Chapitre LX : Trio contre trio
Je serre mes dents et crispe bien involontairement mon corps. Je déglutis et je suis sûre qu'Alexis comme Alexander m'ont entendue...
Je brandis ma lame devant moi. Je n'ai aucune arme naturelle contrairement aux loups-garous, qui possèdent crocs et griffes acérés pour se défendre et attaquer leurs adversaires et leurs ennemis. Je suis une faible humaine. Ma seule arme est mon intelligence, mes tactiques, mon ingéniosité et ma dextérité à manier cette arme blanche en argent massif.
Fabrizia murmure alors un ordre, dont je n'entends qu'un seul mot, le mot bruit, à ses deux hommes de main qui apparaissent alors en travers d'un rayon de Lune. Leurs faces sont donc éclairées et révélées.
Le premier a une frange brune devant des yeux d'un vert intense. On reconnaît immédiatement ce membre des Minuit et ses larges épaules sur sa photo du dossier concernant sa meute, où elles ne rentraient pas dans le cadre tant elles sont larges...
-Valéry...murmure Alexis entre ses dents. Et...
Le deuxième nous sidère un peu plus. Il s'agit de...
-Pierre ! s'exclame Alexis. Mais tu...
-Vous pensiez m'avoir eu mais j'ai survécu grâce aux bons soins de mon alpha ! Je lui en suis reconnaissant !
Comment ce fumier pouvait-il avoir survécu ? Impossible...Il a été égorgé par les bons soins de Gary...Il ne peut pas être toujours en vie malgré sa grande régénération de lycanthrope.
-Surpris ? demande alors Pierre avec un ton plus que narquois.
Alexis lui montre les crocs.
-Tu étais mort, j'en suis sûr ! Tu es mort ce jour-là quand Gary t'a arraché la gorge et les jugulaires avec !
-Il faut remercier la technologie et les progrès fulgurants depuis quelques années qu'elle fait de Fabrizia !
-Pardon ? gronde Alexis, menaçant, en montrant ses crocs luisants encore plus.
-Je suis un peu devenu comme notre chère héritière Anna, si tu vois ce que je veux dire, Amaryllis ! Traîtresse !
Je déglutis. Avant d'analyser sa phrase, je lui réponds du tac-au-tac :
-Je ne suis pas uns traîtresse. Je ne l'ai jamais été, tout simplement parce que je n'ai jamais quitté mon camp. Celui des Primus !
Pierre grogne à son tour avec une moue de dédain que je distingue à la lueur de la Lune qui filtre dans la pièce par la fenêtre. S'il, comme il le dit, est devenu comme Anna, et que, de par surcroît, il a survécu à un pareille attaque de Gary sur un point vital, je ne l'explique que d'une seule façon...
Il est devenu à moitié robot !
Alexander se lève et se place à côté de moi, d'un côté du lit, opposée à Alexis. Je vois ce dernier serrer le crocs et tendre les muscles en le voyant m'approcher trop. Je sens la tension tellement forte dans cette pièce exiguë pour six personnes qu'elle en serait presque palpable.
-Val ! s'exclame Pierre.
Soudainement, lui et son acolyte Valéry au surnom fortememt raccourci s'élancent vers nous. Je resserre mon emprise avec poigne sur le manche de ma lame avec force, angoisse et stress mêlés.
Je jette un regard très rapide à Alexis sur qui Pierre s'est jeté avec élan.
-Achtung ! s'écrie Alexander.
Je me retourne en une fraction de seconde et tout me semble se passer au ralenti alors que l'action ne dure qu'une seconde.
Valéry s'approchait inexorablement de moi, quand soudainement, une silhouette de lycanthrope sous sa forme bipède surgit et lui donne un violent coup de pattes dans la mâchoire. Valéry valdingue à l'autre bout de la pièce en se fracassant l'échine contre le mur avec un grand bruit et pendant ce temps, une autre silhouette de loup-garou bipède a rejoint la première, et lui assène un coup de pattes dans le ventre. Le premier loup-garou vole dans la pièce dans la direction opposée à Pierre quand soudainement, Alexander se dresse sur ses jambes se transformant en pattes et fait voler son poing dans la museau de la seconde silhouette.
Cet enchaînement extrêmement rapide avec cette obscurité ambiante me donne de petits frissons d'une peur naissante. Tout s'est passé très vite...Je comprends, grâce à mon cerveau qui a recomposé la scène pour mon esprit un peu perdu, que Valéry voulait m'attaquer, Alexander m'a dit de faire attention pendant qu'au même instant, Alexis en loup-garou bipède a frappé Valéry puis Alexis, sous sa forme hybride bipède est venu frapper Pierre et qui a ensuite été lui-même frappé par Alexander.
Ma lame tremble entre mes mains. Je ne peux retenir mes membres de trembler et mes doigts sont en train de perdre de leur force. Je halète doucement et bien contre mon gré mais mon corps manifeste sa peur panique grandissante.
Tous les loups-garous masculins dans cette petite pièce sont sous leur forme de loup bipède. Je déglutis.
Fabrizia se trouve face à moi, sous sa forme de banale humaine. Je ne sais pas si son sourire quelque peu nerveux est censé représenter ses moqueries incessantes traduites par les tics nerveux qui haussent de temps en temps sa bouche ou causé par sa frustration due au fait que je l'ai bernée, surtout Jeffrey, pendant cinq semaines.
-Tu te sens peu rassurée, n'est-ce pas ?
Elle me nargue. Elle sait que je suis stressée. Bien évidemment que je le suis. Elle peut potentiellement me tuer, elle a une force surhumaine ainsi que trois formes différentes pour varier les plaisirs de l'exécution, de la plus barbare, comme l'égorgement avec les dents, à la plus sophistiquée, comme avec du poison accompgné de machinations bien orchestrées derrière le tout.
Je vois Alexis affairé avec Pierre qui ne lui donne aucun moment de répit. Même situation du côté d'Alexander, débordé de toutes parts par Valéry qui ne cesse d'essayer de lui porter un coup fatal.
Moi, j'ai l'alpha des Minuit, Fabrizia, en face de moi. Rien que ça...
-Cette épée...murmure-t-elle.
Je fronce les sourcils mais lève légèrement mon regard vers elle.
-C'est moi qui l'ai faite faire en argent massif exprès pour toi et donnée à Jeffrey pour qu'il te la donne ensuite. Je ne pensais pas qu'elle te servirait contre ses créateurs ensuite...
Je souris, bien que ça soit de façon totalement nerveuse et nullement naturelle et sereine.
-Comme quoi, j'ai un bon jeu d'acteur et une bonne maîtrise des mots suffisante pour avoir pu berner Jeffrey autant de temps sans jamais réellement mentir...
Je vois Fabrizia se prendre un bras dans chaque main, les bras croisés sur son buste couvert d'un haut en tissu rouge. Elle détourne la tête et je vois alors ses épaules trembloter rapidement. Soudain, elle rejette son crâne en arrière, balançant dans son élan ses cheveux couleur de feu avec. Elle part dans un immense éclat de rire qui ressemble au rire d'un psychopathe qui aurait eu une révélation soudaine sur la façon de tuer sa prochaine victime.
Et quelque chose me dit que si on transpose cette comparaison sur nous, je ne serais en aucun cas la psychopathe...
Fabrizia rit toujours et je vois alors ses canines grandir en crocs dans l'obscurité nocturne qui règne dans la pièce. Avec un geste on ne peut plus brusque, elle relève le visage et me fixe alors soudainement de ses prunelles subitement devenues jaunes et très brillantes. Elle rugit presque quand elle me hurle en pleine figure :
-Tu vas regretter de t'être payé ma tête !
L'alpha des Minuit se transforme alors en deux secondes en une louve noire comme la nuit aux pattes rousses comme pour rappeler ses cheveux roux sous sa forme humaine. Je la trouverais sûrement fortement élégante si je ne sentais pas des relens de haine et d'envie de meurtre émanant de chaque pore sur son corps entier.
Elle se jette sur moi, fétide gueule ouverte sur des crocs acérés brandis en avant.
Je pense en premier lieu à me protéger puis je me rends compte que cela pourrait peut-être stupide car les crocs de Fabrizia me déchiquèteraient les bras. Et contrairement à ce que l'on pourrait croire, ils sont très utiles et fort pratiques dans la vie du quotidien. Je me ravise et me met en position de défense avec ma lame avec mes doigts toujours plus serrés autour du manche.
J'esquive l'attaque directe de justesse. Fabrizia se reprend et se retourne à nouveau vers moi. Sa louve me fixe d'un tel regard, avec une telle expression, que j'ai toujours l'impression qu'elle me nargue. Même la commissure de ses lèvres semble me faire un sourire moqueur...Fabrizia grogne et Pierre et Valéry se retournent. Je ne comprends malheureusement pas le langage des loups aussi bien que cela, surtout quand c'est un autre loup qu'Alexis.
Je serre encore plus ma prise sur le manche de mon épée. Mes mains tremblent mais on le voit de moins en moins tellement je serre les dents.
Fabrizia se jette à nouveau sur moi et cette fois, je ne recule pas. Je brandis ma lame comme je peux et essaie de l'atteindre. Ne s'y attendant pas, elle a un temps d'arrêt que j'utilise pour lui porter un coup à la patte arrière. N'étant pas encore totalement paralysée, elle a esquivé au dernier moment. Elle n'a qu'une coupure au niveau de la cheville mais assez profonde pour déjà bien l'handicaper dans ce combat. J'ai réussi à faire un peu pencher la balance en ma faveur. Pas entièrement, mais un peu.
Elle grogne avec rage et se jette sur moi avec une rapidité qui me surprend. Je n'ai pas le temps de réagir et elle me mord l'épaule à pleins crocs.
Je hurle de douleur sans me contenir et mon cri qui résonne de toutes parts alerte alors mes deux coéquipiers.
Fabrizia me lâche alors que je tombe à genoux sur le sol, une main sur l'épaule, et recule avec un air satisfait. Son sourire lupin, duquel coule un filet de sang m'appartenant, me met en rogne.
Quant à Alexis, il envoie un violent coup de patte antérieure dans la mâchoire de son adversaire qui perd une dent, qui gicle, de façon très caricaturale, avant de se précipiter vers moi avec affolement.
Bien que le museau d'un loup soit moins expressif qu'un visage humain, je vois clairement qu'Alexis est très inquiet pour moi. Ses yeux sont les plus grands traîtres qu'il peut exister pour lui. Je le sais et je les utilise souvent pour voir ce que ressent mon Alexis.
Je saigne abondamment et je sens les trous que Fabrizia a percé dans ma peau avec ses crocs pointus. Je porte ma main droite à mon épaule. Ça fait mal. Ça fait même très mal...Je serre les dents. Pas question de baisser les bras !
Elle n'a pas atteint l'épaule du bras avec lequel je manie ma lame, je peux donc continuer à me battre. Alexis me lance un regard que je comprends. Je relève ma manche alors qu'il se change en loup, sa forme quadrupède, et commence à me lécher ma blessure. Il m'a marquée toutes les quatre ou cinq heures depuis que nous sommes arrivés ici, par prévention, prudence et inquiétude mêlées, il y a donc peu de chances que je meure d'un empoisonnement quelconque mais plutôt d'une hémorragie. La régénération plus rapide dont me fait bénéficier Alexis, en me marquant avec immanquablement sa salive, qui entre dans mon corps quand il perce ma peau de ses crocs pointus, est bien utile et fort agréable mais tout de même limitée, surtout par ma nature humaine de base.
Alexis finit de lapper le sang coulant de mon épaule et me lèche une fois la joue comme pour remonter mon moral et mes batteries. Je me relève et lui se retransforme en loup-garou hybride, la forme bipède.
Pierre rejoint alors Fabrizia. Alexander et Valéry se battent toujours mais ce dernier finit par flanquer un bon coup de genou dans l'abdomen de son adversaire qui suffoque, avant de retourner vers son camp.
Nous sommes deux trios, face à face, comme si nous allions nous affronter et mesurer nos capacités dans un jeu télévisé...
Mais tout cela n'a rien d'un jeu. On est même au parfait opposé de l'esprit parfois un peu enfantin, de loisir, d'amusement et de plaisir...
Je regarde les Minuit en face de nous, menaçants et se rapprochant peu à peu de notre trio de jeunes encore parfois un peu inexpérimenté de la vie. J'ai peur. Je ne l'admetterais sans doute pas devant n'importe qui mais j'ai peur...
Quand soudain débarquent dans la pièce vêtus de leur pyjama et avec fracas Hans-Peter et Yegram.
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