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Théo était affalé sur son canapé en cuir, un monument d'usure qui grinçait à chaque mouvement. Devant lui, une pizza froide en équilibre précaire sur son ventre et une télécommande dans la main droite. Il enchaînait les épisodes d'une série Netflix qu'il n'avait pas choisie par passion, mais parce que l'effort de chercher autre chose semblait surhumain.
Le téléphone vibra sur la table basse. Il le fixa un instant, hésitant à répondre, espérant secrètement qu'il s'éteindrait par magie. Mais l'écran persistait :
— Clara (Appel entrant)
Théo souffla bruyamment, fit une pause dramatique comme s'il jouait dans un film d'action, et décrocha.
— « Allô, Clara ? »
— « Théo ! Écoute-moi bien, c'est une urgence. »
— « Qui est mort ? Toi ? Moi ? Attends... les pizzas vont être interdites ?! »
— « Non, imbécile ! Écoute-moi. J'ai été appelée pour une mission humanitaire. Une semaine, Théo. Une seule semaine. »
— « Oh, génial, bonne chance alors ! Allez, salut ! »
— « Attends ! Théo, tu vas devoir t'occuper des enfants. »
Un silence tomba. Le genre de silence lourd, gênant, presque sacré.
— « Les... quoi ? Les enfants ? Tes enfants ? Les quatre tornades vivantes qui ressemblent à des êtres humains, mais qui ont l'énergie de 18 centrales nucléaires combinées ? »
— « Oui. Arthur, Lola, Zoé et Tom. Tu t'en souviens, non ? »
— « Je m'en souviens très bien... Surtout du jour où Arthur a failli faire exploser ma cafetière. »
— « Ils sont adorables ! Et puis, tu es leur oncle préféré. »
— « Je suis leur seul oncle, Clara. Ça ne compte pas. »
— « Détail. Tout est prêt, il y a une liste de règles collée sur le frigo. Tu n'as qu'à suivre les instructions. Et respire, ce sont juste des enfants. »
— « Des enfants ? Clara, ce sont des mini-tsunamis avec des jambes. »
— « Théo, je dois y aller. Merci. Je t'aime. Bonne chance. »
Et comme un ninja des temps modernes, Clara raccrocha, laissant Théo seul avec ses angoisses existentielles.
Il resta assis, le téléphone à l'oreille, la pizza froide tombant au ralenti sur le tapis.
Quelques heures plus tard, Théo était devant la maison familiale. Une petite valise à la main, un sac de chips XXL sous le bras, et une expression de condamné à mort sur le visage.
— « Allez, Théo. Une semaine. Sept jours. Cent soixante-huit heures. Tu peux le faire. »
Il frappa à la porte, hésitant entre un coup ferme et un petit toc-toc nerveux. Pas le temps de décider : la porte s'ouvrit avec fracas et un petit projectile de trois ans, Tom, se jeta sur sa jambe en hurlant :
— « TONTON THÉO !!! »
Le chocolat étalé autour de sa bouche formait une sorte de masque tribal, et ses petites mains collaient aux vêtements de Théo.
— « Salut, Tom... euh... tu m'as manqué. Et aussi, tu es incroyablement collant. »
Lola apparut derrière son frère, les bras croisés et l'air sévère.
— « Tonton Théo, tu es en retard. La ponctualité, c'est important. »
— « Oui, bon, désolé... madame la directrice du temps universel. »
Arthur descendit les escaliers, portant un tablier taché et des lunettes de sécurité.
— « Tonton, bienvenue dans mon laboratoire. N'entre pas sans autorisation, et ne touche surtout pas à mes bocaux. »
Zoé arriva ensuite, un carnet à la main et une loupe géante sur un œil.
— « Agent Z prête pour l'infiltration. L'adulte a pénétré le périmètre sécurisé. »
Théo regarda autour de lui. Le salon était un chaos organisé : des jouets jonchaient le sol, un coussin pendait bizarrement du lustre, et une tour de Lego vacillait dangereusement près du canapé.
— « Bon. Tout va bien. Vous êtes quatre petits humains, et moi je suis... un adulte. Je gère. »
Les Règles Sacrées du Frigo
Théo se dirigea vers le frigo, où une feuille A4 était scotchée avec du ruban adhésif fluorescent.
RÈGLES DE SURVIE POUR TONTON THÉO :
1. Arthur ne doit JAMAIS toucher aux câbles électriques. Jamais. (Non, même pas pour voir ce que ça fait.)
2. Ne négocie pas avec Lola après 21h. Elle devient plus redoutable qu'un avocat en pleine plaidoirie.
3. Zoé ment tout le temps. Même quand elle dit qu'elle ment. Surtout quand elle dit qu'elle dit la vérité.
4. Tom est mignon, mais imprévisible. Surveille toujours ses mains. Toujours.
5. Heures des repas : 18h. Bain : quand ils sentent mauvais. Coucher : 20h. Bonne chance.
Théo prit une grande inspiration.
— « OK. Facile. Une liste, des règles, des enfants. Rien de compliqué. »
— « Tonton ! Tom vient de libérer le poisson rouge dans le bain ! » cria Zoé depuis le couloir.
— « QUOI ?! »
Théo se précipita vers la salle de bain. Tom était accroupi près de la baignoire, une télécommande de bateau-jouet à la main. Au milieu de l'eau, flottait Pépito, le poisson rouge, en état de choc absolu.
— « Tom... pourquoi le poisson est-il dans le bain ? »
— « Parce qu'il avait l'air triste dans son bocal. Et maintenant, il est capitaine du bateau. »
Zoé ajouta, le plus sérieusement du monde :
— « Je crois qu'il essaie de s'évader. »
Théo s'assit lourdement sur le rebord de la baignoire, tenant sa tête dans ses mains.
— « Une semaine. Une toute petite semaine. Clara, pourquoi m'as-tu fait ça... »
Tom haussa les épaules et éclaboussa joyeusement l'eau, tandis que Zoé prenait des notes dans son carnet.
La première journée s'annonçait longue... très longue. Et quelque part, Théo le savait : il n'avait encore rien vu.
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