Chapitre 16
Soobin passa la journée dans un café pour se calmer et reprendre ses esprits, loin de ce qui le perturbait. Il avait répondu brièvement aux quelques messages de sa meilleure amie, ne voulant pas l'inquiéter plus que de raison, mais ça s'était arrêté là. Coincé dans un renfoncement, le dos collé au dossier de la chaise et une tasse de café au lait à la main, Soobin observait l'extérieur d'un regard las. La nuit tombait peu à peu, nimbant la rue de ses couleurs nocturnes. Il n'allait pas pouvoir rester encore bien longtemps, le café avait des horaires de fermeture et il n'allait pas non plus pouvoir ignorer Yeonjun toute sa vie. Déjà parce que le garçon en question occupait son appartement mais également parce que le danseur n'était pas un lâche et qu'il assumait les conséquences de chacun de ses actes, même si cela lui déplaisait.
Le noiraud prit une seconde pour faire le tri dans ses pensées et choisir une marche à suivre avant d'aller régler sa consommation et de sortir. L'air plus frais le fit grimacer et il baissa les yeux sur sa tenue. Il s'était enfui à une telle vitesse le matin-même qu'il ne s'était pas habillé, heureusement que le bas de jogging qu'il portait pour dormir et le tee-shirt uni étaient assez passe-partout pour faire croire à une vraie tenue. Soobin se frotta les avant-bras, soudainement motivé à rentrer plus vite chez lui.
Le jeune homme marqua tout de même une légère hésitation en arrivant sur le pas de sa porte mais il ne s'arrêta pas, ouvrant celle-ci et se glissant dans la chaleur bienvenue de son lieu de vie. Il n'entendit tout d'abord aucun son et se demanda si Yeji et Yeonjun ne s'étaient pas entretués pendant son absence. L'arrivée en trombe de la rousse lui ôta cette idée de la tête et il soupira de soulagement, la danseuse haussant un sourcil inquisiteur pour toute réponse.
— C'est me voir qui te fait soupirer comme ça l'affreux ?
— Mais non, répondit Soobin en levant les yeux au ciel. Je suis juste rassuré de voir que vous ne vous êtes pas entretuées.
— Parle pas trop vite, t'as pas encore vu le parasite.
Le noiraud ricana et il serra la jeune femme dans ses bras lorsqu'elle vint s'y blottir. Yeji lui frotta gentiment le dos et l'embrassa sur la joue.
— Je suis contente que tu sois rentré, j'étais inquiète, avoua-t-elle à voix basse.
— Désolé, j'avais besoin de prendre l'air.
— Je sais, je t'en veux pas.
Soobin la relâcha et regarda par-dessus son épaule pour voir s'il apercevait l'autre squatteur d'appartement. Yeji s'éloigna récupérer sa veste et mit ses chaussures.
— Je vais y aller mais tu peux m'appeler si tu as besoin. Tu devrais aussi parler avec le parasite quand tu en auras envie, il a possiblement eu un quiproquo entre vous. 'Fin si tu veux l'mettre à la porte je serai très heureuse de te filer un coup de main aussi.
— Je devrais m'en sortir, envoie un message quand t'es rentrée.
— Oui maman, ricana la jeune femme avant de claquer la porte d'entrée.
Soobin resta un instant dans le petit couloir avant de partir à la recherche de Yeonjun. S'il s'écoutait il remettrait cette corvée à bien plus tard mais il se connaissait, s'il commençait à se chercher des excuses maintenant alors il ne le ferait jamais. Autant arracher le pansement maintenant. Il trouva l'autre danseur dans la chambre d'ami, allongé sur le lit et les yeux fermés.
Le noiraud poussa légèrement la porte avant de s'arrêter et de souffler. Si son camarade dormait il n'allait pas le réveiller juste pour parler, il repasserait plus tard. Il fit demi-tour mais la voix de Yeonjun le stoppa dans son mouvement.
— J'ai pas fouillé dans tes affaires, je le jure.
Le timbre rauque fit frissonner Soobin qui dirigea lentement son regard vers la forme étendue. Yeonjun avait ouvert les yeux et le fixait de son regard noir.
— Je sais que t'as aucune raison de me croire et que j'étais en train d'ouvrir le carton, mais c'est pas ce que tu crois, reprit rapidement le brunet.
Soobin se retourna et referma la porte contre laquelle il s'adossa, toute son attention focalisée sur son camarade et ses explications. Il n'avait pas pris la peine de l'écouter sur le moment, la rage le dominant entièrement alors, même s'il avait la gorge nouée par l'émotion et qu'il ne voulait pas en entendre plus, il resta. Il fit un signe de la tête à Yeonjun pour que celui-ci poursuive.
— J'ai shooté dedans avec ma béquille et j'ai entendu un bruit de verre. Je croyais avoir cassé quelque chose, j'ai ouvert le carton parce que voulais vérifier c'est tout. Je n'ai même pas vu ce qu'il y avait à l'intérieur, je te le jure.
Le noiraud ferma les yeux, fatigué. Sa tête appuyée contre la porte, il avait conscience tout autant de la surface dure contre son crâne que du regard profond de Yeonjun. Il était en proie au doute. Il avait le choix, s'ouvrir un peu auprès de Yeonjun quitte à être blessé, ou alors faire comme si cette journée n'avait jamais existé. Ils pouvaient continuer à agir comme ils l'avaient toujours fait, en s'ignorant ou en se provoquant, mais une telle opportunité de faire la paix se représenterait elle un jour ? Soobin n'était pas un adepte des tensions, il détestait les cris et la violence.
Le jeune homme rouvrit les yeux et sortit de la chambre sans dire un mot pour rejoindre la sienne, laissant son colocataire temporaire perdu. Comme il s'en était douté, Yeji avait déposé le fameux carton au pied de son lit, là où il était à la fois en évidence et en sécurité. Soobin l'ouvrit après un instant d'hésitation, voilà bien longtemps qu'il n'avait pas jeté un œil aux affaires qui se trouvaient dedans. C'était bien trop douloureux pour qu'il ne rouvre cette boite de Pandore à la moindre occasion.
Il dégagea du bout des doigts les plumes et les paillettes pour attraper un cadre photo vieillot. Il ne le regarda pas, il savait exactement ce qu'il y avait dessus, au lieu de ça il le cala sous son bras et retourna à la chambre d'ami. Yeonjun s'était redressé et regardait par la fenêtre, les bras croisés sur son torse. Il détourna son attention de l'extérieur pour la reporter sur Soobin quand il l'entendit revenir et le regarda s'asseoir sur le rebord du lit sans un mot. Le noiraud se racla la gorge, assez mal à l'aise. Il se sentait gêné de s'ouvrir ainsi devant Yeonjun qu'il ne connaissait finalement que peu et qui pouvait très bien le blessé encore plus qu'il ne l'avait déjà fait. D'un autre côté il savait qu'il lui devait des explications pour son comportement agressif du matin.
— Le bruit de verre que tu as entendu quand tu as percuté le carton, je pense qu'il venait de ça. Enfin y avait d'autres choses dedans mais c'était le plus proche du bord.
Il tendit le cadre à son camarade sans réellement le regarder, il ne voulait pas savoir quelle expression brulait dans les orbes de nuit de l'autre. Yeonjun récupéra la photographie et l'observa sans un mot. Une femme au centre, dans une longue robe rouge mouchetée de brillants et de perles, juchée sur des talons vertigineux et portant un élégant chignon bouclé, avait les mains posées sur les épaules de deux enfants. A sa droite, Soobin. Yeonjun n'eut aucun mal à reconnaitre les grands yeux bruns du danseur et son sourire plein de vie. Il n'avait pas tant changé que ça.
— Est-ce que c'est ta mère et ta sœur ? demanda le jeune homme.
Soobin rit à la question et secoua doucement la tête.
— C'est pas totalement faux en vrai. C'est bien ma mère, tout le monde dit que je lui ressemble.
— Vous avez les mêmes yeux et le même nez.
Ils avaient aussi beaucoup de leur caractère en commun mais il n'y avait aucun moyen pour que Yeonjun ne le devine de lui-même, ce n'était pas quelque chose que l'on pouvait voir sur une vieille photographie.
— Et c'est Yeji à côté, je suis fils unique.
— Non ? La folle ?
Soobin lui adressa un regard courroucé auquel le brun répondit par une grimace gênée, il n'avait pas pris le temps de réfléchir avant de parler. Pour éviter une remontrance ou de dire quelque chose qu'il ne fallait pas il se concentra sur le papier glacé et se fit la remarque que la rousse folle furieuse qu'il connaissait était bien différente de la petite fille modèle qui lui souriait.
— J'avoue qu'elle a changé, c'est difficile de se dire que ce sont les mêmes personnes.
— Tu m'étonnes. Et ce cadre ?
— Un souvenir de ma mère, comme tout ce qu'il y a dans ce carton, avoua Soobin du bout des lèvres. Je n'arrive pas à les sortir, ça me fait trop mal à chaque fois que je les vois mais je ne peux pas m'en débarrasser non plus.
Le noiraud leva les yeux vers l'autre étudiant et vit que celui-ci le sondait déjà de son regard noir. Il était compliqué de faire semblant de ne pas voir les questions qui passaient sur le visage de Yeonjun, il était plutôt expressif quand on prenait le temps de le regarder un peu.
— Tu peux poser la question.
— Je sais pas. Je suis pas doué avec les gens. Je t'ai déjà fait du mal sans le vouloir, je veux pas encore empirer les choses, grimaça Yeonjun.
Soobin l'observa sous un nouvel angle. Il ne savait que ce que Yeji et lui s'étaient dit mais le brun lui semblait différent. Moins agressif, plus ouvert. Comme s'il avait une nouvelle personne ne face de lui, c'était perturbant. Yeonjun manifestait de réels regrets et en refusant se détourner les yeux Soobin y vit la sincérité de ses paroles. Il tourna immédiatement la tête, embarrassé.
— Ma mère est morte il y a cinq ans, pendant que j'étais au lycée, annonça le noiraud.
— T'es pas obligé d'en parler...
— Tu es gêné ?
— Non.
— Alors écoute, je veux que tu comprennes pourquoi j'ai pété un câble ce matin. Je vrille pas souvent mais sur certains sujets... bref, si t'es au courant ça sera mieux pour notre cohabitation.
Soobin récupéra la photographie des mains de l'autre garçon et il resta quelques secondes silencieux avant de se décider à parler.
— Ma mère était une danseuse de cabaret, une excellente danseuse. Elle a fait les plus grands cabarets du monde, elle brillait plus que personne lorsqu'elle était sur scène. C'est elle qui m'a initié à ce monde, j'ai appris avec elle et... même si c'est en partie ce qui l'a tuée je ne peux pas m'arrêter. J'aime ça, c'est mon univers et j'ai l'impression que quand je suis sur scène elle me regarde. Tu dois trouver ça stupide.
— Non, je ne le pense pas, nia Yeonjun.
— Elle a poussé son corps au-delà de ses limites, trop de fois, trop longtemps, et un soir après un spectacle elle ne s'est juste pas réveillée. Mes plus précieux souvenirs d'elle sont dans ma tête et dans ce carton. Quand je t'ai vu ce matin, tout m'a explosé au visage.
Soobin ferma les yeux, quand il revoyait la scène tout lui revenait. Parfois il lui arrivait d'oublier que sa mère qu'il aimait tant n'était plus là, mais ce maudit carton plein de trop de souvenirs douloureux avait fait exploser la réalité de son trépas à ses yeux. Il avait ressenti les mêmes choses que le jour où il l'avait appris. La peur, la peine et une colère incroyable. S'il laissait ce carton dans une pièce où il n'allait jamais ce n'était pas pour rien, il se savait ne pas avoir la force d'affronter une réalité qu'il minimisait inconsciemment depuis des années.
— Tu peux pas comprendre, soupira Soobin. Je sais même pas pourquoi je perds mon temps.
— Je comprends.
Le noiraud bondit du lit et se planta face à Yeonjun qui le regarda sans comprendre ce qu'il avait dit de mal cette fois-ci. La colère se manifesta une nouvelle fois chez Soobin qui serra les dents, bien évidemment que Yeonjun ne pouvait pas comprendre sa détresse et il le détestait pour prétendre le contraire. Tous ces gens pleins d'une fausse compréhension lui donnaient envie de vomir, il en avait bien trop vu.
— Pitié, grinça Soobin. Me fais pas croire que t'y comprend quoique ce soit, ta mère n'est pas morte que je sache.
— Non, c'est vrai. Elle m'a juste abandonné.
Nda :
Voilà pour aujourd'hui ! La réaction de Soobin pouvait paraître extrême dans le chapitre précédent alors j'espère que vous la comprenez mieux avec ces explications :D
Dalion~ Kiss :3
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