Le lendemain,  le soleil perçait timidement à travers les rideaux du salon lorsque Théo émergea de son sommeil, la joue collée au canapé et une étrange sensation de tiraillement sur la lèvre supérieure. Il tâtonna son visage et sentit... quelque chose de rugueux. Un frisson d'angoisse le traversa. Il se leva en sursaut, courut jusqu'à la salle de bain et se planta devant le miroir.

Une moustache parfaitement dessinée au feutre noir indélébile trônait sous son nez.

— « ARTHUUUUUR ! » hurla-t-il, réveillant probablement tout le quartier.

*Arthur et le Grille-Pain du Futur*

En arrivant dans la cuisine, Théo découvrit Arthur, lunettes de natation sur le nez, un tournevis dans une main et un grille-pain ouvert en deux dans l'autre. Des câbles électriques pendaient de l'appareil comme les tentacules d'une pieuvre électronique.

— « Arthur ! Qu'est-ce que tu fais avec le grille-pain ?! »

Arthur poussa ses lunettes sur son front et répondit, très sérieusement :

— « Je fabrique un grille-pain intelligent, tonton. Il pourra prédire la météo grâce à la qualité du pain grillé. »

— « Et... tu crois que c'est une bonne idée de faire ça... AVEC UN TOURNEVIS ET UNE PRISE ÉLECTRIQUE BRANCHÉE ?! »

— « Faut prendre des risques dans la vie, tonton. Einstein l'a dit. »

À cet instant précis, une petite étincelle jaillit du grille-pain, suivie d'une fumée noire inquiétante. Théo attrapa Arthur par le col et le tira en arrière juste avant qu'une mini-explosion ne fasse sauter les plombs de la maison.

— « Nouvelle règle, Arthur : plus jamais, je répète, PLUS JAMAIS, tu ne bricoles d'appareils électriques avant le petit-déjeuner. »

Arthur haussa les épaules, l'air déçu :

— « Dommage. J'avais déjà prévu une version 2.0 avec Bluetooth. »

*Lola et les Pancakes à Forte Valeur Ajoutée*

Dans un coin de la cuisine, Lola était perchée sur un tabouret, carnet de notes en main et stylo prêt à signer des contrats imaginaires. Devant elle, une poêle fumante et une montagne de pâte à pancakes.

— « Tonton Théo, si tu veux des pancakes, il va falloir négocier. »

— « Lola... tu as cinq ans. Pourquoi est-ce que chaque interaction avec toi ressemble à un entretien d'embauche ? »

— « Clause numéro 1 : chaque pancake préparé mérite une prime de 1 dollar. Clause numéro 2 : si le pancake est brûlé, le client paye quand même. Clause numéro 3 : interdiction formelle de mentionner que 'c'est la crise'. »

Théo posa les mains sur ses hanches et prit un air sérieux :

— « Et si je refuse de signer ton contrat, mademoiselle ? »

Lola croisa les bras et déclara :

— « Alors, pas de pancakes pour toi, et tu manges les céréales 'Goût Brocoli Surprise' qu'Arthur a inventées hier soir. »

Théo blêmit.

— « Très bien. Deux pancakes. Pas un de plus. »

— « Marché conclu. »

*Zoé, Agent Secret à Temps Plein*

Zoé, quant à elle, était postée près de la fenêtre avec des jumelles en plastique bleues et un carnet de notes dans lequel elle griffonnait frénétiquement.

— « Agent Z à base, ici poste d'observation Alpha. Suspect repéré. Voisin en pantoufles suspectes, répétons, pantoufles suspectes. »

Théo s'approcha, visiblement épuisé.

— « Zoé, qu'est-ce que tu fais ? »

— « Je surveille les voisins, Tonton. Quelque chose se trame. Il est sorti chercher son journal deux fois en une heure. DEUX FOIS. Personne ne lit autant les nouvelles. »

— « Zoé, est-ce que tu pourrais arrêter de terroriser le voisinage et venir manger ton petit-déjeuner ? »

— « Mission compromise. Repli stratégique. »

Elle replia ses jumelles, tira les rideaux avec un geste dramatique et se glissa à table avec un soupir exagéré.

*Tom, la Crêpe Vivante*

Et puis, il y avait Tom. Ou plutôt, un petit être gluant, brillant et sucré qui ressemblait vaguement à Tom. Il était assis sur le sol de la cuisine, les cheveux collés contre son front, les vêtements trempés de sirop d'érable et une expression de pure extase sur le visage.

— « JE SUIS UNE CRÊPE ! » hurla-t-il en levant les bras au ciel.

Théo écarquilla les yeux.

— « Comment... QUAND... POURQUOI ?! »

Tom roula par terre, laissant une traînée collante derrière lui.

— « C'est trop tard, Tonton. Je suis devenu un avec le petit-déjeuner. »

Théo prit une grande inspiration, passa une main sur son visage (ou plutôt sur sa moustache dessinée au feutre) et déclara :

— « STOP ! Ça suffit ! Nouvelle règle : désormais, le petit-déjeuner, c'est des céréales. UNIQUEMENT DES CÉRÉALES. »

Un silence glacial s'abattit sur la cuisine. Les enfants le fixèrent avec des yeux ronds, comme s'il venait de dire qu'ils allaient tous déménager sur la Lune.

— « DES CÉRÉALES ?! » hurla Lola.

— « Révolte ! » cria Arthur.

— « Agent Z demande renforts immédiats. » ajouta Zoé en se jetant derrière une chaise.

— « JE SUIS UNE CRÊPE RÉSISTANTE ! » hurla Tom avant de s'élancer vers Théo, les bras ouverts et dégoulinants de sirop.

Quarante minutes plus tard, la cuisine ressemblait à une zone sinistrée. Des pancakes collaient au plafond, du sirop s'infiltrait entre les carreaux du sol, et une fumée noire persistait autour du grille-pain.

Au milieu du chaos, Théo s'assit sur une chaise, une boîte de céréales à la main.

— « Très bien. Demain matin, je vais vous préparer le plus grand festin de pancakes que vous ayez jamais vu. Mais aujourd'hui... aujourd'hui, on va tous manger des céréales. »

Les enfants, épuisés par leur propre rébellion, finirent par s'asseoir autour de la table.

Tom, toujours collant, regarda sa cuillère et déclara :

— « C'est moins drôle qu'être une crêpe... »

Théo éclata de rire, bientôt rejoint par le reste des enfants.

Le Petit-Déjeuner de l'Enfer était terminé, mais une chose était certaine : demain matin ne serait pas plus calme.