2. Mise au point
Mikael
Me voilà devant la bâtisse qui deviendra ma deuxième maison à compter d'aujourd'hui, jusqu'à la fin de ma mission.
Dans ce quartier résidentiel d'Echo Park, de grandes villas individuelles au style victorien sont toutes alignées. D'ailleurs, la couleur rouge brique de celle qui se trouve face à moi fait ressortir ses châssis blancs qui semblent avoir été rénovés il y a peu. Jardin. Perron. Porche. Garage. Il ne manquerait plus que le chien, cela dit, je doute que la morveuse qui habite ici soit du genre à adopter quelque animal que ce soit. Elle n'est pas énorme, mais ça me paraît trop grand pour une seule personne. Après avoir posé mon sac, je fais le tour extérieur du propriétaire et repère déjà les emplacements stratégiques pour mes caméras de surveillance. Dans ce genre de quartier, n'importe qui pourrait se faufiler entre les buissons et pénétrer à l'intérieur d'une maison sans se faire repérer. Après avoir fait l'inventaire des détails techniques à régler, je me décide à sonner à la porte. Un carillon digne de vieux films d'horreur retentit jusqu'à l'extérieur de la maison. À sept heures du mat', ça ne va pas lui faire plaisir, à la petite !
Impatient, les cinq minutes qui suivent me paraissent interminables. Je m'enfile un chewing-gum à la menthe et m'empare de mon téléphone, prêt à appeler le numéro censé être celui de Gabriel. Avant que je n'appuie sur la première touche, la porte s'ouvre enfin dans un affreux grincement. Je m'apprête à l'incendier du regard, lorsqu'à ma surprise, un visage inconnu se présente à moi. Une fille. Le corps encore derrière le battant, elle semble méfiante et ne me fait pas tout de suite entrer.
Je plisse les yeux, tente de comprendre ce qui se passe. Serait-ce Gabriel ? La dernière fois que je l'ai vue ne date que de la veille, mais elle avait tellement de couches de peinture sur la face qu'il se pourrait que ce visage dénué de tout artifice soit en réalité le sien. Bien que ça me paraisse improbable. Je deviens peut-être sénile.
— Oui ? me fait l'inconnue en face de moi, d'une toute petite voix.
Non, cet accent british, ce n'est définitivement pas elle.
— Mikael Kaverine.
Elle fronce les sourcils et jette un rapide coup d'œil derrière elle. Ses yeux s'attardent ensuite sur le sac de voyage à mes pieds.
— Je suis bien chez Gabriel White ?
Elle se détend et ouvre plus grand en m'invitant à entrer.
— Elle est encore à l'étage, m'informe-t-elle.
Je foule le seuil de la baraque et suis surpris de constater que l'intérieur ne détonne en rien l'extérieur. Bon sang, on se croirait dans une vieille maison anglaise laissée en marge dans l'évolution du temps. Un véritable petit musée, cette bicoque, et pas des meilleurs goûts. Je m'avance jusque dans le salon, où je pose mon sac et détaille les lieux avec fascination.
—Euh... est-ce que je dois prévenir Gabriel ?
La jeune fille me sort de ma contemplation. Je me tourne vers elle en un mouvement et fronce les sourcils. Qui est-elle, d'abord ? On m'avait annoncé que ma cliente vivait seule.
— Ça serait pas mal, ouais. Et toi, tu es... ?
— Violet, son amie. Je vais la chercher.
Comme si elle avait peur que je la bouffe, elle disparaît dans l'escalier qui mène à l'étage d'un pas pressé. Quoi, c'est ma barbe qui l'effraye ?
Sans attendre la maîtresse des lieux, je visite le rez-de-chaussée, parcourant salon, cuisine, bureau et une bibliothèque pour le moins fournie, à ma grande surprise, et vérifie que toutes les portes soient bien munies de serrures. Je ne perds pas le nord.
Violet redescend, la mine déconfite.
— Désolée, elle n'en a plus pour longtemps, s'excuse-t-elle, penaude.
Ce n'est pas comme si je me languissais de la voir, de toute façon. J'ai à peine le temps de prendre mon sac pour le poser sur la table de la salle à manger, ouverte sur le salon, que je l'entends débouler depuis l'escalier.
Cette fille qui vient de passer la porte du salon, elle, je la reconnais. Sa silhouette fine et menue, ses longs cheveux chocolat qui ne s'arrêtent qu'au bas de son dos, ses yeux démoniaques entourés de charbon noir jusqu'au ras de ses cils.
Elle ne m'accorde aucun regard, et s'affale sur le divan, un bol de céréales à la main.
—T'en fais pas, Violet, il va juste squatter ici quelque temps. Ne fais pas attention à lui.
Bordel, c'est bel et bien la fille d'hier !
Le regard inquiet que sa copine me porte m'afflige. Mais qu'est-ce qu'elle s'imagine, au juste ?
— Gaby, tu es sûre que c'est une bonne idée ? chuchote-t-elle, pas assez bas, à son amie, dont les lèvres s'étirent en un sourire narquois.
Avant que celle-ci n'ait le temps de répondre, un son de cloche résonne dans toute la maison. Quelqu'un vient de sonner à la porte. Alarmé, je me dirige vers celle-ci, lorsque Gabriel m'interpelle.
— Laisse ! C'est pour moi.
Je fronce les sourcils dans sa direction, sur le point de lui faire comprendre qu'avec mes services, un nouveau mode de fonctionnement devra régir ses habitudes, mais elle est déjà debout, le visage tourné vers son amie.
— C'est Ian, on passe la journée ensemble !
Quoi ?
Comme une tornade, elle passe devant moi et enfile une veste en cuir noir par-dessus son corset bordeaux, et garde le mini short en jean qui s'arrête, je ne le remarque que maintenant, à la moitié de ses fesses.
— Attends deux minutes ! je l'invective, mais elle ne m'écoute pas.
Elle enfile des bottines à hauts talons, attrape un petit sac à main et sort en trombe, claquant la porte derrière elle. À ses trousses, je me rue dehors, mais elle a déjà grimpé dans une Jeep qui l'emmène je ne sais où, pour je ne sais combien de temps.
Fait chier !!
C'était quoi, ça ??
Furieux, je retourne à l'intérieur et abats mon regard incandescent sur la seule personne présente à mes côtés. Elle rentre la tête dans ses épaules et je devine qu'elle a définitivement peur de moi. Au moment où je m'apprête à lui demander l'identité de ce « Ian », elle prend la parole.
— Je... Je suis désolée qu'elle soit partie comme ça... vous... avez besoin d'une chambre ?
Non, je compte dormir sur le plancher, paraît que c'est bon pour le dos.
En colère, je l'observe un moment en me demandant si cette pauvre fille est consciente de la situation.
— Ça serait pour le moins utile, oui.
Percevant le sarcasme dans le ton de ma voix, Violet semble surprise. Elle croyait quoi ? Que j'allais me faire snober par une sale gamine et le prendre avec le sourire ?
— Venez avec moi.
Je la suis dans l'escalier et elle m'indique que je peux choisir entre les deux chambres d'ami. Lorsque je lui demande où se trouve celle de Gabriel, l'inquiétude se peint sur son joli visage. Parce que oui, elle est plutôt mignonne dans son genre, cette jeunette.
— T'en fais pas, je ne vais pas la violer pendant son sommeil, grogné-je, agacé par sa méfiance permanente.
Elle rougit et je vois bien qu'elle n'est pas tranquille lorsque je pose mon sac dans la chambre attenante à celle de l'hôte de ces lieux. Ensuite, nous redescendons pour petit-déjeuner. Sans me parler, elle finit par déposer un étalage de viennoiseries, de pain et de confitures devant moi. Elle me sert ensuite un café bien serré, à ma demande, et me rejoint autour de la table.
— Je suis vraiment désolée à propos de Gaby.
Je lève un regard quelque peu étonné vers elle. Il me semble que cette peste de Gabriel force pas mal de monde à s'excuser dans son sillage.
— Tu vis avec elle ? finis-je par demander, interpellé par la présence de cette fille qui semble si familière à ces lieux.
— Non. Je... Je suis son amie. On suit les mêmes cours à l'université et j'ai une chambre sur le campus, mais je viens souvent. Je reste dormir ici la plupart des week-ends.
Effectivement, c'est plutôt pratique pour Gabriel de posséder une maison à proximité de l'université.
— Et ta pote te laisse en plan pour se barrer avec un mec.
— Non, je reste pour étudier. On n'avait pas prévu de passer la journée ensemble.
Très bien, c'est à ce point qu'elles sont intimes. Je vais avoir besoin de toutes les données concernant cette Violet. Mais inutile de l'alarmer pour le moment.
— Quand est-ce que Gabriel rentrera ?
Elle prend le temps d'avaler la bouchée de croissant qu'elle a enfournée avant de hausser les épaules.
— Gaby est plutôt imprévisible. Je crois qu'elle en aura pour la journée. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, Monsieur, n'hésitez pas à me demander.
Monsieur ? J'ai l'air si vieux que ça ? La petite abuse, tout de même !
— Ne m'appelle pas Monsieur. Mikael fera l'affaire.
Le café chaud qui coule dans mon œsophage atténue l'affront que j'ai essuyé quelques minutes plus tôt. Cet élixir noir, bordel... C'est une véritable potion magique.
Je lui pose quelques questions, mais la petite Violet semble réticente à me dévoiler quoi que ce soit sur sa copine. Gabriel a certifié que la personne qui lui en veut est un homme. Il l'aurait, selon elle, harcelée au téléphone et proféré des menaces à son encontre, avant qu'elle ne jette son portable et qu'elle ne change de numéro. Mais je ne peux pas exclure Violet de tout soupçon.
Étant proche de la cliente, elle est une potentielle suspecte, et pour le moment, je dois maintenir ma couverture afin qu'elle ne découvre pas mon identité. Elle croit que je suis un paumé que son amie a recueilli pour quelque temps. Très bien, même si je ne suis pas enchanté par cette perspective, laissons-la dans cette idée.
En tout cas, dès que l'autre peste remet un pied dans cette baraque, je la coince et lui mets les points sur les i. J'ai pas la patience avec les gamins, et encore moins avec ceux qui jouent aux grands. J'ai beau tenter de l'appeler, elle ne décroche pas et ignore les appels de Violet avec autant de superbe.
Je termine mon repas en réfléchissant à la suite de mon plan. Violet entreprend ensuite de débarrasser la table, mais je me lève aussitôt pour l'aider, malgré ses protestations. Je ne peux ignorer toute la gentillesse qui émane de cette fille. Si seulement c'était elle que je devais baby-sitter, mes nerfs en auraient été grandement reconnaissants.
Elle se retire dans le salon en s'excusant, m'informant qu'elle a du pain sur la planche, et ouvre un tas de syllabi, dans lesquels elle s'immerge en l'espace de quelques secondes. Sur le point de remonter à l'étage, je m'immobilise le temps de l'observer un instant. C'est fascinant comme cette fille ne détonne en aucune manière au milieu de la décoration. Son style est aussi désuet que les meubles du salon, avec cette longue jupe plissée qui lui descend aux chevilles, rabattue à la taille sur une chemise de coton brune bien trop large pour elle. À son jeune âge, elle fait déjà vieille fille. Pourtant, je jure que les traits de son visage ne sont que douceur et onctuosité. Si c'est une amie proche de Gabriel, ce lien doit certainement cacher quelque chose, parce que j'ai du mal à l'imaginer.
Bon, c'est pas tout ça, mais j'ai aussi du boulot qui m'attend !
Je procède à une profonde inspection de l'étage. Bon sang, qu'est-ce que j'aurais donné pour pouvoir grandir dans une telle baraque. Malheureusement, la vie n'a pas été aussi clémente avec notre famille.
Je redescends, ni vu ni connu, et m'éclipse à l'extérieur avec tout mon attirail de surveillance. Je dois bien bricoler deux bonnes heures pour installer mes caméras aux endroits stratégiques qui me permettront d'observer ce qui se passe aux alentours. Sait-on jamais que Gabriel ait affaire à un stalker.
La dernière petite machine installée sur la terrasse, à l'étage, je m'affale sur une chaise et jouis de la hauteur de ma position. J'ai vue sur toute la rue depuis mon point d'observation, et me fais remarquer par un passant qui promène son chien. Il me dévisage, l'œil torve, et ralentit sa balade au moment où il passe devant moi. Un problème, mon vieux ? Déjà que celle que je vais devoir coller aux basques m'a l'air bien casse-couilles, si en plus ses voisins commencent à me reluquer comme une bête de foire, je crains que cette mission soi-disant finger-in-the nose ne va pas ménager mes nerfs bien longtemps. Putain, même son chien se met à aboyer, maintenant ! Fait chier ! Je n'aime pas travailler comme ça. On nous délivre d'habitude un dossier complet sur nos clients, retraçant tous les évènements de leur enfance jusqu'à la moindre de leur petite manie. Et là, rien. Je ne savais même pas qui était cette Violet qui me semble une de ses amies les plus proches. Violet Delatour, d'après la carte d'identité que j'ai subtilisée dans son sac à main.
Avant de redescendre, j'extirpe mon portable de ma poche et compose le numéro d'Andre.
— Salut, « Nanny », comment se passe le baby-sitting ?
— Fous-moi la paix. J'ai besoin que tu effectues des recherches pour moi.
— Déjà ? Je pensais que tu serais en train de te la couler douce devant la TV, pizza à la main.
Si seulement...
— J'ai besoin de plus d'informations sur ma cliente. Trouve-moi ce que tu peux sur Violet Delatour. Et vite, si possible.
— Parce que tu as tellement à gérer, hein, rétorque-t-il, la voix pleine d'ironie.
— Ouais, c'est ça. J'ai installé toutes les caméras, je les active dans six minutes, envoie-moi un message dès tu as toutes les images sur ton écran.
— Ça marche.
— Merci.
Je m'apprête à raccrocher, lorsqu'il m'interpelle une dernière fois.
— Mika.
— Quoi ?
— Comment ça s'annonce ?
J'expire avec force, en marquant un temps avant de lui répondre dans un marmonnement.
— On verra ce soir. Pour le moment, elle s'est barrée je ne sais où en m'ignorant complètement.
Je l'entends éclater de rire à l'autre bout du fil. Le connard ! Ça l'amuse.
— Je vois qu'elle commence déjà à faire des siennes. De ce qu'a laissé entendre Skylar, c'est un sacré cas !
— Qu'est-ce qu'elle a dit ? je m'enquiers, assez curieux, pour le coup.
— Rien, justement !
C'est bien ce que je pensais. Ça ne ressemble pas à notre boss de descendre un client, tant que la mission n'est pas terminée du moins. Professionnelle jusqu'au bout, même avec ses collègues.
— Te laisse pas dépasser par une gamine, vieux. Allez, bonne chance.
Il a raccroché, et moi, je fulmine. Me laisser dépasser par une gamine, c'est exactement ce qui s'est passé, ce matin. Je suis relativement calme de nature, mais il ne faut pas me pousser à bout. À son retour, elle va m'entendre, cette petite !
En un saut gracieux, j'atterris près de la porte d'entrée, et retourne à l'intérieur de la maison. Violet est toujours plongée dans ses bouquins, si concentrée qu'elle n'a même pas entendu la porte se refermer derrière moi. J'en conclus qu'il est peu probable qu'elle soit au courant des menaces qui planent sur son amie. Je monte, me rends dans la chambre qui m'est à présent destinée, pour me débarrasser de mes fringues et commencer ma séance de pompes. J'ai le temps, alors j'enchaîne abdos et squats, avant de m'écrouler au sol, jambes et bras écartés, en fixant le plafond pendant de longues minutes.
Ça m'emmerde.
Cette situation m'emmerde. Je n'aurais pas dû accepter cette mission bidon. Tout ça pour quoi ? Pour me prouver que je peux continuer à travailler avec Skylar sans que la vie de quiconque ne soit en danger ? J'imagine que c'est sa façon à elle de me guérir. Une fois de plus. Mais elle en a assez fait. Je n'aurais pas dû accepter, je n'ai pas besoin d'elle pour avancer, merde !
J'ai retrouvé le chemin de la droiture, en me remémorant les prêches dominicaux des prêtres durant les messes auxquelles je me rendais. Toute cette histoire de miséricorde et de pardon divin m'a réconcilié avec mes méfaits, et j'ai pas mal réfléchi au tournant que je veux maintenant faire prendre à ma vie. Malheureusement pour moi, je suis un homme de principes : quand je donne ma parole, je la tiens. On m'a souvent reproché d'être trop rigide sur certains points, mais c'est ce qui fait ma rigueur et la qualité de mon travail. Je suis comme ça, je n'ai pas eu le choix de l'être. File droit ou crève, tel a été le fil conducteur de ma vie. Et pourtant... Le Seigneur m'a fait payer cette pseudo droiture de la plus significative des manières.
L'eau de la douche qui a longtemps coulé sur ma peau m'a fait un bien fou. En déplorant la serrure inexistante de la salle de bain, je retourne encore à poil dans ma chambre et extirpe de mon sac des fringues propres que j'ai réussi à dégoter dans le fouillis de mon armoire. Tee-shirt extra large des Beatles, avec la gueule de chacun des membres dessinée dessus à coup d'éclats de peinture. C'est censé être artistique. Enfin, je crois. Le short sans couleur que j'enfile n'est pas plus seyant, mais je m'en branle. Je suis censé jouer le sans-abri, après tout.
Lorsque je descends, je ne suis pas surpris de trouver la jeune Violet dans la même position qu'il y a deux heures, au-dessus de ses livres. Je lui propose de manger et nous réchauffe un des innombrables Tupperwares qui emplissent le frigo. Elle est gentille et agréable, je commence à l'apprécier, cette petite.
En fin d'après-midi, je reçois un mail avec les informations que j'ai demandées à Andre.
Violet Delatour. Dix-neuf ans.
Fille de Hugh et Bridget Delatour, et sœur de Margareth.
Lieu de naissance : Brighton.
Dirigeant leur propre entreprise dans l'évènementiel, la Delatour Entertainment, ses parents se sont expatriés à Hollywood il y a deux ans, l'entraînant dans leur déménagement à Los Angeles. Violet fréquente la South-California University en communication et journalisme, tout comme Gabriel, et bénéficie bel et bien d'une chambre sur le campus. Depuis son plus jeune âge, ses notes ont toujours été excellentes et aucun casier judiciaire n'entache son parcours.
Irréprochable, donc.
Andre m'a envoyé quelques photos d'elle en supplément. Je clique sur l'icône et agrandis la fenêtre. Son allure austère n'a pas évolué, c'est le cas de le dire. Sur certains clichés, elle pose avec son petit ami d'Angleterre. Par contre, le fichier suivant me surprend. Elle est allongée sur un transat en maillot de bain, se cachant le visage pour éviter qu'on ne la reconnaisse. Andre m'a laissé un petit mot à côté de l'image : Volée sur le Facebook d'un de ses vieux amis, elle a de la ressource, la petite.
Le con !
Je ne sais pas de quand date la photo, mais j'avoue que pour une gamine, elle est plutôt bien roulée. Je détaille ses courbes généreuses, avant de me faire surprendre par un ronronnement que je ne connais que trop bien. Une Jeep à l'arrêt devant la maison. Je baisse l'écran de mon ordinateur portable et sors de ma chambre pour ouvrir la porte d'entrée, furax.
La petite morveuse descend du véhicule, avec toujours cette expression de dédain sur le visage, et salue le conducteur d'un simple signe de la main. Il est le premier que je détaille à travers les vitres de la bagnole. Il est brun, plutôt beau gosse, mais m'apparaît un peu plus vieux que Gabriel. De la façon dont il la reluque, il ne doit pas lui être indifférent. Je retourne à l'intérieur et la toise lorsqu'elle passe le pas de la porte. Le visage à peine tourné dans ma direction, son sourcil méprisant est levé quand elle rejoint son amie sans m'accorder un mot.
— Salut, Violet ! Bien étudié ?
Celle-ci relève la tête en fronçant les sourcils.
— Oui.
— Tu aurais vraiment dû venir avec nous, on s'est éclatés ! Il m'a emmenée voir Liam et Obi, tu sais ses meilleurs potes, et on a...
— Gabriel, je l'interromps, tentant tant bien que mal de me contenir.
Elle s'arrête de parler et se tourne à peine vers moi.
— Quoi ? crache-t-elle, comme si je n'étais qu'une nuisance dont elle peine à supporter la présence.
Je m'avance et m'impose à elle de toute ma stature, la forçant à me faire face et me considérer avec un minimum de respect. Il n'y a pas à dire, cette fille est toute petite. Je pourrais briser son humérus à l'aide de ma simple poigne. Elle ne lève même pas le visage vers moi, seules ses pupilles sont fixées à mon regard à travers ses très longs cils, en poils surement extirpés du cul d'un animal. Je ne remarque leur teinte claire qu'à présent qu'ils ne sont qu'à un mètre de moi. Du gris, ou du vert, peut-être.
Peu importe, je me réveille de ma contemplation et lui fais un signe de tête vers l'étage, afin de pouvoir discuter avec elle en toute tranquillité.
— Dis-moi ce que tu as à me dire ici, j'ai pas envie de monter.
Bordel, j'enrage ! Il va sérieusement falloir qu'elle change sa façon de s'adresser à moi, si elle ne veut pas que je la laisse se faire canarder par le débile qui en veut à son argent. Enfin, à celui de son père.
— Il faut qu'on parle. En privé, grogné-je en tentant de paraître le plus menaçant possible sans élever la voix.
— Je n'ai aucun secret pour Violet, je comptais de toute façon lui dire que le vieux avait engagé un garde du corps.
Son amie relève la tête vers nous, les yeux ronds.
Et merde ! Cette petite idiote vient de griller ma couverture.
— Pas la peine de gonfler les narines, elle l'aurait découvert de toute façon. Hey, ce gros, là, c'est mon nouveau garde du corps, s'exclame-t-elle à l'attention de Violet. Tu y crois, ça ? Je pensais qu'il fallait un minimum de condition physique pour pouvoir être performant là-dedans, moi !
Alors là, je suis décontenancé. Elle n'est pas vite gênée de parler de moi comme ça, alors que je suis juste là ! Violet est tout aussi surprise, mais pour une raison bien différente.
— Un garde du corps ? Lui ? Mais... pourquoi ?
Je dois serrer la mâchoire pour ne pas insulter Gabriel, qui hausse les épaules.
— Il y a un gars qui m'en veut. Il m'a envoyé des menaces et veut m'utiliser pour faire chier le vieux, je suppose. Du coup, Dewei a m'a collé un garde du corps sur le dos.
Elle se retourne vers moi, moqueuse.
— Et quand je vois ce qu'ils m'ont envoyé, ma théorie sur le fait qu'il se fout en réalité complètement de ma sécurité me semble avérée.
— Ah ouais ? je gronde, faisant gonfler ma poitrine.
— Tu as quoi, quarante ans ? Et vu ta corpulence, je ne vois pas comment tu pourrais courir après le moindre bonhomme qui aurait le cran de me kidnapper. Tu n'as même pas pu me rattraper, lorsque je suis montée dans la voiture de Ian.
Mais d'où lui viennent ces idées? Et puis, je n'ai pas quarante ans ! Je le savais, c'était une très mauvaise idée de me faire déposer par Alexia, j'aurais dû venir par mes propres moyens.
— Il ne manquerait plus que je coure derrière une voiture parce la sale petite gamine que tu es ne prend pas conscience du danger qui la guette.
Je fais un pas menaçant vers elle, qui ne cille pourtant pas le moins du monde.
— J'ai été engagé pour couvrir tes arrières. Que ça te plaise ou non, tu vas devoir vivre sous MES règles, à présent. Fini les virées improvisées. Fini le comportement inconscient que tu as eu ce matin en te barrant avec le premier venu. Où que tu ailles, j'irai, l'air que tu respires, je le respirerai, le sol que tu fouleras, je le foulerai. À partir d'aujourd'hui, considère-moi comme ton ombre.
Elle croise les bras sur sa poitrine et me toise de haut en bas, ce satané sourcil toujours levé.
— Et si je refuse ?
— Si tu refuses, je ne vais pas me rendre malade à essayer de te protéger. Je démissionne et te laisse à ton sort. L'entreprise pour laquelle je travaille t'enverra certainement un nouveau garde du corps, qui, je te l'assure, sera moins conciliant que moi. Ou peut-être que ton père se passera de nos services, et dans ce cas, advienne que pourra.
À l'énonciation de cette dernière éventualité, Gabriel se raidit. Son sourcil moqueur est cette fois froncé. Il semblerait que j'aie touché une corde sensible. Résignée devant mon irritation, elle hausse les épaules et détourne le regard vers Violet, dont les yeux ressemblent à deux grosses soucoupes.
— Fais-moi part de ta décision ce soir, tranché-je sèchement, pour ensuite lui tourner le dos et remonter dans ma chambre.
Harceleur en anglais.
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