Chapitre III : Le mois
Ça fait presque un mois d'écoulé depuis que j'ai perdu le contrôle cette fois-là.
Je suis plutôt content que ça ne se soit pas reproduit et j'espère de tout cœur que cela ne se reproduira plus...
Je ne veux surtout pas faire du mal à celle qui compte le plus à mes yeux et à mon cœur.
Amaryllis n'a jamais relancé le sujet d'elle-même, alors peut-être devrais-je le faire moi ?
Je l'ignore...
Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, j'ai décidé de me montrer de mauvaise humeur.
En premier lieu, ces derniers jours, je dors mal à cause de la pleine Lune qui approche. C'est peut-être une légende urbaine mais moi, ça m'influence ! Et puis, j'ai besoin de beaucoup d'heures de sommeil pour tourner à plein régime, pas comme Amaryllis ou Heiling, par exemple...
Et en second lieu, nous avons le cours de sport aujourd'hui. Et comme nous sommes encore à la fin de l'été...En cette saison, nos professeurs de sport adorent nous emmener trois ou quatre fois à la piscine pour quelques cours.
La piscine publique est à cinq minutes à pied du gymnase, c'est donc pratique. Et du coup, par la même occasion, tous ces facteurs réunis font que les professeurs trouvent que c'est une opportunité géniale.
Oui, c'est vrai, j'avoue. D'un point de vue objectif, c'est une belle opportunité pour les étudiants.
Mais !
Car oui, je serais vraiment capable de trouver des mais pour absolument tout si on m'y incitait plus souvent...
Ce n'est pas pour que ça que je n'aime aucune piscine et encore moins y aller.
Ce qui m'agace le plus, ce sont les garçons qui ont des muscles apparents et bien taillés, mais alors le pompon, c'est quand ils les montrent, les exhibent même, et s'en vantent.
Je ne peux absolument pas supporter ce genre de garçons, il me donnent la chair de poule et me hérissent autant les poils que les cheveux.
Surtout que mes cousins sont aussi bâtis ainsi !
Non pas que ce n'est pas beau, loin de là. Même avec mon avis et mon point de vue masculins, il existe des muscles ou des torses beaux.
Mais simplement, je suis jaloux. Ça m'énerve, ces garçons qui reçoivent des remarques tellement flatteuses alors que toi, en tant que déprimé de la vie, tu ne fais rien et ne reçois ensuite que des jugements tous plus mauvais les uns que les autres.
Pour ça, celle que j'aime est une fille géniale.
Amaryllis, elle, s'en fiche.
Je sais que ce n'est pas ce qui lui a plu chez moi vu que j'ai un torse totalement plat et une apparence physique banale et quelconque, mais je ne cesse tout de même pas d'envier le torse des garçons musclés.
Le pire, je crois, ce sont ceux comme James !
C'est un bon ami, mais...Juste pour ça, je le déteste !
Il est de ces garçons qui ne font pas spécialement de sport, mais qui sont tellement secs, tellement sveltes, tellement minces qu'on voit leurs muscles sous leur peau bombée.
Alors que pourtant, je ne suis pas gros non plus...
Je sors des vestiaires avec mon linge sur les épaules, à la façon d'un châle. Les garçons de la classe me disent que ça fait fille, mais je n'ai que faire de leur avis.
Je n'aime pas mon corps, point.
Il n'y a rien à redire ou à discuter.
Mes jambes et mes bras, bien que fins, sont poilus, j'ai l'impression que c'est encore pire qu'avant alors que ce n'était déjà pas que du joli, et mon torse est dénué de relief.
J'ai toutes les raisons de me cacher.
Amaryllis a tout de même réussi un peu à me décomplexer.
Elle attache beaucoup moins d'importance à l'apparence qu'à l'esprit, contrairement à beaucoup de gens, qui devraient revoir leur jugement et prendre exemple sur Amaryllis.
Et puis, elle a déjà touché mon torse, et je me sens mieux dans ma peau depuis qu'elle est avec moi, même si je n'ai ni un torse ni un corps de rêve.
Et même si elle prétend l'inverse...
Je regarde James sortir des vestiaires. Ses jambes sont poiles mais pas en excès contrairement aux miennes, son torse est clair mais on voit tous ses muscles sans problème et son visage plutôt beau est l'objet de regard de beaucoup de filles de notre âge.
Ainsi que ses abdominaux saillants, bien sûr !
Ce genre de filles qui ne prennent en compte que l'apparence...
Qui sont celles qui me tapent le plus sur les nerfs !
Il faut vraiment que j'arrête de m'énerver pour un rien...
Le cours se déroule étonnamment dans le calme, puis nous pouvons enfin rentrer !
Comme nous avons fini plus tôt, on profite d'aller tous ensemble dans un café pour décompresser un peu. Samuelle et Lou partent assez vite, car leur train est pour bientôt et elles habitent toutes les deux assez loin du gymnase.
Et Heiling aussi, car ses parents étant très compliqués à cerner et convaincre quand il s'agissait d'organisation d'une quelconque sortie, elle ne pouvait jamais rester bien longtemps avec nous. Elle nous salue à travers la vitre du café avant de partir de sa démarche rapide.
C'est ce moment-là que choisit Nadejda pour tourner son regard vers James et lui sortir tout naturellement, en lui tapant une fois le milieu du torse :
-Alors, tout ça, qui est plutôt bien formé dis-moi, ça va bien ?
James lève un sourcil interrogateur tout en la regardant dans les yeux.
-Très bien, merci...finit-il par dire, la voix un peu hésitante, ne comprenant pas le sens de cette question.
C'est alors que Tina renchérit avec un air tout aussi fourbe et amusé que celui de notre amie :
-Dis-moi, James, ne voudrais-tu pas utiliser cet atout non négligeable pour que Mélusine tombe dans tes bras ?
James pousse un soupir, appuie ses omoplates contre le dossier de sa chaise et croise les bras sur son torse, que je sais musclé juste sous ce mince tissu.
Ma main se resserre presque instinctivement sur le tissu de mon pantalon, parce que je me sens frustré.
Et envieux.
Et jaloux.
Toujours à privilégier l'apparence et le physique avant tout le reste...
Amaryllis le remarque et pose sa main sur la mienne, qui se détend un peu.
Elle sent quand je ressens une émotion et me comprend.
Elle cherche à me rassurer, c'est tellement mignon...
-J'ai beau avoir des vues sur elle, je ne veux pas non plus lui sauter dessus. En plus de ça, si je lui disais les choses trop vite, ça risquerait de lui faire peur.
-Surtout si tu es à torse nu ! lâche du tac-au-tac Tina en fixant Nadejda avec un sourire en coin.
Notre fourbe de service renchérit :
-On jurerait presque un pédophile !
C'est alors qu'Amaryllis, assise à côté de moi, dit :
-Surtout en sachant qu'il est plus jeune qu'elle !
Tina et Nadejda éclatent de rire et frappent de leur paume celle de ma petite amie pour lui montrer leur totale approbation.
Je ne sais pas si je dois plus être choqué par cette remarque d'Amarayllis qui est la pureté incarnée, surtout si on la compare à Nadejda ou encore Heiling dans un autre registre, ou alors par le fait qu'elle a retenu ce détail inutile...
Il faut que je cesse de réfléchir sans arrêt. Je m'en fiche, des amourettes de James.
Moi, j'ai trouvé celle que j'aime et cela me suffit.
En parlant d'elle, j'ai soudainement en moi une sorte de bouffée de chaleur en plus de la température estivale déjà écrasante, je n'en peux plus.
Je me lève et demande :
-Amaryllis, on y va ? Je ne suis...Pas très bien. On rentre ?
-Petit joueur ! me lance Nadejda en riant. Si tu veux aller faire des choses douteuses avec ta copine, tu pourrais trouver une meilleure excuse !
Tina pouffe de rire et James me chuchote quelque chose de loin que je ne comprends mais je lis sur ses lèvres deux mots :
-Je compatis...
Moi aussi, je compatis pour lui...
Amaryllis et moi partons, l'abandonnant avec Nadejda et Tina...
Seul, avec en ce moment des vues sur quelqu'un et étant accompagné par deux fourbes et qui plus est curieuses, il allait clair et net souffrir intérieurement et crouler sous leur flot de questions...
-À demain, alors !
-Guéris-toi bien, me dit Tina, gentille et soucieuse de ses amis.
-Tu demanderas à Amaryllis de faire l'infirmière intime avec toi ! me lance Nadejda avec un grand sourire.
-Très drôle ! lui dis-je en chœur avec Amaryllis.
-C'est un jeu très populaire pour les couples, vous savez !
On décide de l'ignorer et on l'entend rire. À peine sort-on du café que j'entends de suite Tina dire, de la fourberie et de l'intérêt mêlés dans la voix :
-Alors, James, raconte-nous !
Anaryllis et moi allons sur un banc dans un parc quasiment vide.
Il n'y a que quelques enfants innocents en train de jouer.
À cette période de ma vie, je ne connaissais pas encore Amaryllis...
Je mets un bras autour de ses épaules. Ça la surprend puisqu'elle me fixe alors de ses prunelles noires comme la plus sombre nuit sans Lune.
Je me penche alors sur elle et l'embrasse avec une certaine fougue.
Comme nous sommes en public, je me retiens de trop en faire mais plus je l'embrasse, plus je ressens le désir de la vouloir.
Pour moi...
Rien que pour moi.
Rien qu'à moi !
Le monde pourrait disparaître que je m'en ficherais s'il me restait rien qu'Amaryllis.
Mon premier réel amour.
Je laisse à contrecœur les douces lèvres de ma précieuse Amaryllis avant que l'événement d'il y a un mois ne se reproduise ou d'aller trop loin dans la gêne en public et elle me sourit tendrement.
Elle m'étreint avec un tel amour, si pur et si sincère, que je sentirais presque mon corps fondre entre ses bras agréablement tièdes...
Je lui rends son étreinte et les minutes passent, dans le silence de ce long câlin.
Au terme de la journée, on doit finalement se séparer. Je la vois à travers la vitre un peu sale du bus me saluer de la main, comme chaque jour, après chaque cours, inlassablement...
Je mime un baiser que je lui envoie en un souffle. Elle sourit et fait de même avant que mon bus ne tourne et fasse disparaître ma bien-aimée dans l'angle de la rue.
Mes parents sont séparés depuis presque cinq ans.
Quand j'arrive chez mon père qui travaille encore, il fait déjà nuit et on distingue les rayons pâles de la Lune sur le carrelage car il est plutôt tard, et je ne me sens vraiment pas bien, presque mal...
J'ai mal à la tête et j'ai l'impression que tout tourne autour de moi...
Je ressens le besoin pressant d'avoir Amaryllis à mes côtés.
Je tiens mon crâne à une main en plissant les yeux.
Je commence à voir flou. Les contours des joints entre les dalles du carrelage deviennent flous et vagues si bien que j'ai l'impression de me retrouver sur une seule masse froide sans délimitations.
Je cligne plusieurs fois des paupières, je commence à vraiment stresser.
Je ne suis pas dans mon état normal...
Jamais je n'ai ressenti quelque chose d'aussi bizarre...
La sensation qui m'a envahie il y a presque un mois quand j'ai perdu le contrôle, qui part du ventre et va jusque dans ma poitrine, revient aussi soudainement que violemment !
Je me plie en deux de douleur.
Cette fois, ce n'est pas juste une sensation bizarre mais une douleur qui devient de plus en plus intense...
Je ne sais pas ce que c'est.
Ni d'où ça vient.
Mais je sais que ça me fait mal.
Et je ne supporte pas d'avoir mal...
Tout en me serrant mon propre torse entre mes bras pour essayer d'étouffer littéralement la douleur comme dans un étau, je vais dans ma chambre.
À vrai dire, je ne sais même pas comment j'y suis arrivé tellement je suis et j'ai mal, tant je souffre...
Je me couche sur mon lit, recroquevillé, les dents serrées presque à m'en faire saigner les gencives, pour essayer de ne serait-ce qu'un peu apaiser ma souffrance.
J'ai besoin d'Amaryllis...
J'ai besoin qu'elle soit à mes côtés.
Elle seule est capable d'apaiser mes douleurs. Peu importe laquelle, elle y arrive toujours, en me parlant de sa voix douce et en me touchant avec une tendresse que personne ne pourrait imiter.
Si elle était là, elle saurait comment me rassurer et me calmer.
Elle seule a ce pouvoir avec moi.
Moi qui suis quelqu'un de tempérament sanguin et colérique, je peux affirmer que personne n'a su autant me détendre avant elle.
Dès que je vois son visage ou que je la sens toucher une partie de mon corps, je sens tous mes nerfs et mes muscles se relâcher.
Pourquoi n'est-elle pas là avec moi ?
Je veux qu'elle soit ici à mes côtés.
J'ai besoin de son soutien.
J'ai besoin de sa douceur.
J'ai besoin de sa tendresse.
J'ai besoin de son amour.
J'ai besoin de ma bien-aimée.
J'ai besoin d'Amaryllis...
Plus je pense à elle et plus le temps passe, plus la douleur me traversant le torse, et bientôt tout le corps, s'intensifie...
Maintenant, je me tords de douleur...
Et soudain, c'est le noir...
Je ne me souviens de rien...
Le premier souvenir que j'ai depuis cette intense et horrible douleur, c'est mon père, dont je ne vois pas le visage, qui me serre dans ses bras.
Je suis à genoux sur le sol froid de ma chambre, les bras le long du corps, encore hébété et abruti par ce que j'ai vécu et ressenti, et mon père, que je crois entendre pleurer sur mon épaule, me dit d'un ton chargé d'émotions :
-Mon fils, mon cher fils unique, je suis si fier de toi !
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