Chapitre 7
Une fois au bord de l'eau, la main de Justine se mit à trembler et sa propriétaire serra plus fort celle de Gabrielle. Cette dernière esquissa un sourire rassurant et s'assit par terre, sur le carlage. Sans se poser de questions, envoûtée par la présence de Gabrielle, Justine la suivit dans son mouvement. Ainsi se retrouvèrent-elles toutes deux assises au bord de l'eau. Lorsque Justine s'en rendit compte, son corps s'affola, voulu se relever, mais son esprit ne répondit pas. Étrangement, elle se sentait bien. Justine fronça les sourcils. Comment est-ce possible ? Elle ? Assise au bord d'un bassin plein d'eau sans pouvoir esquisser le moindre geste pour s'en éloigner ? C'est juste impossible.
Lentement, elle releva la tête vers Gabrielle qui l'observait toujours avec son sourire en coin.
- Qu'est-ce qui se passe ? Souffla Justine.
- T'inquiètes, la rassura sa camarade, Ça va passer...
- Mais... D'habitude j'entends des cris, je vois mon père qui... Qui coule... Mais là... Je te vois et je t'entends, toi et personne d'autre...
- Je te l'ai dit... Ton corps est dégoûté de l'eau mais dans ton esprit, elle ne fait que raviver de douloureux souvenirs, pareil que tes cauchemars... Rien d'autre...
- Mais alors... Tu crois... Que je peux la regarder ? Souffla Justine en écarquillant les yeux comme un enfant à qui l'on aurait donné l'autorisation de toucher un objet interdit.
- Mais oui... Répondit Gabrielle en souriant.
Lentement, doucement, Justine fit pivoter sa tête pour plonger son regard dans la contemplation de l'eau qui reposait paisiblement devant elle.
En voyant le profondeur du bassin bleu, la jeune fille attendit. Elle attendit que les hurlements retentissent, que les images reviennent, que les larmes montent et que son cœur s'affole. Les secondes se succédaient, aussi longues les une que les autres, mais Justine tendait toujours l'oreille. Elle attendait qu'au dernier instant son esprit se réveille et la replonge dans l'horreur. Elle ne voulait pas s'enthousiasmer trop vite. Elle ne voulait pas être déçue en découvrant qu'elle n'avait pas encore franchit ce seuil. Qu'elle n'y arriverait pas. Elle attendait et au bout d'un moment, n'en pouvant plus, s'adressa à Gabrielle sans quitter l'eau des yeux.
- Donne-moi un nombre... Souffla-t-elle. N'importe le quel.
Bien qu'étonnée, sa camarade obtempéra et lui donna le premier nombre qui lui traversa l'esprit.
- 17.
- Bien, lui répondit l'autre toujours en fixant l'eau du regard. Maintenant, compte jusqu'à 17 à voix haute.
Toujours interloquée, Gabrielle obéit.
- 1... 2... 3... 4... 5... Commença-t-elle. 6... 7... 8... 9...
En ayant mare d'attendre, Justine avait décidé que si au chiffre 17 rien n'était arrivé, c'était qu'elle avait franchit le seuil.
- 15... 16... Et... 17...
Justine tourna la tête vers Gabrielle et la regarda, médusée.
- J'ai réussi... J'ai réussi... Souffla-t-elle sans même prendre la peine de retenir le sourire qui s'étalait sur son visage. Tu te rends compte ? Dit-elle à sa camarade.
- Bravo, sourit Gabrielle. Bravo...
- Merci... Répondit Justine. Merci beaucoup...
Et elle bondit dans les bras de la jeune nageuse.
- Je n'ai rien fait... Souffla Gabrielle à l'oreille de Justine. C'est toi qui à réussi... J'ai juste donné un coup de pouce...
- Un gros coup de pouce alors... Chuchota-t-elle.
Puis, les deux jeunes filles dessérèrent leur étreinte.
Justine se rassit et se pencha au bord du bassin. Lentement, elle approcha sa main de l'eau. Elle voulait voir ce qui se passait dans sa tête, dans son corps lorsqu'elle s'approchait de l'eau. Elle voulait savoir si les frissons et les brûlures étaient aussi un effet de son imagination. Son doigts s'approcha de la surface. Tout son corps était tendu. Elle étira son bras et allait effleurer l'eau lorsque soudain elle s'arrêta et murmura :
- Non.
Elle remonta son bras. Elle ne voulait pas. Pas ce soir. Elle ne voulait pas qu'une déception vienne ternir la joie et la fierté qu'elle ressentait en cet instant. Elle testerait une autre fois. Un autre jour.
Justine se redressa et se tourna vers Gabrielle et sourit.
- Pas maintenant... J'en ai assez fait pour aujourd'hui.
Sa camarade acquiesça et regarda l'horloge accrochée au mur.
- Il est tard, fit-elle remarquer. Il faut que je rentre avant que ma mère ne se rende compte que je ne suis pas au lit.
L'autre hocha la tête et toutes deux se dirigèrent vers les vestiaires.
En enfilant son pantalon, Justine sourit en se répétant qu'elle avait réussit et sortit de sa cabine. Gabrielle l'attendait déjà. Les deux filles repassèrent le tourniquet et sortirent du bâtiment après que Gabrielle eu réactivé le code et fermé la porte à clef. Toutes deux se dirent au-revoir et se fixèrent rendez-vous pour le lendemain à la même heure et au même endroit.
Cette nuit là fut, pour la première fois depuis dix ans, démuni du moindre cauchemars.
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