Mission d'écriture n°1 - le récit fantastique
J'étais dans mon salon, confortablement installé dans un fauteuil rouge et moelleux, face au feu qui crépitait et dansait dans la vielle cheminée dont je ne me souvenais plus de l'âge. Le téléphone se mit à sonner, mais je n'avais ni l'envie ni la force de me lever et de déplacer mes vieux os pour aller répondre. Si c'était important, on m'a sûrement laissé un message, à l'heure qu'il est. Je n'avais plus l'âge de traverser ma si grande maison pour la moindre petite chose peu utile.
Ce matin-là était un jour comme les autres, si ce n'est que j'attendais de la visite, et avec impatience. En effet, Mickaël, mon fils, allait venir à la maison avec Flore, sa petite de cinq ans. Mickaël, c'est mon plus jeune fils. J'ai eu six enfants, et onze petits enfants par la suite : je suis fier de la grande et belle famille que j'ai fondée avec ma très chère Lisiane. Malheureusement, celle-ci n'est plus là pour voir grandir la petite Flore, si vive d'esprit et pleine de joie. Elle nous a malheureusement quitté le printemps dernier, disparaissant pour laisser place à la nature qui renaissait et à ses belles fleurs, aussi belles qu'elle.
Il faut dire que je me fais vieux : 86 ans et toutes mes dents en moins ! Plusieurs de mes petits enfants sont adultes, maintenant. J'ai vécu un nombre incalculable de moments, bons ou moins bons, mais, c'est la vie, voilà tout. Et le temps passe, toujours, à toute vitesse et sans arrêt, si bien que j'en perds la tête parfois. Et c'est sûrement ce qu'il s'est passé aujourd'hui, car vous ne croirez probablement pas le récit que je vais vous raconter.
Je me réchauffais donc comme je pouvais, ce matin-là, au plein cœur de cet hiver glacial. Je ne sais pas ce qu'il s'était passé, peut-être m'étais-je endormi un court instant, mais je me souviens d'avoir ouvert les yeux en sentant une présence devant moi. Et, en effet, il y avait bien quelqu'un, ou plutôt quelque chose, un être vivant en tout cas. C'est peut-être difficile à croire, mais une sorte de cheval, d'un poil argenté et brillant, pourvu d'ailes dorées et resplendissantes de milles feux, sortait de la cheminée en flamme, comme s'il ne sentait pas le moins du monde la brûlure. Avec le foyer qui brûlait derrière, c'était un spectacle à couper le souffle. Éberlué, je restai un moment bouche bée, avant de murmurer malgré moi de ma voix rauque :
« Oh, tu es magnifique...
- Merci beaucoup, c'est très aimable de ta part. » répondit l'équidé d'une douce voix féminine, une des plus douces que je n'ai jamais entendues.
Comme apaisé, je levai lentement ma main pour caresser son chanf... Comment ça, "répondit l'équidé" ? Sur le coup, je fus extrêmement surpris par ces paroles de l'animal, ou plutôt par le fait que l'animal parle, même s'il possédait déjà des ailes d'or. Reprenons donc : je levai lentement la main pour caresser son chanfrein, quand je m'immobilisai soudain, ce membre frêle et fripé restant suspendu dans l'air. Mon visage empli de surprise, j'élevai très peu la voix pour l'exprimer, comme en proie cette fois à une légère crainte :
« Tu... Tu parles ?
- Oui, ne t'inquiètes pas, expliqua d'une voix posée la belle jument en frottant son museau contre ma main. Je suis Poema, et je viens d'une autre contrée, dans laquelle nous autres, les pégases, sommes doués de la parole. Je sais que ça peut paraître difficile à croire, dans ce monde-ci, mais je suis bien réelle. »
Et, en effet, en lui caressant la tête, puis le flanc, je sentis la chaleur et la douceur de son poil sous mes doigts, et je pus les refermer sur sa magnifique crinière argentée. Ce n'était ni une hallucination, ni un rêve. Je pense que c'était bien trop réaliste pour que ce le soit. La surprise passée, je fus curieux de savoir ce qu'elle faisait là.
« Je te crois. Mais... que me veux-tu ? demandai-je du ton le plus poli que je puisse faire.
- Viens avec moi, répondit du tac au tac la dénommée Poema.
- Où ça ? questionnai je, surpris.
- Dans un endroit idyllique, où tout est magnifique et rien ne disparaît. Je te ferai visiter les plus beaux endroits de notre magnifique monde, tu pourras courir et sauter sans problème, comme autrefois. Tu retrouveras ta jeunesse d'antan et tu demeureras heureux pour toujours. »
Sa longue description de notre éventuelle destination me fit rêver. Je m'imaginai beau, jeune, et jamais seul, toujours occupé à courir dans l'eau d'un fleuve clair ou à parcourir une prairie ensoleillée à dos de pégase doré. Je m'imaginai le temps s'arrêter, se retourner et se bloquer sur la période que je préférai le plus. Le moment où elle était encore là, parmi nous, assise dans l'herbe à mes côtés.
« Oui, tu pourras la revoir, affirma alors Poema, comme si elle lisait dans mes pensées. Nous ferons tout pour que tu sois heureux. Tu n'as qu'à monter sur mon dos, et te laisser porter par tes souvenirs les plus heureux. »
Presque sans m'en rendre compte, je me hissai docilement sur son dos, dans l'espoir de la revoir, elle, celle qui avait partagé ma vie pendant soixante belles années, de la classe de première à la retraite bien méritée. Tous mes rêves pouvaient se réaliser, là, maintenant, grâce à l'ange-cheval sur le dos duquel je me trouvais désormais. Celui-ci se mit à marcher, puis à trotter, puis à galoper, de plus en plus vite, de plus en plus haut, en direction de la fenêtre du salon. J'eus d'abord peur, avant de suivre son conseil et de penser à tous les moments heureux dont je pouvais me souvenir. Ma rencontre avec Lisiane, mon mariage, la naissance de mes enfants, de mes petits enfants, tous les Noëls en famille, tous ensemble...
Soudain, la porte d'entrée s'ouvrit en grand, laissant débouler une petite chose blonde et énergique, qui s'arrêta net devant moi. Poema s'immobilisa également, et je restai là, à fixer la fillette que j'aimais tant, pendant que la voix de Mickaël retentit dans l'entrée :
« Papa, c'est nous !
- Papi José ! »
Les yeux de Flore furent d'abord émerveillés à la vue de la splendide jument, avant de s'emplir de peur et de tristesse. Je cherchai mes mots afin de la rassurer, avant de m'exclamer joyeusement, mais avec douceur :
« De quoi as-tu peur, ma petite Flore ? Ce gentil pégase va m'emmener dans un endroit magnifique, et je vais revoir Mamie ! Je vais revenir vite pour notre après-midi tous ensemble, ne t'inquiètes pas. »
L'enfant se mit à pleurer. Qu'est-ce que je déteste voir des larmes couler sur ses petites joues potelées ! Pourquoi était-elle aussi triste ? J'eus vite la réponse. D'une voix chagrinée, elle s'écria avec force :
« Non ! Tu comprends pas ! Elle va t'emm'ner dans le monde de tout là-haut, au ciel, là où y'a Mamie, qu'est toujours pas rev'nue ! »
Le ciel me tomba sur la tête alors qu'elle tomba à genoux. Était-ce la vérité ? Mes espoirs brisés, je me tournai vers la tête de ma monture, interrogateur. Poema sembla angoissée, soudain.
« C'est vrai ? dis-je d'un ton blessé.
- Tu reverras ta chère Lisiane, qui te manque tant ! Tu pourras lui parler, la serrer dans tes bras, lui dire que tu l'aimes, être de nouveau heureux ! Rester pour toujours avec elle, voir son visage joyeux à jamais, l'entendre te dire des mots doux ! » débita l'hybride à toute vitesse, sans pour autant répondre à ma question.
Un instant, je regardai par la fenêtre. Pour la première fois, j'y vis un paysage féérique, avec des collines verdoyantes, des ruisseaux, des châteaux. Des créatures magiques parcouraient de long en large cet endroit qui faisait rêver, tantôt des fées et des lutins, tantôt des sirènes et des centaures. Je fus très tenté de traverser cette porte, comme attiré comme une force irrésistible. Je ne pouvais en détacher les yeux. Je faillis traverser, mais une pensée me frappa. Et mes enfants ? Et ce brave Mickaël qui vient me rendre visite toutes les semaines ? Et mes petits enfants qui attendent avec impatience leurs cadeaux de Noël ? Et, surtout, cette petite Flore, si fragile et si forte à la fois, cette boule d'énergie, ce rayon de soleil qui éclaire ma vie depuis cinq ans ? Qu'allaient ils devenir ? Qu'allais-je devenir, moi, sans eux ?
Alors, je pris ma décision. D'un geste brusque, je me propulsai de toutes mes forces, ignorant mes articulations douloureuses, pour me jeter du dos de cet être merveilleux qui n'était en fait que chimère. Dans ma chute, je n'eus que le temps d'entendre sa voix, très grave, plus du tout agréable à mes oreilles, me crier :
« C'est ta destinée, ton heure est venue, tu ne peux rien y faire ! » Ensuite, le noir m'envahit, et je m'enfonçai dedans la tête la première.
Quand je rouvris mes paupières, la cheminée était éteinte, et des couvertures s'entassaient sur mon corps frêle et ancien. Aucune trace de Poema ni de ce monde merveilleusement dangereux à travers ma fenêtre. Et, surtout, le visage de Flore était là, au dessus de moi, et s'éclaira à mon réveil, appelant son père qui accourut à mon chevet. Ce que je vous raconte s'est passé hier, et j'ai bien failli y passer. Mais je suis toujours là, et je compte bien demeurer en ce monde pendant encore plusieurs années.
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Et voilà mon premier rendu d'écriture, qui porte sur un récit fantastique dans lequel un personnage réel en rencontre un irréel.
@Matcatb j'espère que mon écrit est dans le thème et contient le bon nombre de mots !
J'espère aussi que ce petit récit vous plaît, les gentilles personnes qui me lisent :)
Merci beaucoup à vous ! (Votez PlumeAmethyste ! 😂)
Bizz !
Amy
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