Chapitre LXI : Verre brisé
Mon grand-père et Hans-Peter viennent de débarquer dans la pièce.
Je n'irai pas jusqu'à dire que nous sommes sauvés mais cela peut clairement nous donner un avantage considérable sur nos attaquants.
Valéry, que je regarde alors quand il ouvre sa gueule remplie de crocs pointus, dit de sa voix grave de loup bipède :
-Nous n'avions pas prévu ce détail...
Fabrizia prend sa forme de lycanthrope hybride elle aussi. Ses formes sont fines et son fin pelage devenu brun et noir la rend élégante dans sa monstruosité. Elle grogne entre ses dents serrées :
-Nous n'avions pas prévu de base de nous confronter aux Primus !
Je m'avance avec affront et arrogance. Je suis devant Amaryllis. C'est ça que je cherche à faire plus ou moins discrètement. Capter leur attention et la faite disparaître de leurs pensées afin qu'ils ne s'en prennent plus à elle pour le moment. Alexander me rejoint, nous sommes devant Amaryllis.
Je sens qu'elle bouge dans notre dos mais elle ne fait rien pour nous retenir et ne nous dit rien. Elle a sans doute peur, plus que nous. Elle reste humaine. C'est donc à moi de palier à cet handicap dans ce monde de brutes de loups-garous et de la protéger au mieux. Elle ne devrait même pas être mêlée à ce genre de combats trop dangereux pour elle...
Je m'en veux de ne pas savoir comment le protéger mieux que simplement physiquement quand elle est en détresse. À cause de mon manque de vigilance, elle s'est faite mordre par Fabrizia ! Je m'en veux...Elle doit avoir tellement mal...Je connais cette sensation d'avoir mal en tant qu'humain, je le vivais encore il y a quelques mois. Depuis ma première transformation, je ressens moins la douleur. Je sais donc que le fait d'être loup-garou augmente nos capacités à presque tous les niveaux. Même ma vue s'est améliorée, alors que les vrais loups voient sûrement autrement que nous, humains. Il faudra que je pense à la marquer encore une fois pour être bien sûr qu'elle ne soit pas empoisonnée ou autre chose à cause de cette harpie de louve qu'est l'alpha des Minuit...
Fabrizia et ses deux sous-fifres sont pris en sandwich entre nous et les deux alphas des Primus et des Eberhardt.
Mais contre toute attente, la louve arrogante et provocatrice s'incline vers mon trio puis vers le duo de loups âgés constitué de mon grand-père et de Hans-Peter. Elle nous sourit avec une narquosité indescriptible et parle avec une voix mielleuse et plus grave que la sienne d'ordinaire, à cause du changement opéré dans ses cordes vocales à cause de sa forme bipède :
-Je vous tire mon chapeau, je suis clairement en position de désavantage. Je ne m'attendais pas à ce que vous trouviez si vite quelle meute était la suivante sur ma liste. Sur ce, nous vous disons au revoir et sans doute à une prochaine fois !
Soudain, avec une rapidité d'action inattendue, Valéry, qui a sans doute suivi les directives de Fabrizia données à l'avance sous forme de code, se rue vers la fenêtre de la chambre d'Alexander et la brise en passant à travers. Fabrizia le suit, elle-même suivie de Pierre. Quand tous deux sautent par la vitre brisée, ils reprennent une forme quadrupède pour optimiser leur vitesse.
Ils s'enfuient ! Ces lâches ! Ces chacals !
Alexander et moi tendons nos muscles et nous apprêtons à les suivre à la trace quand Hans-Peter nous interrompt :
-Stop !
Alexander grince des dents et fige ses muscles. Il a envie de les suivre, ça se voit à son faciès de loup humanoïde. Moi aussi, l'envie et la colère mêlée à de la profonde rage me démangent, mais je me contiens.
-Pourquoi ne peut-on pas les suivre ? questionnais-je avec une voix on ne peut plus calme.
-Il a raison...confirme mon grand-père. Ça ne servirait à rien. On ne sait pas quelle est leur prochaine cible et vous ne feriez peut-être que vous ruer dans un piège préparé. Ne vous mettez pas en danger aussi bêtement. Surtout que vous êtes tous les deux des futurs alphas. Surtout toi, Alexis, tu seras l'alpha des alphas, cela implique une grande responsabilité et une certaine confiance venant de toutes ces meutes.
Hans-Peter répète ça en allemand à son héritier, à part la dernière phrase, et il se renfrogne encore plus. Il reprend sa forme humaine et je le suis dans son mouvement. On diminue aussitôt de taille. Et oui, la forme bipède hybride d'un loup-garou a une hauteur bien supérieure à notre taille de pauvre et misétable humain.
Alexander serre les poings. Je le remarque et je vois qu'il y met tellement de force qu'il saigne presque et ses articulations en deviennent blanches. Il a les mâchoires serrées. Soudain, il y a en lui quelque chose qui semble exploser sans prévenir et il hurle presque à son alpha avec hargne dans la voix :
-Warum stoppst du mich in meinem Elan ? Warum darf ich nie etwas Spannendes für mich machen ? Warum verbietest du mir alles ?
Hans-Peter le regarde avec surprise. C'est presque un choc pour lui.
Je sais par Amaryllis qu'il ne veut pas qu'il joue du violon, qui est apparemment sa passion. Je comprends un peu ce que ça fait d'être bridé dans quelque chose qu'on aime à cause d'un quelconque élément externe.
-Ich...commence-t-il avec hésitation.
-Sag nichts ! le coupe Alexander avec rage. Ich hasse dich und deine Art wie du handelst !
Alexander sort alors de la pièce avec des pas lourds de sens et de colère. Tout a fini par sortir et se manifester, apparemment. Je regarde Amaryllis avec un air assez triste. Il doit être tard...Ou très tôt le matin, cela dépend du point de vue. Elle me sourit alors gentiment, pose une main sur ma joue et frotte la peau sous mon œil de son pouce.
-Tu as l'air fatigué. Et si nous allions dormir pour ce qui reste de notre nuit ?
Je souris. Elle a le don de me calmer et m'apaiser, même quand j'ai l'impression que je vais sortir de mes gonds. J'acquiesce en silence.
Nous nous séparons de deux alphas qui retournent dormir eux aussi et nous nous recouchons. Après quelques minutes, j'entends Alexander revenir dormir dans sa chambre et s'enfiler sous son duvet chaud, avant de sombrer dans un sommeil léger, à cause des nombreux événements nocturnes qui viennent de se passer.
Le lendemain matin, je ne vois pas Alexander quand je me réveille. Pourtant, il n'est que six heures...Je frotte mes yeux et me redresse complètenent dans mon lit.
Amaryllis dort paisiblemnt à côté de moi. Elle paraît si sereine que je me demanderais presque si les événements de cette nuit n'étaient pas seulement un mauvais rêve...Mais quand je vois l'épaule meurtrie de ma petite amie, avec encore les trous des crocs de Fabrizia visibles dans sa chair, je frissonne d'horreur.
On ne lui a fait aucun bandage. Quel blasphème, comment ai-je pu oublier de prendre soin d'elle après qu'elle ait été la seule à avoir été blessée ?
Je la fixe puis décide de me lever. Je vais à la salle de bains et retire mon haut de pyjama. Je remarque que je n'ai pas pris de haut de rechange pour la journée. Je soupire et me passe de l'eau froide sur le visage et un peu dans les cheveux, qui me goutte sur le torse. Je me sèche puis retourne dans la chambre d'Alexander pour prendre un haut propre.
Quand je m'agenouille près du lit pour fouiller dans le sac que voyage qu'Amaryllis et moi partageons, cette dernière se tourne sur le côté et sa main atterrit sur le haut de mon torse et glissr jusqu'à mon ventre sensible à l'extrême. Je frissonne, surpris par ce contact auquel je ne m'attendais pas du tout, et je la vois toujours dormir. Il n'y a pas à dire, il n'y a qu'avec elle que je baisse autant ma garde. Elle serait capable de m'assassiner sans la moindre discrétion que je ne verrais rien venir, tant je lui fais confiance. À vrai dire, j'imagine qu'il en va de même pour elle...Nous nous faisons presque aveuglément confiance. Je souris tout seul et lui prends la main pour la replacer dans le lit et non plus sur moi.
-Incorrigible...Tu es incorrigible ! Même inconsciente ou dans ton sommeil, tu arrives à me toucher et me faire de l'effet !
Je finis par m'habiller et je me recouche à côté de ma petite amie. J'attends son réveil. Je m'occupe en attendant.
Puis soudain, mes pensées se redirigent vers les événements de cette nuit.
Je savais déjà que les Minuit sont dangereux mais entrer en vraie confrontation avec eux et à plusieurs, ça me fait vraiment peur pour l'avenir. Je me suis déjà battu contre Jeffrey, la première fois qu'il a attaqué Amaryllis au gymnase, mais jamais à plusieurs comme cette nuit. D'ailleurs, de ce qu'Amaryllis nous avait dit après qu'elle soit revenue dans notre camp après son infiltration chez les Minuit, Valéry faisait partie des loups-garous qui ont agressé Gary en premier lieu, avec Jeffrey et Pierre entre autres. Le dernier serait apparemment Rémi, mais je ne l'ai jamais vu ailleurs qu'en photo dans le dossier des Minuit.
Je soupire. Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve et c'est ce dont j'ai peur. J'ai peur de tout perdre, de voir des gens à qui je tiens mourir...Surtout Amaryllis...Et surtout parce que je connais les limites physiques des humains. Cette nuit, elle s'est faite mordre par Fabrizia ! Fabrizia, une louve-garou, plus rapide, plus puissante, plus forte ! Je crains tellement pour Amaryllis et sa vie...
Tout cela me fait peur. Cela me terrifie...
Je me tourne sur le côté et tombe alors sur le dos d'Amaryllis qui me fait face. Je ne veux pas la réveiller mais pourtant, je veux la serrer contre moi et la rassurer.
Bien que je ne sois pas foncièrement bon dans ce domaine des relations sociales...
Je finis par me ficher du sommeil d'Amaryllis, sympa le petit ami, et je la tire à moi avec un bras. Son dos se retrouve collé à mon ventre et mon buste, je sens sa chaleur corporelle s'échapper de sa peau à travers le tissu de son pyjama. Je souris tout seul, comme un idiot.
Je la serre encore plus dans mon bras, comme si cette fois c'est moi qui devais être rassuré alors que ce serait à moi de le faire pour elle. Elle ne se réveille pas, elle a vraiment un sommeil de plomb, elle dort, la plupart du temps, comme un loir. Un loir tout doux et tout mignon !
Après de nombreuses minutes passées comme ça sans bouger, elle finit par émerger de son sommeil profond et fixe immédiatement son regard encore un peu ensommeillé sur mon bras autour de sa taille. Elle sourit tendrement en bâillant un peu. Je reprense à quelque chose à laquelle j'ai songé.
-Puis-je te marquer ? Par précaution ?
Elle bâille encore une fois et me murmure d'une voix quelque peu fatiguée :
-Comme tu veux...
Je prends ma forme semi-lupine et approche mes crocs de son cou. Je la mords le plus doucement possible pour ne pas lui rappeler le douloureux moment de cette nuit quand cette hyène de Fabrizia l'a mordue à l'épaule. Elle tressaille légèrement quand la pointe de mes crocs pénètre sa chair tendre mais elle se détend complètement ensuite. Je dirais que c'est une preuve d'amour et de confiance inestimable...Elle me laisse la mordre ainsi, sans jamais rien dire ou contester...
Une fois ma tâche accomplie, elle se tourne vers moi. Je redeviens complètement humain en apparence et la regarde avec mes yeux verts, surpris. Elle se love alors contre moi, à présent couché sur le dos, loge sa tête au creux de mon épaule, entre le début de mon bras, mon pectoral et ma clavicule puis pose sa petite main au milieu de mon torse. Je la prends dans la mienne avec douceur.
Elle s'est rendormie...
Tellement mignonne...
C'est ce genre de visions qui me pousse à faire tout mon possible et à me dépasser pour la protéger autant que possible !
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