
-Alex, change-toi ici directement. C'est plus rapide, moins compliqué et chez les loups-garous, nous ne sommes pas pudiques à ce point !
Je regarde Amaryllis. Elle, elle sait. Elle sait que je n'aime pas mon corps et elle sait que je suis très pudique, même pour un humain, alors pour un loup-garou...Normal, c'est logique, vu que je n'aime pas mon corps, je vais éviter au maximum de l'exposer !
Je retire alors mon polo d'un geste plutôt lent. Mon torse laiteux et plat, sans relief flagrant, apparaît alors aux yeux de tous. Je n'aime pas ce torse dénué de tout sauf de pâleur...Malgré tout, j'ai un peu minci depuis le début des entraînements intensifs avec mon père et j'en suis plutôt satisfait. Et dire qu'avant, je m'étonnais que tous mes cousins soient aussi fins et musclés...
Je sens tous les regards sur ma peau blanche et nue. Amaryllis m'observe inlassablement, mon grand-père me jauge d'un œil critique mais pas forcément négatif, mon père et ma grand-mère regardent d'une façon intriguée et mes oncles et cousins, cousines les plus âgés lorgnent un de ces regards sur mon torse nu, me jugeant et me critiquant tout ce qu'ils peuvent me juger et me critiquer.
Je baisse mes yeux verts, les sourcils froncés de frustration, et, avec un geste cette fois très rapide, me dépêche d'enfiler cette foutue chemise et cette cravate un peu trop longue pour moi.
-Bien, commençons alors, déclare mon père avec de la fierté dans le ton.
Il va rejoindre mes oncles, ses frères, au fond de la pièce, et observe alors la scène. Je ne sais pas ce qui se passe ou ce que je suis censé faire, si je dois faire quelque chose...Je commence à stresser.
Je sens alors sur mon épaule la main noueuse de mon grand-père, qui regarde alors son assistance et dit d'un voix forte, digne d'un alpha :
-Je souhaite vous dire, à vous, toute la famille Primus, que je compte bientôt prendre un repos bien mérité et laisser les rênes de la famille à mon cher petit-fils, Alexis Primus.
Ils applaudissent avec et de force. Je ne sais pas pourquoi, mais je sens au plus profond de mon être qu'ils applaudissent plus par politesse pour le petit discours, l'annonce de mon grand-père que pour ma future promotion au rang d'alpha...
-Cependant, reprend mon grand-père. Je tiens d'abord à compléter sa formation convenablement. Vous le savez, Alexis a eu sa première transformation tard et Renfir fait déjà son possible pour l'endurcir. Quant à moi, je me chargerai de lui inculquer le savoir nécessaire pour démarrer sa vie avec le rang d'alpha. Maintenant, montrez-moi que vous lui serez aussi fidèles que vous l'avez été pour moi !
C'est alors que je vois, impressionné, mes cousins et cousines, oncles et père incliner leur buste devant moi, main gauche sur le cœur, yeux clos et l'expression neutre !
J'ouvre des yeux surpris et vois alors Amaryllis me sourire du fond de la pièce. Elle est humaine, ça ne s'applique pas à elle parce que nous ne sommes pas mariés. Si elle faisait vraiment partie de la famille, elle devrait elle aussi faire ce salut lupin un peu particulier.
Malgré tout, elle incline légèrement sa tête en avant avec les paupières closes. Je ne suis pas encore tout à fait alpha, vu que ma formation n'est pas encore terminée. Je sens bien qu'elle a envie de me faire languir de son signe de fidélité envers l'alpha...Mais je ne lui en veux pas. Elle ne fait pas à proprement parler entièrement partie de notre famille.
Et puis, je préférerais plutôt un signe d'amour qu'un signe de fidélité...
C'est alors que mon grand-père se fait appeler fortement par sa femme, ma grand-mère :
-Yegram ! Montre-leur à présent. À tous les deux.
Mon grand-père hoche alors la tête et nous intime d'un geste de la main, à Amaryllis et moi, de le suivre.
On descend alors à la cave, qui a toujours été plongée dans une pénombre dans laquelle un humain est incapable de distinguer quoi que ce soit.
Maintenant que je suis nyctalope, et accessoirement loup-garou, je comprends enfin pour quelle raison. Par contre, Amaryllis ne voit rien, je connais bien ce sentiment vu qu'il y a encore quelques semaines, je pataugeais dans la même situation qu'elle. Je lui prends alors la main avec bienveillance pour qu'elle ne se fasse pas mal en tombant ou en se cognant la tempe contre une poutre de bois ou de pierre, soutenant la structure de la cave et ressortant des parois et du plafond. Je la vois qui me souris discrètement dans l'obscurité.
J'entends alors un petit bruit de frottement devant moi et voit soudainement une petite flamme s'allumer, enfermée dans une cage de verre. Mon grand-père vient d'allumer une bougie dans une lanterne portative. Il nous fait un signe de tête et nous le suivons encore un moment.
Quand il s'arrête d'un coup sec devant une porte, Amaryllis et moi lui rentrons presque dedans tant c'était soudain. Notre regard se reporte ensuite sur un panneau de bois usé et foncé qui fait office de porte, faiblement éclairé par la lueur tremblotante que projette la flamme de la bougie à moitié consumée sur la porte de bois et les murs de pierre froide.
Mon grand-père ouvre alors le verrou avec une grosse clé à l'ancienne noire et rouillée aux trois quarts puis nous fait entrer. Nous distinguons alors à la lumière de la lanterne une table dont des dizaines d'échardes s'échappent sans aucune pitié pour nos bras et nos mains nus et deux chaises faites du même bois usé que le troisième meuble visible de la pièce.
Mon grand-père lève alors un peu la lanterne au-dessus de sa tête et je vois alors nettement mieux ce qui se trouve dans la pièce.
De grandes bibliothèques et étagères. Remplies à ras bord...
-Des archives ? je murmure alors doucement.
-Tout juste, me dit mon grand-père avec un air satisfait.
Amaryllis me regarde alors avant de passer à mon grand-père puis revient à moi.
-Pourquoi m'emmener ici moi aussi ?
Mon grand-père nous explique alors la raison de notre venue à tous les deux en ce lieu :
-Alexis, tu seras l'alpha. Toi, Amaryllis, si tu décides de rester avec mon petit-fils toute ta vie, tu seras la femelle alpha, même si tu es une humaine. Vous formeriez le couple alpha.
Je déglutis avec peine. J'appréhende la suite du discours que nous allons entendre...
-Ici se trouvent toutes les archives des noms des meutes et des familles que les Primus dirigent ou ont dirigées. En tant que futur couple des alphas, vous devrez toutes les connaître afin de ne pas être pris au dépourvu ou d'être victimes de mauvaises surprises. Il y a aussi des photos pour la plupart des dossiers pour que vous mémorisiez les visages. Pour les plus anciens et les plus récents, il n'y en a, souvent, pas. Vous pouvez déplacer les dossiers, il sera je pense plus facile pour toi, Amaryllis, de les étudier chez toi. Tu ne peux pas rester ici indéfiniment, j'imagine ?
-En effet, confirme ma petite amie avec un mouvement de tête affirmatif et respectueux.
-Je vous laisse alors quelques heures pour commencer ce travail à deux. Je vous laisse aussi la lanterne, Amaryllis en aura sans doute plus besoin que moi, même si je vieillis immanquablement en même temps que ma vue. À tout à l'heure !
On salue alors mon grand-père, qui quitte la petite pièce remplie de dossiers et on l'entend remonter les escaliers à l'autre bout du couloir pour rejoindre le salon.
Je regarde alors Amaryllis. Je sais que mes yeux sont devenus jaunes, comme à chaque fois que je me retrouve dans la pénombre ou dans le noir. Depuis que j'y vois quelque chose quand je suis plongé dedans, j'ai bien moins peur qu'avant. Tout en la fixant, je dis à Amaryllis :
-Je suis désolé...Tellement désolé. Je t'embarque dans tout ça, dans mes histoires de famille sans te demander ton avis...Je sais que ça fait beaucoup à avaler d'un coup, pour moi mais aussi pour toi. Ça va être dur, pour nous deux.
Je déglutis alors bruyamment, sans aucune retenue, et souffle avec peine, la gorge nouée et la voix pleine d'hésitation et de tristesse :
-Si tu veux, tu peux me quitter...Je ne t'en voudrais pas.
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