Je m'étais inscrite au concours de @MiaYukki dont le thème était de dessiner un photo dans un style autre que réaliste ; mais je n'ai pas eu le temps, finalement, d'aller au bout de ce que je voulais faire.  Je me suis donc arrêtée là de mon dessin :

Je l'ai réalisé à partir de cette photographie prise par Sally Mann, une photographe américaine dont j'aime beaucoup l'univers visuel, notamment l'atmosphère de paradis perdu qu'elle donne aux photos qu'elle prend de sa famille dans un cadre de nature luxuriante - je vous invite d'ailleurs vivement à aller découvrir son travail, ses ambiances ont quelque chose de fascinant et de troublant, une presque-inquiétude qui sourd sous la beauté des paysages et des corps qu'elle met en scène.

Le garçon qui figure sur cette photo est Emmet, le fils de Sally Mann, et l'homme qui le tient est probablement son père Larry Mann. J'aime beaucoup la proximité avec l'iconographie religieuse de cette photo, proche du baptême ou peut-être du martyre par noyade d'un saint ; c'est pour cette raison que j'avais choisi cette photo. J'espère que je pourrai un jour finir mon dessin, j'avais particulièrement envie de reproduire l'eau qui recouvre partiellement le corps d'Emmet.

Mais comme je ne voulais pas trahir l'engagement que j'avais pris en m'inscrivant sur le concours, j'ai quand même réussi à faire un dessin d'après photo, même si c'est un doodle fait sur un coin de feuille en cinq minutes. Là, le choix de la photo fait peut-être encore plus sens que pour celle de Sally Mann, puisque c'est une image qui me poursuit depuis plus d'un an. 

Cette image, c'est la photographie prise par Marc Gantier (un célèbre inconnu), qui sert de couverture à l'édition française de Bleu presque transparent, un de mes romans préférés.

Je ne sais pas exactement pourquoi cette photo m'a autant marquée. Je pense que cette fille a dans le regard quelque chose de fatigué, de résigné peut-être, et de triste, qui contraste brutalement avec son look punk. Ce n'est pas l'image d'une jeunesse rebelle, c'est l'image d'une jeunesse qui se résigne à la froideur et au nihilisme du monde contemporain, et qui fait la fête, la nuit, pour compenser, sans y croire. C'est un des rares romans que j'ai lu parce que sa couverture avait attiré mon attention, et elle est merveilleusement choisie, parce qu'elle résume à la perfection tout le livre : on y suit la jeunesse désœuvrée du Japon des années 70, qui erre dans un Tokyo aussi froid qu'oppressant, qui overdose à l'héroïne, vend son corps aux soldats américains de passage, écoute les Doors et Lou Reed et lit Genet et Mallarmé, et se taille les poignets au rasoir parce qu'il n'y rien à faire d'autre dans un monde aussi moche et sale que le celui-là. Un roman de fuite en avant vers la destruction et la folie, une folie qui explose dans les dernières pages  qui font partie des plus plus poisseuses et des plus marquantes que j'aie eu l'occasion de lire (j'ai d'ailleurs frôlé la nausée à quelques passages du roman, ne vous jetez pas dedans si vous tolérez mal les scènes crues). Mais sinon, lisez-le. Vraiment.

(Oui, ce chapitre est une publicité déguisée pour Bleu presque transparent, j'assume.)

J'avais déjà dessinée la jeune fille sur la couverture une première fois en mai 2023, pas avec un grand succès :

Disons le clairement, c'est moche. Comme toujours, la version grattée en quelques minutes sur un coin de page est mieux, parce qu'il n'y a pas la pression de rater. Donc il y a quelques semaines, je l'ai recopié à nouveau au Bic rouge, et ça a donné ça :

Tout de suite, ça rend beaucoup mieux. Le regard en particulier est plus proche de l'original, ce qui est une bonne chose puisque c'est le point le plus captivant de l'image. C'est par contre dommage de ne pas avoir pu rendre la teinture de ces cheveux, qui donne du peps à l'image et participe à sa singularité et son impact visuel !

C'est donc, malgré ses imperfections, son côté rushé (je regrette notamment de ne pas avoir pris une autre couleur pour faire ressortir les piercings, l'anneau du nez se confond avec la narine, ce qui gâche un peu le rendu final), ce dessin que je soumets au concours de MiaYukki. Je crois que j'ai un jour de retard mais il ne me semble pas que les résultats aient déjà été postés, donc je suppose que c'est toujours bon ? (Si ça ne l'est plus my bad, désolée du ping sauvage).

Sur ce, bonne soirée à tous, et lisez d'urgence Bleu presque transparent !

- 07 septembre 2024