7. Trouvaille intéressante
Mikael
J'ai besoin de mon putain de chewing-gum !
Qui avait parlé de baby-sitting, déjà ? « Ce n'est pas de la protection rapprochée, il s'agit juste garder un œil sur la cliente » tu parles, ouais ! Remonté, je compose le numéro d'Andre, et suis soulagé qu'il me réponde à la troisième sonnerie seulement.
— Salut, gros.
Sa voix enjouée me donne, de façon injuste, envie de le frapper.
— Salut, ouais. Alors, du nouveau ?
Et maintenant, son rire franc résonne dans le combiné.
— Que se passe-t-il, mon beau. Tu craques ? Ça te saoule tant que ça, de baby-sitter une adolescente à problèmes ?
— Quand elle s'appelle Gabriel White, précisément. J'ai pas la patience avec les garnements dans son genre, si tu veux savoir. Bon, et vous l'avez attrapée, cette cible, ou vous ne vous êtes pas encore sorti les doigts du cul ?
— Calmos Ramos, prends ta respiration... expire... voilà, mon grand.
— Bordel, tu me réponds ou merde ?! Garde tes conseils pour toi, t'en auras besoin le jour où je finirai par avoir envie de t'étrangler.
— Je vois qu'effectivement, tu souffres de baby-sittopathie, ça à l'air plutôt grave pour tes nerfs. (Et il se croit marrant le con, parce qu'il éclate de rire après sa blague pourrie) Sérieusement, aucune trace d'appel suspect sur l'ancienne ligne de Gabriel. Et pourtant j'ai passé la nuit dessus. Je te promets que ce mec est fort, pour se couvrir comme il le fait.
— Et quoi, c'est votre seule piste ? Les caméras autour de la maison n'ont rien donné ? lui demandé-je, énervé par son manque de résultat.
— Nope. Aucun stalker à l'horizon, vous pouvez dormir tranquille. Enfin, façon de parler, garde toujours un œil ouvert, on ne sait jamais.
— C'est tout ?
— Le client nous a envoyé l'adresse mail via laquelle il a reçu les menaces. J'allais justement retracer l'adresse IP du destinateur, avant que tu ne m'appelles. J'espère qu'on n'a pas affaire à un hacker professionnel.
— J'espère surtout qu'Alexia le coincera rapidement, j'en ai ma claque de cette mission de merde !
— Tu préfèrerais être sur le front ? Pas sûr qu'Alexia supporte les frasques de la petite rebelle mieux que toi.
J'expire longuement. Il a raison. C'est mon choix, c'est moi qui ai refusé toutes les missions actives proposées ces deux derniers mois. Je peux m'estimer heureux de profiter d'un taff aussi pépère, et n'ai nullement le droit de faire ma mauvaise tête.
— Bon, je te laisse faire ton boulot, je marmonne à l'attention de mon ami et collègue.
— Mika, c'est si difficile que ça ?
Cette fois, il semble vraiment concerné, et moi, du coup, suis pris de culpabilité.
— Non. Putain, non, je fais le con. C'est la mission la plus facile que j'ai eue à remplir. Ça doit justement être ça, le problème.
Je tente de relativiser.
— Ouais, sans doute, ricane-t-il, avant de me saluer et raccrocher, pour me laisser seul à côté de cette maison dans laquelle je ne tarde pas à entrer.
Bordel, c'est quoi cette odeur de marijuana ? Le salon est plongé dans un nuage de fumée, dans lequel je distingue les deux petits cons qui ont cru faire le poids avec moi en s'interposant devant Gabriel. D'ailleurs, d'où leur vient cet instinct de protection, elle ne s'est quand même pas tapé les trois potes ? Ça ne m'étonnerait même pas !
Ils sont affalés sur le fauteuil du milieu, à fumer leur herbe, tandis que Gabriel et Ian sont lovés l'un contre l'autre dans celui de droite. Je m'apprête à interpeller ma cliente afin de mettre les points sur les i, une fois de plus, lorsqu'une silhouette apparaît à mes côtés et attire mon attention.
Violet sort de la cuisine, un plateau dans les mains. Elle s'est arrêtée avant de passer devant moi, ses yeux semblant incapables de quitter les miens. Oui, oui, c'est bien moi. Je me suis juste coupé les cheveux, mes traits ne se sont pas transformés, merde ! Elle se rend enfin compte de son insistance et baisse instantanément le visage, pour reprendre sa marche. Sur le plateau qu'elle tient sont disposés des chips et les sachets de Jerky restés de la petite soirée de dimanche. Je ne suis pas à l'aise avec le fait que ça soit Violet qui se mette dans la peau de l'hôte de la maison pour faire le service. Mais bon, ce ne sont pas mes affaires.
Bande d'idiots.
— C'est quoi ce bordel ? je gronde à l'attention de Gabriel, alors que Violet sert des canettes de bière aux convives.
— On est encore chez moi, je fais ce que je veux dans mon salon.
— Relax, mec, intervient le tatoué défloreur de pucelles. T'as qu'à te joindre à nous. T'as rien contre un petit moment de détente ?
Divers commentaires fusent, qui font rire l'assemblée masculine sans que je ne comprenne un traître mot de leurs élucubrations inarticulées.
— Ça va aller, merci, rétorqué-je à l'attention de Gabriel. Ça ne me dit rien qui vaille, et je suppose que ça se terminera à nouveau en petite sauterie dans un des lits à l'étage, alors faites sans moi.
Je l'ai vue, cette flamme de colère animer les pupilles émeraude de Gabriel. Elle n'a rien laissé paraître en camouflant son irritation par un éclat de rire qui sonne carrément faux.
— Tu sais, je peux faire en sorte que ça se fasse avec toi, justement. Je suis pleine de bonnes intentions, ces derniers temps, je t'avais bien dit que je ferai de toi ma B.A. de l'année.
Qu'est-ce qu'elle raconte, cette garce ?
— Je ne suis pas sûr que ça ne soit que de bonnes intentions, dont tu es pleine.
J'ai murmuré ces mots à dessein que personne ne m'entende, mais je crois que ma colère a pris le dessus sur ma volonté, car ils ont tous écarquillé les yeux en les tournant immédiatement vers la petite diablesse, qui me dévisage, sans se départir du sourire des plus diabolique qui étire ses lèvres purpurines.
— Tu veux jouer à ça avec moi ? me menace-t-elle.
Je ne veux jouer à rien du tout, et encore moins avec toi !!
— Gaby, ce mec n'a pas à te parler comme ça ! intervient Ian.
Qu'il ne commence pas, lui aussi. J'ai pas le temps pour leur conneries.
— Toi, laisse tomber ! C'est entre lui et moi.
Pour une fois que j'approuve ce qui sort de sa bouche.
—Tu plaisantes ?! Tu vas te laisser marcher sur les pieds aussi facilement ?
Hey, mon gars, c'est elle qui pose problème. Je ne marche sur les pieds de personne, moi. Bon sang, il est vraiment mordu.
— Tu commences à devenir saoulant là, crache-t-elle en soufflant ostensiblement. J'aurais dû te laisser aller à ton rendez-vous avec Judith, tiens, ça m'aurait fait de l'air !
Et suite à cette tirade lancée de la plus tendre des manières, la petite insolente explose d'un rire que je devine provoqué par l'effet aquarium qu'a créé toute la fumée exhalée par Obi et Liam.
Par contre, les regards qui s'échangent dans cette pièce ne m'échappent pas. Ian tourne rapidement la tête vers Violet, qui semble accuser le coup. Quant aux deux fumeurs, ils sont si surpris qu'ils oublient la taffe qu'ils étaient sur le point de tirer.
— Sérieux, mec ? Judith ? Je croyais que c'était la guerre froide entre Gabriel et elle, s'exclame Obi.
— Je vois qu'on ne s'emmerde pas, hein, ajoute son pote.
Bon, ce n'est pas tout ça, mais leur histoire de guerre des gangs, je m'en passerai volontiers. En effet, j'ai toujours été plutôt Game of Throne que Hartley cœur à vif. Je prends congé de leur petite assemblée de joyeux lurons et m'exile dans la bibliothèque à l'arrière de la maison. Un peu de calme et de recul ne seraient pas de trop.
Une fois dans ce qui s'apparente pour moi à un havre de paix, je me mets à fouiner un peu partout. Un tissu épais rouge recouvre un meuble caché dans un des coins auquel je n'avais pas prêté attention lors de mon inspection. Je tâte avec précaution, évitant de commettre un impair en altérant l'ordre de la pièce et découvre un petit livret. J'ai failli le manquer, car il est installé sur une planche hors de mon champ de vision en raison de sa hauteur. Sa couverture en cuir rouge est abîmée, gage d'ancienneté. Je l'époussète avant de jeter un œil à l'intérieur.
Les pages sont recouvertes d'une calligraphie soignée, des courbes qu'on a pris le temps de tracer. Les quelques mots, les quelques phrases qui me parviennent, alors que je le survole en diagonale, m'indiquent qu'il s'agit certainement d'un journal intime. Appartenant à une femme. Je ne peux résister à la curiosité de lire la première page du carnet.
29 octobre 1994, Los Angeles
J'ai pris la décision d'écrire ces lignes, car je ne veux pas oublier. Quoi qu'il advienne, je ne veux rien oublier. Je veux la preuve de ce qui s'est passé gravée dans ma mémoire. Si jamais je venais à te perdre, je ne voudrais pas t'oublier, mon ange.
***
Lorsque je suis retourné au salon, j'ai pu constater que l'ambiance n'était pas au rendez-vous, entre la mine affligée de Violet et le cerveau embrumé des trois mâles dont le cul ne s'était toujours pas dévissé du fauteuil. Ian avait toujours le bras passé sur les épaules de sa petite copine, qui elle, semblait plus vive qu'une chatte aux aguets.
Je comptais juste me prendre un soda, pour ensuite remonter dans ma chambre continuer la lecture du carnet dont je venais de faire la découverte, mais quelque chose m'a intrigué dans l'étrange scène qui se jouait au salon. Évidemment, je n'aurais pas tenu plus de dix minutes, avec ces trois jeunes hommes qui semblent avoir une vie entière à nous raconter. Et ce sont bien les seuls dont j'entends la voix depuis que je suis revenu : Gaby ne parle jamais.
Elle les écoute avec attention, relançant la conversation lorsqu'ils sont à court, puis demeure prostrée dans un mutisme calculé. Je ne sais pas à quel jeu elle joue, je connais cette technique de manipulation. Faire causer les autres sans qu'ils ne s'en rendent compte, orienter la discussion, afin d'obtenir l'information tant attendue. Sauf que ces guignols ne racontent rien de bien intéressant. Entre leurs histoires de meufs et leurs anecdotes pourries sur une virée qui aurait mal tourné, je ne vois pas bien ce qu'elle pourrait en tirer.
Quelques heures plus tard, nous ne sommes plus qu'elle et moi dans la baraque. Comme d'habitude, elle me snobe, alors je m'installe au salon et enclenche la saison deux de The Blacklist, une série pas trop mal sur un malfrat au charisme qui force le respect. On est certainement loin du rigolo qui envoie des messages codés à ma cliente pour faire peur à son paternel. D'ailleurs, le fait qu'Andre ne m'ait toujours pas recontacté me dit que ce rigolo en question doit avoir un point fort : celui de remarquablement bien couvrir ses arrières.
Soudain, Gabriel me rejoint.
— Tu n'es qu'à la saison deux ?! s'exclame-t-elle, indignée. Mais t'es vachement en retard, là. Ils en sont à la quatre !
Je lève un sourcil dans sa direction, alors qu'elle saute à côté de moi en enjambant le dossier du fauteuil.
— Tu m'excuseras de ne pas pouvoir être à jour sur toutes les séries qui existent.
Animée par une nouvelle étincelle, elle s'empare du sachet de Jerky que j'avais posé sur la table et l'ouvre sans me demander mon avis.
— Oui, mais The Blacklist, c'est la base !
— Je croyais que t'étais végétarienne.
Elle hausse les sourcils en avalant sa première bouchée de viande séchée.
— Je ne le suis pas. Je le suis devenue par la force des choses, parce que Violet l'est et que comme elle vient souvent ici, j'ai demandé à Rosemary de ne plus cuisiner de viande. Mais ce n'est pas par profonde conviction que je n'en mange plus.
Ok. Donc elle ne l'est qu'à mi-temps. Pour Violet.
Le temps que j'enregistre l'information, elle écarquille les yeux en pointant l'écran du doigt. Elle me dévoile l'identité de ce fameux Karakurt, puis elle m'offre un sourire qui s'étire jusqu'aux oreilles, fière d'avoir spoilé cette série qu'elle qualifie d'incontournable, pour enfin ramasser ses pieds sous son petit corps bien installé.
— Voilà, tu peux passer à la saison quatre. Je t'ai épargné une vingtaine d'épisodes avec cette révélation.
Abasourdi par son culot, je cherche la télécommande afin d'arrêter la série avant qu'elle ne m'en livre davantage.
— C'est ça que tu cherches ? me nargue-t-elle, agitant le petit boitier noir.
— C'est quoi ton problème ?! grogné-je, mécontent.
Elle cache l'objet derrière son dos et dépose le bout de viande séchée sur la table.
— J'ai pas envie de jouer !
Elle glousse et continue de m'informer des actions clés suivantes de la série, alors que je comptais la regarder avec le plus grand intérêt. Très bien. Qui cherche trouve.
Je me rue sur elle, bloque son bras en faisant attention à ne pas lui faire de mal, mais elle est rapide et il glisse entre mes doigts, pour enfouir la télécommande sous son postérieur. Elle est encore plus légère que je ne l'imaginais, et le contact de nos corps me met d'autant plus mal à l'aise. Vu le peu de vêtements qui recouvre sa peau – un minishort, ainsi qu'un débardeur à bretelle qui lui arrive au-dessus du nombril – l'impression que je pourrais la briser en un seul mouvement brusque se fait plus forte. Les sourcils froncés, j'essaie de lui faire comprendre que je ne plaisante plus, mais elle continue de se payer ma tête en remuant ses hanches de gauche à droite.
— Tu vas devoir venir la chercher en dessous de mes fesses, si tu ne veux pas que je te raconte tout ce qui va se passer dans la série !
À quoi elle joue, bordel ?! Ses yeux verts ont beau être rieurs, j'y décèle une détermination de plomb. Elle désire m'attirer à elle. Quelques centimètres nous séparent seulement, et pourtant, son corps tout entier me crie de m'approcher davantage.
Irrité, je soupire et me relève sans défaire mon regard d'elle. Un regard chargé de mépris. Je ne sais pas pour qui elle me prend. Je ne fais pas partie de ces hommes qui vendraient père et mère pour se la taper. Qu'elle appelle son Steve, ou son petit blond à la tête de con, si elle a besoin de s'envoyer en l'air. J'ai un minimum d'honneur, et elle, elle a un mec, putain ! Elle était avec lui il n'y a même pas quelques heures. Ça n'a pas l'air d'être une lumière, mais il semble tout de même moins attardé que ses deux potes. Et puis, il lui mange dans la main. De quoi a-t-elle davantage besoin ?
Je me dirige vers l'escalier sans qu'elle ne tente de me rattraper, ni même de m'appeler. Je me débarrasse de ma chemise, de mon jean et de mon boxer, et laisse l'eau glacée de la douche couler le long de mes épaules.
Elle a dix-neuf ans, merde !
Il doit bien s'être passé une demi-heure, lorsque je sors de la salle de bain. Une demi-heure à cogiter, à m'être replongé dans de déplaisantes réminiscences, à cause de cette cliente de malheur. Je m'attendais à ce qu'elle soit encore en bas, mais le rez-de-chaussée est plongé dans l'obscurité. Je solidifie le nœud improvisé de la serviette que j'ai enroulée à ma taille et me dirige vers ma chambre. À deux pas de la porte, un bruit m'interpelle. Quand je comprends son origine, ça me fait l'effet d'un coup de massue. Le lit de Gabriel. Des grincements. À un rythme soutenu. Des halètements d'homme...
Putain de merde !
tête, c'est�E�|��#
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