Mission d'écriture n°7 : Les émotions - la tristesse
Ça y est, c'était la fin.
Alors que je serrais fort sa petite main pâle et tremblante, je sentis rapidement que quelque chose n'allait pas. Que quelque chose ne fonctionnait plus. Je ne sentais plus le fort battement de son cœur qui, en plus d'être puissant, était rapide et ne pouvait pas échapper à ma poigne de fer. Son cœur ne battait plus.
Déboussolé et sous le choc, je hurlai qu'un médecin vienne la soigner, que quelque chose clochait. Je ne comprenais pas vraiment ce qu'il venait de se passer, ou je ne voulais pas comprendre. Peut-être en fait que je ne pouvais pas comprendre. J'étais dans le déni. Il n'était pas envisageable qu'Ellie, si jeune et si innocente, puisse disparaître, comme ça, pouf ! Dans un dernier battement de coeur. Mon cerveau ne pouvait même pas l'imaginer, mon âme ne pouvait même pas le concevoir.
Et, en cinq mots à peine, je saisis. Cinq petits mots, prononcés par une infirmière qui me tenait fermement le poignet pour tenter de me calmer. Cinq petits mots également répétés par le médecin qui finit par arriver. Ces mêmes mots, encore et toujours, qu'on répétait aux mêmes personnes : celles qui venaient de perdre un proche.
« Je suis vraiment navré, monsieur. ».
Et là, tout s'effondra en moi. C'était comme si le ciel me tombait sur la tête. J'eus l'impression que mon cœur allait s'arrêter, tout comme celui de ma petite Ellie, ma fille, mon trésor, que je venais de perdre. Non, c'était impossible !
Accablé de chagrin, je me laissai tomber sur le sol, impuissant, à genoux à côté du corps, jadis chaleureux, désormais froid de cette petite fille de deux ans qu'on m'avait enlevée de manière injuste, beaucoup trop tôt. Je ne voulais toujours pas y croire, et je me mis à la secouer par les épaules.
« Ellie, Ellie, réveille-toi ! Allez, je vais te faire des crêpes, ton goûter préféré ! Et après, on jouera à cache-cache, comme je te l'avais promis hier, tu te rappelles ? Allez, je t'en pris, Ellie, réveille-toi ! S'il te plaît... ».
À mesure que je parlais, ma voix se faisait de plus en plus faible et tremblante, les sanglots venant peu à peu, jusqu'à finalement se briser, tout comme toute forme d'espoir qu'elle ne rouvre ses magnifiques yeux bleus de bébé. Mes larmes se mirent à couler, alors qu'une certitude affreuse et glaçante vint m'opprimer la cage thoracique. Ellie était partie pour toujours, et elle ne reviendrait jamais. J'avais beau lui agripper la main, la serrer fort contre ma joue, comme pour la retenir, embrasser tendrement un à un ses minuscules petits doigts, si petits, lui murmurer que je l'aimais, qu'elle ne devait pas avoir peur : rien n'y faisait, et rien n'y ferait plus.
Elle ne verra jamais son troisième anniversaire, qui aurait eu lieu le 2 avril, soit le mois prochain. Elle ne fera pas sa première rentrée à l'école en septembre prochain. Elle n'enlèvera jamais les petites roues, ne fera pas de crises d'adolescence, ne fera aucune lettre de motivation pour aucune grande université. Elle ne connaîtra pas son premier chagrin d'amour, sa première sortie en boîte de nuit, son premier baiser. Je n'assisterai ni à son mariage, ni au baptême de ses enfants. Seulement à son enterrement, que je n'aurai pas la force d'organiser. Car oui, Ellie était morte, vaincue par la pneumonie. Les médecins n'ont rien pu faire pour la sauver.
Plus je me répétais ces mots dans la tête, plus la rude réalité me frappait au visage. Ce n'était pas possible ! Ça ne pouvait pas être... Vrai. Et pourtant ça l'était. Je le remarquai bien tandis que les infirmiers et médecins recouvraient son cadavre d'une couverture blanche, dans le but de l'emporter loin de moi. Dévasté, je ne pus me résoudre d'accepter, et restai accroché à son bras comme si ma vie en dépendait. Car, en réalité, c'était le cas. Je ne pouvais pas vivre sans ma petite Ellie, mon petit rayon de soleil qui illuminait mon quotidien depuis sa naissance. Non, je ne pouvais pas la lâcher. Ce serait abandonner, la laisser tomber à son triste sort. La tuer, presque. Et je ne voulais pas tuer mon enfant. C'est donc avec tout le désespoir du monde que, malgré tous leurs efforts, je restai collé à ce petit ange.
Une infirmière tenta de me raisonner, me répétant de me calmer en me tirant le bras. Je la repousse d'un geste brusque, comme pour me protéger du malheur qui m'afflige jusqu'à la moelle de mes os.
« Non, je ne me calmerai pas, répodis-je d'une voix douloureuse, la gorge nouée. Vous voulez m'enlever ma fille, vous voulez me briser, vous ne voulez rien faire pour la sauver. Et après, vous me demandez de rester calme ? ».
Mais ce geste désespéré me fit lâcher ma petite fille adorée. J'essayais de la rattraper du bout des doigts, mais sans succès. J'avais échoué. Échoué pour la sauver, échoué pour la protéger. Échoué pour la garder près de moi. Échoué dans mon rôle de papa. Papa, ce mot que je n'entendrai plus jamais. Car plus jamais sa voix douce ne résonnerait en ce monde.
Ébranlé jusqu'au plus profond de ma chair, rongée par le chagrin, je me mis à chanceler, à tanguer, à tituber. Tout tournait autour de moi, je sentais comme s'accélérer la rotation de cette Terre qui n'avait plus aucun sens pour moi. Pas sans Ellie. Jamais sans mon enfant. Je fus surpris de sentir mon cœur . Il était donc toujours vivant ? N'était-il pas mort avec elle ? Non, et au contraire, il battait à toute vitesse, comme pour fuir ce monde triste, comme pour exploser comme une bombe à retardement dont le départ d'Ellie serait la détonateur. Avant de perdre connaissance, ou peut-être que les médecins ont voulu abréger temporairement cette douleur qui me terrassait par un quelconque calmant, je pensais à ce que j'allais dire à ma femme, qui rentrerait ce soir du travail, ayant été obligée d'y aller.
Puis plus rien. Loin de cette peine, je me sentais bien.
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