C'est une journée assez tranquille au bureau... Je suis à jour dans mon travail (pour une fois !) alors je me documente sur les alcools en vogue au Brésil. Oui, par pure conscience professionnelle ! Je ne suis pas du tout en train de mater les profils Insta de mannequins brésiliens, je vous le répète, je me documente ! Tiens, je devrais même suggérer à Adara de nous payer un séjour à Rio, histoire de faire une enquête de terrain...

En parlant du dragon, Ada revient à l'agence tout excitée. Elle agite un flyer orange et nous explique qu'un nouveau bar vient d'ouvrir en bas de notre rue. Apparemment, c'est l'inauguration ce soir et elle meurt d'envie d'y aller.

- Est-ce que ça vous dit qu'on prenne un peu de bon temps ? ajoute-t-elle. Pour une fois que nous ne sommes pas les organisateurs, on pourra profiter de la soirée !

- Bonne idée, lui répond Sören. En plus, je viens de recevoir nos nouvelles cartes de visite... On aura qu'à en distribuer quelques unes pour se faire de la pub.

Comme d'habitude, Adara s'extasie sur l'idée de Sören tandis que je l'observe d'un air dépité. Combien de fois faudra-t-il que je lui dise de ne pas trop lui faire de compliments ? Il a déjà une si haute estime de lui... ce n'est pas la peine d'en rajouter !

Je décide d'ignorer les battements de cils de mon amie (qui sont très certainement en train de provoquer un typhon sur Tokyo. Quoi ? Vous n'avez jamais entendu parler de l'effet papillon ?) et me tourne vers Aliz :

- Tu viens avec nous ?

- Non, je ne peux pas. C'est le soir où je m'envoie en l'air, me répond-elle de sa voix la plus douce.

J'entends un bruit suspect derrière moi et je constate que Nysos a recraché une partie de son café dans son mug. Il n'a pas l'air de savoir s'il doit rire de la remarque d'Aliz ou en être embarrassé...

- Aliz ! râle Sören. Je t'ai déjà dit des milliers de fois de ne pas parler comme ça de tes cours de trampoline... ça porte à confusion !

- Oups ! Désolé ! s'excuse-t-elle en arborant son air le plus angélique.

Même Mr Freeze ne peut pas rester de glace quand Aliz prend cette expression adorable. Il essaie de réprimer le petit sourire qui naît au coin de ses lèvres, sans vraiment y arriver.

- Et toi, Nysos ? T'es partant ?

- Désolé, Héty. Je ne suis pas dispo ce soir... Mais si tu veux, je peux te faire un tee-shirt personnalisé pour éviter que les gros lourds alcoolisés t'embêtent. Tu sais, un qui dirait : « Cette sublime élémentaire est déjà prise. Bas les pattes, mec ! ».

- Très drôle ! Mais quand ma mère et Connard IIIème du Nom ne sont pas dans les parages, je n'ai pas besoin de tes services. Le but n'est pas que tu fasses fuir mes potentiels futurs ex ou que je dise adieu à ma vie sexuelle.

- Ah bon ? Tu as encore une vie sexuelle, Mademoiselle Yéti ? me demande Sören-le-fourbe.

Je lui lance mon regard le plus noir (tout en l'assassinant de quinze façons différentes dans ma tête). Mais cela ne suffit pas à lui clouer le bec car il reprend :

- Pas de souci, Nysos ! Je ne crois pas que quelqu'un va l'ennuyer... Ou alors, un gars sacrément bourré... ou en manque... ou les deux !

- Bon, ça va Sören ! On a compris ! Je suis une cause perdue... bla bla bla... Change de disque un peu !

Je constate à la petite lueur malicieuse dans ses yeux verts qu'il a atteint son but (à savoir : me mettre en rogne !). Alors je décide de l'ignorer et me replonge dans mon étude poussée de la faune brésilienne.

***

Quelques heures (et quelques mojitos) plus tard, la fête bat son plein dans le fameux nouveau bar. Je sens que le Havana Café va devenir notre nouveau QG ! Enfin... jusqu'à ce qu'on découvre mon pouvoir particulier et qu'on me somme de vider les lieux. Allez savoir pourquoi, les gérants de bar n'apprécient pas ma capacité à remplir un verre presque vide sans le payer de nouveau...

Sören m'appelle. Il est en train de distribuer nos nouvelles cartes à un groupe de mecs et il a besoin que je leur fasse une démonstration de mes talents. Je passe ma main au-dessus du verre de vin à moitié vide du gars sur ma droite... et tadam ! Un verre de Bordeaux bien plein ! Le mec me regarde d'un air émerveillé comme si j'étais la Mère Noël.

- Je rêve ! La classe ! Et tu sais transformer l'eau en vin ? me demande-t-il avec un sourire moqueur.

- Non. Et le premier qui m'appelle Jésus aura un verre vide dans les mains toute la soirée !

La petite bande ricane tandis que l'un d'entre eux me dit :

- Tu veux pas m'épouser ? Une nana comme toi, c'est super pratique !

Génial ! Encore un qui me confond avec une tireuse à bière ! Je m'apprête à lui rabattre son caquet quand Sören me prend de vitesse :

- Laisse tomber ! Elle n'est pas libre !

- Ah désolé, mec ! Je ne savais pas que c'était ta copine...

- Ma copine ? Non mais ça ne va pas ? Je ne fais pas dans l'humanitaire ! Aïe !

Le « aïe » c'est parce que mon coude a (malencontreusement) atterri dans ses côtes.

- Non, reprend-il, elle n'est pas avec moi. Mais je connais bien son mec. C'est un élémentaire de la Terre... Autant te dire que si tu t'approches trop près d'elle, il pourra te creuser une tombe que personne ne retrouvera jamais.

Le sourire sadique de Mr Freeze fait son petit effet sur le gars qui blêmit et se rappelle soudain qu'il a quelque chose d'urgent à faire de l'autre côté du bar. Sören me fait un clin d'oeil avant de partir à la chasse à la bimbo...

Alors que la soirée est bien avancée (tout comme mon ébriété), je tombe sur Ada qui est assise sur le trottoir devant le bar. Elle a l'air aussi sobre que moi (hum hum) et elle joue avec son briquet de manière machinale. Je m'assois à côté d'elle et contemple le va-et-vient de la flamme. Au bout de quelques minutes, elle me demande d'une voix incertaine :

- Sören est toujours à l'intérieur avec ses groupies ?

- Aucune idée... Je ne suis pas sa baby-sitter !

- T'es sûre qu'il n'en a pas ramené une chez lui ?

La fin de sa phrase se perd presque dans des tremblements annonciateurs de larmes. Je me rapproche et passe un bras autour de ses épaules.

- Oh Ada ! Tu devrais laisser tomber... Tu vaux tellement mieux !

- Je sais... Mais je ne peux pas m'en empêcher. J'arrive pas à me le sortir de la tête !

- Et le gars de l'autre soir ? Tu sais, le rouquin sexy ?

- Tu crois que je devrais l'appeler ?

- OUI !

- Mais Sören...

- Laisse tomber Sören ! Au pire, ça lui fera peut-être du bien de se rendre compte que tu ne vas pas l'attendre toute ta vie... Et puis, s'il n'est pas intéressé malgré tout, tu auras un beau gosse pour te consoler.

- Ma Héty ! Tu es la meilleure... Tu sais que je t'aime ?

- Mais moi aussi je t'aime, ma chérie !

Oui, je sais ce que vous pensez... Mais que voulez-vous ? Nous avons l'alcool « affectueux ». Ada et moi. Nous nous faisons toujours des déclarations enflammées après quelques verres (ok, après de « nombreux » verres). Oui, des déclarations d'amitié avec une belle diction pâteuse-alcoolisée (heureusement que personne ne nous filme !).

- Bon, tu as raison... Je vais lui envoyer un SMS !

(Moi... je préfère quand mon dragon sourit ! ;-) )